Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 20 décembre 1996

  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Configuration distincte et reconnaissable·
  • Investissements importants de creation·
  • Reproduction des caracteristiques·
  • Copies de commande et factures·
  • Éléments pris en considération·
  • Cession des droits d'auteur·
  • Exploitation sous son nom·
  • Ressemblance d'ensemble·
  • Action en contrefaçon

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 20 déc. 1996
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS DU 1er MARS 1994
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19960255
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE MERLIN & DELAUNAY ayant son siège à BANGKOK et quiproduit des articles de joaillerie indique :

- que le styliste Gérard B a créé à son intention en janvier 1992 une ligne de bracelets, colliers, bagues et boucles d’oreilles, dont il lui a cédé les droits de reproduction,
- qu’elle a fabriqué cette ligne de modèles en février 1992 et l’acommercialisée dès le mois de mai, notamment auprès d’un joaillier mexicain,
- qu’elle a présenté une maquette de ses modèles à des joailliers français, en particulier à la société O.J. PERRIN,
- que celle-ci lui a retourné sa maquette sans donner suite à son offre, puis a commercialisé fin 1992 sous la dénomination LIBERTY 2 des bijoux copiés sur les siens,
- qu’O.J. P lui a écrit le 12 décembre 1992 pour lui reprocher de lui avoir présenté un prototype de bracelet démarqué de ses lignes de bijoux « vénitien » et « liberty », qu’elle-même a répondu le 28 décembre 1992 reprochant à O.J. P « de tenter de justifier par (ses) affirmations mensongères la contrefaçon commise à son encontre » et la mettant en demeure de cesser la commercialisation du modèle litigieux. Par acte du 22 janvier 1993, MERLIN & DELAUNAY a fait assigner O.J. P devant le Tribunal de Commerce de PARIS en contrefaçon et concurrence déloyale, réclamant outre des mesures d’interdiction sous astreinte et de publication, une provision de 500.000 F dans l’attente des résultats d’une expertise dont elle sollicitait l’institution. O.J. P a conclu au débouté en contestant les droits allégués par MERLIN & DELAUNAY et en réclamant reconventionnellement en réparation de son préjudice commercial une provision de 500.000 F. 'est dans ces conditions qu’est intervenu le jugement entrepris qui a débouté MERLIN & DELAUNAY de ses demandes et l’a condamnée à payer à O.J. P une somme de 50.000 F pour ses frais irrépétibles. Le Tribunal a retenu l’argumentation d’O.J. P selon laquelle le modèle incriminé était la déclinaison d’une ligne de bijoux créée pour elle par une société VASSORT. MERLIN & DELAUNAY, ayant interjeté appel, poursuit la réformation intégrale de ce jugement. Elle réitère ses demandes initiales. O.J. P conclut àla confirmation et demande que MERLIN & DELAUNAY soit condamnée à lui payer la somme de 50.000 F à titre de dommages intérêts. Les deux parties sollicitent l’application à leur profit des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION Considérant que la ligne de bijoux revendiquée par MERLIN & DELAUNAY se caractérise par une succession de figures géométriques galbées constituées de trois lignes horizontales, les deux lignes extérieures étroites servant de bordures à celle du centre plus large, cerclées -à intervalles réguliers pour les bracelets et colliers, ou au milieu de l’anneau seulement pour les bagues et boucles d’oreilles- par trois brins perpendiculaires qui en épousent les contours ; Considérant que sa qualité à agir en contrefaçon au titre du droit d’auteur étant contestée par O.J. P, l’appelante verse aux débats :

- un contrat passé en 1991 avec le studio BERNON-GOMEZ par lequel celui-ci s’engageait à créer pour son compte des modèles de bijoux en contrepartie d’une somme minimum annuelle de 600.000 F,
- une attestation du 3 février 1992 par laquelle M. B lui confirmait qu’en exécution du contrat du 16 octobre 1991 lui avaient été cédés les droits de reproduction sur les modèles MDO 49 et 48 -une représentation de cesmodèles qui correspond à la description ci- dessus étant jointe à cette attestation,
- une attestation du 15 septembre 1996 établie par M. B dans les formes prévues au code de procédure civile, et confirmant en tous points celle de 1992,
- une attestation du 21 décembre 1992 du Consul de France en THAILANDE certifiant que les bracelets référencés BR 256, 257 et 258 (correspondant également à la description ci-dessus) dont photographiessont jointes sont conformes au catalogue de la société MERLIN & DELAUNAY qui lui a été présenté,
- une attestation de M. P, joaillier à MEXICO attestant avoir acheté à MERLIN & DELAUNAY les bijoux référencés BR 256 et 258 qui lui ont été livrés en juillet 1992,
- copie de la commande du 20 avril 1992 de la joaillerie P et de la facture visant notamment ces bijoux établie le 30 juin 1992,
- copie d’une facture adressée le 3 juin 1992 à la société suédoise CABOUCHON AB visant notamment le bracelet BR 257 ; Considérant qu’en l’état de ces pièces, MERLIN & DELAUNAY démontre suffisamment être cessionnaire des droits d’auteur de M. B les créations revendiquées, et soutient en toute hypothèse à bon droitque les actes d’exploitation dont elle justifie font présumer qu’elle est devenue titulaire sur ces oeuvres, quelle que soit leur qualification, des droits de propriété incorporelle de l’auteur ; Considérant que le Tribunal a déclaré MERLIN & DELAUNAY mal fondée en son action aux motifs que :

