Cour d'appel de Nouméa, 26 novembre 2015, n° 14/00137

  • Société de services·
  • Pétrolier·
  • Contrat de travail·
  • Licenciement·
  • Rémunération·
  • Directeur général·
  • Pacifique·
  • Mandataire social·
  • Nouvelle-calédonie·
  • Salarié

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Nouméa, 26 nov. 2015, n° 14/00137
Juridiction : Cour d'appel de Nouméa
Numéro(s) : 14/00137
Décision précédente : Tribunal du travail de Nouméa, 29 septembre 2014, N° 12/31

Texte intégral

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 26 Novembre 2015

Chambre sociale

Numéro R.G. : 14/00137

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Septembre 2014 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :12/31)

Saisine de la cour : 21 Octobre 2014

APPELANT

M. H A

né le XXX à XXX

XXX

représenté par la SELARL JEAN-JACQUES DESWARTE, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

LA S.N.C DE SERVICES PETROLIERS DITE SSP, représentée par ses dirigeants légaux en exercice

Siège social : XXX

représenté par la SELARL MILLIARD-MILLION, avocat au barreau de NOUMEA, Me QUINQUIS de la SELARL JURISPOL, avocat au barreau de Papeete-Tahiti

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,

M. F G, Conseiller,

M. F DIOR, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. F G.

Greffier lors des débats: Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

— contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

— signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

M. H A, employé par le groupe SHELL depuis le 1er février 1980, a exercé les fonctions de président directeur général du groupe SHELL PACIFIQUE d’août 2002 jusqu’en 2006, date à laquelle la société SHELL PACIFIQUE SA a été cédée à la Société Pacifique Petroleum (PPC) compagnie SA, majoritairement détenue par M. D Y, le conseil d’administration en date du 7 septembre 2006 ayant prévu que cette société serait désormais dénommée Société des Services Pétroliers (SSP), lors de la cession de la totalité des actions.

M. A a alors été embauché par la société SSP, à compter du 1er janvier 2007, pour exercer la fonction de directeur général sous la classification de 'salarié’ hors échelle de la Convention collective de la branche industrie pétrolière en Nouvelle-Calédonie.

Son contrat de travail à durée indéterminée a fixé son salaire net à la somme de de 2 000 000 F CFP (évolutif en fonction de la valeur du point de la Convention Collective de la Branche 'Industrie Pétrolière en Nouvelle – Calédonie') et prévoyait des avantages en nature énumérés ainsi : une voiture de fonction, un téléphone portable, la prise en charge des frais de téléphone au domicile, la prise en charge du loyer à hauteur de 350 000 F CFP par mois et des taxes liées à la résidence principale, la prise en charge d’une employée de maison cinq demi journées par semaine, un aller-retour en métropole (classe affaire) pour M. A et sa famille (épouse et enfants).

La prise en charge du loyer était portée de 350 000 F CFP par mois à 683 000F CFP à compter du 1er octobre 2007.

Par courrier du 12 avril 2011, M. A, convoqué le 23 mars 2011 à un entretien préalable à un licenciement qui s’est déroulé le 4 avril 2011, était licencié pour faute et dispensé d’effectuer son préavis.

Il lui était reproché les faits suivants :

— avoir autorisé des livraisons successives de carburants au profit de la Société IDP Ferry, sur une période supérieure à 60 jours et au-delà de 50 000 000 F CFP, ces fournitures de crédit excédant le plafond visé par l’organigramme déterminant les pouvoirs respectifs des cadres dirigeants de la société SSP et ce malgré un compte bloqué et sans qu’aucune garantie n’ait été exigée de la société IDP Ferry, alors même que les difficultés rencontrées par celle-ci étaient notoires ;

— et avoir octroyé, dans des conditions similaires, un crédit important à la société Arc en Ciel appartenant au même groupe que la société IDP Ferry.

Il recevait au titre de son solde de tout compte la somme de 20 161 999 F CFP se décomposant comme suit :

— indemnité de préavis (3 mois)…………………………8 703 384 F CFP,

—  13 ème mois au prorata temporis …………………..1 655 417 F CFP,

— solde de congés-payés(46,5 jours)………………… 7 469 301 F CFP,

— indemnité de licenciement……………………………. 3 087 639 F CFP.

M. A, par acte du 13 septembre 2011, complété par des conclusions postérieures développées à l’audience, a assigné en référé la Société DES SERVICE PETROLIERS (dite SSP) aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 58 571 975 F CFP au titre du solde des sommes lui étant dues en application de l’exécution de son contrat de travail outre les intérêts au taux légal à compter de la fin du préavis en date du 31 juillet et la délivrance d’un certificat de travail, sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard à compter de la signification de la décision.

Par ordonnance en date du 16 décembre 2011, le juge des référés le déboutait de ses demandes au motif qu’il existait une contestation sérieuse sur la qualité de salarié du requérant et sur l’assiette des indemnités sollicitées.

M. A, par requête en date du 27 février 2012, complétée par des conclusions ultérieures, a fait convoquer la société défenderesse aux fins suivantes :

CONDAMNER la société S.S.P. à payer à M. A la somme de 68 056 191 F CFP avec intérêts légaux à compter du 31/07/2011, date de la fin du préavis au titre des sommes dues en application de l’exécution et de la cessation de son contrat de travail ;

CONDAMNER la société S.S.P. à délivrer à M. A un certificat de travail conforme et la délivrance de bulletins de paye conformes à la rémunération réelle de M. A, incluant l’intégralité des accessoires du salaire et ce sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

DIRE le licenciement abusif ;

CONDAMNER la société S.S.P. à payer à M. A la somme de 75 509 272 F CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

ORDONNER l’exécution provisoire sur toutes les sommes allouées ;

CONDAMNER la société S.S.P. à payer à M. A la somme de 800 000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

M. A faisait ainsi valoir qu’il était salarié depuis le 1er janvier 2007 et qu’il était placé sous les ordres du gérant de M. Y.

