Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 27 février 2020, n° 19/00007

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. soc., 27 févr. 2020, n° 19/00007
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 19/00007
Décision précédente : Tribunal du travail de Papeete, 16 décembre 2018, N° 18/00243;19/00009
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

17

NT

---------------

Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Chicheportiche,

le 27.02.2020.

Copie authentique

délivrée à :

— Me Nougaro,

le 27.02.2020.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 27 février 2020

RG 19/00007 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 18/00243, rg F-00191 du Tribunal du Travail de Papeete du 17 décembre 2018 ;

Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le n° 19/00009 le 14 février 2019, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d’appel le 18 février 2019 ;

Appelant :

M. A Z, né le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant à […], ou […] ;

Ayant pour avocat la Selarl Chicheportiche, représentée par Me Laurent CHICHEPORTICHE, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

Le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et Dépendances, (CAMICA), […], dont le siège social est sis vallée de la Mission près de l’Evêché, […], prise en la personne de son représentant légal M. X ;

La Direction Diocésaine de l’Enseignement catholique de Polynésie française, […]

02902-002, dont le siège social est sis à […] de la Mission, […], prise en la personne de sa directrice Mme Y ;

Ayant pour avocat la Selarl Cabinet Lau et Nogaro, représentée par Me Isabelle NOUGARO, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 21 juin 2019 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 26 septembre 2019, devant Mme LEVY, conseiller faisant fonction de président, M. GELPI, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme LEVY, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Exposé des faits et de la procédure :

Par lettre du 21 mai 2004 mentionnant une année de formation de directeur au Lycée Professionnel St B C de Punaauia et la prise de direction du lycée pour la rentrée 2003, la congrégation de St B de Cluny, vice-province française du Pacifique, a nommé M. A Z chef d’établissement du lycée professionnel St B C de Punaauia à compter du 1er août 2003 et annoncé la préparation d’un contrat de travail.

Par contrat à durée indéterminée du 1er août 2009, le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et dépendances (CAMICA) a engagé à compter du même jour A Z en qualité de chef d’établissement du lycée professionnel Saint B.

Il était renvoyé à avenant pour la fixation de son traitement selon les dispositions du chapitre 4 du statut du chef d’établissement. Le contrat comportait une période d’essai de 12 mois, assortie d’un préavis de trois mois ; la rupture ne pouvant intervenir en cours d’année scolaire, sauf faute lourde ou force majeure ; le contrat pouvait être dénoncé par lettre recommandée au plus tard le 15 mars, dans le respect des conditions de l’article 33 du statut du chef d’établissement ;

Par lettre du 15 mai 2017, M. Z était convoqué par la directrice de l’Enseignement Catholique à entretien préalable à licenciement pour motif personnel, fixé le 26 mai 2017 .

M. Z était placé en arrêt maladie du 23 mai au 31 mai 2017.

Par lettre du 27 mai 2017, un nouvel entretien préalable était programmé pour le 1er juin 2017.

L’arrêt maladie initial de M. Z était prolongé jusqu’au 12 juin 2017 puis jusqu’au 5 juillet 2017.

Par lettre du 1er juin 2017, M. Z était convoqué devant le conseil d’administration du Comité interdiocésain de l’enseignement catholique de Polynésie française pour le 8 juin 2017 dans le cadre d’un éventuel retrait d’agrément de ses missions pour insuffisances professionnelles.

Par lettre du 15 juin 2017, M. Z était avisé de la décision du 8 juin 2017 de retrait de son agrément pour assurer la mission de diriger le lycée professionnel St B et ses annexes .

Par lettre du 16 juin 2017, M. Z se voyait notifier son licenciement pour insuffisances professionnelles à la fin de son arrêt maladie.

Par jugement du 17 décembre 2018 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le Tribunal du Travail de Papeete a :

— mis hors de cause la Direction de l’Enseignement Catholique ;

— dit le licenciement de A Z sans cause réelle et sérieuse mais pas abusif ;

— condamné le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et dépendances au paiement à A Z des sommes de :

2 713 442 FCP de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement 7 572 396 FCP d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— dit que la condamnation à paiement du rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement est exécutoire par provision ;

— ordonné l’exécution provisoire pour le surplus ;

— dit que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jugement ;

— condamné le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et dépendances aux entiers dépens de l’instance et au paiement d’une somme de 150 000 FCP en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Suivant déclaration d’appel enregistrée au greffe le 13 février 2019 et dernières conclusions reçues par RPVA le 27 mars 2019 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et arguments de l’appelant, la Direction de l’enseignement catholique et le CAMICA demandent à la cour de :

