Cour d'appel de Papeete, Cabinet b, 9 décembre 2021, n° 19/00447

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, cab. b, 9 déc. 2021, n° 19/00447
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 19/00447
Décision précédente : Tribunal de première instance de Papeete, 25 août 2019, N° 180;19/00062
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

463

ED

------------

Copies authentiques délivrées à :

— Me Maillard,

— Me Bourion,

le 09.12.2021.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 9 décembre 2021

RG 19/00447 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 180, rg n° 19/00062 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 26 août 2019 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 20 novembre 2019 ;

Appelants :

Mme AB AN AC épouse X, née le […] à […], demeurant à N Village de Tiputa, BP 158 Tiputa – 98775 N ;

Mme O P épouse Y, née le […] à Papeete, de nationalité française, retraitée, BP 158 Tiputa – 98775 N ;

M. Z, AI AO P, né le […] à […], demeurant à […], […]a Centre ;

M. AD AP J, né le […], de nationalité française, demeurant à Paea PK 26 côté montagne, Quartier SMITH servitude J, […] ;

Représentés par Me Stéphane MAILLARD, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

Mme AE AL P épouse A, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant à […] ;

Mme B-AF AQ P épouse C, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant à […], […] ;

M. Q R, né le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant à […] ;

Mme S T épouse D, née le […] à Papeete, de nationalité française, […]a Centre ;

Mme U V épouse E, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant à […], […] ,

Mme W AA, épouse F, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant à Faa’a […], […] ;

Ayant pour avocat la Selarl ManaVocat, représentée par Me Dominique BOURION, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 13 août 2021 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 14 octobre 2021, devant Mme DEGORCE, conseiller faisant fonction de président, M. BC, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme AZ-BA ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. BC, conseiller et par Mme AZ-BA, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Faits, procédure et demandes des parties :

AB AC épouse X, O P épouse Y, Z P et AD J ont assigné en référé leur coindivisaire AE P épouse A pour faire cesser une jouissance divise imputée à celle-ci en raison de travaux de construction sur un terrain à N (Tuamotu). AR AS AC, Mariaatora AJ, Z AC, AG AH, B-AF P épouse C, Q R, S T épouse D, U V épouse E et W AA épouse F sont intervenus volontairement.

Par ordonnance rendue le 26 août 2019, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a :

déclaré recevables les interventions volontaires de AB AR AC, Z AT AC, AG AH veuve de AI P, B- AF AV P épouse C, Q R, S T épouse D, U V épouse E et W AA épouse F ;

rejeté l’intervention volontaire de Mariaatora dite B AJ, pour défaut de pouvoir de O P épouse Y ;

rejeté l’exception d’incompétence du juge des référés ;

rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir des demandeurs ;

débouté AB AU AC dite G épouse X, O P épouse Y, Z AI AO P et AD J de leurs demandes au titre du trouble illicite, non établi ;

ordonné l’expulsion immédiate de AB AN AC dite G épouse X sur la parcelle de terre lot 4 de la terre TAAMOI sur laquelle AE AL P épouse A AK, ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si besoin est ;

ordonné à AB AN AC dite G épouse X de remettre en état les lieux, notamment en détruisant l’abri sommaire, et ce sous astreinte de 10.000 FCP par jour de retard à dater de la signification de l’ordonnance à intervenir, et ce pendant une durée de 4 mois ;

condamné solidairement AB AN AC dite G épouse X et O P épouse Y, à payer à AE AL P une provision de 100.000 FCP à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice ;

condamné solidairement AB AN AC dite G épouse X et O P épouse Y, à verser à AE AL P épouse A une somme de 150.000 FCP sur le fondement de l’article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;

condamné solidairement AB AU AC dite G épouse X, O P épouse H, Z AI AO P et AD J aux dépens de l’instance.

AB AC épouse X, O P épouse Y, Z P et AD J ont relevé appel par requête enregistrée au greffe le 20 novembre 2019. Ils ont intimé AE P épouse A. B-AF P épouse C, Q R, S T épouse D, U V épouse E et W AA épouse F sont intervenus volontairement.

