Cour d'appel d'Orléans, 26 novembre 2015, n° 14/01956

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, 26 nov. 2015, n° 14/01956
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 14/01956
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Tours, 20 mai 2014

Sur les parties

Texte intégral

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD’HOMMES

GROSSES le 26 NOVEMBRE 2015 à

XXX

SELARL 2BMP

EXPEDITIONS le 26 NOVEMBRE 2015 à

SCA I J W

EURL I J W HOLDING

S Z

ARRÊT du : 26 NOVEMBRE 2015

N° : 783/15 – N° RG : 14/01956

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOURS en date du 21 Mai 2014 – Section : ENCADREMENT

ENTRE

APPELANTES :

SCA I J W prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège

XXX

représentée par Me Christine ARANDA de la XXX, avocats au barreau de PARIS, substituée par Me Vivia CORREA, avocat au barreau de PARIS

EURL I J W HOLDING prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège

XXX – XXX

représentée par Me Christine ARANDA de la XXX, avocats au barreau de PARIS, substituée par Me Vivia CORREA, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉE :

Madame S Z

XXX

XXX

représentée par Me P BARON de la SELARL 2BMP, avocats au barreau de TOURS

Après débats et audition des parties à l’audience publique du 22 septembre 2015

LA COUR COMPOSÉE DE :

Monsieur Hubert de BECDELIEVRE, président de chambre,

Madame Christine DEZANDRE, conseiller,

Madame Valérie ROUSSEAU, conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier.

Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 17 novembre 2015 prorogé au 24 novembre 2015 prorogé au 26 novembre 2015, Monsieur Hubert de BECDELIEVRE, président de chambre, assisté de Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

RÉSUMÉ DES FAITS et DE LA PROCÉDURE

Mme S Z a été embauchée le 18 décembre 2006 en contrat à durée indéterminée par la société I J W en qualité de responsable coordonnateur du service achats. Elle percevait une rémunération brute mensuelle de 3 000,00 € à laquelle s’ajoutait une rémunération variable liée à la réalisation d’objectifs personnels annuels ainsi qu’aux résultats de l’entreprise.

La société I J W a pour objet la commercialisation de produits et articles destinés au professionnels du secteur dentaire ( cabinets dentaires, laboratoires et collectivités).

La convention collective du Négoce de fournitures s’applique dans les relations entre les parties.

Le 11 juin 2012, elle a saisi le conseil de prud’hommes du refus réitéré de son employeur de lui accorder un congé formation et de faire les démarches nécessaires à cette fin auprès du Y.

Elle a demandé la restitution du dossier CIF sous astreinte.

Elle a été placée en arrêt maladie le 11 décembre 2008.

La société I J W à remis à Mme Z un dossier Y en juillet 2012 et celle-ci a pu entamer la formation demandée.

Le 10 janvier 2013, elle a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cette convocation était assortie d’une mise à pied.

Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée du 30 janvier 2013 pour abandon de poste en raison du fait qu’elle ne s’était pas présentée à son employeur pendant la période de fermeture de l’établissement B assurait sa formation, soit entre le 22 décembre 2012 et le 6 janvier 2013, malgré l’aptitude à la reprise B avait été constatée par le médecin du travail.

Les demandes de Mme Z devant la juridiction prud’homale tendaient, en leur dernier état, à voir condamner la société I J W au paiement des sommes de :

—  30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  15 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

—  2 541,00 € à titre d’indemnité de licenciement ;

—  6 354,00 € à titre d’indemnité de préavis ;

—  635,40 € € au titre des congés payés afférents ;

—  244,35 € à titre de rappel des salaire de la période de mise à pied ;

—  24,43 € au titre des congés payés afférents ;

—  1 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle a également demandé la remise d’une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés conformément aux dispositions du jugement sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document.

