Cour d'appel de Nîmes, 2e chambre section c, 14 décembre 2023, n° 23/01440

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 2e ch. sect. c, 14 déc. 2023, n° 23/01440
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 23/01440
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 20 décembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01440 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IZPE

CS

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

12 avril 2023 RG :23/00055

[H]

C/

[H]

Grosse délivrée

le

à Me Tartanson

Me Adjedj

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section C

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 12 Avril 2023, N°23/00055

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Novembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Décembre 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [K] [H]

né le 31 Août 1957 à [Localité 3]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représenté par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉ :

Monsieur [R] [H]

né le 18 Février 1956 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Didier ADJEDJ de la SELASU AD CONSEIL AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Statuanr sur appel d’un ordonnance de référé, fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ordonnance de clôture rendue le 30 Octobre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 14 Décembre 2023,

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte de donation partage du 17 octobre 1984 passé par devant Maître [Y], notaire à [Localité 3], M. [R] [H] est devenu propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] sise à [Localité 8], devenue la parcelle [Cadastre 4], M. [K] [H] étant quant à lui devenu propriétaire de la parcelle voisine cadastrée [Cadastre 5], nouvellement cadastrée [Cadastre 6], sur laquelle est édifié un local technique.

Dénonçant l’occupation sans titre dudit local technique, qui est sa propriété exclusive, par l’installation sans autorisation de plusieurs compteurs électriques par M. [R] [H], M. [K] [H], qui se prévaut d’un trouble manifestement illicite, l’a assigné en référé devant le président du tribunal judiciaire de Carpentras pour le voir condamner sous astreinte à supprimer l’ensemble des compteurs visés par le constat du commissaire de justice du 25 avril 2022, outre au paiement d’une indemnité de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé contradictoire du 12 avril 2023, le président du tribunal judiciaire de Carpentras a :

— rejeté la demande d’enlèvement des compteurs litigieux présentée par [K] [H],

— dit n’y avoir lieu à référé,

— laissé les dépens à la charge de [K] [H] et l’a condamné à payer à [R] [H] une indemnité de 800 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 25 avril 2023, M. [K] [H] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 1er septembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [K] [H], appelant, demande à la cour, de :

— réformer l’ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Carpentras le 12 avril 2023 en toutes ses dispositions,

— constater que M. [R] [H] ne dispose d’aucun droit ni d’aucune servitude de quelle que nature que ce soit au travers du local technique, propriété exclusive de [K] [H], situé sur la parcelle [Cadastre 5], [Adresse 1].

En conséquence, confronté à ce trouble manifestement illicite, au visa de l’article 835 du code de procédure civile,

— condamner M. [R] [H] à supprimer l’ensemble des compteurs ci-dessous énoncés situés dans le local technique, propriété exclusive de M. [K] [H], et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard, dans un délai de dix jours à compter de l’arrêt à intervenir, à savoir les compteurs suivants :

— un premier compteur de marque LINKY avec un chiffre 10 écrit à la main portant le n° PMR 25835890012085 ;

— un deuxième compteur de marque LINKY avec un chiffre 361 écrit à la main portant le n° PMR suivant : 25818668594272 ;

— un troisième compteur de marque ACTARIS avec un chiffre 8 écrit à la main portant le n° PMR 03112822269588 ;

— un quatrième compteur de marque LINKY avec un chiffre 12 écrit à la main portant le n° PMR 25818379158668 ;

— un cinquième compteur de marque LINKY avec un chiffre 10 écrit à la main portant le n° PMR 25836324165432 ;

— un sixième compteur de marque SAGEM sur le mur exposé Nord-Ouest à proximité du compteur ayant fait l’objet d’un branchement portant le n° 2001 NR 020122 190353 62 affichant un index heures creuses de 031325

— condamner M. [R] [H] à verser à M. [K] [H] la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de son appel, M. [K] [H] fait valoir l’existence d’un trouble manifestement illicite par l’atteinte au droit de propriété puisqu’il n’y a eu aucun accord après la donation-partage pour installer les branchements sur sa propriété.

Il explique que l’acte de donation-partage ne prévoit aucune servitude qui affecte la totalité de son local technique, et qu’une tolérance, eu égard aux relations familiales entre frères, ne constitue en aucune manière une prescription acquisitive qui peut être paisible, publique et non équivoque. Il reproche aux premiers juges d’avoir fait une confusion entre la notion de prescription et de tolérance.

M. [R] [H], en sa qualité d’intimé, par conclusions en date du 29 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, et des dispositions de l’article 694 du code civil, de :

— confirmer la décision entreprise en tous ses points,

En conséquence,

— débouter M. [K] [H] de l’ensemble de ses demandes,

Reconventionnellement,

— condamner M. [K] [H] au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. [K] [H] en tous les dépens, de première instance et d’appel.

A l’appui de ses écritures, M. [R] [H] se prévaut de l’existence d’un accord parfait entre les parties, et en tout état de cause, qu’il est en droit de se prévaloir d’une prescription.

Il expose que M. [K] [H] ne démontre pas l’existence d’un trouble manifestement illicite se prévalant d’un accord parfait entre les parties pour le passage des câbles EDF en commun et invoque à ce titre, une prescription acquisitive. Il explique que M. [K] [H] a nécessairement donné un accord à ENEDIS pour l’installation des compteurs initiaux, mais également, les compteurs LINKY, puisque le procès-verbal de constat réalisé à sa demande fait apparaître la nécessité d’une autorisation spéciale du propriétaire pour que les compteurs soient installés.