— dire et juger que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en raison du non-respect des garanties conventionnelles supplémentaires accordées aux chefs d’établissement en matière de procédure disciplinaire,

— dire et juger que l’article Lp. 1212-3 du code du travail met obstacle à la notification d’un licenciement pour insuffisance professionnelle pendant une période de suspension du contrat de travail,

— confirmer le jugement du Tribunal du Travail du 17 décembre 2018, sauf en ce qu’il a limité la condamnation à l’indemnité minimale de 6 mois de salaires et débouté M. Z de sa demande de rappel de prime d’ancienneté et de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

— condamner solidairement la Direction de l’enseignement catholique et le CAMICA au paiement des

sommes suivantes :

—  23.979.254 FCP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  800.000 FCP à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

—  8.540.406 FCP à titre de rappel de prime d’ancienneté,

—  854.040 FCP à titre de congés payés sur rappel de salaire,

—  282.500 FCP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie Française,

— dire et juger que les sommes auxquelles la Direction de l’enseignement catholique et le CAMICA seront condamnées porteront intérêt au taux légal à compter de la requête introductive d’instance.

Suivant déclaration d’appel enregistrée au greffe le 18 février 2019 et dernières conclusions reçues par RPVA le 27 mars 2019 , auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et arguments de l’appelant, le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et dépendances et la direction diocésaine de l’enseignement catholique de Polynésie française (DEC)demandent à la cour de :

— dire et juger le présent appel recevable ;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement de M. A Z sans cause réelle et sérieuse et a condamné le CAMICA au paiement des sommes de 2.713.442 FCP de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, de 7.572.396 FCP d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence, statuant à nouveau ;

— dire et juger que le licenciement de M. A Z est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

— débouter M. A Z de ses demandes ;

— confirmer la décision en ce qu’elle a mis hors de cause de la Direction de l’Enseignement Catholique ;

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. A Z de sa demande de rappel de prime d’ancienneté ;

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit et jugé que le licenciement de M. A Z n’est pas abusif ;

— condamner M. A Z au paiement de la somme de 500.000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

— le condamner aux entiers dépens de l’instance.

Par ordonnance de mise en état du 29 mars 2019 la jonction était décidée entre les deux instances.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2019.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité de l’appel :

Attendu que la recevabilité de l’appel n’est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d’en relever d’office l’irrégularité.

Sur la mise hors de cause de la direction de l’enseignement catholique :

Attendu que dès lors qu’est constaté que le Conseil d’administration de la mission catholique de Tahiti et dépendances (CAMICA) représenté par la direction diocésaine de l’enseignement catholique a signé le 1er août 2009 le contrat de travail avec M. Z, il y a lieu de confirmer la mise hors de cause de la Direction diocésaine de l’enseignement catholique de Polynésie française.

Sur la légitimité querellé du licenciement :

Attendu que l’article Lp 1212-3 du code du travail prévoit que :

Lorsque le contrat de travail est suspendu, l’employeur ne peut le résilier.

Toutefois, sous réserve des dispositions spécifiques du présent code pour chacun des cas cités à l’article Lp. 1212 1, la rupture peut intervenir si l’employeur :

1. justifie d’une faute grave du salarié ;

2. justifie de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la cause de la suspension, de maintenir ledit contrat ;

3. en cas de maladie excédant une durée de six mois ou pour une durée supérieure fixée par voie conventionnelle, justifie de la nécessité qui lui est faite de remplacer le salarié absent.

La rupture peut toutefois intervenir si l’employeur justifie d’une faute grave du salarié, de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la cause de la suspension, de maintenir le contrat ou en cas de maladie excédant 6 mois, s’il justifie de la nécessité qui lui est faite de remplacer le salarié absent.

Qu’en l’espèce, aucune faute grave n’a été reprochée à M. Z, ce que l’employeur a rappelé lui même tant sur la convocation au Comité interdiocésain de l’enseignement catholique de Polynésie française (CODIEC) que sur la convocation à entretien préalable ou sur la lettre de licenciement visant un motif personnel non disciplinaire ;

Que M. Z était du 23 mai au 5 juillet 2017 en arrêt maladie ;

Que l’employeur ne justifie pas non plus d’un motif étranger à la maladie rendant impossible le maintien du contrat de travail ;

Que la prohibition de l’article Lp 1212-3 ne peut être contournée par le report de la date d’effet du licenciement à la fin de l’arrêt maladie ;