Il soutenait que les sommes qui lui avaient été versées au titre de son solde de tout compte avaient été calculées sur une rémunération brut mensuelle d’un montant de 2 901 128 F CFP comprenant son salaire de base (2 740 508 F CFP),son ancienneté (109 620 F CFP) et l’avantage en nature de 51 000 F CFP (utilisation du véhicule) ce qui était erroné car cette rémunération retenue par l’employeur n’incluait pas tous les avantages en nature contractuels qu’il avait toujours perçus.

Il précisait que sa rémunération mensuelle de base devait être fixée à la somme de 4 139 404 F CFP comprenant les éléments suivants outre sa rémunération de base et sa prime d’ancienneté et hors intéressement :

— une voiture de fonction:…………………………………………….51 000 F CFP,

— un téléphone portable ……………………………………………. 10 000 F CFP,

— la prise en charge de son téléphone (domicile)………… 10 000 F CFP,

— la prise en charge du loyer…………………………………….. 683 000 F CFP,

— la prise en charge d’une employée de maison. ………….. 75 900 F CFP,

— un aller-retour en métropole (classe affaire) pour

l’employé et sa famille (épouse et enfants)……………….. 203 000 F CFP,

— la mutuelle part salariale……………………………………………. 4 000 F CFP,

— l’assurance LA MONDIALE………………………………………..24 000 F CFP,

— la prime de fin d’année…………………………………………….228 376 F CFP.

Il soutenait en conséquence que la société défenderesse lui devait notamment les sommes suivantes :

— indemnité de préavis (3 mois)………………………. 12 418 212 F CFP,

—  13 ème mois calculé prorata temporis ……………… 1 655 417 F CFP,

— solde de congés-payés(57 jours)…………………… 10 848 093 F CFP,

— indemnité légale de licenciement ……………………. 4 484 216 F CFP,

soit une somme globale de 29 405 938 FCFP.

******************

La société SSP, par ses conclusions récapitulatives, concluait au débouté de toutes les demandes et sollicitait le versement de la somme de 500 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.

******************

Par jugement du 30 septembre 2014, le tribunal du travail de Nouméa a statué ainsi qu’il suit :

CONSTATE la nullité absolue du contrat de travail conclu entre les parties le 1er janvier 2007 ;

DIT que ces dispositions ne sont pas opposables à la société de services pétroliers (SSP) ;

DIT que le licenciement de M. A est fondé sur des faits non prescrits et sur une cause réelle et sérieuse ;

DIT que la rémunération brute mensuelle de M. A s’éleve à un montant de TROIS MILLIONS CENT DIX SEPT MILLE CINQ CENT ONZE (3 117 511) F CFP ;

En conséquence,

CONDAMNE la société de services pétroliers(SSP) à verser à M. A la somme de UN MILLION QUATRE CENT QUARANTE QUATRE MILLE SIX CENT QUARANTE SEPT (1 444 647) F CFP au titre du solde de ses indemnités versées au titre du solde de tout compte ;

DEBOUTE M. A du surplus de ses demandes ;

DEBOUTE la société de services pétroliers dite SSP de sa demande de restitution des sommes versées au titre du remboursement des loyers et du prêt immobilier ;

DIT que la Société SSP devra lui remettre son dernier bulletin de salaire et un solde de tout compte rectifiés portant les sommes des indemnités telles que calculées par le tribunal ;

CONDAMNE la société SSP à payer à M. A la somme de TROIS CENT MILLE (300 000) F CFP au titre des frais irrépétibles ;

DIT n’y avoir lieu à dépens.

PROCÉDURE D’APPEL

Par requête déposée au greffe le 21 octobre 2014, M. A a interjeté appel de la décision.

Le mémoire ampliatif d’appel a été déposé le 20 janvier 2015.

Par conclusions récapitulatives déposées le 29 mai 2015, M. A fait valoir, pour l’essentiel :

— que le premier juge s’est mépris en relevant que si à la date de signature du contrat du 1er janvier 2007 M. A était mandataire social de la SSP SA, à la date du licenciement du 12 avril 2011 il était salarié de la SSP SNC et par conséquent que le contrat précité devait être considéré comme nul le privant ainsi de l’indemnité de rupture fixée conventionnellement à 13 mois de salaire ;

— qu’il est en effet établi que la société SSP était jusqu’au 21 janvier 2007 une société anonyme (SA) devenue à partir de cette date une société en nom collectif (SNC) ; que la position de la SSP, qui admet que le directeur général d’une SNC n’est pas un mandataire social, à la différence du directeur général d’une société anonyme, signifierait que le contrat à durée indéterminée du 1er janvier 2007 n’aurait eu qu’une durée de trois semaines et que M. A aurait été par la suite embauché sans contrat écrit par la SSP-SNC, ce qui est manifestement incohérent et ce qui constituerait, à tout le moins, une manoeuvre dolosive de la société SSP qui lui aurait fait signer un contrat pour le débaucher de la société SHELL, pour soutenir ultérieurement que ce contrat était nul ;

