Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 7 novembre 1997

  • Utilisation sur les etiquettes d'un meme code couleur·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Reproduction des caracteristiques essentielles·
  • Reproduction des caracteristiques protegeables·
  • Anteriorite du modèle argue de contrefaçon·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Utilisation non dictee par les usages·
  • Pull, polo, caché-coeur, jupe longue·
  • Principe de la liberté du commerce

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 7 nov. 1997
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 15 JUIN 1994
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19970320
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La Cour statue sur l’appel interjeté par la société MODE MOI d’un jugement rendu le 15 juin 1994 par le Tribunal de grande instance de Paris dans un litige l’opposant à Madame B et à la société MORGAN. Référence étant faite au jugement entrepris et aux écritures échangées en cause d’appel pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il suffit de rappeler les éléments qui suivent. MORGAN a pour principale activité la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements de prêt à porter féminin. Elle dispose d’environ 6.000 points de vente à travers le monde et de 42 boutiques diffusant sous l’enseigne MORGAN. Madame B qui détient une grande partie des parts sociales de cette société est également styliste salariée de celle-ci. Elle se présente comme le créateur des 4 modèles suivants :

- SATURNIN, qui est un pull en mailles à col montant, le devant du col étant caractérisé par la présence de clous, de strass et de perles,
- MAZAMET, qui est un polo cintré à la taille, le devant comportant une sorte de double jabot gansé, le jabot étant fixé sur le devant par des coutures, les ganses et les jabots ainsi que les bas des manches formant des faux poignets mousquetaires, le retour des bas des manches présentant une échancrure, les tissus étant contrastés entre le col et les poignées terminant le modèle,
- GEORGIA, qui est un haut, cintré, caractérisé par un col en forme de cache-coeur croisé sur le devant, comportant des volants noirs et dorés situés de part et d’autre de l’échancrure,
- JESSI, qui est une jupe longue à huit panneaux, caractérisée par des surpiqûres. MORGAN et Madame B prétendent que ces modèles ont été créés par cette dernière au mois de juin 1991, pour être diffusés dans la collection HIVER 1991/1992 de MORGAN. Faisant grief à MODE MOI, exploitant sous l’enseigne VANFLO, de contrefaire ses modèles, MORGAN et Madame B ont fait pratiquer le 3 février 1993 dans ses locaux situés à Paris, une saisie contrefaçon. Au vu de cette saisie, elles ont fait assigner MODE MOI, demandant qu’elle soit condamnée à payer, d’une part, à Madame B la somme de 100.000 F au titre de l’atteinte à son droit moral, d’autre part, à MORGAN la somme de 200.000 F pour la contrefaçon et celle de 300.000 F pour la concurrence déloyale. Le jugement déféré a :

- dit que MODE MOI avait commis des actes de contrefaçon des modèles SATURNIN, MAZAMET et GEORGIA, au préjudice de Madame B et de MORGAN et des actes de concurrence déloyale au préjudice de MORGAN,
- condamné MODE MOI à payer à Madame B la somme de 40.000 F en réparation de son préjudice moral, et à MORGAN la somme de 80.000 F au titre de la contrefaçon et celle de 80.000 F au titre de la concurrence déloyale,
- ordonné des mesures de publication.