L’employeur a demandé reconventionnellement la condamnation de Mme Z au paiement d’une somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 21 mai 2014, le conseil de prud’hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné la société I J W à verser à Mme Z les sommes de :

—  6 354,00 € à titre d’indemnité de préavis ;

—  635,40 € au titre des congés payés afférents ;

—  1 400,00 € à titre d’indemnité de licenciement ;

—  13 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  244,35 € à titre de rappel de salaire ;

—  24,43 € au titre des congés payés afférents.

Le conseil de prud’hommes a également condamné la société I J W à remettre à la salariée les documents demandés et à rembourser les prestations Pôle emploi à l’organisme intéressé dans la limite de 30 jours.

Le 5 juin 2014, la société I J W et l’EURL I J W HOLDING ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

DEVANT LA COUR

Par conclusions déposées à l’audience du 22 septembre 2015 et soutenues oralement, la société I J W a demandé à la cour d’infirmer le jugement déféré, de constater l’absence de harcèlement moral subi par Mme Z, de dire et juger que son licenciement était justifié par une faute grave et de condamner la salariée au paiement d’une somme de

2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle a fait plaider à ces fins que :

— dès le début de l’exécution de son contrat de travail, Mme Z multipliait les absences pour raisons de santé. Elle a ainsi obtenu un aménagement de son temps de travail B a été réduit à 70 % à compter du 1er mai 2008 par un avenant ;

— à partir du 11 décembre 2008, elle n’a plus réintégré les effectifs de la société ;

— ne bénéficiant plus des indemnités journalières de maladie, elle a demandé des autorisations d’absence pour suivre des actions de formation DIF et CIF en 2011 ;

— l’employeur a la possibilité de refuser le départ d’un salarié en DIF dans le délai d’un mois à réception de sa demande ;

— en l’occurrence, la demande de DIF de Mme Z lui a été refusée dans le délai légal car elle n’entrait pas dans le cadre des actions prioritaires de formation ;

— si le congé individuel de formation est un droit pour le salarié, ce droit ne peut être mis en oeuvre de façon discrétionnaire et peut être différé lorsque l’employeur estime, après consultation du comité d’entreprise, que l’absence du salarié serait préjudiciable à la marche de l’entreprise et n’est accessible qu’aux salariés justifiant d’une ancienneté de 24 mois ;

— la demande de CIF de Mme Z s’est heurtée à l’opposition unanime du comité d’entreprise et a été également rejetée car elle ne justifiait pas de l’ancienneté suffisante pour y prétendre. Cette demande a été néanmoins acceptée le 30 août 2012 par le Y et elle a pu bénéficier d’une formation de type 'Master Promotion Gestion Santé’ ;

— elle ne s’est pas présentée à son travail pendant la période de fermeture du centre de formation sans juger opportun d’en aviser l’employeur ou de justifier son absence ;

— Mme Z B invoque un harcèlement moral n’a jamais fait état dans ses entretiens d’évaluation ni même au cours des visites médicales périodiques de la dégradation de ses conditions de travail ;

— elle procède par allégations sans donner d’exemple précis et daté des agissements de son supérieur hiérarchique susceptible d’étayer le harcèlement moral qu’elle invoque et a simplement orienté une action prud’homale initialement diligentée pour la communication d’un dossier CIF vers une action en harcèlement moral sans élément de fait à l’appui ;

— Les observations formulées par son supérieur hiérarchique, M. C, directeur des achats, dans l’exercice de son pouvoir de direction étaient justifiées par le comportement de la salariée et ne sauraient relever du harcèlement moral ;

— en effet, tous les collaborateurs directs de Mme Z se sont plaints de son comportement en sa qualité de responsable coordination du service achats ;

— Mme Z n’a évoqué qu’une seule fois en décembre 2008, ses difficultés relationnelles avec M. C sans en préciser la nature, dans une demande d’ entretien à la direction à laquelle elle n’a pas donné suite ;

