Cour d'appel de Nouméa, 21 novembre 2013, 12/00427

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nouméa, ch. civ., 21 nov. 2013, n° 12/00427
Juridiction : Cour d'appel de Nouméa
Numéro(s) : 12/00427
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de première instance de Nouméa, 7 octobre 2012, N° 11/80
Textes appliqués :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 septembre 2015, 14-10.978, Inédit
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000028521185
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

290

Arrêt du 21 Novembre 2013

Chambre Civile

Numéro R. G. :

12/ 427

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Octobre 2012 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no 11/ 80)

Saisine de la cour : 22 Octobre 2012

APPELANTE

LA SOCIETE DES PROPRIETES FAMILLE X…, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Dont le siège social est sis Lieudit l’Ermitage-98835 DUMBEA

représentée par Me Marc BERNUT, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

M. Willy Y…

né le 20 Juillet 1960 à TANNA-VANUATU

demeurant …

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 89 du 29/ 04/ 2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NOUMEA)

Mme Ruth Z… épouse Y…

née le 10 Juin 1963 à TANNA VANUATU

demeurant …

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 89 du 29/ 04/ 2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NOUMEA)

Tous deux représentés par Me Céline DI LUCCIO, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Octobre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,

Mme Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,

M. Régis LAFARGUE, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Yves ROLLAND, Président de Chambre.

Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

— contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

— signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Cécile KNOCAKERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE.

Aux termes d’un contrat sous seing privé en date du 01/ 04/ 2003 la société « Société des Propriétés Famille X…» (la société), prise en la personne de son gérant en exercice M. Maurice X… donnait à bail « à usage d’exploitation agricole » à M. Willy Y… et Mme Ruth Z…, son épouse, « demeurant ensemble à Dumbéa, lot 37 bis, RT1, la pépinière, lieu-dit l’Ermitage (BP 174 GA Dumbéa) », un terrain « d’une superficie de 1 ha constituant une partie du lot no 67 situé à gauche de la route territoriale no 1 au lieu-dit l’Ermitage, sur la commune de Dumbéa » moyennant un loyer mensuel de 40 000 F CFP.

Par acte d’huissier du 8 février 2010 visant la clause résolutoire contractuelle, la société faisait commandement aux époux Y… « exploitant antérieurement le lot no 67 de la route territoriale no 1 lieu-dit l’Ermitage, commune de Dumbéa et demeurant sur la commune de Dumbéa, au lieu-dit l’Ermitage, lot no581 », d’avoir à payer la somme de 1 880 000 F CFP de loyers impayés.

Ceux-ci répondaient dans l’acte : « Par courrier du 15 novembre 2007, dont copie ci-jointe, M. X… m’informait que je devais quitter la parcelle que je lui louais pour mai 2008. Cependant, j’étais parti bien avant car il m’était impossible d’exploiter le terrain parce que M. X… me causait trop de problèmes. Je ne suis donc plus locataire depuis mai 2008… ».

Puis par acte d’huissier du 14 avril 2010, la société faisait signifier aux époux Y… « exploitant antérieurement le lot no 67 de la route territoriale no 1 lieu-dit l’Ermitage, commune de Dumbéa et demeurant sur la commune de Dumbéa, au lieu-dit l’Ermitage, lot no37 pie » une « sommation de déguerpir » leur faisant injonction « d’avoir sans délai à vider les lieux qu’ils occupent sans droit ni titre à l’adresse indiquée ci-dessus précisément le lot no 37 pie section l’Ermitage-Tonghoué, morcellement Joubert ».

Les époux Y… ayant refusé cette sommation, la société saisissait le président du tribunal de première instance de Nouméa en référé qui, par ordonnance rendue le 21 juillet 2010, la déboutait de sa demande, décision confirmée par arrêt de la cour d’appel de Nouméa en date du 18 octobre 2010.

Par requête introductive d’instance signifiée le 13 janvier 2011, la société saisissait alors le tribunal de première instance de Nouméa à l’effet d’obtenir :

qu’il soit jugé que les époux Y… occupent sans droit ni titre « le lot no 37 pie de la section l’Ermitage, situé sur la commune de Dumbéa » ;

leur expulsion ainsi que celle de tout occupant de leur chef au besoin avec l’aide de la force publique ;

leur condamnation à lui payer 40 000 F CFP par mois d’indemnité d’occupation « à compter du 14 avril 2010 date de la sommation de déguerpir » ;

l’exécution provisoire ;

leur condamnation à lui payer 100 000 F CFP en application de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie outre les dépens.

Les époux Y… demandaient à la juridiction de « débouter la société de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ».