Il rappelle que les dispositions de l’article 694 du code civil applicables aux servitudes discontinues prévoient qu’il peut y avoir servitude par destination du père de famille s’il existe des signes apparents démontrant l’intention de l’auteur commun d’asservir un fond à l’autre, et si la convention ayant opéré la division ne contient aucune stipulation contraire au maintien de la servitude. Tel est le cas en l’espèce, puisqu’il existait des signes apparents de cette servitude étant donné que les travaux ont été initiés antérieurement et les demandes d’autorisation diverses ont été faites, dès avant le partage.

La clôture de la procédure est intervenue le 30 octobre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 6 novembre 2023 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite :

Aux termes du premier alinéa de l’article 835 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Relevant l’accord des parties pour l’installation des compteurs dans le local litigieux et pour l’usage commun des ces derniers, le premier juge a fait le constat de l’existence d’une difficulté sérieuse faisant échec à la demande de suppression desdits compteurs dans le local appartenant à M. [K] [H] et a dit n’y avoir lieu à référé.

A titre liminaire, il sera constaté que l’ordonnance entreprise a rejeté la demande présentée par l’appelant sur le constat d’une difficulté sérieuse.

Or, l’existence d’une contestation sérieuse ne prive pas le juge de la possibilité d’ordonner des mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite tel qu’il est défini à l’article 835 al 1er du code de procédure civile.

L’examen du litige suppose donc la recherche uniquement d’un trouble manifestement illicite.

A titre de rappel, le trouble manifestement illicite peut se définir comme « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ». L’illicéité résulte de la méconnaissance d’une norme juridique obligatoire dont l’origine est délictuelle ou contractuelle.

L’appelant affirme que la présence de compteurs dans un local lui appartenant et sans aucune autorisation de sa part constitue une atteinte à son droit de propriété caractérisant un trouble manifestement illicite justifiant l’enlèvement desdits compteurs. L’intimé oppose quant à lui l’existence d’un accord parfait entre les parties, et en tout état de cause, une prescription acquisitive.

Au cas d’espèce, il résulte d’un procès-verbal de constat établi le 25 avril 2022 par Me Bertrand-Cadi à la demande de l’appelant que la parcelle [Cadastre 6] comporte une petite construction abritant cinq compteurs de marque Linky et un compteur de marque Sagem qui alimentent le local commercial à l’enseigne « Rent a car » situé sur la parcelle voisine propriété de M. [R] [H] (pièce2- appelant).

La présence de compteurs ouverts bénéficiant à M. [R] [H] situés dans le local appartenant à M. [K] [H] n’est prévue par aucun titre.

La propriété de M. [K] [H] et de M. [R] [H] des parcelles litigieuses résulte de l’acte de donation-partage du 17 octobre 1984 passé par devant Maître [Y], qui ne prévoit en effet aucune servitude grevant le fonds de M [K] [H] au bénéfice du fonds appartenant à son frère, M. [R] [H].

Ceci étant, les parties ont exploité pendant plusieurs années une activité sous forme de société de fait et ont officialisé la situation par la création le 17 janvier 1989 d’une Sarl dénommée « Chalets [H] » exploitant une activité de menuiseries sur les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 5] appartenant aux parties. Le 28 juillet 2000, les parts de la société ont été cédées par M. [K] [H] au profit de M. [R] [H].

Dans le cadre de cette activité, la société «Chalets [H] Frères [R] et [K] » a déposé le 6 septembre 1984 un permis de construire prévoyant, entre autre, l’édification d’un local abritant des compteurs électriques destinés au raccordement des différents immeubles (logements et magasins) situés sur les deux parcelles.

Au cours de l’année 1984 , EDF-GDF a adressé plusieurs courriers à la société « Chalets [H] » ou à Messieurs [H] [K] et [R] concernant « l’extension du réseau et 8 branchements particuliers » afin d’en prévoir les modalités.

Enfin, par courrier daté du 19 octobre 1984, M. [K] [H] au nom de la société Chalets [H] confirme la réalisation de travaux intérieurs nécessaires à la liaison au réseau.

Il s’ensuit que l’édification du local et l’installation de huit compteurs électriques sont anciennes pour dater de 1984. Dans l’acte de cession des parts, M. [K] [H] n’a nullement sollicité la suppression de ces compteurs situés dans le local qui est sa propriété.

S’il n’entre pas dans les compétences du juge des référés, juge de l’évidence, de retenir qu’un possesseur bénéficie de l’usucapion trentenaire, et de dire s’il existe une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire, il lui est possible de constater que les compteurs litigieux sont présents dans le local, propriété de M. [K] [H], depuis 1984.

Au regard de ces éléments, il apparaît que l’intimé se prévaut d’une prescription acquisitive, dont l’examen approfondi des éléments constitutifs conduirait à s’immiscer dans un contentieux de fixation des droits, dont l’appréciation relève des seuls juges du fond.

Dès lors, vu les éléments susvisés, il y a lieu de considérer qu’il n’est pas rapporté, la preuve du caractère manifestement illicite du trouble invoqué et justifiant la compétence du juge des référés, juge de l’évidence.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée sur le constat de l’absence de caractérisation d’un trouble manifestement illicite par motifs substitués.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

En cause d’appel, M. [K] [H] , dont les demandes en appel ont été rejetées, sera condamné aux dépens.

L’équité commande de le condamner à payer à M. [R] [H] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en référé, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance de référé du 12 avril 2023 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [H] à payer à M. [R] [H] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [H] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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Textes cités dans la décision

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