— aucune constatation précise ne permet d’imputer les problèmes de santé de la salariée à ses conditions de travail. Le compte rendu établi par le médecin du travail ne fait que reprendre les doléances de Mme Z. B plus est, le médecin B a recueilli ses doléances n’était pas en poste à l’époque des prétendus agissements de la hiérarchie et ne peut donc les avoir constatés ;

— le compte rendu établi par le médecin du travail le 23 août 2011 avait pour objet le refus de la demande de CIF et non le harcèlement moral ;

— tous les certificats médicaux évoquant le harcèlement moral ont été établis après juin 2011 soit plus de 2 ans après que Mme Z ait quitté l’entreprise ;

— la production de certificats médicaux au surplus particulièrement contradictoires ne saurait venir pallier la carence du salarié à rapporter la preuve d’éléments factuels circonstanciés permettant d’établir un cas de harcèlement moral ;

— Mme Z évoquait d’ailleurs ses problèmes de santé dès le début de ses relations de

travail. Ainsi, un certificat médical de 2008 relate 'un important syndrome de culpabilité certainement en rapport avec sa personnalité ainsi d’ailleurs qu’avec des problèmes de relation à sa propre mère qu’elle avait déjà essayé de comprendre il y a quelques années'.

Evidemment, il ne sera plus question de ses difficultés personnelles dans les certificats médicaux établis à partir de 2011 à l’expiration de sa prise en charge par l’assurance maladie ;

— M. C n’a jamais rencontré aucune difficulté avec l’un quelconque de ses collaborateurs. Ceux-ci, qu’il s’agisse d’anciens salariés ou de personnes se trouvant toujours sous ses ordres ont d’ailleurs tenu à lui exprimer leur soutien par des attestations produites au dossier ;

— Mme Z n’ayant pas réintégré la société depuis quatre ans au moment de son licenciement, rien ne permet d’imputer la rupture du contrat à l’inexécution par l’employeur d’une quelconque obligation ni à un prétendu harcèlement moral de sorte que demande de résiliation, B ne repose sur aucun manquement avéré de l’employeur ne peut qu’être rejetée ;

— le licenciement est fondé sur une faute grave commise le 30 janvier 2013 en raison de l’absence de la salariée à son poste pendant la période de fermeture du centre de formation ;

— en effet, la période de CIF ne constitue pas une période de protection pour le salarié B peut être licencié pendant celle-ci ;

— pendant une période de vacances, le salarié cesse d’être en congé individuel de formation et ne relève plus du Y mais se retrouve sous la subordination de l’employeur. Il doit donc reprendre contact avec celui-ci au cours des périodes d’interruption de la formation en vue de convenir de sa situation pendant cette période ;

— il en résulte que Mme Z aurait dû reprendre son poste ou à tout le moins prendre attache avec l’entreprise afin de solliciter des jours de congés payés. Elle a préféré rester dans son mutisme choisissant de ne pas réintégrer la société tout en percevant sa rémunération à échéance périodique ;

— l’EURL I J W HOLDING n’a pas déposé de conclusions.

Par conclusions déposées à l’audience du 22 septembre 2015 et soutenues oralement, Mme Z a demandé à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la société I J W à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait plaider à ces fins que :

— dès l’année 2008, la direction n’a eu de cesse d’évincer Mme Z de ses fonctions et de lui exprimer son souhait de la voir partir ;

— elle recevait des contre-ordres en privé remettant en question les objectifs B lui étaient assignés en public générant ainsi un profond désarroi attesté par une de ses amies ;

— des reproches injustifiés lui ont été adressés par son supérieur hiérarchique, M. C, lors d’un entretien annuel d’avril 2008 faisant état de plaintes liées à son comportement ;

— ce dernier n’aura de cesse de multiplier les reproches infondés et de lui donner les noms de personnes critiquant son comportement de 'maîtresse d’école’ sans toutefois porter à sa connaissance les témoignages de celles-ci ;