C’est dans ces conditions que par jugement rendu le 8 octobre 2012, le tribunal de première instance de Nouméa statuait en ces termes :

« Dit que les époux Y… occupent le lot 37 ou le lot 37 pie de la section Ermitage à Dumbéa appartenant à la société des propriétés famille

X…

selon un bail verbal intervenu entre les parties en novembre 1998 ;

Dit que cette autorisation a été donnée à titre gratuit ;

Déboute la société de toutes ses demandes ;

La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux lois régissant l’aide judiciaire ;

Fixe à six unités de valeur la rémunération de l’avocat désigné au titre de l’aide judiciaire totale ».

PROCÉDURE D’APPEL

Par requête reçue au greffe le 22 octobre 2012, la société interjetait appel de cette décision.

Aux termes de son mémoire ampliatif du 3 décembre 2012 et de ses conclusions en réponse du 4 avril 2013, écritures auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et des moyens présentés à leur appui, la société conclut à l’infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré et demande à la cour qu’il lui soit « donné acte de ce qu’elle reprend l’intégralité de ses demandes de première instance » et en conséquence, de :

dire que les époux Y… sont « occupants sans droit ni titre du lot no 37 pie de la section l’Ermitage, commune de Dumbéa, appartenant à la société des propriétés famille

X…

» ;

ordonner en conséquence leur expulsion et celle de tout occupant de leur chef dès le prononcé de l’arrêt à venir si besoin est avec l’assistance de la force publique ;

les condamner à lui payer une indemnité d’occupation de 40 000 F CFP par mois à compter du 14 avril 2010, date de la sommation de déguerpir ;

les condamner également au dépens de première instance et d’appel.

Elle fait principalement valoir au soutien de sa demande que :

— La décision déférée est « inepte » et « stupide », « heurte à la fois le bon sens et le droit » et est le signe d’une totale incompréhension par le premier juge des faits et circonstances de la cause, sa motivation contraire « à la loi et à la jurisprudence relative à la matière » étant totalement erronée ;

— En ce qui concerne le lot occupé actuellement sans droit ni titre par les époux Y…, il ne peut s’agir que du lot 37 pie de la section Ermitage, commune de Dumbéa car :

elle produit la copie d’une lettre du secrétaire général de la commune de Dumbéa en date du 19 janvier 2011 avec ses annexes et un procès-verbal de constat établi le 1er septembre 2011 dont il résulte que le lot occupé est bien le 37 pie et non le lot 37 ou le lot 37 bis ;

M. Y… a lui-même reconnu dans sa réponse au commandement de payer du 8 février 2010 « qu’il avait dû quitter le lot 37 bis de la section l’Ermitage objet du bail à usage d’exploitation agricole qu’il avait conclu le 1er avril 2003 car il ne payait plus son loyer » ;

l’attestation d’abonnement à la Calédonienne des Eaux du 12 novembre 1998 ne mentionne que le lot 37 de la section Ermitage et à aucun moment ne fait mention du lot 37 pie ;

en aucun cas un tel document ne prouve l’existence d’un bail entre les parties, le contrat de bail, qu’il soit écrit ou verbal, comportant nécessairement quatre éléments dont les notions de durée et de loyers ;

— Il se déduit des pièces du dossier que les époux Y… n’ont occupé le lot 37 pie de la section Ermitage « qu’après avoir été contraints à quitter le lot 37 bis, objet du bail à usage agricole conclu en 2003 qu’ils ont dû quitter subrepticement faute de pouvoir payer leur loyer ».

***

Dans leur mémoire en réponse reçu le 12 mars 2013, écritures auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et des moyens présentés à leur appui, les époux Y… concluent à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, au débouté de toutes les demandes de la société, à sa condamnation aux dépens et à la fixation du nombre d’unités de valeur à allouer à leur avocat intervenant dans le cadre de l’aide judiciaire.

Ils font valoir pour l’essentiel que :

— La société tente de créer une confusion dans la détermination de la parcelle litigieuse en faisant croire qu’il existerait deux lots différents, l’un no 37 sur lequel ils auraient bénéficié d’une autorisation d’occupation, l’autre no 37 pie qui serait occupé sans droit ni titre alors qu’il s’agit en réalité du même lot dont la numérotation a manifestement varié en fonction des modifications du plan d’urbanisme de la commune ;

— Ils bénéficient depuis plus de 12 ans d’une autorisation accordée par M. Maurice X…, au nom de la société, pour occuper la parcelle no37, occupation à titre gratuit eu égard au caractère inondable et inconstructible du terrain dont s’agit comme le confirme l’absence de toute demande en paiement d’arriérés de loyer ;

— L’appelante tente aujourd’hui d’obtenir leur expulsion afin de pouvoir vendre l’ensemble de sa propriété libre de tout occupant mais la volonté de la société de disposer de son bien ne peut justifier la méconnaissance des droits dont ils bénéficient.