— qu’en tout état de cause, M. A en exerçant, à compter du 1er janvier 2007 ses fonctions de directeur général (DG) sous l’autorité de M. Y, président directeur général (PDG), n’était plus mandataire social mais bien un salarié, certes cadre supérieur ; que la lecture des différentes délibérations du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 21 janvier 2007 de la SA SSP, procès-verbal décidant de la transformation de la société en SNC démontre que le contrat de travail établi le 1er janvier 2007 l’a bien été pour les fonctions de directeur général de la SNC SSP puisque, tant dans l’établissement des comptes que pour la répartition des bénéfices, même pour la période du 1er janvier 2007 au 21 janvier 2007, ce sont les dispositions de la société sous la forme de SNC qui avaient vocation à s’appliquer ; que, dès lors, il convient de constater qu’à la date du 1er janvier 2007, M. A n’était plus président directeur général ni administrateur de la société Shell Pacifique devenue SSP depuis le 11 octobre 2006 et que dès lors rien ne s’opposait à ce qu’un contrat de travail soit établi par la SA SSP à son profit ;

— que, subsidiairement, l’argumentation de la SSP au terme de laquelle M. A ayant la qualité de mandataire social antérieurement à la transformation de la société SSP en SNC, en raison de sa qualité de directeur général (DG) embauché par une SA, il aurait été de fait mandataire social, ne saurait prospérer ; qu’en effet, la SSP n’est pas fondée à soutenir que la fonction de directeur général d’une SA est exclusive de tout contrat de travail du fait même de la fonction de mandataire social ; qu’ainsi, si au sein d’une SA un DG peut être considéré en sa qualité de dirigeant de la société comme mandataire social, il ne l’est pas obligatoirement notamment quand il se trouve dans un lien étroit de dépendance ; qu’il convient ainsi de rechercher la nature exacte du lien juridique au travers des notions de subordination laquelle est en l’espèce établie par le contrôle qu’exerçait M. Y sur l’activité de M. A ;

— que la cour constatera, au vu des pièces produites, que M. X informé dès le dernier trimestre 2006, de la nécessaire transformation de la SA SSP en SNC et ce dans le délai maximum de trois mois après la cession des actions de la société Shell Pacifique qui est intervenue le 11 octobre 2006 ; que c’est donc bien évidemment dans ces conditions et sachant que le contrat de travail qu’on lui proposait concernait le poste de directeur général de la future SNC, que M. A a démissionné du groupe Shell et a signé son contrat de travail du 1er janvier 2007 ; qu’en conséquence la clause de garantie d’emploi lui est dû ;

— qu’il apparaît des éléments du dossier et notamment des termes de la lettre de licenciement, que la faute reprochée à M. A, qui consiste à avoir autorisé des livraisons successives de carburant au profit de la société Ile des Pins Ferry sur une période supérieure à 60 jours et au-delà de 50 000 000 F CFP et ce sans garantie, était parfaitement connue de l’employeur dès le 14 janvier 2011, date à laquelle celui-ci avait une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits ; qu’ainsi, la lettre de convocation à un éventuel licenciement étant du 23 mars 2011, soit postérieure au délai de 2 mois prévu à l’article Lp.132-6 du code de travail de la Nouvelle-Calédonie, la faute reprochée à M. A est nécessairement prescrite ;

— qu’en tout état de cause, seule la faute au moins sérieuse peut justifier un licenciement ; qu’en l’espèce, il est établi par les pièces produites, que la fiche de poste de M. A lui donnait compétence pour autoriser les découverts de clients jusqu’à 50 000 000 F CFP et qu’il lui est donc reproché un dépassement de 6 900 000 F CFP, ce qui ne représente que 0,4% du bénéfice réalisé et 0,35% du chiffre d’affaires, somme minime au surplus au regard de l’importance du compte découvert client dont la moyenne mensuelle du découvert était de 460 0000 000 F CFP, pour l’année 2010 ; qu’en conséquence, la faute reprochée à M. A, qui n’a aucunement perturbée la bonne marche de l’entreprise, ne peut être qualifiée, tout au plus, que de légère ; qu’en conséquence, le licenciement, qui doit être considéré comme abusif, doit permettre de condamner la SSP au paiement de la somme de 75 509 272 F CFP, soit 18 mois de rémunérations et d’avantages en nature (4 139 404 F x 18 mois) ;

— que la demande reconventionnelle de la SNC SSP tendant au remboursement par M. A d’une somme de 31 836 000 F CFP, au titre de frais de mission perçus indûment, est totalement infondée ;

— que le calcul de la rémunération de M. A doit être calculée, ainsi que le rappelle la jurisprudence, en prenant en compte tous les accessoires et avantages en nature ; qu’ainsi, les sommes versées au titre de l’indemnité de résidence doivent être prises en compte, tout comme les autres avantages en nature, ce qui permet de fixer la rémunération brute mensuelle à la somme de 4 139 404 F CFP, hors intéressement.

' En conséquence, M. A demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :

INFIRMER le jugement entrepris ;

DONNER acte à la SNC SSP de ce que celle-ci reconnaît que M. A avait le statut de salarié à la date de son licenciement ;

DÉBOUTER la SNC SSP de sa demande de nullité du contrat de travail écrit de janvier 2007 ;

Subsidiairement,

DIRE que le contrat de travail écrit en date de janvier 2007 a été établi pour le compte de la SNC SSP ;

CONSTATER le cas échéant le dol commis par la SA SSP au détriment de M. A et dire dès lors que celle-ci ne peut invoquer la nullité du contrat de travail en raison de ce dol ;

Subsidiairement,

CONSTATER qu’au 21 janvier 2007 et jusqu’à la cessation de son contrat travail, la SNC SSP a mis en 'uvre et validé les dispositions contractuelles spécifiques du contrat travail de M. A ;

CONDAMNER la société SSP à payer à M. A la somme de 68 056 191 F CFP avec intérêts légaux à compter du 31/07/2011, date de la fin du préavis au titre des sommes dues en application de l’exécution et de la cessation de son contrat de travail;

DÉBOUTER la SNC SSP de sa demande reconventionnelle ;

CONDAMNER la société SSP à délivrer à M. A un certificat de travail conforme et la délivrance de bulletins de paye conformes à la rémunération réelle de M. A, incluant l’intégralité des accessoires du salaire et ce sous astreinte de 50 000 CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

CONSTATER que la faute reprochée à M. A est prescrite ;

CONSTATER que la faute reprochée à M. A est une faute légère insusceptible de permettre de rompre le contrat de travail ;

DIRE le licenciement abusif,

CONDAMNER la société SSP à payer à M. A la somme de 75 509 272 CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

CONDAMNER la société SSP à payer à M. A la somme de 800 000 F CFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.

