Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 14 janvier 2020, n° 18/03219

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. sécurité soc., 14 janv. 2020, n° 18/03219
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 18/03219
Sur renvoi de : Cour de cassation, 8 mars 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

Y Z DE X

EXPÉDITIONS à :

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

TGI de BOURGES

ARRÊT du : 14 JANVIER 2020

Minute N° 30/2020

N° RG 18/03219 – N° Portalis DBVN-V-B7C-FZ3U

Décision prononcée suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 09 mars 2017, annulant et cassant dans toutes ses dispositions un arrêt rendu par la cour d’appel de BOURGES en date du 25 septembre 2015 statuant sur appel d’un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de BOURGES du 19 septembre 2014.

ENTRE

APPELANTE :

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[…]

[…]

Représenté par Benjamin RAHAL en vertu d’un pouvoir spécial

D’UNE PART,

ET

INTIMÉ :

Maître Y Z DE X es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL S’PASS DIFFUSION II dont le siège social est situé à […]

[…]

[…]

Non comparant, ni représenté

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[…]

[…]

Non comparant, ni représenté

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Sophie GRALL, Président de chambre,

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Greffier :

Madame Ophélie FIEF, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 22 OCTOBRE 2019.

ARRÊT :

PRONONCÉ le 14 JANVIER 2020, après prorogation de la date de délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

La société S’Pass Diffusion II a fait l’objet d’une procédure de contrôle, diligentée par l’URSSAF du Centre, s’agissant de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.

A la suite de ce contrôle, l’URSSAF du Centre a notifié à la société S’Pass Diffusion II divers chefs de redressement pour un montant total de 283 881 euros.

Cette somme a été réduite à la somme de 269 390 euros en principal à la suite des observations formulées par la société S’Pass Diffusion II.

Le 26 juin 2013, l’URSSAF a adressé à la société S’Pass Diffusion II une mise en demeure portant sur la somme de 306 298 euros au total dont 36 910 euros de majorations.

Un des chefs de redressement (n° 2) résultait de la réintégration dans l’assiette des cotisations du montant d’amendes réprimant des contraventions au code de la route commises par des salariés de l’entreprise, dont la prise en charge par l’employeur avait été considérée, par l’inspecteur du recouvrement, comme un avantage devant être soumis à cotisations (soit 2 688 euros en 2010 et 7

648 euros en 2011).

La société S’Pass Diffusion II a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF, laquelle, par une décision du 27 novembre 2013, a maintenu le redressement sauf pour ce qui concerne le chef de redressement n° 2 relatif à la prise en charge par l’employeur de certaines amendes relatives à des contraventions commises par ses salariés, ce point ayant fait l’objet d’une diminution des bases de cotisations à hauteur de 734 euros au vu des documents complémentaires produits par la société S’Pass Diffusion II, à savoir :

— année 2010 : – 563 euros

— année 2011 : – 171 euros.

La société S’Pass Diffusion II a contesté cette décision en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourges le 31 octobre 2018.

Par jugement prononcé le 19 septembre 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourges a :

— dit n’y avoir lieu à prononcer la nullité de la procédure de recouvrement diligentée par l’URSSAF à l’égard de la société S’Pass Diffusion II pour défaut de motivation de la mise en demeure et pour non respect du principe du contradictoire et de l’égalité des armes,

— infirmé la décision prise par la commission de recours amiable de l’URSSAF du Centre le 27 novembre 2013,

- dit que ne peuvent donner lieu à cotisations et contributions les amendes réglées par la société S’Pass Diffusion II au titre des contraventions commises par ses salariés à l’occasion de la conduite d’un véhicule de la société ou d’un véhicule loué auprès d’une société de location de véhicules et concernant la réglementation sur le stationnement des véhicules sur l’acquittement des péages, la réglementation sur les vitesses maximales autorisées, sur le respect des distances de sécurité entre les véhicules, sur l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules et sur les signalisations imposant l’arrêt des véhicules,

— déclaré non fondé le redressement relatif aux indemnités compensatrices de congés payés et indemnités de précarité,

— dit que seules peuvent donner lieu à cotisations et contributions les amendes réglées par la société S’Pass Diffusion II consécutives à des contraventions commises par ses salariés dans l’exercice de leurs fonctions alors que ces derniers utilisaient leur propre véhicule,

— annulé, en conséquence et à la seule exception ci-dessus mentionnée, les rappels de cotisations et de contributions sociales mises à la charge de la société S’Pass Diffusion II,

— condamné l’URSSAF à verser à la société S’Pass Diffusion II une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Le 16 octobre 2014, l’URSSAF du Centre a relevé appel de ce jugement, l’appel étant limité aux deux points suivants :

— l’annulation des rappels de cotisations et de contributions portant sur le montant des amendes prises en charge par l’employeur.