Les ordonnances de clôture et de fixation sont en date du 23 juillet 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les demandes de la société en première instance comme en appel portent uniquement sur l’expulsion des époux Y… du lot 37 pie de la commune de Dumbéa au motif qu’ils l’occuperaient sans droit ni titre.

Corrélativement les époux Y… se contentent, en première instance comme en appel, de s’opposer à cette demande en contestant que leur occupation soit sans droit ni titre.

Le premier juge a donc statué ultra petita en qualifiant la nature (bail verbal) et les modalités (à titre gratuit) de l’occupation alors que personne ne lui demandait de le faire et de ce seul fait la décision déférée doit être infirmée.

Sur la détermination de la parcelle litigieuse

L’examen des pièces communiquées et les débats établissent que les époux Y… occupent une parcelle appartenant à la société appelante qui, d’après l’attestation du secrétaire général de la commune de Dumbéa et les plans qui lui sont annexés, est classifiée « lot 37 pie, morcellement Joubert, section l’Ermitage ».

Cette parcelle est en « zone d’inondation d’aléas très forts inconstructible », comme les parcelles qui l’entourent, lesquelles supportent néanmoins de nombreuses habitations particulières et lotissements.

Nonobstant les approximations entretenues par la société sur la numérotation de la parcelle sur laquelle sont domiciliés les époux Y…,

dans le « contrat de location à usage d’exploitation agricole » du 1er avril 2003 (« lot 37 bis RT1, lieu-dit l’Ermitage »),

en leur qualité de destinataires du commandement de payer du 8 février 2010 (« au lieu-dit l’Ermitage, lot no 581 »),

ou de la sommation de déguerpir du 14 avril 2010 (« au lieu-dit l’Ermitage, lot no 37pie »),

il n’est pas sérieusement contesté que les intimés ont toujours occupé la même parcelle de terrain et n’ont pas migré d’une parcelle no 37 ou 37 bis à la parcelle litigieuse no 37 pie.

C’est donc animée d’une volonté manifeste de travestir la réalité et de nier l’évidence que la société s’autorise à conclure que les époux Y… ont « quitté subrepticement le lot 67 donné en location à usage d’exploitation agricole » le 1er avril 2003, « pour occuper illégalement le lot no 37 pie situé dans la zone inondable et inconstructible », au mépris des termes particulièrement clairs dudit « contrat de location à usage exploitation agricole » qui domicilient au 1er avril 2003 les époux Y… « lot 37 bis RT1 lieu-dit l’Ermitage ».

Ce dont il se déduit que les locataires du bail agricole n’ont jamais résidé sur la parcelle objet de ce bail, lequel stipulait au surplus que « le terrain susdésigné, objet de la présente location, devra servir exclusivement à l’exploitation agricole de culture maraîchère » tout autre usage, dont l’habitation, étant donc contractuellement prohibée.

Sur la nature de l’occupation.

Outre qu’il résulte des développements qui précèdent que la société était informée en avril 2003 que les époux Y… occupaient une parcelle lui appartenant sans opposition de sa part, ceux-ci produisent une « attestation pour abonnement eau » établie par M. Maurice X…, gérant de la société, aux termes duquel le « propriétaire certifie que le locataire Y… Willy occupera RT1 Ermitage Dumbéa » à la suite du précédent occupant M. A…, ainsi que des reçus établis par la société Calédonienne des Eaux attestant du règlement des factures correspondant à la fourniture d’eau.

Le contrat établi avec la société Calédonienne des Eaux le 12 novembre 1998 au nom de M. Y… Willy mentionne plus précisément comme adresse du bénéficiaire de l’abonnement « lot 37 Ermitage, 533 Route territoriale 1 ».

Dans ces conditions, l’occupation des lieux avec l’autorisation expresse du propriétaire n’apparaît ni illégitime ni abusive.

Il en résulte que les époux Y… ne sont pas « occupants sans droit ni titre » de la parcelle litigieuse et que la demande du propriétaire visant à obtenir leur expulsion de ce seul fait doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Infirme le jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa le 8 octobre 2012 en ce qu’il qualifie la nature de la relation contractuelle existante entre les parties ainsi que les modalités de l’occupation alors qu’aucune des parties à l’instance ne le lui demandait ;

Et, statuant à nouveau sur le tout ;

Dit que les époux Y… ne sont pas occupants sans droit ni titre de la parcelle no 37 pie de la section l’Ermitage commune de Dumbéa, appartenant à la société des propriétés famille

X…

;

Rejette en conséquence la demande d’expulsion formulée de ce chef ;

Rejette la demande en application de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

Condamne la société aux dépens d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide judiciaire ;

Fixe à six (6) les unités de base servant au calcul de la rémunération de Me Di Luccio, avocat désigné au titre de l’aide judiciaire.

Le greffier, Le président.

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