*****************************

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 3 juillet 2015, la SNC SSP fait valoir, pour l’essentiel :

— que la date de transformation effective de la SA-SSP en SNC a été décidée lors de l’assemblée générale du 21 janvier 2007 ; qu’antérieurement à cette date, la société SSP était indiscutablement une société anonyme (SA) ce qui a eu pour conséquence que la fonction de directeur général était nécessairement exercée par un mandataire social ce qui excluait tout contrat de travail sauf exercice de fonctions techniques distinctes et effectives lesquelles ne sont aucunement démontrées en l’espèce ; que ces règles étant d’ordre public, peu importe l’intention des parties, celles-ci ne pouvant y déroger ; qu’en revanche, M. A est bien devenu salarié de la SSP par bail verbal à compter du 21 janvier 2007, date à laquelle la SA est devenue une SNC ; que M. A ne saurait sérieusement prétendre que la société SSP aurait souhaité le tromper en lui faisant signer un contrat nul dans le seul but de le faire démissionner de la société SHELL ce qui traduirait sa turpitude qu’il ne pourrait alléguer pour dénier tout effet au contrat ; qu’en effet, une telle argumentation n’est pas sérieuse dans la mesure où M. A était l’initiateur et le rédacteur, en sa qualité de directeur général, du contrat de travail dont s’agit ;

— que la prescription des faits allégués pour qualifier la faute permettant de licencier M. A n’est pas fondée ;

— que la violation de la règle de répartition des pouvoirs déterminée par l’organigramme du 10 décembre 2008 est en soi une faute justifiant le licenciement de M. A lequel ne conteste pas avoir agi en violation de cette règle tant à l’égard de la société IDP, qu’à l’égard de la société ARC EN CIEL, ce qui ne peut être admis au regard des ses importantes responsabilités ; que c’est en réalité des livraisons de carburant à hauteur de plus de 70 000 000 F CFP qui ont été effectuées sans que M. A n’ait pris aucune garantie, alors même qu’il ne pouvait méconnaître les difficultés des entreprises IDP et ARC EN CIEL ;

— que la rémunération brute mensuelle de M. A, compte-tenu de son salaire de base (2 740 508 F CFP), de son ancienneté (109 620 F CFP) et de l’avantage en nature relatif à l’utilisation d’un véhicule ( 51 000 F CFP), est de 2 901 128 F CFP, ainsi que le précisent ses fiches de paye établies par M. A et son avis d’imposition pour l’année 2009 (3 156 136 F CFP pour l’année 2010) ; que la somme demandée d’un montant de 4 139 404 F CFP est par conséquent fantaisiste et ne peut s’appuyer sur le contrat de travail qui est nul ;

— que le courrier du 5 octobre 2007 émanant de M. Y, produit par M. A prévoyant que la prise en charge de son loyer prévue dans le contrat de travail du 1er janvier 2007 à hauteur de 350 000 F CFP serait portée à la somme de 683 000 F CFP est sans portée notamment du fait que M. A n’était pas locataire mais propriétaire de son habitation principale, que cette somme ne figurait aucunement sur ses bulletins de paye et que surtout il ne saurait s’en prévaloir du fait de la nullité de son contrat de travail ;

— qu’en raison de la nullité du contrat de travail du 1er janvier 2007, l’indemnité conventionnelle de 13 mois prévue en cas de cessation du contrat à l’initiative de la Société, ne saurait être versée ;

— que la demande de délivrance d’un certificat de travail et de bulletins de paie conformes à sa prétendue rémunération est d’autant moins fondée qu’en sa qualité de directeur général, M. A supervisait l’établissement de ses fiches de paye ;

— qu’à titre reconventionnel, la SSP demande le remboursement des frais perçus à tort par M. A au titre de remboursement de frais de mission au Vanuatu depuis son entrée en fonction, soit la somme de 31 836000 F CFP (350 000 x 9 + 683 000 x 42).

' En conséquence, la SSP demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :

CONFIRMER le jugement du tribunal du travail de Nouméa n°14/000267 du 30 septembre 2014 en ce qu’il a :

— constaté la nullité absolue du contrat de travail conclu entre les parties le 1er janvier 2007 ;

— dit que les stipulations dudit contrat ne sont pas opposables à la société SNC SOCIETE DE SERVICES PETROLIERS;

— dit que le licenciement de Monsieur A est fondé sur des faits non prescrits et sur une cause réelle et sérieuse ;

Sur appel incident,

INFIRMER le jugement du tribunal du travail de Nouméa n°14/000267 du 30 septembre 2014 en ce qu’il a dit que la rémunération brute mensuelle de M. A s’élève à un montant de 3 117 511 F CFP et a condamné l’employeur à lui verser la somme de 1 444 647 F CFP au titre du solde des indemnités versées au titre du solde de tout compte,

Statuant à nouveau,

Dire et juger que la rémunération brute mensuelle de M. A s’élevait à un montant de 2 901 128 F CFP,

En conséquence,

CONSTATER que M. A a été intégralement rempli de ses droits et le débouter M. A de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

CONDAMNER M. A à rembourser à la société SNC SOCIÉTÉ DE SERVICES PÉTROLIERS la somme de 31 836 000 F CFP au titre des frais de mission qu’il a indûment perçus depuis son entrée en fonction ;

LE CONDAMNER à verser à la société SNC SOCIÉTÉ DE SERVICES PÉTROLIERS la somme de 800 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.