— au cours d’un nouvel entretien avec M. C en décembre 2008, celui-ci lui exprimera son souhait de la remplacer par une personne coûtant moins cher et lui demandera de contacter les services publics de l’emploi afin qu’elle envisage sa démission ;

— elle sera alors placée en arrêt maladie ;

— son médecin traitant alertera la médecine du travail le 23 décembre 2008 des problèmes de santé de sa patiente et de leur lien évident avec ses difficultés relationnelles dans son lieu de travail ;

— désireuse d’échapper à ce contexte harcelant, elle établira une demande de Y afin de suivre une 'licence professionnelle coordinateur référent secteur gérontologique’ et relancer sa carrière professionnelle par cette formation qualifiante ;

— cette demande soutenue lors d’un entretien organisé le 23 août 2011 avec l’assistance d’un délégué sera rejetée à deux reprises et l’employeur ne consentira à lui délivrer un dossier Y dûment rempli qu’après la saisine du conseil de prud’hommes ;

— ses problèmes de santé ne sont pas liés à une maladie grave dépourvue de tout lien avec ses déboires professionnels comme prétendu par l’employeur sur la base de témoignages mensongers mais bien au harcèlement qu’elle a subi sur son lieu de travail ;

— elle n’a jamais éprouvé de difficultés à coordonner et à manager son équipe comme le confirme le courriel B lui a été adressé le 17 novembre 2011 ;

— l’attestation du médecin traitant de Mme Z et le certificat médical de son psychiatre établissent le lien de causalité entre le soutien psychothérapique nécessaire à celle-ci en raison de son état de santé, dont elle continue d’ailleurs à bénéficier, et le contexte professionnel dans lequel elle évolue ;

— son dossier médical fait état du harcèlement dont elle a été victime mettant en évidence le lien entre la souffrance vécue à cette époque par Mme Z et ses difficultés avec son employeur ;

— un courrier de la médecine du travail en date du 9 août 2011 constate également cet état dépressif lié aux conditions de travail ;

— l’employeur a ainsi méconnu son obligation de sécurité de résultat ;

— les agissements de la société I J W justifient par leur gravité la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ;

— la médecine du travail a déclaré Mme Z apte uniquement à suivre la formation prise en charge par le FONCECIF et non à reprendre son poste dans l’entreprise ;

— il ne peut donc être reproché à la salariée de ne pas s’être rendue sur son lieu de travail pendant la fermeture de l’établissement B assurait sa formation et d’avoir été absente de son poste de façon injustifiée ;

— l’employeur n’a donc pas rapporté la preuve d’une faute grave commise par la salariée et son licenciement doit être tenu pour dépourvu de cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences pécuniaires B en découlent.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Mme Z invoque à ce sujet une succession d’ordres et de contre ordres, des problèmes de management, des accusations non fondées relatives à un fournisseur B se serait plaint d’elle, alors qu’elle ne gère pas ce fournisseur, des difficultés à pouvoir travailler en 2011, des objectifs fixés en décembre 2008 pour l’année écoulée, l’obligation de faire profil bas, de tenir certains discours, l’obligation d’agir selon les consignes de M. C et surtout de se faire oublier.

Toutefois ces allégations ne sont pas étayées de faits précis ni de témoignages relatant des faits personnellement constatés par leurs auteurs lesquels ne font que répéter ce B leur a été dit par Mme Z :

— attestation de M. F enseignant de médecine chinoise ayant rencontré Mme Z une fois par mois d’octobre 2007 à novembre 2008 :

'Mme Z était choquée des manières d’agir de son supérieur, mais cependant lui trouvait des excuses. Pourtant elle me disait avoir beaucoup de mal avec ses ordres et contre ordres dans la même journée et à plusieurs reprises dans la même journée.