MODE MOI poursuit la réformation de ce jugement sauf en ce qu’il a dit non contrefait le modèle JESSIE. Elle conclut à l’irrecevabilité et au débouté des demandes formées contre elle, faisant valoir à titre principal que Madame B ne rapporte pas la preuve de sa qualité de créateur des modèles litigieux et que MORGAN ne démontre pas qu’elle possède un quelconque droit sur ceux-ci. Elle ajoute que les intimées ne justifient pas de la date de création qu’elles invoquent et que le contrat de cession du 31 mars 1992 qu’elles versent aux débats est nul pour ne pas individualiser suffisamment lesdits modèles et de surcroît leur est inopposable. A titre subsidiaire, MODE MOI prétend que les modèles ne sont ni nouveaux ni originaux, qu’ils sont inspirés des tendances de la mode et appartiennent au domaine public. Elle verse à ce titre des antériorités. Elle prétend n’avoir commis aucun acte de contrefaçon des modèles SATURNIN, MAZAMET et GEORGIA, ni aucun acte distinct de la contrefaçon. Elle soutient enfin que MORGAN n’établit pas le préjudice qu’elle allègue. Sur ses demandes reconventionnelles, MODE MOI prie la Cour de constater qu’elle a subi un préjudice du fait de la saisie de 136 exemplaires de jupe dans ses locaux au moment de la saisie-contrefaçon dont la mainlevée a été ordonnée le 10 mars 1993. De ce chef elle sollicite que les intimées soient condamnées à lui payer une somme de 100.000 F à titre de réparation pour le préjudice commercial qu’elle a subi. Madame B et MORGAN concluent à la confirmation du jugement sauf en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes relatives à la jupe JESSIE et sur le montant des dommages- intérêts qui leur ont été alloués. Elles prient en conséquence la Cour de dire que MODE MOI s’est rendue coupable de contrefaçon de leur modèle JESSIE et de la condamner à payer à Madame B la somme de 100.000 F en réparation de son préjudice moral et à MORGAN la somme de 200.000 F au titre de la contrefaçon outre une somme de 300.000 F pour les faits de concurrence déloyale. Elles concluent enfin au débouté de l’appel incident de MODE MOI. Chacune des parties revendique l’application à son profit des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION Considérant que MODE MOI conteste à titre principal la recevabilité des demandes formées par Mme B et MORGAN en faisant valoir :

- que Mme B ne rapporte aucune preuve de sa qualité de créateur des modèles litigieux,
- que MORGAN ne démontre, ni que Mme B aurait créé pour son compte les modèles litigieux, ni qu’elle les lui aurait cédés, le contrat de cession versé aux débats ne comportant pas de précision sur la configuration desdits modèles,

— que rien ne permet de retenir que ces modèles auraient été créés avant les siens, alors qu’elle produit une attestation de sa styliste, Mlle H, qui indique avoir créé les modèles incriminés en février 1992 et les lui avoir cédés ; Mais considérant que cette argumentation ne saurait être suivie ; que MODE MOI ne verse aux débats aucun document justifiant de la création ou de la diffusion des modèles incriminés avant la divulgation des modèles invoqués dont les pièces versées aux débats et notamment les factures communiquées par les intimées établissent suffisamment qu’ils ont été créés par Mme B et commercialisés par MORGAN comme suit :

- SATURNIN le 5 juillet 1991 sous la référence SATURNIN S,
- JESSIE le 8 juillet 1991 sous la référence JUPE JESSY,
- MAZAMET le 6 juillet 1992 sous la référence S MAZAMET,
- GEORGIA le 12 novembre 1992 sous la référence S GEORGIA ; Considérant qu’eu égard aux circonstances ci-dessus mentionnées et compte tenu des termes clairs et précis du contrat de cession versé aux débats par les intimées, c’est par des motifs pertinents, que la Cour adopte, que les premiers juges ont estimé que Madame B en sa qualité d’auteur et MORGAN en sa qualité de cessionnaire des droits étaient recevables en leur action ; Considérant que MODEMOI ne produit pas de réalisations antérieures susceptibles d’affecter l’originalité de l’une quelconque des oeuvres invoquées ; Considérant que les combinaisons, pour « SATURNIN » de clous-strass et perles disposés harmonieusement sur un modèle de pull en mailles à col montant, pour « MAZAMET » d’un polo cintré à la taille, d’un double jabot gansé sur le devant, de faux poignets mousquetaires, et d’une échancrure au retour des bas des manches, pour « GEORGIA » d’un haut cintré avec un col en forme de cache-coeur décoré de volants noirs et dorés situés de part et d’autre de l’échancrure, pour « JESSIE » de huit panneaux longs et de surpiqûres, constituent des créations qui portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur et sont donc protégeables au titre du droit d’auteur ; Considérant que MODE MOI a commercialisé en 1992 et 1993, un modèle de pull en mailles à col montant qui présente sur le devant du col les mêmes ornements que le modèle SATURNIN, clous, strass et perles disposés harmonieusement, référencés G.105, vendu au prix de 91 F et un modèle de cache-coeur croisé sur le devant, comportant des volants noirs et dorés situés de part et d’autre de l’échancrure, référencé G.122 vendu au prix de 95 F ; Considérant que ces deux modèles reproduisent les éléments caractéristiques essentiels des modèles SATURNIN et GEORGIA, les ressemblances d’ensemble portant sur les éléments conférant leur originalité aux modèles invoqués l’emportant sur les différences de détail ; que cette reproduction est constitutive de contrefaçon comme l’ont indiqué les premiers juges ;

