Cour d'appel de Paris, 16 décembre 1998, n° 1997/07313

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 16 déc. 1998, n° 97/07313
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 1997/07313

Sur les parties

Texte intégral

0241 81 X

{

COUR D’APPEL DE PARIS

5è chambre, section A

ARRET DU 16 DECEMBRE 1998

(N°Slo, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 1997/07313

Pas de jonction

Décision dont appel : Jugement rendu le 30/12/1996 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de FONTAINEBLEAU RG n° : 1995/01010 (M.

X)

Date ordonnance de clôture : ler Septembre 1998

Nature de la décision : CONTRADICTOIRE

Décision REFORMATION

APPELANTE :

STE PREMIERE MUSIC GROUP prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

représentée par la SCP FANET, avoué assistée de Maître DELABARRE, Avocat de la SCP THOMAS, Toque L 118,

APPELANTE :

STE MUSIC SALES LTD prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

représentée par la SCP FANET, avoué assistée de Maître DELABARRE, Avocat de la SCP THOMAS, Toque L 118,



INTIME :

Monsieur Z A

i

demeurant […]

représenté par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoués assisté de Maître LE ROUX B, Avocat, Toque A 714,

INTIMEE :

S.A. EDITIONS J.Z prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège […]

représenté par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoué assisté de Maître LE ROUX, Toque A 714, B, Avocat,

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Président : Y-Madeleine RENARD-PAYEN

Conseillers B C

Y-D E

Lors des débats et du prononcé de l’arrêt :

Greffier : Chantal RENAUD-PETIT

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Octobre 1998

ARRET :

prononcé publiquement par Y-Madeleine RENARD-PAYEN, Président, qui a signé la minute avec Chantal RENAUD-PETIT, Greffier.

ARRET DU 16 DECEMBRE 1998 Cour d’Appel de Paris RG N° : 1997/07313 – 2ème page 5è chambre, section A of Лу л



Les sociétés PREMIERE MUSIC GROUP et MUSIC SALES Ltd ont, suivant déclaration remise au secrétariat-greffe le 26 février 1997, interjeté appel du jugement rendu le 30 décembre 1996 par le Tribunal de Grande

Instance de FONTAINEBLEAU qui a débouté les parties de leurs demandes, partageant les dépens par moitié entre elles.

La SARL PREMIERE MUSIC GROUP et la société de droit anglais

MUSIC SALES Ltd prient la Cour de confirmer cette décision en ce qu’elle a débouté Monsieur Z de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles mais, l’infirmant en ce qu’elle les a déboutées de leurs demandes, de dire que
Monsieur Z a commis une faute de nature délictuelle en rompant de façon abusive les pourparlers engagés avec elles et de le condamner à payer :

- à la société PREMIERE MUSIC GROUP la somme de 2.395.000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et financier subi par cette dernière du fait de ladite rupture,

- à la société MUSIC SALES la somme de 330.000 francs en réparation de son

préjudice matériel,

- à chacune d’elles les sommes de 50.000 francs et 30.000 francs au titre des

frais irrépétibles de première instance et d’appel,

et à supporter les entiers dépens.

Les sociétés appelantes exposent que, désireuses d’acquérir le capital social des Editions J. Z détenu par A Z, elles ont engagé des pourparlers avec ce dernier en avril 1993, et que les négociations se sont poursuivies jusqu’au début de l’année 1995 par suite des atermoiements et des nouvelles exigences du vendeur, qui a finalement accepté de signer l’acte concrétisant l’accord des parties lors d’un rendez-vous fixé au 10 avril 1995, date à laquelle il a fait part par téléphone de son refus de vendre.

Elles soutiennent que cette rupture brutale de pourparlers engagés depuis plus d’un an et ce, au moment précis où ils avaient abouti à un accord, est fautive, ce qui justifie leur demande d’indemnisation du préjudice subi constitué pour les deux sociétés par les divers frais (audit, honoraires de conseils, déplacements) auxquels s’ajoutent pour la société PREMIERE MUSIC GROUP les frais d’immobilisation de la somme de 4.280.000 francs correspondant à la part de fonds propres destinée à financer l’acquisition.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 16 DECEMBRE 1998



L

Les appelantes, rappelant que le refus de Monsieur Z n’avait été à l’époque motivé que par le fait qu’il n’était pas d’accord pour accorder à :

l’organisme financier auprès duquel il avait demandé la fourniture d’une caution les contreparties réclamées, soutiennent que les motifs invoqués ultérieurement – et dont le bien-fondé a été admis par le Tribunal – ne sont que des prétextes, inexacts de surcroît puisque Monsieur Z avait lui-même fixé la date de la signature de l’acte au vu des dernières modifications effectuées à sa demande.

Elles dénient enfin toute applicabilité du courrier du 6 janvier 1994 (qui excluait tout dédommagement au cas où les négociations menées n’aboutiraient pas) à la rupture intervenue 14 mois plus tard alors que l’ensemble des documents étaient établis.

