Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 8 juin 1994

  • Production de pièces permettant d'evaluer le préjudice·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Droits de représentation et de reproduction·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Revendication des droits par l'auteur·
  • Dépôt a titre de brevet à l'étranger·
  • Augementation des dommages-intérêts·
  • Bahuts, bar-bahut, vitrine, table·
  • Cession des droits d'exploitation·
  • Dimensions legerement différentes

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 8 juin 1994
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • COUR D'APPEL DE PARIS DU 8 JUIN 1994
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19940040
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE M. Christian M et la Société de droit italien MARKA ITALIA ont, le 31 juillet 1989, assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Bobigny la SA CIC DESIGN pour voir juger qu’en reproduisant cinq modèles de meubles créés par le premier et commercialisés par la seconde, elle avait commis des faits de contrefaçon, concurrence déloyale et atteinte aux droits d’auteur, voir prononcer des mesures d’interdiction sous astreinte et de publication et voir condamner la défenderesse à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 250.000 F à M. MALAUSSENA et celles de 3.000.000 F et 1.500.000 F à la Société MARKA ITALIA respectivement pour la contrefaçon et la concurrence déloyale, outre une indemnité de 20.000 F pour frais irrépétibles d’instance. C.I.C. DESIGN a contesté la recevabilité de l’action de MARKA ITALIA au motif que celle-ci n’était pas cessionnaire des droits d’auteur sur les meubles prétendument contrefaits et a conclu subsidiairement au débouté en soutenant que ces meubles n’étaient ni nouveaux, ni originaux et qu’au surplus, les siens n’en constituaient pas des copies. Elle a formulé des demandes reconventionnelles en dommages-intérêts et sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure. Par jugement du 20 mars 1990 le Tribunal (5e chambre Civile) a
- rejeté le moyen d’irrecevabilité de CIC DESIGN,
- déclaré constants les faits de contrefaçon,
- validé la saisie-contrefaçon pratiquée le 11 avril 1989 et ordonné la confiscation des meubles détenus,
- interdit à CIC DESIGN, sous astreinte de 2.000 F par infraction constatée de reproduire, faire reproduire ou vendre les meubles revendiqués,
- condamné la défenderesse à payer à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues les sommes de 20.000 F à M. MALAUSSENA et 800.000 F à MARKA ITALIA,
- ordonné la publication du jugement dans trois revues ou journaux aux choix des demandeurs et aux frais de CIC DESIGN, dans la limite de 15.000 F hors taxes,
- condamné CIC DESIGN aux dépens ainsi qu’à payer aux demandeurs une somme globale de 10.000 F en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. CIC DESIGN a interjeté appel le 31 mai 1990 et conclu le 6 septembre 1990 à l’irrecevabilité des deux demandeurs à agir sur le fondement de la loi du 11 mars 1957, subsidiairement à leur débouté pour les motifs, expressément repris, développés en première instance et à leur condamnation in solidum à lui payer 100.000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et 20.000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. M. MALAUSSENA et MARKA ITALIA ont conclu le 2 mars 1992 à la confirmation du jugement en son principe mais formé appel incident pour solliciter l’élévation du montant des dommages-intérêts à 250.000 F pour le premier et 3.000.000 F pour la seconde et

l’allocation d’une somme supplémentaire de 30.000 F pour leurs frais non taxables exposés devant la Cour. Après que les parties aient complété leurs argumentations respectives par conclusions des 3 et 8 avril 1992, l’affaire a été retirée du rôle par ordonnance du 3 juin 1992. CIC DESIGN se trouvant en redressement judiciaire et Mes Dominique S, administrateur, et Jacques M, représentant des créanciers, ont été assignés en intervention forcée par acte du 29 juillet 1992, puis ont repris, le 18 février 1993, les écritures précédemment déposées par l’appelante, sauf à préciser qu’en toute hypothèse, celle-ci ne pouvait être frappée d’aucune condamnation pécuniaire. Me S est ensuite intervenu volontairement à l’instance en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de CIC DESIGN par conclusions du 16 avril 1993. Enfin, M. MALAUSSENA et MARKA ITALIA ont conclu le 23 mars 1994 pour solliciter la fixation de leurs créances contre CIC DESIGN à 25.000 F et 850.000 F respectivement, montant des sommes déclarées, le 5 juin 1992, auprès du représentant des créanciers.