Que comme justement retenu également par le tribunal du travail la lettre de licenciement a été notifiée le 16 juin 2017 après la date butoir du 15 mars et en méconnaissance du statut du chef d’établissement du second degré dans l’enseignement catholique de Polynésie française auquel renvoie le contrat à durée indéterminée du 1 er août 2009 ;

Que par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de plus amplement statuer sur les autres arguments des parties qui s’avèrent surabondants, il y a lieu de confirmer les motifs retenus par le tribunal du travail

en ce qu’il a retenu que le licenciement était donc dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité conventionnelle d licenciement :

Attendu que l’article 3.4.10 du statut des chefs d’établissement de l’enseignement catholique prévoit le versement d’une indemnité spéciale de licenciement pour les directeurs, fixée à 1/2 mois de traitement par année de service dans la limite de 6 mois de traitement;

Qu’il est reproché au tribunal de ne pas avoir tenu compte de l’ancienneté de 16 années de M. Z ;

Qu’il importe peu toutefois que M. Z ait eu 14 ou 16 ans d’ancienneté de direction, compte tenu du plafond fixé par l’article 3.4.10.2 du statut du chef d’établissement du second degré dans l’enseignement catholique de Polynésie française ;

Que le tribunal sera confirmé en ce qu’il a condamné le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et dépendances au paiement à A Z de la somme de 2 713 442 FCP au titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que l’article Lp1225-4 du code du travail dispose :

'Lorsque le licenciement a été prononcé en l’absence de motif réel et sérieux, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise dans les conditions précédentes d’exécution du contrat de travail.

En cas de refus par l’une ou l’autre des parties, le tribunal octroie au salarié ayant douze mois d’ancienneté dans l’entreprise, une indemnité.

Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois précédant la rupture.

Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité prévue par l’article Lp. 1224 7.' ;

Qu’il est reproché au tribunal du travail d’avoir limité à 6 mois l’indemnité de M. Z au motif qu’il avait été réintégré comme enseignant alors que ses revenus ont changé du fait de son changement d’affectation puisque il expose in fine subir une perte de salaire de 40 % par mois et ce alors même qu’âgé de 54 ans au moment du licenciement, il pensait travailler au moins 8 années supplémentaires aux mêmes conditions salariales ;

Que compte tenu du salaire, de son âge au moment des faits, de son ancienneté, de 16 années et de la perte financière causée par le changement d’emploi, il y a lieu d’infirmer sur ce point le tribunal du travail et de lui allouer la somme de 1 262 066 x 8 soit un total de 10 096 528 FCP ;

Sur le licenciement abusif :

Attendu que pour ouvrir droit au titre d’un licenciement abusif, le salarié doit démontrer une faute de l’employeur ayant rendu les circonstances de la rupture brutale ou vexatoire et entraînant un préjudice distinct de celui de la rupture ;

Que comme relevé par le tribunal du travail, M. Z se trouvait en arrêt maladie au moment de la notification de la rupture et ne devait reprendre ses fonctions qu’après les vacances scolaires ; qu’il ne peut donc reprocher à l’employeur de ne pas avoir pu prendre congé des élèves, des parents et de

l’équipe pédagogique ;

Que M. Z ne justifie pas davantage devant la présente juridiction d’une publicité des motifs de son licenciement ayant porté atteinte à son honneur ou à sa dignité ;

Qu’il y a donc lieu de confirmer le tribunal du travail en ce qu’il a débouté M. Z de sa demande d’indemnité de licenciement abusif, en application de l’article Lp 1225-5 du code du travail.

Sur la majoration pour ancienneté :

Attendu que le tribunal du travail sans être utilement contesté en appel sur ce point, a justifié par l’examen des bulletins de salaire que M. Z avait connu un avancement indiciaire en lien avec son ancienneté et que la majoration pour ancienneté de droit commun ne se révélait pas plus favorable que les augmentations indiciaires ;

Que le tribunal du travail sera confirmé en ce qu’il a débouté M. Z de ses demandes à ce titre.

Sur l’article 407 du code de procédure civile :

Attendu qu’il n’apparaît pas inéquitable en l’espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles.

Sur les dépens :

Attendu qu’en application de l’article 406 du code de procédure civile , chacune des parties ayant partiellement succombé sur ses demandes supportera ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement du Tribunal du Travail du 17 décembre 2018, sauf en ce qu’il a limité la condamnation du Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et dépendances au paiement à M. A de la somme de 7 572 396 FCP au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et statuant à nouveau :

Condamne le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et dépendances au paiement à M. A Z de la somme de 10 096 528 FCP au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Laisse à chacune des parties ses propres dépens.

Prononcé à Papeete, le 27 février 2020.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. LEVY

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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