Il est demandé :

1° par AB AC épouse X, O P épouse Y, Z P et AD J, appelants, dans leurs conclusions visées le 17 juillet 2021, de :

Réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 26 août 2019 et en conséquence :

Ordonner l’arrêt des travaux réalisés par et pour Mme AE P épouse A ;

Ordonner la remise en état des lieux et la destruction des constructions édifiées par Mme AE P épouse A sur le lot n° 4 de la terre TAAMOI sise à N sous astreinte de 100.000 FCP par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Condamner Mme AE P épouse A à payer I AB AC épouse X, O P épouse Y et Messieurs Z P et AD J la

somme de 500.000 FCP au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens d’instance ;

Débouter Mme AE P épouse A et les intervenants volontaires de l’intégralité de leurs demandes ;

2° par AE P épouse A, intimée, et B-AF P épouse C, Q R, S T épouse D, U V épouse E et W AA épouse F, intervenants, appelants à titre incident, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 6 avril 2021, de :

Réformer l’ordonnance de référé 19/62 du 26 août 2019 pour avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir des demandeurs ;

Statuant à nouveau,

Rejeter l’appel des consorts AC-P et J, pour défaut de qualité pour agir ;

Confirmer l’ordonnance de référé 19/62 du 26 août 2019 pour avoir débouté AB X, O Y, Z P et AD J de l’ensemble de leurs demandes ;

Confirmer l’ordonnance de référé 19/62 du 26 août 2019 pour avoir fait droit aux demandes reconventionnelles de Mme AE AL P épouse A ;

Confirmer l’ordonnance de référé 19/62 du 26 août 2019 pour avoir accordé une provision Mme AE AL P épouse A ;

Dire et juger que l’action des appelants a dégénéré en abus ;

Condamner les appelants au paiement de la somme 2 000 000 FCP de dommages-intérêts en faveur des intimés ;

Condamner les appelants au paiement de la somme de 505 000 FCP de frais irrépétibles d’appel, sur le fondement de l’article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 août 2021.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

Motifs de la décision :

L’appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Il est recevable.

L’ordonnance dont appel a retenu que :

— Sur les interventions volontaires :

— Les interventions volontaires de AB AR AC, Z AT AC, de AG AH veuve de AI P, au soutien des demandeurs, et de B-AF AV P épouse C, Q R, S T épouse D, U V épouse E et W AA épouse F, au soutien de la défenderesse, régulières en la forme, seront déclarées recevables.

— En revanche, l’intervention volontaire de Mariaatora dite B AJ, laquelle n’a donné pouvoir à O P épouse Y pour la représenter que 'devant la Commission de Conciliation Obligatoire en matière Foncière, le tribunal, la cour d’appel et nos avocats', irrégulière en la forme comme ayant été engagée en dehors du pouvoir donnée, sera rejetée.

— Sur la compétence du juge des référés :

— Il résulte de la lecture du jugement du 18 février 2005, désormais définitif, que la terre TAAMOI, particulièrement le lot 4, a fait l’objet d’une attribution à la souche AX AY AW.

— S’il résulte des multiples procédures et jugements dont il est justifié que les mêmes parties que celles constituées à la présente instance sont, avec d’autres, en litige concernant le partage de nombreuses autres terres, il n’en demeure pas moins qu’aucun juge du fond n’est saisi d’un litige concernant la terre TAAMOI, de telle sorte que le juge des référés est bien compétent pour statuer sur le présent litige.

— Sur la qualité pour agir des demandeurs :

— D’autre part, selon les dispositions de l’article 815-2 du Code Civil : 'Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence. Il peut employer à cet effet les fonds de l’indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers. À défaut de fonds de l’indivision, il peut obliger ses coindivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires. Lorsque des biens indivis sont grevés d’un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l’usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations."

— Selon les dispositions de l’article 432 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française: 'Le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite."

— L’action pour cessation d’un trouble manifestement illicite constitue sans nul doute une action à vocation conservatoire, qui, à ce titre, ne nécessite pas l’accord de tous les indivisaires, de telle sorte que l’action engagée par AB AU AC dite G épouse X, O P épouse Y, Z AI AO P et AD J, qui ont justifié de leur qualité d’indivisaire de la terre TAAMOI, est bien recevable.

— Sur le trouble manifestement illicite :

— Selon les dispositions de l’article 432 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française: 'Le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. "

— Selon les dispositions de l’article 815-9 du Code Civil : 'Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. À défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. '

— Il est justifié de ce que AE AL P épouse A n’occupe qu’une parcelle des biens indivis, et que par ailleurs, plusieurs coindivisaires, autorisés par l’association familiale ou non, en ceux compris une partie des demandeurs, occupent également des parcelles des biens indivis.