DECISION I – SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE Considérant que le litige concerne cinq modèles de meubles dont il n’est pas contesté qu’ils ont été créés par M. MALAUSSENA, à savoir :

- un bahut à quatre portes,
- un bahut à deux portes pour téléviseur,
- un bar-bahut,
- une vitrine,
- une table ; Que les quatre premiers ont été déposés à la SPADEM entre le 5 juillet et le 12 décembre 1984 et le dernier en ITALIE le 3 août 1984 ; Considérant que, par une convention sous seing privée intitulée « Contrat de cession de droits de reproduction » en date à Cabiate (ITALIE) du 14 décembre 1984, M. MALAUSSENA a cédé à MARKA ITALIA le droit exclusif de reproduire, fabriquer, faire fabriquer, vendre ou faire vendre sans limitation territoriale différents modèles de meubles figurant sur une liste annexée parmi lesquels se trouvent les cinq susvisés, compris dans une collection dénommée « LOUXOR » ;

Considérant que ladite cession était consentie pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 1985, avec tacite reconduction par périodes triennales en l’absence de dénonciation ; Considérant que CIC DESIGN prétend à tort que ce contrat n’emporte pas cession des droits d’auteur selon les dispositions, en vigueur à l’époque des faits, de la loi du 11 mars 1957 ; Considérant en effet qu’aux termes de l’article 26 de cette loi, le droit d’exploitation de l’auteur comprend les droits de représentation et de reproduction ; Que la cession de ce dernier, prépondérant en matière de modèles de meubles, suffit donc à rendre recevable l’action du cessionnaire en cas de contrefaçon commise pendant la période où il exploitait le modèle ; Considérant au surplus que, dès lors qu’il est constant que MARKA ITALIA diffusé les modèles litigieux sous son nom et sans opposition du créateur, dont l’accord résulte suffisamment, en la cause, du fait qu’il s’associe à sa demande, la partie à laquelle sont reprochés des faits de contrefaçon n’est pas fondée à se prévaloir d’irrégularités prétendues de la cession de droits ; Considérant que CIC DESIGN n’est pas davantage fondée à soutenir que les modèles ojet de la cession ne sont pas identifiés, alors que la liste comprenant notamment les meubles de la collection LOUXOR est signée de la main de M. MALAUSSENA et datée du jour même de la cession (14.12.84) et que figurent en annexe, également datées et signées, les photographies des dessins de modèles tels que déposés à la SPADEM ; Considérant, en outre, que les photographies de ces mêmes modèles apparaissent sur le catalogue LOUXOR – KARNAK – LIBERTY de MARKA ITALIA, lequel porte la mention « Designer : Christian M » ; Qu’il s’ensuit que MARKA ITALIA est recevable à agir pour la défense de son droit exclusif d’exploitation étant observé, au surplus, que c’est elle et non le créateur qui subit l’essentiel du préjudice résultant de la contrefaçon ; Considérant qu’en ce qui concerne la table, qui a fait l’objet d’un dépôt en Italie le 3 août 1984, le brevet de dépôt établi au nom d’un sieur A, de Cabiate, le 2 août 1984 mentionne également comme « créateur désigné » M. MALAUSSENA et que, le 3 août 1984, la Société AGOSTINI a rétrocédé à MARKA ITALIA les droits qu’elle tenait de ce brevet ; Que la demande est donc également recevable quant à ce modèle ; II – SUR LE CARACTERE PROTEGEABLE DES MODELES Considérant que, selon CIC DESIGN, les modèles dont la contrefaçon est alléguée ne présenteraient que des formes banales et nécessaires et que le seul élément de possible