En 2008 le climat se détériore elle devenait triste, déçue par certains événements professionnels. Elle me parle des reproches de son chef pour une soi disant plainte d’un fournisseur à son encontre alors qu’elle n’a pas encore établi de contacts avec ce fournisseur. Constatant sa méprise, son chef s’était repris tout en lui reprochant son côté maîtresse d’école lui conseillait de faire profil bas, (….) Son chef l’ignorait repoussant ses demandes d’explications. Elle semblait ne plus pouvoir avancer dans son travail Mme Z m’apparaissait désemparée, démunie et triste'.

— attestation de Mme H, enseignante artistique et amie de Mme Z B expose que cette dernière 'lui a fait part d’un comportement totalement irrationnel de la part de son supérieur hiérarchique et perturbant au point de ne plus rien y comprendre. Il lui avait donné des ordres qu’il contredisait en permanence, l’obligeant à refaire les choses en sens opposé, il avait cessé de vouloir communiquer avec elle petit à petit au point qu’il devenait impossible les derniers mois, d’obtenir un temps avec ce dernier pour lui présenter un travail finalisé sur informatique qu’il attendait pourtant et qu’il lui avait demandé lui-même de réaliser'.

Mme Z produit toutefois des pièces médicales évoquant un harcèlement moral au vu des symptômes qu’elle présente :

* Certificat médical du docteur G, médecin traitant du 08 avril 2008 faisant état de : 'Stress aigu sur harcèlement moral au travail 08 avril 2008; Dr G'.

*Certificat médical du Dr G en date du 11 décembre 2008 faisant état de :

'dépression majeure réactionnelle effondrement narcissique ;

victime de harcèlement moral dans le secteur professionnel ;

troubles de l’humeur ;

sentiment de culpabilité perte d’estime de soi’ ;

*Lettre du 23 décembre 2008 du Centre psychothérapique de Tours sud :

'L’entretien met en évidence des difficultés de relation sur son lieu de travail B sont déjà anciennes et paraissent être à l’origine de la décompensation.

Le type de symptômes présentés est très en faveur d’une problèmatique de souffrance au travail B pourra à court délai, justifier de prononcer une inaptitude au poste faute de quoi, le retour au travail risque d’entraîner une rechute et potentiellement un épisode dépressif plus profond et plus durable'.

* Certificat médical du Dr X psychiatre du 20 juin 2011 :

'Cette patiente est en arrêt de travail depuis le 11 12/2008 dans un contexte professionnel difficile . Actuellement, elle n’est plus en mesure de reprendre mais a la volonté de sortir de cette situation. Elle est en demande pour changer d’orientation ce B lui permet de rebondir et ne plus être dépendante des ijss'.

* Certificat du Dr E médecin du travail B évoque un :

' état anxio dépressif évoluant depuis 2008 en relation avec le harcèlement moral’ et ajoute : 'Mme Z ne peut réintégrer l’entreprise : il n’est pas envisageable qu’elle revienne dans une situation de souffrance au travail. Elle a choisi une nouvelle orientation pour laquelle elle avait amené le Y à l’employeur B le lui a refusé’ ;

S’il ressort de ces pièces émanant de plusieurs médecins que l’état de santé de Mme Z parait lié à des difficultés au travail B génèrent une souffrance, les médecins susnommés n’ont pas constaté sur place les conditions de travail de la salariée et n’affirment d’ailleurs pas que la souffrance qu’ils décrivent serait due aux agissements de l’employeur ou à des comportements qu’il aurait laissé se développer.