Considérant de même qu’à juste titre le jugement a estimé que le modèle de jupe longue JESSIE, caractérisé par son ampleur de huit panneaux n’était pas contrefait par le modèle de jupe de MODE MOI qui ne comportait que six panneaux et donnait une impression d’ensemble différente du modèle argué de contrefaçon ; Considérant en revanche que le jugement sera réformé en ce qu’il a estimé contrefait le modèle MAZAMET, dès lors que le modèle de MODE MOI comporte un jabot certes gansé mais réalisé par deux volants coupés en arrondi alors que le jabot MAZAMET est constitué par quatre bandes de droit fil froncés et piqués verticalement ; que les différences conjurent ici les ressemblances d’ensemble ; Considérant que MORGAN fait par ailleurs valoir qu’il existe des actes de concurrence déloyale constitués notamment par la pratique systématique de prix inférieurs et du surmoulage à l’identique des modèles ; Mais considérant que comme l’ont noté les premiers juges la copie des modèles n’est pas en l’espèce distincte des actes de contrefaçon ; qu’au surplus la pratique de prix légèrement inférieurs relève du principe de la liberté du commerce et de l’industrie ; que cependant le jugement a retenu à juste titre comme acte de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon, l’utilisation par MODE MOI sur les étiquettes, d’un même code couleur, alternance de rouge et noir sur un fond blanc ; que cette utilisation qui n’était pas dictée par les usages, témoigne d’une imitation fautive du conditionnement des produits de MORGAN, distincte des actes de contrefaçon par ailleurs établis et qui génère un risque de confusion ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu à la charge de MODE MOI le grief de concurrence déloyale ; Considérant que l’indemnité allouée par les premiers juges apparaît réparer équitablement le préjudice subi par MORGAN du fait de la concurrence déloyale ; que du chef de la contrefaçon qui n’est retenue qu’en ce qui concerne les modèles SATURNIN et GEORGIA, la cour dispose d’éléments suffisants pour fixer, par réformation du jugement, à 30.000 et 70.000 F respectivement, le montant des dommages intérêts alloués à Mme B et à MORGAN ; que le jugement sera confirmé sur les mesures de publication qui devront toutefois être faites en tenant compte du présent arrêt ; Considérant que MODE MOI prie la Cour de condamner les intimées à lui payer une somme de 100.000 F pour le préjudice qu’elle aurait subi du fait de la saisie de 136 exemplaires de jupe dans ses locaux le 3 février 1993, dont la mainlevée a été ordonnée le 10 mars 1993 en référé ; Considérant que s’il est exact que la saisie a porté sur 136 exemplaires de jupes dont la contrefaçon n’a pas été retenue par la Cour, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas établi que MODE MOI n’aurait pu vendre ces jupes à la suite de l’ordonnance de mainlevée en date du 10 mars 1993 ; qu’à défaut de démontrer le préjudice qu’elle aurait subi de ce fait, MODE MOI sera déboutée de son appel incident ;

Considérant que l’équité commande d’allouer à chacune des intimées une indemnité complémentaire de 10.000 F pour leurs frais irrépétibles d’appel ; PAR CES MOTIFS Confirme le jugement déféré sauf du chef de la contrefaçon du modèle MAZAMET et sur le montant des dommages intérêts alloués au titre de la contrefaçon des modèles invoqués ; Réformant de ces chefs, statuant de nouveau et ajoutant : Condamne la société MODE MOI à payer à Mme B et à la société MORGAN les sommes de 30.000 et 70.000 F respectivement, à titre de dommages intérêts en réparation de leurs préjudices résultant des actes de contrefaçon et à chacune des intimées une indemnité de 10.000 F pour leurs frais irrépétibles d’appel ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société MODE MOI aux dépens d’appel ; Admet la SCP BOLLET BASKAL au bénéfice des dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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