originalité, constitué par une moulure en forme de palme servant généralement de poignée se trouverait dans de nombreux meubles « néo-classiques » du XVIIème siècle, notamment de style colonial anglo-saxon des années 1740 à 1790 ; Considérant que l’appelante produit, à l’appui de ses dires, un document intitulé « Inventaire des meubles et objets d’art » -qu’elle dénomme, un peu abusivement, « rapport d’expertise »- par lequel Me RENARD, commissaire priseur à GIEN, expose en trois courtes pages que les meubles de la collection Saint-Malo, arguée de contrefaçon, ont été inspirés par les meubles classiques coloniaux américains « New England 1740-90 » fabriqués par des manufactures du Connecticut ; Que Me RENARD indique quelques-uns des « détails caractéristiques » de cette époque et notamment la coquille en forme de palmette inspirée du style LOUIS XV et ajoute que ce style s’est modifié aux USA tout au long du XIXème siècle et de la première moitié du XXème et que des copies en sont encore fabriquées actuellement par une entreprise américaine ; Mais considérant, outre le fait que cet avis, recueilli de manière purement officieuse et non contradictoire, ne peut avoir qu’une autorité limitée, qu’il résulte de la lecture du document produit que Me RENARD s’est borné à examiner les meubles de la collection Saint-Malo, de CIC DESIGN, et non ceux de M. MALAUSSENA et MARKA ITALIA ; Que ledit document est donc dépourvu d’intérêt, l’originalité étant à rechercher dans les modèles dont la protection est revendiquée et non dans ceux argués de contrefaçon ; Considérant, au surplus, que les catalogues ou extraits de catalogues américains représentant des meubles au décor proche de ceux des intimés sont datés, l’un de 1985 (CONTEMPORARY GLITZ) l’autre de 1987 (BERNARDT) et ne sauraient donc détruire la nouveauté des modèles de la collection LOUXOR, dont le dépôt remonte à 1984 ; Considérant enfin que, même si les créations de M. MALAUSSENA sont inspirées de modèles anciens, la combinaison des éléments de décoration qu’ils comportent (coquille, moulures au pourtour des portes, cannelures sur les angles s’évasant vers le haut) leur confère un caractère original marqué du sceau de la personnalité de l’auteur ; Qu’ils sont donc protégeables en application de la loi du 11 mars 1957 ; III – SUR LA CONTREFAÇON Considérant que l’examen comparatif des photographies des cinq modèles de meubles de la collection Saint-Malo argués de contrefaçon et de celles des modèles correspondants de la collection LOUXOR révèle une identité presque complète des formes générales, des proportions et des éléments de décoration, les seules différences concernant la coquille servant de poignée, dont la position est inversée (évasée vers le bas, alors qu’elle l’est vers

le haut dans les modèles LOUXOR) et qui comporte une moulure transversale supplémentaire dans la partie rétrécie où se rejoignent les cannelures ; Considérant que ni ces différences de détail, qui ne tendent, en réalité, qu’à masquer la copie, ni de légères différences de dimensions ne sauraient exclure la contrefaçon que les premiers juges ont, à juste titre, retenue ; IV – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant que les intimés soutiennent que CIC DESIGN s’est, en sus de la contrefaçon livrée à des actes de concurrence déloyale en fabriquant les meubles contrefaisants dans des matériaux identiques aux siens, également traités en cérusé, et en les proposant à la vente à des prix inférieurs ; Mais considérant que, compte tenu des différences limitées mais réelles relevées entre les modèles LOUXOR et les produits contrefaisants, qui ne permettent pas de qualifier ces derniers de copies serviles, le seul fait de les proposer à la vente à des prix plus bas que ceux des modèles contrefaits ne suffit pas à caractériser des faits de concurrence déloyale ; Que le jugement sera donc réformé de ce chef ; V – SUR LES MESURES REPARATRICES Considérant que les premiers juges ont exactement apprécié les mesures d’interdiction et de publication qui s’imposaient et qu’il y a lieu de confirmer de ce chef le jugement entrepris, sauf à préciser que le coût des publications ne pourra donner lieu qu’à admission au passif de CCI DESIGN dans la limite des déclarations de créance ; Considérant, sur les dommages et intérêts, que les intimés, tout en demandant que les sommes qui leur ont été allouées par le jugement soient portées à 3.000.000 F pour MARKA ITALIA et 250.000 F pour M. MALAUSSENA, n’ont déclaré leurs créances auprès de Me M qu’à concurrence de 850.000 F pour la première et de 25.000 F pour le second soit à peine le montant des condamnations de première instance, frais de publications compris ; Qu’il est donc sans intérêt de rechercher si celles-ci méritaient d’être aggravées ; Qu’en ce qui concerne M. MALAUSSENA, la somme relativement modique accordée par le Tribunal n’excède manifestement pas le montant du préjudice résultant de l’atteinte à son droit moral et de la perte des redevances qu’il percevait sur le montant des ventes des meubles LOUXOR ; Considérant en revanche que, non sans raison, CIC DESIGN observe que MARKA ITALIA ne produit aucun document commercial ou comptable permettant une évaluation précise du préjudice qu’elle allègue ;