— la condamnation prononcée à son encontre au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 25 septembre 2015, la cour d’appel de Bourges a :

Statuant dans les limites de l’appel ;

— confirmé le jugement ;

Y ajoutant ;

— condamné l’URSSAF du Centre à payer à la SARL S’Pass Diffusion II la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

— condamné l’URSSAF du Centre aux dépens.

Par jugement prononcé par le tribunal de commerce de Nanterre le 13 octobre 2016, la société S’Pass Diffusion II a été placée en liquidation judiciaire, Maître Y Z de X étant désigné en qualité de liquidateur.

L’URSSAF a déclaré sa créance au passif de la société S’Pass Diffusion II englobant les périodes visées par le contrôle ayant abouti au redressement contesté.

L’URSSAF du Centre a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

Par arrêt rendu le 9 mars 2017, la cour de cassation a :

— cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 25 septembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges et a remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d’appel d’Orléans ;

— condamné la société S’Pass Diffusion II aux dépens ;

— Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société S’Pass Diffusion à payer à l’URSSAF du Centre la somme de 3 000 euros.

Par déclaration de saisine en date du 28 septembre 2018, reçue au greffe de la cour de la cour d’appel d’Orléans le 1er octobre 2018, l’URSSAF Centre-Val de Loire a saisi la cour d’appel de renvoi.

L’URSSAF Centre-Val de Loire demande à la cour de :

— déclarer son recours recevable et bien fondé.

— 'confirmer l’arrêt de cassation rendu par la deuxième chambre civile de la cour de cassation le 9 mars 2017".

— valider le redressement opéré à l’encontre de la société S’Pass Diffusion II et répertorié au point 2 de la lettre d’observations, relatif à la prise en charge par l’employeur de contraventions commises par ses salariés.

— rejeter toutes demandes de la partie adverse.

L’URSSAF Centre-Val de Loire fait valoir principalement ce qui suit :

— l’article L 121-1 du code de la route pose le principe selon lequel le conducteur d’un véhicule est personnellement et pénalement responsable des infractions commises par lui dans la conduite du véhicule.

— cette règle est tempérée par les articles L 121-2 et 3 du même code, qui prévoient la responsabilité pécuniaire du titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule pour les infractions à la réglementation sur le stationnement ou sur l’acquittement des péages, sur les vitesses maximales, sur l’usage de voies et chaussées réservées et sur les signalisations imposant l’arrêt des véhicules.

— cette responsabilité est toutefois limitée au seul paiement de l’amende et au cas où le titulaire du certificat d’immatriculation n’établit ni l’existence d’un cas de force majeure, ni ne fournit les renseignements permettant d’identifier l’auteur véritable de l’infraction (a contrario, la loi permet à l’employeur de fournir l’identité de son préposé afin que le recouvrement de l’amende se fasse à l’encontre de ce dernier).

— dans les cas où le certificat d’immatriculation est établi au nom d’une personne morale la responsabilité pécuniaire incombe alors à son représentant légal et non à la société, la jurisprudence considérant qu’un employeur, du fait de sa position de chef d’entreprise, ne peut ignorer l’identité de la personne à laquelle le véhicule d’entreprise a été confié le jour de la commission de l’infraction, et que s’il fait le choix de taire le nom de celle-ci, il ne peut pas se soustraire à la responsabilité que la loi met à sa charge.

— il en résulte que la loi a prévu une responsabilité subsidiaire entre le conducteur et le propriétaire du véhicule afin d’assurer le paiement de la sanction de l’infraction commise et faire échec à une éventuelle connivence pouvant exister entre les intéressés.

— la loi ne prévoit ainsi le recouvrement de l’amende auprès du titulaire du certificat d’immatriculation qu’au cas où celui-ci ne communiquerait pas les éléments permettant d’établir l’identité de l’auteur véritable de l’infraction.

— c’est donc bien le conducteur du véhicule qui reste personnellement responsable des infractions commises par lui dans la conduite du véhicule.

— de ce fait, il importe peu que ce soit l’employeur en tant que représentant légal de la personne morale qui acquitte l’amende, le caractère de dépense personnelle valant tant dans le cas d’une prise en charge par l’entreprise pour le compte de son préposé, que dans celui d’une responsabilité pécuniaire du représentant de la personne morale par détermination de la loi.