Certaines des attestations produites de part et d’autre laissent d’ailleurs à penser que Mme Z était en proie à des difficultés personnelles B ont pu tout autant que ses conditions de travail, altérer son état de santé :

* Attestation de M. A ancien collègue de Q C chez I J W : 'Très vite après son entrée dans l’entreprise, ses absences étaient devenues récurrentes et elle disait connaître de graves difficultés de santé non liées à son travail’ ;

* Attestation de Mme D : 'S m’a raconté ainsi qu’à plusieurs membres du service achats, qu’elle avait une maladie très grave dont l’un de ses parents était mort qu’il ne lui restait plus qu’une année à vivre et que la médecine traditionnelle ne pouvant plus rien pour elle sauf la médecine parallèle’ ;

*Lettre du 23 décembre 2008 du Centre psychothérapique de Tours sud : ' je note chez Mme Z un important syndrome de culpabilité, certainement en rapport avec sa personnalité ainsi d’ailleurs qu’avec des problèmes de relation à sa propre mère, qu’elle avait déjà essayé de comprendre il y a déjà quelques années'.

Par ailleurs, certaines des pièces produites par l’employeur tendent à montrer que la souffrance manifestée par la salariée est la conséquence de ses difficultés à faire face à ses tâches et de son comportement inapproprié avec ses collègues de travail et notamment les membres de son équipe et dont l’employeur ne peut être tenu pour responsable :

* Attestation de Mme D, responsable import export : 'S Z avait une attitude plutôt agressive et incompréhensible vis à vis des personnes qu’elle manageait. Ces personnes se plaignaient beaucoup’ ;

* Attestation de M. O P, responsable de gestion de la base de données : 'S Z avec B j’ai travaillé faisait l’objet de reproches de la part de ses collaboratrices notamment par sa manière de manager son équipe’ ;

* Attestation de M. A : ' Q C accepta, avec tact et discrétion, d’aménager ses horaires et ses fonctions afin de l’aider temporairement alors que cela générait une perturbation importante dans le fonctionnement et nécessitait la réorganisation des services compte tenu du rôle initialement important de ce poste’ ;

* Attestation K L, directeur financier de la société : 'Q C a remarqué certaines carences dans son management suite à des retours négatifs dans son équipe ( 2personnes) et d’autres services et il m’a indiqué avoir fait un point avec elle pour améliorer son comportement. K C s’est rapproché du service RH et de moi-même pour nous indiquer que lors d’un entretien d’évaluation, S Z lui avait fait part de problèmes de santé B pouvaient justifier sa moindre performance et du besoin d’organiser son temps de travail de façon plus souple pour suivre un traitement médical non conventionnel.

Après plusieurs mois sans preuves objectives de son problème de santé, de ses difficultés persistantes de performance, K C avait décidé, lors de l’entretien annuel de lui indiquer qu’il était particulièrement insatisfait de son travail et que cela devait cesser.

Quelques jours après l’entretien, S Z a été arrêtée pour cause de dépression'.

Mme Z évoque également, au titre des actes de harcèlement moral, les refus opposés systématiquement par l’employeur à ses demandes de congés de formations par lesquels elle espérait sortir de sa situation et retrouver un emploi.

L’objet du congé individuel de formation est défini par l’article L.6 322-1 du code du travail en ces termes :

'le congé individuel de formation a pour objet de permettre à tout salarié, au cours de sa vie professionnelle, de suivre à son initiative et à titre individuel des actions de formation, indépendamment de sa participation aux stages compris , le cas échéant, dans le plan de formation de l’entreprise dans laquelle il exerce son activité'.

Ces actions de formations doivent permettre au salarié :

1°) d’accéder à un niveau supérieur de qualification,

2°) de changer d’activité ou de profession,

3°) de s’ouvrir plus largement à la culture, à la vie sociale et à l’exercice de responsabilités associatives bénévoles'.

Aux termes de l’article L.6322-4 du code du travail,'le salarié a droit, sur demande adressée à son employeur, à un congé individuel de formation pour suivre des actions de

formation du type de celles mentionnées à l’article L 6313-1'.

L’article L.6322-6 en vigueur depuis le 1er mai 2008 dispose que 'le bénéfice du congé individuel de formation demandé est de droit, sauf dans le cas où l’employeur estime, après avis du comité d’entreprise ou, s’il n’en existe pas, des délégués du personnel, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise'.

