Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 17 décembre 2020, n° 19/00433

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. civ., 17 déc. 2020, n° 19/00433
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 19/00433
Décision précédente : Tribunal de première instance de Papeete, 23 juillet 2019, N° 493;18/00397
Dispositif : Autre décision avant dire droit

Sur les parties

Texte intégral

459/add

PG

--------------

Copies authentiques

délivrées à :

— Polynésie française,

— Me Quinquis,

le 18.12.2020.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 17 décembre 2020

RG 19/00433 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 493, rg n° 18/00397 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 24 juillet 2019 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 8 novembre 2019 ;

Appelante :

La Polynésie française, Avenue Pounana’a a Oopa, […], représentée par M. le Président du Gouvernement de la Polynésie française ;

Ayant conclu ;

Intimée :

La Sarl Papeete Services et Restaurants, inscrite au Rcs sous le n° Tpi 0026 B dont le siège social est […], prise en la personne de son gérant : M. X Y ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete et le Cabinet C M S, Me Francis LEFEBVRE, avocat au barreau de Hauts de Seine ;

Ordonnance de clôture du 11 septembre 2020 ;

Composition de la Cour :

Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique du 22 octobre 2020, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de

président, M. GELPI et M. SEKKAKI, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. GELPI, conseiller et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Rappel des faits et de la procédure :

La Sarl Papeete Services et Restaurants exploite à Tahiti un établissement de restauration rapide sous l’enseigne McDonald’s dans lequel elle vend des boissons sucrées et gazéifiées sous les marques Coca-Cola, Fanta et Sprite.

Considérant que cette activité devait être assujettie à la taxe spéciale sur 'la production de boissons alcoolisées et de certains produits sucrés', instaurée par une délibération n° 2001-208 APF du 11 décembre 2001 et codifiée aux articles 338-1 et suivants du code des impôts de la Polynésie française, le service des contributions de l’administration fiscale lui a adressé plusieurs notifications de redressement fiscal portant sur les périodes du 1er janvier 2007 au 31 août 2012.

Suite à ces redressements, contestés initialement devant les juridictions administratives, la Sarl Papeete Services et Restaurants a entrepris dans un premier temps de s’acquitter de la taxe litigieuse, à compter du mois de septembre 2012.

Mais ensuite, par une réclamation contentieuse du 29 décembre 2017, elle a sollicité du président de la Polynésie française le remboursement de la taxe dont elle s’était acquittée pour la période du 1er décembre 2015 au 30 novembre 2017, représentant la somme totale de 24 374 016 FCP.

En l’absence de réponse à sa demande en remboursement dans le délai de six mois, valant décision implicite de rejet, la Sarl Papeete Services et Restaurants a saisi le tribunal de première instance de Papeete, par requête enregistrée au greffe le 22 août 2018, précédée d’une assignation délivrée le 10 août 2018.

Aux termes d’un jugement du 24 juillet 2019, auquel la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ledit tribunal a :

— ordonné le remboursement de la taxe sur les boissons sucrées mise à la charge de la Sarl Papeete Services et Restaurants pour les mois de décembre 2015 à novembre 2017 pour un montant total de 24 374 016 FCP ;

— condamné la Polynésie française à payer à la Sarl Papeete Services et Restaurants la somme de 300.000 FCP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— débouté pour le surplus ;

— et condamné la Polynésie française aux entiers dépens.

Suivant requête enregistrée au greffe le 8 novembre 2019, la Polynésie française a relevé appel de cette décision, en demandant à la cour :

— d’annuler le jugement contesté en ce qu’il a accueilli la demande de remboursement de la taxe sur les boissons sucrées mise à la charge de la Sarl Papeete Services et Restaurants ;

— dire que la taxe sur les boissons sucrées est fondée ;

— remettre à la charge de la Sarl Papeete Services et Restaurants la taxe sur les boissons sucrées dont le remboursement a été accordé par le jugement contesté ;

— et condamner cette société à lui payer la somme de 500.000 FCP au titre des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour d’appel par voie électronique le 29 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l’appelante réitère ses demandes en faisant valoir en substance que :

— le jugement critiqué est insuffisamment motivé au motif qu’il s’est contenté de reprendre le raisonnement de la Cour de cassation fondé sur les dispositions de l’article 520 A du code général des impôts, inapplicable en Polynésie française, sans s’attacher à expliquer en quoi les éléments du processus de fabrication mis en 'uvre par la société intimée seraient insuffisants pour considérer qu’elle exerce une activité de production ;