— en application de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale et de l’arrêté du 20 décembre 2002, la prise en charge par l’employeur d’une dépense personnelle du salarié constitue une rémunération soumise à cotisations.

— il en résulte que, s’agissant des amendes infligées aux salariés suite à des infractions au code de la route, il y a lieu d’opérer une distinction en fonction des situations rencontrées et des types d’infractions concernées.

— les infractions qui mettent directement en cause un comportement du salarié présentent un caractère personnel de sorte que leur paiement ou leur remboursement par l’employeur constitue la prise en charge d’une dépense personnelle soumise à cotisations et contributions.

— s’agissant des amendes infligées pour stationnement irrégulier, lorsque l’amende résulte des activités de déplacements professionnels (livraisons, dépannage, service après-vente…), l’amende constitue une charge d’exploitation de l’entreprise (frais d’entreprise) et son paiement ou le remboursement par l’employeur ne constitue pas un avantage en espèces soumis à cotisations et contributions.

— lors du contrôle, l’examen des grands livres clos en décembre 2010 et 2011 a montré des sommes au débit du compte intitulé 'amendes contraventions’ correspondant, selon le comptable de la société

S’Pass Diffusion II, à la prise en charge par l’employeur de contraventions routières infligées à ses salariés.

— contrairement à ce qu’avait indiqué la société S’Pass Diffusion II dans ses écritures, la plupart des amendes ne concerne pas des stationnements irréguliers mais des excès de vitesse.

— suite à la transmission des copies de contraventions (et des copies des chèques de paiement), une diminution de la base de redressement relative aux contraventions liées à un stationnement irrégulier a été calculée à hauteur de 734 euros.

— la prise en charge par l’employeur de contraventions routières infligées à ses salariés est à considérer comme un avantage qu’il convient de soumettre à cotisations.

— la solution retenue par les premiers juges pour décider que la prise en charge financière des contraventions par l’employeur ne pouvait être assimilée à un avantage en nature, fondée sur le fait qu’il était indifférent, au regard des règles du code de la route, que l’employeur dispose des éléments nécessaires pour établir l’identité du conducteur du véhicule lors de l’infraction, ne saurait être approuvée au regard des dispositions du droit de la sécurité sociale et en particulier des règles d’assujettissement aux contributions et cotisations de sécurité sociale, le fait pour l’employeur de ne pas révéler l’identité des auteurs des infractions qu’il connaissait nécessairement et de s’acquitter du paiement des amendes conférant incontestablement à ces derniers un avantage en nature dès lors que l’employeur leur permettait ainsi de faire l’économie d’une amende qu’ils auraient normalement dû payer.

Régulièrement convoqué par les soins du greffe, Maître Y Z de X, liquidateur à la liquidation judiciaire de la société S’Pass Diffusion, a indiqué qu’il ne disposait d’aucun fonds pour assurer sa représentation dans le cadre du présent appel.

Il est référé pour le surplus aux écritures déposées par les parties à l’appui de leurs explications orales devant la cour.

SUR QUOI, LA COUR :

Selon l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.

Constitue un avantage, au sens de cette disposition, la prise en charge par l’employeur, des amendes réprimant une contravention au code de la route commise par un salarié de l’entreprise.

Il convient, par conséquent, ainsi que le sollicite l’URSSAF Centre-Val de Loire d’infirmer le jugement prononcé le 19 septembre 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourges en ce qu’il a annulé le rappel de cotisations relatif à la prise en charge par la société S’Pass Diffusion II du paiement de contraventions commises par ses salariés et, statuant à nouveau, de valider le redressement opéré de ce chef à l’encontre de ladite société et répertorié au point 2 de la lettre d’observations.

Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il y a lieu de laisser la charge des dépens d’appel à la société S’Pass Diffusion II, prise en la personne de Maître Y Z de X, ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de ladite société.

Il convient, par ailleurs, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’URSSAF du Centre à payer à la société S’Pass Diffusion II la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et, statuant à nouveau, de dire n’y avoir lieu à condamnation de l’URSSAF du Centre sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme en ses dispositions dévolues à la cour le jugement prononcé le 19 septembre 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourges ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Valide le redressement opéré à l’encontre de la société S’Pass Diffusion II et répertorié au point 2 de la lettre d’observations relatif à la prise en charge par l’employeur de contraventions commises par ses salariés;

Dit n’y avoir lieu à condamnation de l’URSSAF du Centre sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse la charge des dépens d’appel à la société S’Pass Diffusion II, prise en la personne de Maître Y Z de X, ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de ladite société.

Arrêt signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre, et Madame Ophélie FIEF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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