Mme Z a formé le 17 mai 2011, une première demande d’autorisation d’absence pour suivre la formation 'licence professionnelle coordonnateur référent secteur gérontologie’ du 19 septembre 2011 au 30 juin 2012 dans le cadre d’un congé CIF.

Elle a reçu le 13 juin une réponse négative en ces termes : ' Surpris et ravis que votre santé vous autorise à suivre une formation en Provence Côte d’Azur alors qu’elle est absente en maladie depuis le 11 décembre 2008 soit près de 3 ans.

Nous serons ravis avant de vous voir suivre une formation sans relation avec notre activité professionnelle, de vous revoir au sein de notre service B attend toujours avec impatience votre retour.

La période de votre potentielle absence n’étant pas compatible avec le fonctionnement de l’agence pendant une forte période d’activité.

Les nouvelles qualifications que vous recherchez ne correspondent à aucune évolution possible en interne'.

Mme Z a formé une nouvelle demande d’autorisation d’absence le 25 avril 2012 en vue d’une formation dénommée’master promotion gestion santé’ à l’université de Tours dans le cadre d’un CIF du 24 septembre 2012 au 05 mai 2013 (8 mois) sous réserve de pouvoir intégrer la formation et d’obtenir le financement du Y.

N’ayant pas reçu de réponse malgré une relance au 30 mai 2012, elle a saisi le conseil de prud’hommes le 11 juin 2012 et n’a reçu son dossier Y qu’en juillet 2012.

Mme Z B avait formulé une demande dans le cadre du DIF pour la période du 19 septembre 2011 au 30 juin 2012 a essuyé un nouveau refus le 30 août 2011 exprimé en ces termes : ' Je suis au regret comme les dispositions du code du travail nous y autorisent, de vous informer de notre refus d’accéder à votre demande'.

Lors d’une réunion tenue le 23 août 2011 entre le directeur des Ressources humaines, Mme Z, le médecin du travail AIMT et la secrétaire AIMT, le premier nommé à déclaré que’La formation gérontologique dans le sud n’avait rien à voir avec les achats. I J ne financera pas les vacances. Y et DIF refusés'.

Ce à quoi, le médecin du travail a répondu : 'Cette formation, ce n’est pas des vacances mais une reconstruction'.

Le Dr X a également écrit le 24 juin 2011: ' compte tenu de la durée de son arrêt de travail et de sa volonté de mener à bien ce projet, il serait judicieux de lui accorder cette chance . Je confirme que son état de santé sera amélioré seulement si elle arrive à mener son projet jusqu’au bout sans quoi elle risque de retomber dans un état de désespoir et de dépression chronique'.

L’employeur produit un procès verbal de réunion du comité d’entreprise en date du 15 mai 2012 dont il résulte que , suite à la présentation de la situation de la salariée et du point de vue de l’employeur par le Directeur des Ressources Humaines,'les membres du comité d’entreprise, à l’unanimité, n’émettent aucune opposition au refus de la demande de CIF’ .

Il n’en demeure pas moins que le bénéfice du congé individuel de formation est de droit lorsque le salarié remplit les conditions requises pour en bénéficier ; qu’en l’espèce le refus de l’employeur n’est pas lié au fait que ces conditions ne seraient pas remplies mais au souci de 'n’encourager en aucune manière le maintien en maladie pour financer des projets personnels non liés à l’activité d’I J’ alors que l’employeur ne peut opposer au salarié le fait qu’il est en congé maladie mais seulement les conséquences préjudiciables de son absence sur le fonctionnement de l’entreprise B n’est pas en cause en l’espèce ; que de plus, le congé individuel de formation a pour objet comme l’indiquent les textes ci-dessus rappelés, de permettre au salarié de suivre une formation de son choix, éventuellement dans la perspective de changer d’activité ou de profession et dès lors, il importe peu que les demandes ne soient pas en rapport avec les activités de la société I J ; que la consultation du comité d’entreprise est prévue lorsque l’employeur invoque au soutien de son refus, les nécessités du fonctionnement de l’entreprise et que l’absence d’opposition du comité d’entreprise au refus de l’employeur n’a pas pour effet de légitimer un refus non fondé sur des motifs conformes aux textes susrappelés.