Considérant qu’il résulte des déclarations du président directeur général de CIC DESIGN lors de la saisie contrefaçon du 11 avril 1989 que cette société avait reçu – 131 exemplaires du meuble-bar, proposé au public au prix de 3.300 F hors taxes,
- 300 exemplaires de la vitrine, vendue 4.690 F H.T.

- 131 exemplaires du buffet 2 portes, vendu 2.850 F H.T.

- 246 exemplaires du buffet 4 portes, vendu 4.190 F H.T.

- 233 exemplaires de la table, vendue 2.000 F H.T. ; Considérant qu’au vu de ces seuls éléments et alors qu’on ne sait, en l’état des production de MARKA ITALIA, à quel prix et en quelle quantité étaient vendus les meubles contrefaits, la Cour est en mesure de chiffrer à 400.000 F le préjudice résultant pour cette société des faits de contrefaçon ; VI – SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE Considérant que, le jugement étant confirmé, en son principe, la demande des intimés ne saurait être jugée abusive ; Que la demande reconventionnelle sera donc rejetée ; VII – SUR LES FRAIS DE L’INSTANCE Considérant que, l’appelante succombant pour l’essentiel devant la Cour, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais non taxables de première instance, sauf à préciser qu’il n’y a plus lieu à condamnation de ce chef mais seulement à admission au passif dans la limite du montant des déclarations de créance ; Considérant au contraire que, CIC DESIGN bénéficiant, à la date du présent arrêt, d’un plan de redressement, il y a lieu de mettre à sa charge les dépens et les frais non taxables d’appel, dans la limite, pour ces derniers, de la somme de 5.000 F ; PAR CES MOTIFS : Donne acte à Me Dominique S de son intervention volontaire à l’instance en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la Société CIC DESIGN ; Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a
- dit que la Société CIC DESIGN avait contrefait les modèles de bahuts à 2 et 4 portes, le bar bahut, la vitrine et la table de la collection LOUXOR créée par M. Christian M et exploités par la Société MARKA ITALIA,
- validé la saisie-contrefaçon du 11 avril 1989 et ordonné la confiscation des meubles détenus,
- interdit sous astreinte à la Société CIC DESIGN de reproduire, faire reproduire et vendre les cinq modèles revendiqués,
- ordonné des mesures de publication, étant cependant précisé que celles-ci feront mention du présent arrêt et que leur coût, tel que fixé par le jugement, sera avancé par

M. MALAUSSENA et la Société MARKA ITALIA, qui seront admis de ce chef au passif de la Société CIC DESIGN dans la limite du montant de leurs déclarations de créance ; Réformant pour le surplus, Déboute M. MALAUSSENA et la Société MARKA ITALIA de leur demande au titre de la concurrence déloyale ; Fixe 20.000 F pour M. MALAUSSENA et à 400.000 F pour MARKA ITALIA les créances de dommages et intérêts pour lesquelles les intimés seront admis au passif de CIC DESIGN ; Dit que M. MALAUSSENA et MARKA ITALIA seront, en outre et dans les limites du montant de leurs déclarations de créance, admis au passif de CIC DESIGN pour le montant des dépens de première instance et de l’indemnité de 10.000 F allouée par le jugement en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. Déboute la Société CIC DESIGN, assistée de Me S en sa dite qualité, de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ; La condamne, de même, aux dépens d’appel et admet la SCP BERNABE RICARD avoué, au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de Procédure Civile ; La condamne, en outre, sous la même assistance, à payer aux intimés la somme de 5.000 F en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel. .

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