— le premier juge a commis également des erreurs de droit, d’une part, en ne tirant pas les conséquences de la rédaction plus large de l’article 338-1 du code des impôts polynésiens qui soumet à la taxe litigieuse : «toute entreprise, personne physique ou morale qui exerce, à titre lucratif de façon habituelle, une activité de production», alors que le droit métropolitain restreint le champ d’application de cette taxe aux fabricants de boissons : «livrées à titre onéreux ou gratuit en fûts, bouteilles ou boîtes» et, d’autre part, en méconnaissant le principe de spécialité législative qui confère à la Polynésie française une compétence autonome en matière fiscale, de sorte qu’en l’espèce la jurisprudence métropolitaine ne pouvait être utilement invoquée pour écarter l’application de la taxe litigieuse ;

— les impositions en litige sont donc bien fondées dès lors que le process employé par la société intimée caractérise une activité de production au sens de l’article 338-1 précité puisque celle-ci met en 'uvre des facteurs de production afin de créer des produits nouveaux ; en effet, la Sarl Papeete Services et Restaurants transforme le sirop, matière première, selon des modalités et des ratios précis contrôlés par la société fabricante, au moyen de fontaines à boissons qui s’apparentent à des mini chaînes de fabrication et qui permettent de délivrer des volumes de boissons très importants ;

— d’ailleurs, avant que la juridiction administrative ne décline sa compétence, ce raisonnement avait été, tout d’abord, validé par le tribunal administratif de Papeete dans son jugement n° 1200337 du 11 septembre 2012 qui exposait: «(…) il résulte de l’instruction que la société requérante achète des concentrés de sirops conditionnés sous forme de «bag in box», non consommables comme tels ; qu’elle se livre à une activité de transformation et de conditionnement différend du produit de base qu’elle achète; qu’elle transforme ces concentrés en les soumettant à un traitement dit «post mix», consistant à y ajouter de l’eau et du gaz carbonique, à l’aide d’un outillage approprié destiné notamment à assurer la conformité de la boisson aux normes de la marque sous laquelle elle est vendue ; que ce faisant, elle doit être regardée comme se livrant à la production d’une boisson sucrée au sens des dispositions précitées de l’article 338-1 du code des impôts et ne peut donc prétendre à cet égard n’avoir qu’une activité de prestataire de services ; qu’en outre les dispositions susmentionnées ne s’appliquent pas uniquement aux entreprises qui exercent cette activité de façon principale, mais à toutes celles qui, comme la société Papeete Services et Restaurants l’exercent à

titre habituel, même accessoire ; qu’enfin, la vente aux consommateurs des boissons produites, y compris sous forme de remise individuelle à un client d’établissement de restauration, présente le caractère d’une livraison constituant le fait générateur de la taxe»…;

— … puis confirmé par la cour administrative d’appel de Paris dans son arrêt n° 12PA04633 du 31 mai 2013 qui avait retenu : «les boissons susmentionnées servies aux consommateurs dans l’établissement de la société requérante sont obtenues à partir de sirops, fournis pas la société anonyme Brasserie de Tahiti dans des outres en plastique («Bag in box») et que la requérante transforme en sodas au moyen de fontaines à boissons, en y ajoutant de l’eau, filtrée et adoucie, et du gaz carbonique alimentaire, selon des ratios et des techniques conformes à ceux imposés par les fabricants ; que la société fait ainsi subir aux sirop qu’elle achète à ce fournisseur une transformation qui modifie leur nature en permettant l’élaboration de 5,4 à 6,4 litres de boisson consommable à partir d’un litre de sirop, non consommable sans cette transformation ; que, grâce à ce procédé, cette société élabore donc un produit nouveau ; qu’il s’ensuit que le service établit que la société requérante doit être regardée, alors même qu’elle n’a ni la possibilité de constituer des stocks des boissons produites par les fontaines, ni celle de décider du dosage ou de la composition des sirops qu’elle utilise, comme exerçant une activité de production, au sens de l’article 338-1 du code des impôts de la Polynésie française».

Elle insiste sur la différence de formulation entre l’article 520 A du code général des impôts métropolitain et l’article 338-1 du code des impôts polynésien de sorte que, selon elle, la société intimée est mal fondée à se prévaloir d’une jurisprudence exclusivement fondée sur le premier de ces textes qui limite son champ d’application aux boissons «livrées à titre onéreux ou gratuit en fûts, bouteilles ou boîtes», ce qui, de facto, ne le rend pas applicable au processus en litige qui aboutit à livrer les boissons au consommateur sous forme de gobelets en carton.

Elle invoque également les propos tenus par le responsable de la société Cornelius, unique fabricant de fontaines à boissons sur le territoire français, aux termes desquels : «Le fonctionnement d’une fontaine à boissons pour post-mix ne peut s’apparenter à un process de fabrication artisanale. Il s’agit d’un matériel de technologie de pointe qui est destiné à une utilisation industrielle au vu des débits pouvant être servis par heure et au vu de la haute technologie déployée pour parvenir à la fabrication de sodas ou de jus de fruits conformes aux références des fabricants de boissons en France, que le principe de fabrication est le même que celui du fabricant. Le process général de fonctionnement des fontaines est le même que celui retenu dans les usines, Il s’agit d’une mini chaîne de fabrication destinée à la restauration hors foyer» et soutient que cette analyse ne peut être écar-tée au seul motif qu’elle émane d’une personne financièrement intéressée, dès lors qu’il s’agit d’observations produites par un expert en ce domaine.