Il résulte de ces éléments que le refus réitéré de faire droit aux demandes de formations de la salariée, refus exprimé de surcroît en termes humiliants et inappropriés était de nature à préjudicier aux droits de la salariée et à sa santé dont il risquait d’aggraver la détérioration et que ces refus n’étaient en rien justifiés par les nécessités du fonctionnement de l’entreprise de laquelle Mme Z était absente depuis plus de 3 années.

Ces refus réitérés constituent des actes faisant présumer d’un harcèlement moral et l’employeur ne rapporte pas la preuve de ce qu’ils étaient étrangers à tout harcèlement.

Mme Z est fondée à demander réparation du préjudice que lui ont causé les agissements de l’employeur à hauteur de 5 000,00 €.

Sur la résiliation judiciaire

Les faits ci-dessus caractérisés rendaient impossible la poursuite de la relation de travail compte tenu de la situation de la salariée et justifiaient la résiliation judiciaire du contrat.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail

Les demandes de la salariée tendant au paiement des indemnités liées à la rupture abusive de son contrat de travail ( salaires de la mise à pied, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) sont dont fondées en leur principe.

la société I J W soutient que l’article 14 de l’avenant relatif aux cadres de la convention collective du Négoce fixe le montant de l’indemnité de licenciement à 10 % du salaire mensuel des 12 derniers mois pour les salariés ayant plus d’un an d’ancienneté et

d’un âge compris entre 40 ans et 49 ans et qu’à défaut de dispositions contraires de la convention collective, les absences pour cause de maladie ne peuvent pas être prises en considération dans le calcul de l’ancienneté propre à déterminer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Compte tenu du salaire de Mme Z, la somme de 1 400,00 € demandée au titre de l’indemnité de licenciement et accordée par les premiers juges n’est pas supérieure au montant B résulte de l’application de ces dispositions.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

La société I J W ne conteste pas les montants demandés au titre du salaire de la mise à pied, de l’indemnité de prévis, des congés payés afférents et des dommages et intérêts pour la rupture du contrat de travail B sont d’ailleurs conformes aux sommes accordées par les premiers juges.

Celle-ci soutient cependant que la salariée ne saurait prétendre à un cumul entre les dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour résiliation judiciaire au motif que ces deux modes de rupture doivent être appréciés distinctement et ne donnent pas lieu à un cumul de dommages et intérêts.

Toutefois, la perte de gain résultant de la rupture du contrat aux torts de l’employeur, et la réparation des souffrances causées par le harcèlement moral constituent bien deux préjudices distincts ouvrant droit à des dommages et intérêts distincts.

Le jugement sera donc confirmé sur toutes les sommes attribuées au titre des indemnités liées à la rupture du contrat de travail.

Sur la remise des documents de fin de contrat

L’employeur devra remettre au salarié une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt. Il n’y a pas lieu en l’état d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient en outre de dédommager Mme Z de ses frais non compris dans les dépens à hauteur de la somme réclamée de ce chef.

Les dépens seront supportés par la SCA I J W.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

RÉFORME partiellement le jugement déféré et STATUANT À NOUVEAU,

RAMÈNE à 5 000,00 € le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y AJOUTANT,

DIT que la SCA I J W devra remettre à Mme Z une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt ;

CONDAMNE la SCA I J W à verser à Mme Z la somme de 1 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCA I J W aux dépens.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Mireille LAVRUT H. de BECDELIÈVRE

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Cour d'appel d'Orléans, 26 novembre 2015, n° 14/01956