— Dès lors, la construction d’une maison sur une des nombreuses parcelles des biens indivis par AE AL P, qui justifie d’un permis de construire régulier et à ce jour non remis en cause par les voies de droit adaptées, de l’autorisation de l’association familiale, dont l’existence est justifiée, ainsi que de l’autorisation d’une partie des indivisaires, est manifestement tout à fait compatible avec les droits des autres indivisaires, et notamment des demandeurs, qui usent de la même façon de biens indivis, la question d’une éventuelle indemnité d’occupation relevant des discussions qui seront engagées lors du partage de l’indivision.

— En conséquence, la construction d’un immeuble sur une infime partie des biens indivis, délimités par un mur de clôture, aux risques et périls de l’indivisaire, ne constitue pas un trouble manifestement illicite.

— D’autre part, il n’est justifié de strictement aucun élément qui permettrait d’établir que la construction en cours empiéterait sur un lot autre que le lot 4 de la terre de TAAMOI.

— En conséquence, AB AU AC dite G épouse X, O P épouse Y, Z AI AO P et AD J seront déboutés de leur demande.

— Sur la demande reconventionnelle de AE AL P épouse A :

— Selon les dispositions de l’article 432 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française : 'Le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.'

— AE AL P épouse A justifie par la production d’un dépôt de plainte et de photographies, de ce que entre les deux dernières audiences, AB AN AC dite G épouse X, accompagnée de diverses personnes, est entrée sans la prévenir sur la parcelle clôturée sur laquelle elle AK sa maison, pour la contraindre à arrêter ses travaux et enlever son matériel, et de ce que AB AN AC dit G épouse X a AK par la force et sans aucune autorisation administrative un abri de fortune en tôle et bois juste à côté du container et du fare de AE AL P épouse A.

— Ces faits constituent manifestement une voie de fait, constitutive d’un trouble manifestement illicite, et sont au surplus de nature à causer un danger pour les personnes et les biens, dès lors qu’il s’agit d’un chantier en cours de construction, de telle sorte qu’il convient de faire droit à la demande de AE AL P épouse A et d’ordonner l’expulsion immédiate de AB AN AC dit G épouse X sur la parcelle de terre lot 4 de la terre TAAMOI sur laquelle AE AL P épouse A AK, ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si besoin est, et de lui ordonner de remettre en état les lieux, notamment en détruisant l’abri sommaire, et ce sous astreinte de 10.000 FCP par jour de retard à dater de la signification de l’ordonnance à intervenir, et ce pendant une durée de 4 mois.

— Sur la demande de provision de AE AL P épouse A :

— Selon les dispositions de l’article 1383 du Code Civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française : 'Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.'

— L’intention de nuire à AE AL P épouse A se déduit nettement de l’action engagée manifestement à l’initiative de AB AN AC dit G épouse X et O P épouse Y, au regard de leur propre situation d’indivisaire occupant eux-mêmes, dans les mêmes conditions, une parcelle des biens indivis, et de leur comportement procédural (volonté de plaider un usucapion, voie de fait entre deux audiences), ce qui cause à AE AL

P épouse un préjudice qui sera réparé par l’allocation d’une provision de 100.000 FCP à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice, somme que AB AU AC dit G épouse X, et O P épouse Y seront solidairement condamnées à lui payer.

Les moyens d’appel des consorts X-Y-P-J sont : AE P épouse A n’est pas fondée à prendre possession des lieux pour sa jouissance exclusive (construction sur les 1977 m2 du lot 4 d’une maison et d’un mur de clôture qui empiète sur le lot 5) ; le permis de construire délivré ne préjudicie pas aux droits des autres indivisaires ; le grillage édifié interdit l’accès à ceux-ci et constitue un trouble manifestement illicite

Les consorts A-C-R-D- E – F concluent que : ils sont issus de la souche AX AY AW à laquelle le lot 4 de la terre Taamoi a été attribué par jugement du 16 février 2005 ; les appelants ne justifient pas exercer une action conservatoire ; la construction a été autorisée par l’ensemble des indivisaires et un permis de construire a été délivré ; l’ordonnance doit être confirmée quant aux demandes reconventionnelles ; la procédure et l’appel sont abusifs.