A Z et la SA EDITIONS J. Z poursuivent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a débouté les appelantes principales de leurs demandes mais en forment appel incident pour le surplus, sollicitant la condamnation des sociétés PREMIERE MUSIC GROUP et MUSIC SALES :

- « conjointement et solidairement » à payer à Monsieur Z les sommes de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais engagés et 200.000 francs au titre de l’indemnité conventionnelle

d’immobilisation non réglée, et à la société EDITION J. Z la somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts correspondant au trouble de jouissance et au remboursement des frais engagés,

- chacune, à payer à chacun d’eux la somme de 50.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- solidairement, à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

Ils font valoir que ce sont les sociétés demanderesses qui, après avoir fait durer les négociations au cours desquelles elles n’ont cessé de formuler de nouvelles exigences et alors qu’une date limite leur avait été fixée au 7 avril

1995 pour la rédaction définitive des actes, ont adressé tardivement lesdits actes de surcroît non conformes aux accords pris s’agissant de la convention de garantie, de sorte que le refus de Monsieur Z de les signer était légitime.

SUR CE. LA COUR

Considérant qu’il est constant qu’au cours de l’année 1993 des pourparlers ont été engagés entre la société PREMIERE MUSIC GROUP (ci après PMG) et A Z, dirigeant et principal actionnaire de la société

Editions J. Z, en vue de l’acquisition par PMG du catalogue éditorial

ARRET DU 16 DECEMBRE 1998 Cour d’Appel de Paris

RG N° : 1997/07313 – 4ème page 5è chambre, section A

[…]


d’abord puis des actions de la société Z ; que ces pourparlers se sont régulièrement poursuivis jusqu’au 10 avril 1995, date fixée pour la signature des actes définitifs et à laquelle Monsieur Z a fait savoir téléphoniquement, une heure avant le rendez-vous, qu’il avait renoncé à la vente de ses actions ;

Considérant qu’en cause d’appel le fondement unique des demandes des appelantes, qui ne contestent pas la décision entreprise en ce qu’elle a dit que le contrat de vente n’était pas formé à cette date, est la rupture abusive de pourparlers ; qu’il convient donc de rechercher si, comme elles le prétendent,
Monsieur Z a commis une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit de ne pas poursuivre les négociations ;

Considérant tout d’abord qu’il résulte des très nombreux échanges de correspondances versées aux débats que les discussions entre les parties se sont régulièrement poursuivies pendant deux ans en évoluant progressivement vers la conclusion d’un accord et sans que leur durée puisse être imputée à l’une ou

l’autre des parties compte tenu des nombreuses modifications apportées, à

l’initiative de l’une ou l’autre, à ses prétentions et positions précédentes, qu’il s’agisse des modalités de paiement (tout au comptant ou échelonné en partie), du contenu de la cession (emplacement de parking notamment) et des garanties envisagées de part et d’autre notamment, et que si des dates avaient été successivement envisagées pour la conclusion des accords elles ont été prorogées d’un commun accord ;

Considérant qu’à la suite d’une réunion tenue le 8 mars 1995 au cours de laquelle les projets (cession de parts et convention de garantie) avaient été étudiés contradictoirement Monsieur Z a, par un courrier de son conseil en date du 17 mars 1995, indiqué à la société PMG qu’il souhaitait la signature d’un acte concrétisant l’accord des parties sur les modalités de

l’acquisition avant le 4 avril 1995 et qu’à défaut son offre de vente deviendrait caduque ; que la société PMG a alors adressé à Monsieur Z un projet de protocole d’accord le 21 mars 1995 puis, au vu des observations faites, un second projet le 29 mars ; que par télécopie du 4 avril 1995, jour de

l’expiration du délai fixé par Monsieur Z le conseil de PMG a relancé celui de Monsieur Z, confirmant l’accord de son client pour signer les actes et sollicitant une date pour ce faire ; que dans la même journée le conseil de Monsieur Z adressait finalement par fax les commentaires de son client sur les projets d’acte, indiquait qu’il adresserait ultérieurement le texte de la caution bancaire qu’il attendait « d’un moment à l’autre » et, compte tenu de ces précisions, reportait au 7 avril 1995 le délai imparti à PMG pour conclure la vente ; qu’il a ultérieurement reporté le rendez-vous de signature au

10 avril 1995 à 16 heures, ce qui a été accepté par la société PMG dont les représentants étaient présents le jour fixé ;



Considérant que Monsieur Z justifie a postériori son attitude par le fait que les actes définitifs n’ont été transmis à son conseil que le 7 avril

1995 à 18 heures, ce qui rendait matériellement difficile l’organisation d’un rendez-vous avec son conseil pour les examiner efficacement et que la rédaction de la convention de garantie n’étant pas conforme aux accords pris des modifications devaient être apportées, ce qui impliquait de nouvelles négociations et rendait impossible la rédaction des actes de manière définitive dans le délai imparti qui expirait le 7 avril 1995 ; qu’il estime que la condition imposée d’une rédaction définitive des actes au plus tard le 7 avril 1995 n’étant pas remplie, il a à bon droit décidé de ne plus poursuivre les négociations ;