***********************

L’ordonnance de fixation de la date de l’audience a été rendue le 28 juillet 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De la qualité de salarié de M. A à la date de la signature et de prise d’effet du contrat

Attendu qu’en application des dispositions de l’article Lp.121-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie :

'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. (…)' ;

Attendu que la qualité de salarié de M. A à la date du licenciement intervenu le 12 avril 2011 n’est pas discutée ; qu’en revanche, l’employeur soutient que M. A avait la qualité de mandataire social jusqu’au 21 janvier 2007, soit antérieurement à la transformation de la société anonyme (SA) SSP en société en nom collectif (SNC) et qu’en conséquence le contrat de travail conclu à compter du 1er janvier 2007 serait nul, notamment au regard des dispositions de son article 2 relatif à l’indemnité de rupture d’un montant de 13 mois de rémunération brute mensuelle ; que M. A conteste cette analyse retenue par le premier juge ;

Attendu que le contrat de travail à durée indéterminée de M. A signée par les parties a été souscrit entre :

— la Société des Services pétroliers SA, représenté par M. D Y, ayant qualité à cet effet, ci-après dénommée la Société, d’une part, et M. H A, ci-après dénommé le salarié ;

Attendu que les trois premiers articles de contrat sont ainsi rédigés :

'ARTICLE1 : ENGAGEMENT

La société engage, à compter du 1er janvier 2007, aux conditions générales de la Convention Collective de la Branche « Industrie Pétrolière en Nouvelle-Calédonie» et aux conditions énumérées ci-après. M. H A, qui accepte cet engagement et déclare formellement n’être liée à aucune entreprise et être libre de tout engagement.

XXX

M. H A est engagé à compter du 1er janvier 2007 pour une durée indéterminée.

En cas de cessation de ce contrat à l’initiative de la Société et ce qu’elle qu’en soit le motif, celle-ci versera au Salarié une indemnité d’un montant équivalent à treize mois de rémunération brute mensuelle.

XXX

M. H A exercera la fonction de Directeur Général. Le Salarié aura la classification « Hors Echelle» de la Convention Collective de la Branche « Industrie Pétrolière en Nouvelle-Calédonie »' ;

Attendu qu’il résulte par ailleurs des écritures et des pièces des parties que :

' par procès-verbal du 7 septembre 2006, le conseil d’administration de la SOCIÉTÉ SHELL PACIFIC SA, présidé par M. A, a :

— agréé la société Pacifique Petroleum B en qualité de nouvel actionnaire dans le cadre de la cession envisagée des actions de la société à Pacifique Petroleum B,

— constaté que la démission du président du conseil et des membres du conseil d’administration prendraient effet lors de la réalisation effective de la cession des actions de la société,

— énoncé que l’intégralité des administrateurs démissionnerait de leur mandat d’administrateur et que cette démission serait effective à la date de réalisation de la cession,

— énoncé que la nomination de nouveaux administrateurs serait proposée à la prochaine assemblée convoquée à cet effet et qu’à ce titre la nomination de M. D Y, M. P Y et de M. L Y était envisagée, ceux-ci ayant par avance fait savoir qu’ils accepteraient leurs nouvelles fonctions s’ils venaient à être nommés,

— informé également les membres du conseil du projet de modification de la dénomination de la société, celle-ci serait dorénavant dénommée SOCIÉTÉ DE SERVICES PÉTROLIERS ;

' par procès-verbal du 25 septembre 2006, l’assemblée générale ordinaire et extraordinaire de la SOCIÉTÉ SHELL PACIFIC SA, présidé par M. A, a :

— pris acte de la démission de l’ensemble des administrateurs de la société dont la prise d’effet sera conditionnée à la réalisation effective de la cession de la totalité des actions de la société par ses actionnaires actuels à la société Pacifique Petroleum B SA,

— décidé de nommer, avec effet à compter de la réalisation effective de la cession, Messieurs D, P et N Y en qualité de nouveaux administrateurs en remplacement des anciens administrateurs démissionnaires, pour la durée du mandat restant à courir de leur prédécesseur, soit jusqu’à l’issue de l’assemblée générale ordinaire annuelle appelée à statuer sur les comptes de l’exercice à clore le 31 décembre 2006,

— indiqué que la constatation de la réalisation effective de la cession sera formalisée par la remise à PACIFIQUE PETROLEUM B SA du registre d’actionnaires indiquant cette dernière comme détenteur de la totalité des actions de la société .

— et, sous réserve de la réalisation effective de la cession, la société sera dénommée 'société de services pétroliers’ ;

' par courrier du 10 octobre 2006, M. A a officiellement démissionné des fonctions de PDG de la Société SHELL PACIFIC qu’il occupait depuis le 1er août 2002, cette démission étant effective au 31 décembre 2006 ;

' la confirmation de la cession de la totalité des actions de la société Shell Pacific SA à la société PACIFIC PETROLEUM B SA a eu lieu le 11 octobre 2006, ainsi que différents courriels, notamment celui de M. Z en date du 12 octobre 2006 de la SHELL B C, l’établissent ;

' le 10 octobre 2006 à Tahiti (soit le 11 octobre 2006, heure de Nouméa), s’est tenue la première réunion des nouveaux administrateurs de la Société de services pétroliers, laquelle a décidé la nomination, à l’unanimité, de 'M. D Y, président du conseil d’administration de la société pour la durée de son mandat d’administrateur, savoir jusqu’à l’issue de l’assemblée générale annuelle appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clôt le 31 décembre 2006" ;