Par jugement du tribunal civil de première instance de Papeete en date du 16 février 2005, il a été procédé par tirage au sort à l’attribution entre 5 souches d’ayants droit des 16 lots provenant du partage de la terre Taamoi sise à N. Le lot 4 d’une superficie de 1977 m2 a été attribué à la souche AX AY AW.

Toutes les parties agissent en qualité d’ayants droit issus de la souche AX AY AW. Le lot 4 est par conséquent indivis entre elles et les autres coindivisaires existants.

L’expert géomètre K a attesté le 21 octobre 2019 que le jugement de partage n’a pas été transcrit, et que les lots 1 à 5 du plan de partage forment toujours une seule et même parcelle cadastrée B n° 1340. Celle-ci, d’une superficie de 9915 m2, a pour propriétaires à la matrice cadastrale pour 23/24 les ayants droit de Tamaanui a AW PETIS Raita Aiata Temoko épx de J AM et pour 1/24 Jean-L de M.

L’expert K a constaté l’occupation de l’intégralité du lot n° 4 par AE P épouse A avec la présence d’une nouvelle construction à vocation d’habitation d’environ 90 m2. Il a noté que le lot est entièrement clôturé et que les limites apparentes ne respectent que très partiellement les limites réelles du lot. Il a indiqué que le positionnement central de la nouvelle construction handicape fortement la division de ce lot en vue d’un éventuel sous-partage.

Cette construction a fait l’objet d’un permis de travaux immobiliers délivré à AE AL A le 23 novembre 2017. Il mentionne la réserve du droit des tiers et la nécessité de l’accord des autres indivisaires.

À défaut de convention relative à l’indivision, l’usage du lot 4 est régi par les dispositions suivantes du code civil :

Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence (art. 815-2).

Le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis. Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux (art. 815-3).

Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la

mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. À défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité (art. 815-9).

Tout indivisaire est en droit de faire cesser les actes accomplis par l’un de ses coïndivisaires en violation de ses droits égaux et concurrents sur la chose indivise et d’agir à cet effet (Cass. 1re civ., 12 mai 2010, n° 09- 65.362 : JurisData n° 2010-005874 ), ainsi que d’obtenir réparation du préjudice causé par de tels actes dont les conséquences ne sont pas effacées par l’effet déclaratif du partage (Cass. 1re civ., 15 avr. 1980 : JurisData n° 1980-700109). Les juges du fond, qui apprécient souverainement si l’occupation d’un immeuble indivis par un indivisaire est ou non compatible avec le droit de ses coïndivisaires, peuvent ainsi ordonner l’expulsion de l’indivisaire occupant s’ils estiment que cette occupation est incompatible avec les droits concurrents des autres indivisaires sur l’immeuble (Cass. 1re civ., 26 oct. 2011, n° 10- 21. 802 : JurisData n° 2011-023273 ; Cass. 1re civ., 30 janv. 2019, n° 18-12.403 : JurisData n° 2019-001017).

L’occupation par un indivisaire de l’immeuble indivis, en privant ses coïndivisaires de la possibilité que leur reconnaît la loi d’user et de jouir du même bien, peut en outre constituer un trouble manifestement illicite que le juge des référés est admis à faire cesser (v. p. ex. CA Aix-en-Provence, 19 juill. 2000, n° 00/00600 : JurisData n° 2000- 157536).

Il résulte de la consultation de l’expert géomètre K et de la nature du permis de travaux accordé (construction d’une maison d’habitation) que les ouvrages édifiés par AE AL A sur l’emplacement approximatif du lot 4 indivis sont manifestement incompatibles avec le droit des autres indivisaires, qui n’y ont plus accès en raison de la clôture des lieux et de leur caractère de logement privatif.

I l s ' a g i t p a r n a t u r e d ' u n t r o u b l e m a n i f e s t e m e n t i l l i c i t e q u e l e s c o n s o r t s X-Y-P-J, coindivisaires dudit lot, ont qualité et intérêt à faire cesser en référé. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, leur action a bien un caractère conservatoire puisqu’il s’agit de prévenir la modification des lieux par une occupation privative.

Pour s’assurer du caractère manifestement illicite de ce trouble, il convient de rechercher si cette occupation privative a été ou non autorisée par tous les coindivisaires, y compris les requérants.