Mais considérant que le conseil de Monsieur Z – auquel avait été transmis le 29 mars 1995 le projet de convention de garantie établi à la suite de la réunion du 23 mars et dans lequel était souligné l’ensemble des modifications convenues lors de cette entrevue (et en particulier les articles 1-2,

14-1 et 14-2 relatifs à l’étendue du catalogue éditorial) – a fait valoir les observations de ce dernier dans son courrier officiel du 4 avril 1995 par lequel, rappelant que Monsieur Z n’entendait donner au cessionnaire qu’une garantie limitée à la garantie fiscale et sociale en dehors de toute autre garantie, il précisait que la convention de garantie devait être modifiée par la suppression des deux derniers paragraphes de l’article 14-3 (déclarations) et des articles 18

(indemnisation) et 20 (mise en oeuvre de la garantie) ;

Que les modifications susvisées ont été apportées aux actes le jour même, et qu’ainsi les actes qui étaient en possession de Monsieur Z le E

7 avril 1995 étaient conformes aux exigences expressément formulées par son conseil ;

Considérant que si le conseil de Monsieur Z a pu, comme le relève le Tribunal, commettre une erreur en ne tirant pas toutes les conséquences, s’agissant des modifications à apporter aux différents articles des projets en discussion, de sa propre phrase aux termes de laquelle Monsieur

Z n’entendait donner au cessionnaire qu’une garantie limitée à la garantie fiscale et sociale sans autre garantie (sous-entendu du catalogue), cette erreur n’est pas imputable à la société PMG à laquelle il n’appartenait pas de modifier unilatéralement des articles à propos desquels aucune demande ne lui

:

avait été faite ;

Qu’en toute hypothèse les quelques aménagements restant à opérer

n’autorisaient nullement Monsieur Z à rompre brutalement, sur simple appel téléphonique, des négociations engagées depuis deux ans qui se trouvaient

à un stade avancé alors que de son côté la société PMG démontrait le sérieux de sa démarche en procédant immédiatement, le 4 avril, aux modifications qui lui étaient demandées ;



Qu’il y a donc eu rupture abusive des pourparlers par Monsieur Z, qui ne peut prétendre à aucune indemnisation ni au titre d’un préjudice dont il est seul responsable ni au titre de l’indemnité conventionnelle

d’immobilisation prévue par un acte qui n’a jamais été signé mais doit indemniser du préjudice résultant de cette brusque rupture la société PMG seule cessionnaire potentielle, la société MUSIC SALES dont les liens « familiaux » ou financiers avec la précédente ne lui confèrent aucune qualité à demander réparation de ce chef étant déboutée de l’ensemble de ses demandes ;

Considérant que la société PMG sollicite, en réparation du préjudice matériel et financier par elle subi du fait de la rupture abusive des pourparlers la somme de 2.395.000 francs qu’elle décompose en :

- 600.000 francs correspondant à la perte résultant de l’immobilisation pendant presque deux années de la somme de 4.280.000 francs correspondant à la part de fonds propres finançant l’acquisition,

- 795.500 francs au titre de l’ensemble des coûts exposés par cette dernière 1

depuis le début des négociations (honoraires de conseil, frais d’audit, expertise, :

temps passé par les représentants et le personnel, frais de dossier relatifs au ;

contrat de prêt),

- 1.000.000 francs au titre de la perte de profit consécutive à la non-réalisation

de la cession ;

Mais considérant que le préjudice en relation avec la faute de Monsieur

Z, à savoir la rupture brutale de pourparlers à un stade très avancé, ne saurait inclure les frais exposés pendant la longue phase préalable de discussion, qui seraient restés à la charge de chacune des parties quelle que soit l’issue de la négociation et y compris si elle n’aboutissait pas, conformément au courrier de la société PMG du 6 janvier 1994, étant observé qu’il n’est justifié ni de frais de dossier de prêt ni de l’immobilisation de fonds propres ;

Que la société PMG ne peut en outre prétendre se voir indemnisée, s’agissant de la rupture de pourparlers, d’une perte de profit consécutive à la non-réalisation de la cession mais uniquement de la perte de la chance de conclure le contrat envisagé et d’en tirer un profit ;

Que la Cour dispose en conséquence des éléments suffisants pour évaluer à 250.000 francs le préjudice subi par la société PMG du fait de
Monsieur Z, qu’il y a lieu de condamner à lui payer cette somme ;

Considérant que l’équité ne commande l’application des dispositions de

l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile qu’au profit de la société

PMG, à laquelle Monsieur Z devra payer la somme de 40.000 francs pour l’indemniser de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

ARRET DU 16 DECEMBRE 1998 Cour d’Appel de Paris RG N° : 1997/07313 – 7ème page 5è chambre, section A

Myl


:

PAR CES MOTIFS I

Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

Condamne A Z à payer à la société PREMIERE MUSIC GROUP les sommes de 250.000 francs à titre de dommages et intérêts et

40.000 francs en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

!

i

:

Condamne A Z aux entiers dépens de première instance et i

d’appel. Admet la SCP FANET au bénéfice de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE PRESIDENT, LE GREFFIER,

[…]

APRET DUL 16 DECEMBRE 1998 114

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