- "le modèle qualifié de LIBERTY 2 par la société O.J. PERRIN et revendiqué par la société MERLIN & DELAUNAY était par ses ressemblances avec les modèles créés par VASSORT une déclinaison de ceux-ci et qu’ils ne peuvent être commercialisés sans justifier du respect des droits d’auteur de VASSORT",
- "MERLIN & DELAUNAY prétend détenir de B les droits d’auteur surses modèles mais n’établit pas la propriété de B sur les créations deVASSORT ; que MERLIN & DELAUNAY fait état d’une antériorité en invoquant une commercialisation à compter de

mai 1992 alors que la société O.J. PERRINreconnaît les droits de VASSORT et produit une attestation du 19 septembre1989 de cette dernière certifiant avoir cédé à O.J. P l’exclusivité pour le monde entier de la distribution et de la commercialisation des parures LIBERTY, VEGA, ORION et VENITIEN" ; Mais considérant que cette motivation est justement critiquée par l’appelante qui relève que, pas davantage qu’O.J. P, le Tribunal n’a précisé en quoi les modèles qu’elle invoque seraient antériorisés par ceux de VASSORT ; qu’en effet, il ressort des pièces versées aux débats que les lignes de bijoux VEGA et ORION n’ont rienà voir avec les modèles litigieux, dans la mesure notamment où elles ne présentent pas les « cerclages » perpendiculaires précédemment mentionnés ; quesi ces « cerclages » se retrouvent sur VENITIEN et LIBERTY, les bijoux considérés ont une configuration très sensiblement différente de celle des modèles qui font l’objet du présent litige, parce que -au lieu d’être au nombre de trois, deux lignes extérieures étroites entourant celle du centre plus large- les lignes horizontales sont tressées ou torsadées dans VENITIEN, ou sont très nombreuses et fines dans LIBERTY ; Considérant qu’il s’ensuit que VEGA, ORION, VENITIEN et LIBERTY n’antériorisent nullement les modèles invoqués par MERLIN & DELAUNAY, qui présentent une configuration distincte et reconnaissable témoignant d’un originalité créatrice, justifiant leur protection au titre du droit d’auteur ; Considérant que les caractéristiques des modèles invoqués par MERLIN & DELAUNAY sont reproduites, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté, par les bijoux commercialisés sous la dénomination LIBERTY 2 par O.J. P ; que cependant des différences de détail (essentiellement une forme générale plus aplatie, tant des lignes horizontales que des brins constituant les « cerclages », placés d’ailleurs différemment) sans faire disparaître la ressemblance d’ensemble qui constitue en l’espèce la contrefaçon, ne permettent pas de retenir que les bijoux LIBERTY 2 seraient la copie servile des modèles de l’appelante qui sera déboutée du chef de la concurrence déloyale ; Considérant sur les mesures réparatrice que les actes de contrefaçon commis par O.J. P justifient qu’il soit fait droit comme précisé au dispositif ci-après aux demandes de publication présentées par l’appelante et en tant que de besoin (puisque O.J. PERRINaffirme avoir cessé toute commercialisation) à sa demande d’interdiction sous astreinte ; Considérant que l’appelante a fait valoir, s’agissant de son préjudice, que les agissements de O.J. P l’ont empêchée de commercialiser en FRANCE les créations faisant l’objet du présent litige alors qu’elle était en pourparlers à cet égard avec une très importante entreprise de vente de bijoux par correspondance ; qu’elle sollicite une provision de 500.000 F dans l’attente des résultats d’une expertise ; Considérantqu’il ressort du dossier :

- que O.J. P a offert à la vente en novembre et décembre 1992 des bracelets LIBERTY 2 au prix de 28.000 F (de mêmed’ailleurs que des boucles d’oreille et bagues),

— que MERLIN & DELAUNAY ne conteste pas les affirmations de O.J. P qui a fait valoir à l’appui de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts qu’elle a cessé, dufait de la procédure, la commercialisation de cette ligne de bijoux, et entout cas ne démontre pas que cette commercialisation se serait poursuivie en 1993,
- que si l’appelante ne précise pas les volumes de vente qu’elle escomptait réaliser en FRANCE, elle justifie en revanche des frais par elle engagés pour la création (parmi d’autres) des modèles invoqués dans le cadre du contrat conclu en 1991 avec le studio BERNON-GOMEZ prévoyant une rémunération minimum annuelle de 600.000 F ; Considérant que sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, la Cour en l’état de ces éléments estime devoir fixer à 200.000 F le montant des dommages-intérêts qui seront alloués à MERLIN & DELAUNAY ; Considérant que l’équité commande d’accorder à l’appelante, pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel une indemnité de 30.000 F ; PAR CES MOTIFS : Réforme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau : Dit que la société O.J. PERRIN en commercialisant les bijoux par elle dénommés LIBERTY 2 reproduisant les caractéristiques des modèles invoqués par la société MERLIN & DELAUNAY a commis des actes de contrefaçon au sens de l’article L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle ; Fait, en tant que de besoin, interdiction àla Société O.J. PERRIN de commercialiser les bijoux litigieux et ce sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêts ; Autorise la publication du présent arrêt dans deux journaux ou revues au choix de la Société MERLIN & DELAUNAY et aux frais de la Société O.J. PERRIN, dans la limite d’un coût de 25.000 F par insertion ; Condamne la Société O.J. PERRIN à payer à la Société MERLIN & DELAUNAY les sommes de :

- 200.000 frs à titre de dommages et intérêts,
- 30.000 frs en application des dispositionsde l’article <ATT>00 du nouveau Code de Procédure Civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la Société O.J. PERRIN aux dépens de première instance et d’appel ;

Admet la SCP BOMMART FORSTER titulaire d’un office d’avoué, au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.

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