' les formalités de modifications juridiques ont été mises en oeuvre dès le 27 novembre 2006, avec une date d’effet fixée au 10 octobre 2006, ainsi que l’établit le K Bis produit en date du 27 novembre 2006 ;

' le certificat de travail établi par la société Shell, en date du 31 mars 2007, démontre que M. A a fait partie du personnel de la société des pétroles Shell du 1er février 1980 au 31 mars 2007, la société Shell ayant pris acte de la démission de M. A avec effet au 31 décembre 2006, après avoir tenu compte du délai de préavis de 3 mois pour le sortir de ses effectifs le 31 mars 2007 ;

' par rapport du conseil d’administration de la Société des services pétroliers à l’assemblée générale extraordinaire du 21 janvier 2007, il a été précisé :

'nous vous rappelons que lors de l’acquisition, au mois d’octobre 2006, par la société Pacifie Petroleum B, de la totalité des actions composant le capital de la société, les organismes finançant l’opération ont exigé la transformation de la société en société en nom collectif, dans le délai de 3 mois, suivant la réalisation définitive de la cession ; que cette transformation prend effet à compter de ce jour’ ;

' il était ainsi impératif que la SA soit transformée en SSP dès le mois de janvier 2007, date à laquelle M. D Y est devenu l’employeur de M. A à compter du 1er janvier 2007, ainsi que le contrat de travail l’établit ;

' les conditions de rémunération prévues au contrat de travail de M. A ont toujours été strictement respectées par la SSP ;

' M. D Y, par courriel du 5 février 2009, a parfaitement admis la validité du contrat et de la clause indemnitaire y figurant, en précisant à M. A :

'Je te rappelle aussi que tu bénéficies dans ton contrat de travail d’une clause qui est unique dans notre groupe, à savoir le versement par la société d’une prime conséquente en cas de cessation de ce contrat à l’initiative de la société’ ;

Attendu qu’au vu de ces éléments, pris en leur ensemble, M. A est fondé à soutenir, qu’à compter du 10 octobre 2006, il n’était plus PDG de la société, ni même administrateur de celle-ci, et qu’en conséquence il n’était plus mandataire social de la société au sein de laquelle il était cependant resté jusqu’au 31 décembre 2006, dans le cadre d’un accord de prestation de services convenu entre le groupe Shell et Pacific Petroleum B SA pour assurer la transition, en bénéficiant de son statut de cadre expatrié Shell ;

Attendu en conséquence qu’à compter du 1er janvier 2007, M. A, conformément à son contrat de travail qui le nommait directeur général de la SSP, était placé sous l’autorité et le contrôle de M. D Y ; que M. A, qui fort logiquement n’a pas été convié aux assemblée générales qui se sont tenues les 10 octobre 2006 et le 21 janvier 2007, ne pouvait plus être considéré comme un mandataire social ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que l’ensemble des intervenants était informé, dès le dernier trimestre 2006, de l’imminence de la transformation de la SA SSP en SNC, et que c’est ainsi en parfaite connaissance de cause que les parties ont signé le contrat de travail de M. A qui concernait le poste de directeur général de la future SNC, avec une prise d’effet au 1er janvier 2007 ; qu’en tout état de cause, M. A est fondé à soutenir, qu’en application des dispositions de l’article Lp.121-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie qui ont été précédemment rappelées, son contrat signé avec la société anonyme a nécessairement été transféré à la nouvelle société et que ses dispositions sont en conséquence opposables à la société en nom collectif Société des Services pétroliers (SSP) ;

Attendu que les dispositions du premier juge par lesquelles celui-ci a constaté la nullité absolue du contrat de travail conclu entre les parties le 1er janvier 2007 et leur caractère inopposables à la société de services pétroliers doivent par conséquent être infirmées ;

De la rémunération à prendre en compte au titre de la rupture du contrat de travail

Attendu que le contrat de M. A a prévu sa rémunération en ses articles 4 et 5, ainsi qu’il suit :

'XXX

En rémunération de ses services, le Salarié percevra un salaire net de 2.000.000 FCFP. Hors augmentation individuelle, ce salaire évoluera en fonction de la variation de la valeur du point de la convention collective de la Branche « Industrie Pétrolière en Nouvelle-Calédonie».

XXX

Les avantages suivants seront accordés au salarié :

— Une voiture de fonction

— Un téléphone portable

— La prise en charge des frais de téléphone au domicile

— La prise en charge du loyer à hauteur de 350 000 CFP/mois et des taxes liées à la résidence principale.

— La prise en charge d’une employée de maison cinq demies journées par semaine.

— Un aller et retour par an en métropole (classe affaire) pour l’employé et sa famille (épouse et enfants)' ;

Attendu que les dispositions de l’article Lp 141-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie prévoient que : 'Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire de base ou minimum et tous les autres avantages ou accessoires payés directement ou indirectement, en espèce ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier’ ;

Attendu que la jurisprudence de la Cour de cassation est constante pour énoncer que lorsque la rémunération est fixée par le contrat de travail, celle-ci ne peut être modifiée par l’employeur sans l’accord exprès du salarié ;

Des sommes versées au titre de la résidence

Attendu que la somme mensuelle de 350 000 F CFP prévue au contrat de travail, a été portée par M. D Y, gérant de la SSP, dans un courrier du 5 octobre 2007, à la somme mensuelle de 683 000 F CFP, à compter du 1er octobre 2007 ; que les objections avancées par la SSP pour les écarter du calcul de la rémunération aux motifs qu’elles n’auraient pas été déclarées par l’intéressé comme avantages en nature, que ces sommes lui auraient été en fait versées sur un compte au Vanuatu ou que celles-ci ne seraient dues qu’en cas de location effective, ne sauraient permettre de les écarter de l’assiette de la rémunération ;