Enfin, elle considère que le raisonnement par analogie entre les règles applicables en matière de taxe sur les boissons sucrées et celles applicables en matière de TVA n’est pas convaincant dès lors que la qualification de 'prestation de services de fourniture de boissons sur place ou à emporter’ au regard des dispositions en matière de TVA est sans incidence sur le fait de savoir si le processus de fabrication des boissons litigieuses répond ou non à la notion d’acte de production.

En réplique, aux termes de ses conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe civil de la cour d’appel le 7 septembre 2020, auxquelles il convient également de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Sarl Papeete Services et Restaurants demande à la cour de bien vouloir :

— déclarer l’appelante mal fondée en son appel et l’en débouter,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 juillet 2019 par le tribunal de première instance de Papeete,

— y ajoutant, débouter l’appelante de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— et la condamner à lui verser la somme de 1.200.000 FCP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.

A l’appui de ses demandes, elle soutient que :

— le jugement critiqué n’encourt pas le grief de motivation insuffisante ; au contraire, le premier juge, après avoir rappelé les textes applicables, a souligné que la solution du litige commandait de qualifier l’activité de la société au regard des seules dispositions du code des impôts de Polynésie française, en raison du statut d’autonomie fiscale dont dispose ce territoire ; puis, après avoir décrit les modalités de fonctionnement des fontaines et de préparation des boissons, il a jugé que la société intimée ne pouvait pas être qualifiée de producteur au sens des dispositions de l’article 338-1 du code des impôts polynésien ; la décision entreprise est donc motivée même si le juge ne partage pas l’analyse de l’appelante ;

— concernant le champ d’application de l’article 520 A du code général des impôts dans sa version alors en vigueur, l’approche développée en métropole par la Direction Générale des Douanes et des Droits indirects était identique à celle retenue en Polynésie par la Direction des Impôts et des Contributions, puisqu’elle entendait également imposer les détaillants en leur conférant la qualité de fabricant ;

— contrairement à ce que soutient la Polynésie française, la qualité de fabricant de boissons sucrées taxables n’est pas liée à la nature du contenant dans lequel elles sont stockées en vue d’être livrées, mais au processus mis en 'uvre pour leur fabrication ; ainsi, par trois arrêts du 8 avril 2014 de sa chambre économique et commerciale, jurisprudence reprise depuis par la chambre criminelle suite à son revirement du 28 octobre 2015, la Cour de cassation a considéré que les débitants de boissons dont l’activité se bornait à préparer des sirops conditionnés à l’aide d’appareils appropriés et selon les instructions du fabricant afin de les servir à l’unité aux consommateurs, ne pouvaient pas être assimilés à des fabricants industriels soumis à cette taxe spéciale ;

— tout comme ce process de fabrication ne confère pas au débitant de métropole la qualité de 'fabricant’ au sens des dispositions de l’article 520 A du code général des impôts, il ne lui confère pas davantage celle de 'producteur’ au sens des dispositions de l’article 338-1 du code des impôts polynésien ;

— le premier juge n’a pas davantage méconnu le principe de spécialité législative dont bénéficie la Polynésie française puisqu’il ne s’est pas contenté de transposer la jurisprudence rendue par la Cour de cassation mais il a, au contraire, défini la notion de producteur par référence explicite aux dispositions de l’article 338-1 du code des impôts local ;

— son activité, pour laquelle elle dispose d’une licence de débit de boissons et non de production, se limite à effectuer le mélange entre le sirop fourni par le producteur dans une poche en plastique, dite 'bag in box', avec de l’eau gazéifiée, selon les instructions du producteur ; elle ne correspond donc pas à une activité de production, telle que définie par les articles 338-1 à 338-3 du code des impôts de la Polynésie française, d’autant moins que les boissons commandées par les consommateurs ne font l’objet ni d’une 'livraison’ ni d’un 'enlèvement’ au sens de ces dispositions ;

— ces boissons vendues dans des gobelets non hermétiques répondent, du fait notamment de l’évaporation rapide du gaz, à un objectif de consommation immédiate qui exclut tout stockage après conditionnement, a contrario des bouteilles ou des canettes produites par un fabricant ;