La cour observe en premier lieu que la non-transcription du jugement de partage du 16 février 2005, qui avait été rendu contradictoirement, laisse supposer l’absence de volonté unanime de donner à celui-ci son plein effet, et qu’elle obère le sous-partage du lot 4 en cause. D’autre part, quoique la requête introductive fasse état d’un partage du lot 4 entre les deux filles de feue AW AX AY, il n’est en rien justifié, à hauteur de référé, d’un tel sous-partage, amiable ou judiciaire.

La cour constate en deuxième lieu qu’une généalogie des ayants droit de feue AW AX AY décédée le […] fait état de l’existence de 2 enfants, 13 petits-enfants, […]-petits-enfants et 18 arrière-arrière-petits-enfants.

La cour observe, en troisième lieu, que l’association familiale FAUURA AW AC, enregistrée en 2002, ayant pour objet de provoquer le partage des ayants droit de ceux-ci, ne peut exercer en qualité de personne morale les droits détenus par chaque indivisaire.

La cour constate, en quatrième lieu, que les autorisations de construction données par des c o i n d i v i s a i r e s p r o d u i t e s p a r J a n e P L U R I E N n ' é m a n e n t p a s d e s c o n s o r t s X-Y-P- J, et qu’il n’est pas justifié qu’elles aient été données par tous les coindivisaires de la souche AX AY AW. Au demeurant, O Y a contesté dès le 14 août 2017 la demande de permis de travaux de AE A.

Les consorts X-Y-P-J sont par conséquent recevables et bien fondés en leurs demandes d’arrêt des travaux et de remise en état. L’ordonnance déférée sera par conséquent infirmée de ce chef dans les termes du dispositif de l’arrêt.

Elle n’est pas sérieusement contestée en ce qu’elle a ordonné sous astreinte à AB X de remettre les lieux en l’état en suite d’une intervention constitutive d’une voie de fait et l’a condamnée à verser une provision sur dommages-intérêts.

Ces mesures sont suffisantes pour faire cesser le trouble et il n’est pas nécessaire d’ordonner en outre l’expulsion de AB X du lot 4 indivis en cause.

La solution de l’appel motive le rejet de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal et la cour. La solution du référé motive le partage des dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l’appel et les interventions recevables ;

Au fond,

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

déclaré recevables les interventions volontaires de AB AR AC, Z AT AC, AG AH veuve de AI P, B- AF AV P épouse C, Q R, S T épouse D, U V épouse E et W AA épouse F ;

rejeté l’intervention volontaire de Mariaatora dite B AJ, pour défaut de pouvoir de O P épouse Y ;

rejeté l’exception d’incompétence du juge des référés ;

rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir des demandeurs ;

ordonné à AB AN AC dit G épouse X de remettre en état les lieux, notamment en détruisant l’abri sommaire, et ce sous astreinte de 10.000 FCP par jour de retard à dater de la signification de l’ordonnance à intervenir, et ce pendant une durée de 4 mois ;

condamné solidairement AB AN AC dit G épouse X et O P épouse Y, à payer à AE AL P une provision de 100.000 FCP à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice ;

l’infirme en ce qu’elle a :

débouté AB AU AC du G épouse X, O P épouse Y, Z AI AO P et AD J de leurs demandes au titre du trouble illicite, non établi ;

ordonné l’expulsion immédiate de AB AN AC dit G épouse X sur la parcelle de terre lot 4 de la terre TAAMOI sur laquelle AE AL P épouse A AK, ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si besoin est ;

condamné solidairement AB AN AC dit G épouse X et O P épouse Y, à verser à AE AL P épouse A une somme de 150.000 FCP sur le fondement de l’article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;

condamné solidairement AB AU AC du G épouse X, O P épouse H, Z AI AO P et AD J aux dépens de l’instance ;

statuant à nouveau de ces chefs :

Ordonne l’arrêt des travaux réalisés par et pour AE P épouse A sur la parcelle cadastrée n° 1340 section B (terre Taamoi) à N (Tuamotu) ;

Ordonne la remise en état des lieux et la destruction des constructions édifiées par AE P épouse A sur le lot n° 4 de la terre TAAMOI sise à N selon plan de partage et jugement du tribunal de première instance de Papeete en date du 16 février 2005, sous astreinte de 10.000 FCP par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification de l’arrêt ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal ni devant la cour ;

Déboute AE P épouse A, intimée, et B-AF P épouse C, Q R, S T épouse D, U V épouse E et W AA épouse F de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Rejette toute autre demande ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 9 décembre 2021.

Le Greffier, P/Le Président empêché,

M. AZ-BA G. BC

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