Du montant de l’assiette de calcul des rémunérations

Attendu qu’en conséquence, M. A est fondé à détailler ainsi sa rémunération brute mensuelle hors intéressement :

— salaire de base brut mensuel (après actualisation) : 2 740 508 F,

— prime d’ancienneté : 109 620 F,

— voiture de fonction (fiche de paye) : 51 000 F,

— téléphone portable (fiche de paye) : 10 000 F,

— frais de téléphone au domicile : 10 000 F,

— prise en charge résidence principale : 683 000 F,

— employé de maison (5 1/2 journées par semaine) : 75 900 F,

— aller/retour par an en métropole (classe affaire)

pour l’employé et sa famille (2 433 588 F/12) : 203 000 F,

— mutuelle part salariale (fiche de paye) : 4 000 F,

— assurance La Mondiale part salariale (fiche de paye): 24 000 F,

— prime de fin d’année (calculée mensuellement) : 228 376 F,

Soit un montant total de 4 139 404 F CFP ;

De l’indemnité conventionnelle de rupture du contrat de travail

Attendu qu’en conséquence, M. A peut légitimement demander l’application de l’article 2 de son contrat de travail qui prévoyait que :

'En cas de cessation de ce contrat à l’initiative de la Société et ce qu’elle qu’en soit le motif, celle-ci versera au Salarié une indemnité d’un montant équivalent à treize mois de rémunération brute mensuelle’ ;

Attendu en conséquence, que la SSP doit être condamnée, en application de cette clause contractuelle, à lui verser la somme de 53 812 252 F CFP (4 139 404 F x 13) ;

Des comptes entre les parties au vu du solde de tout compte

Attendu en conséquence, que compte-tenu de la rémunération mensuelle retenue, M. A est fondé à pouvoir prétendre, au titre de son contrat de travail, aux sommes suivantes établies en reprenant les indications portées sur le solde de tout compte délivré par l’employeur, recalculées sur la rémunération mensuelle de 4 139 404 F CFP, étant observé que l’indemnité due en cas de violation de l’engagement contractuel de garantie d’emplo,i qui répare un préjudice distinct, se cumule avec l’indemnité légale de licenciement (Cass. Soc., 4 mars 2008) :

— au titre du préavis de 3 mois (4 139 404 x 3) : 12 418 212 F CFP,

— au titre des congés payés calculés sur 46,5 jours

selon les bulletins de paye produits

(4 139 404 / 21, 75 jours x 46,5) : 8 849 760 F CFP,

— gratification 13e mois prorata-temporis

( 4 139 404 / 365 x 212 jours) : 2 404 256 F CFP,

— indemnité légale de licenciement

(25% pour les 5 premières années)

4 139 404 x 1,0833 : 4 184 216 F CFP,

soit un total de 27 856 444 F CFP ;

Attendu que M. A, qui a déjà perçu le 29 avril 2011 la somme de 20 161 999 F CFP au titre d’un solde de tout compte, est fondé à obtenir la condamnation de son employeur à lui verser, au titre de ses créances salariales, la somme de 7 694 445 F CFP ;

De la prescription des faits allégués pour le licenciement

Attendu M. A soulève la prescription des faits invoqués par la société SSP à l’appui de la mesure de licenciement, en soutenant que l’employeur avait eu connaissance des faits fautifs dès le 14 janvier 2011 et qu’en n’ayant engagé la procédure de licenciement que le 24 mars 2011, la prescription de deux mois était acquise ;

Attendu cependant qu’il résulte d’une jurisprudence constante, que le point de départ du délai de prescription est constitué par le jour ou l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié (Cass. Soc., 17 février 1993 ) ;

Attendu que le gérant de la société SNC SSP établit par différents courriels qu’il n’a été informé de la nature et de l’ampleur des faits, non pas le 14 janvier 2011 date de la connaissance de l’existence d’une créance impayée par la société IDP pour un montant de 56 900 000F CFP, ni même le 9 février 2011 date de la cessation d’activité de la société IDP comme le soutient M. A, mais en réalité courant mars 2011 du fait de ses précédentes demandes formulées les 28 février et 3 mars 2011 tendant à obtenir des précisions sur les éventuelles garanties prises qui sont restées sans réponse ;

De la légitimité du licenciement

Attendu que le licenciement n’est légitime que s’il est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui nécessite la preuve de griefs matériellement vérifiables et objectifs qui sont suffisamment pertinents et rendent inéluctables la rupture du contrat de travail ;

Attendu qu’il convient dès lors d’examiner les griefs contenus dans la lettre de licenciement afin de déterminer s’ils sont établis et s’ils sont de nature à pouvoir justifier le licenciement pour faute ;

Attendu que la lettre de notification de licenciement adressée le 12 avril 2011 à M. A est essentiellement rédigée ainsi qu’il suit :

' Vous avez autorisé des livraisons successives de carburant au profit de la société Ile des Pins Ferry, sur une période supérieure à 60 jours et au-delà de 50 millions de francs. Ces fournitures à crédit excèdent le plafond visé par l’organigramme déterminant les pouvoirs respectifs des cadres dirigeants de la société S.S.P. et nécessitait l’accord du gérant'

' Au surplus, ces fournitures de carburant sont intervenues malgré un compte bloqué et sans qu’aucune garantie ne soit exigée de la société Ile des Pins Ferry, alors même que les difficultés rencontrées par celle-ci étaient notoires'

'Vous avez au demeurant consenti, dans des conditions similaires, un crédit important à la société Arc-en-Ciel, qui appartient au même groupe que la société Ile des Pins Ferry’ ;