— l’appelante, qui reproche au juge de première instance de s’être référé aux décisions prononcées par la Cour de cassation sur le terrain de l’article 520 A du code général des impôts, violant ainsi

prétendument le principe de spécialité législative, n’hésite pourtant pas à se prévaloir de la jurisprudence de métropole pour étayer sa définition de la notion de producteur ; toutefois, les décisions qu’elle invoque n’ont pas établi, contrairement à ce qu’elle soutient, une définition de portée générale en droit fiscal de la notion de production, mais sont uniquement relatives aux règles gouvernant la taxe sur la valeur ajoutée sous l’empire des textes applicables en métropole entre le 1er janvier 1968 et le 31 décembre 1978 ;

— en outre, le raisonnement tenu par la Polynésie française omet de prendre en compte la nécessité de devoir maîtriser le processus mis en 'uvre dans la réalisation des biens destinés à la clientèle afin d’être qualifié de producteur, ce qui n’est pas son cas en l’espèce ;

— elle observe également que les débitants qui préparent manuellement, selon une recette dont ils ont la maîtrise, les boissons destinées à leurs clients par mélange de sirops et d’eau ou d’autres produits, n’ont pas été recherchés en paiement de la taxe litigieuse alors que, selon la définition que la Polynésie française retient de la notion de producteur, ils auraient dû également l’être ;

— le responsable de la société fabricante des fontaines à boissons ne peut être assimilé à un expert, dont le point de vue s’imposerait aux juridictions ;

— l’analyse qu’elle défend aujourd’hui des dispositions fiscales litigieuses avait été, au surplus, également retenue par la commission des impôts dans son avis du 17 juin 2011, prononcé dans le cadre d’une procédure de redressement engagée par une notification du 6 décembre 2010 ;

— enfin, les dispositions actuellement en vigueur du code des impôts de Polynésie relatives à la TVA permettent aussi de conclure qu’elle n’a pas la qualité de producteur au sens des dispositions fiscales litigieuses puisqu’elle ne 'livre’ pas des biens à ses clients mais se contente de leur offrir une prestation de services.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2020, fixant l’affaire à l’audience civile de la cour du 22 octobre 2020.

À l’issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait prononcée le 17 décembre 2020 par mise à disposition au greffe.

Motifs de la décision :

Le sursis à statuer est une mesure d’administration judiciaire que le juge peut ordonner, même d’office, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. En application des dispositions des articles 211 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française, la décision de sursis suspend le cours de l’instance jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. Elle ne dessaisit pas la cour puisqu’à l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge.

En l’espèce, le présent contentieux qui oppose la Polynésie française à plusieurs débitants de boissons sucrées installés sur son territoire, a fait l’objet d’une série de douze arrêts prononcés par cette cour le 25 avril 2019. Or il est constant que l’ensemble de ces décisions a fait l’objet de pourvois formés par la Polynésie française, actuellement pendants devant la Cour de cassation.

Il résulte également des pièces du dossier qu’antérieurement, le tribunal administratif de céans, confirmé en sa décision par un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris, avait adopté une position inverse à celle de la présente cour.

Si l’incompétence de ces juridictions administratives, sanctionnée par un arrêt du Conseil d’État du 31 août 2015, ne permet pas de conclure aujourd’hui à l’existence d’un conflit de jurisprudence, il

demeure néanmoins dans l’intérêt d’une bonne justice de surseoir à statuer jusqu’à l’arbitrage final attendu de la Cour de cassation sur une problématique juridique susceptible d’analyses totalement contradictoires.

De surcroît, de nouvelles décisions au fond, prononcées à l’encontre de parties déjà concernées par les arrêts du 25 avril 2019 mais visées aujourd’hui par de nouvelles périodes d’imposition, contraindraient nécessairement l’une ou l’autre à se pourvoir en cassation. Il est donc préférable d’ordonner d’office un sursis à statuer dans l’attente des arrêts à venir de la Cour de cassation, sur la base desquels tant la cour que les parties en présence pourront décider en toute connaissance de cause de la suite juridique qu’il convient de réserver au présent contentieux.

Compte tenu de ce qui précède, les dépens de la présente instance d’appel seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et uniquement susceptible de pourvoi dans les conditions prévues par l’article 214 du code de procédure civile de la Polynésie française :

Dit qu’il sera sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties jusqu’au prononcé du premier arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, appelée à statuer sur les pourvois formés par la Polynésie française à l’encontre des arrêts prononcés par cette cour le 25 avril 2019 dans des contentieux similaires ;

Dit qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de transmettre au conseiller de la mise en état une copie de cet arrêt afin de permettre une reprise sans délai des instances concernées ;

Renvoie le présent dossier à l’audience de mise en état du 4 janvier 2021 aux fins de suivi de la mesure de sursis présentement ordonnée ;

Réserve les dépens.

Prononcé à Papeete, le 17 décembre 2020.

Le Greffier, P/Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : P. GELPI

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