Attendu qu’en l’espèce, M. A ne conteste pas avoir autorisé des livraisons successives de carburants au profit de la Société IDP Ferry, sur une période supérieure à 60 jours et au-delà de 50 000 000 F CFP, soit en l’espèce des livraisons d’un montant de 56 943 986 F CFP, ces fournitures de crédit excédant à lui seul le plafond visé par l’organigramme déterminant les pouvoirs respectifs des cadres dirigeants de la société SNC SSP ; qu’en outre, M. A admet également avoir octroyé, dans des conditions similaires, un crédit important de 14 691 886 F CFP à la société ARC EN CIEL, appartenant au même groupe que la société IDP Ferry pour des livraisons successives de carburant, sans prendre de garantie pour pouvoir recouvrer ces créances et alors même que les difficultés financière de ces sociétés étaient notoirement connues ; que cependant les pouvoirs accordés à M. A se référant à la limite de 50 000 000 F CFP par client et non par groupe, le cumul des découverts retenu par l’employeur ne saurait être retenu ;

Attendu qu’il est établi que M. A a exercé les plus hautes responsabilités du groupe SHELL PACIFIQUE en tant que président directeur général de 2002 à 2006, avant de devenir en 2007 directeur général de la SSP où il a exercé pendant cinq années ses fonctions à la satisfaction de son employeur avec lequel il entretenait des rapports de confiance et de cordialité, ainsi que de nombreux courriels en témoignent ;

Attendu que M. A ne démontre cependant pas qu’il ait avisé le gérant de l’ampleur du découvert accordé à la société IDP alors que les pièces versées démontrent, tout au contraire, qu’il a tardé à l’informer de la situation ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que les informations dont disposait le gérant installé en Polynésie française, M. Y, dépendait de celles qui lui étaient transmises par le directeur général de la société, ce dernier assurant la gestion de la société au quotidien, ce qui expliquait et justifiait au demeurant son haut niveau de rémunération ;

Attendu que la relativité des préjudices subis par la société derrière laquelle tente de se retrancher M. A, n’est pas de nature à démontrer l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour faute ; qu’en effet, le constat de la gravité des conséquences financières n’est pas indispensable à la reconnaissance d’une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu’il convient, pour apprécier la faute, de tenir compte du niveau de responsabilité du salarié ;

Attendu qu’ainsi, l’existence de profits quand bien même serait-il pour partie le résultat de l’industrie de M. A, témoignant ainsi de la plénitude de ses attributions, ne permettait pas au salarié de s’affranchir des règles relatives à ses pouvoirs qu’il a enfreint au regard du crédit accordé à la société IDP ;

Attendu dans ces conditions, que les faits reprochés au salarié relatifs au découvert accordé à la société IDP en violation des pouvoirs qui lui était conférés, compte-tenu des responsabilités et des exigences des fonctions de cadre dirigeant exercées par M. A qui disposait déjà d’une grande autonomie, étaient de nature à rendre impossible le maintien de la relation contractuelle et justifiaient le licenciement pour faute ;

Attendu que M. A doit donc être débouté de ses demandes indemnitaires formées à ce titre ;

De la demande reconventionnelle de la SSP

Attendu que la SSP sollicite, à titre reconventionnel, le remboursement des frais de mission indûment perçus par M. A depuis son entrée en fonction soit un montant de 31 836 000 F CFP (350 000 x 9 + 683 000 x 42 mois) ;

Attendu que cette demande est sans fondement, d’autant plus qu’elle constituait en réalité un avantage conféré par l’employeur à son salarié, au titre de son logement, ainsi qu’il l’a été dit précédemment ; que cette demande reconventionnelle doit être rejetée ;

De la production d’un certificat de travail et des bulletins de salaire rectifiés

Attendu qu’il appartiendra effectivement à la SSP de produire un certificat de travail et des bulletins de salaire rectifiés sur la base d’une assiette de 4 139 404 F CFP, sans que le prononcé d’une astreinte soit cependant nécessaire ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement du tribunal du travail de NOUMÉA en date du 30 septembre 2014, en ce qu’il a :

'Dit que le licenciement de M. A est fondé sur des faits non prescrits et sur une cause réelle et sérieuse’ ;

L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Dit que les dispositions du contrat de travail du 1er janvier 2007 concernant M. H A sont opposables à la société en nom collectif Société des Services pétroliers (SSP) à la date de son licenciement ;

Déboute en conséquence la SNC SSP de sa demande de nullité du contrat de travail écrit du 1er janvier 2007 ;

En conséquence,

Fixe à la somme de 4 139 404 F CFP la rémunération brute mensuelle de M. A ;

Condamne la SNC SSP à payer à M. A les sommes de :

—  53 812 252 F CFP au titre de l’indemnité contractuelle de garantie d’emploi,

—  7 694 445 F CFP au titre du préavis, des congés payés, de la gratification 13e mois prorata temporis et de l’indemnité légale de licenciement, après déduction de la somme de 20 161 999 F CFP déjà perçue au titre du solde de tout compte,

avec intérêts légaux à compter du 31/07/2011, date de la fin du préavis ;

Déboute la SNC SSP de sa demande reconventionnelle ;

Condamne la société SSP à délivrer à M. A un certificat de travail conforme et la délivrance de bulletins de paye conformes à la rémunération réelle de M. A, incluant l’intégralité des accessoires du salaire ;

Condamne la SNC SSP à payer à M. A, pour la procédure d’appel, la somme de 300 000 F CFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle- Calédonie ;

Dit n’y avoir lieu à dépens.

Le greffier, Le président.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Nouméa, 26 novembre 2015, n° 14/00137