Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 26 octobre 2001

  • En l'espece, forme imposée par la fonction du produit·
  • Prohibition des formes exclusivement fonctionnelles·
  • Diversite des presentations sur le marché·
  • Faits distincts des actes de contrefaçon·
  • Confirmation par adoption de motifs·
  • Medicaments sous forme de comprimes·
  • Numero d'enregistrement 1 334 563·
  • Numero d'enregistrement 1 334 564·
  • Article 1 loi 31 décembre 1964·
  • Banalite de la couleur blanche

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 26 oct. 2001
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 2 MARS 1999 (M19990293)
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : BAGUETTE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1334563; 1334564
Classification internationale des marques : CL05
Liste des produits ou services désignés : Medicaments sous forme de comprimes - comprimes de forme oblongue a bouts arrondis et cotes chanfreines xx avec xx trois encoches
Référence INPI : M20010697
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Pour un bref exposé des faits, il convient de rappeler les éléments suivants, exposés dans le jugement -qui n’est pas contesté à cet égard :

- ROCHE commercialise depuis 1981 un médicament dénommé LEXOMIL dont le principe actif est le bromazépam qui est un anxiolytique présenté sous la forme d’un bâtonnet, de couleur blanche, aux extrémités arrondies, comportant des subdivisions, permettant de le scinder en quatre parties égales,
- le 11 décembre 1985, ROCHE a déposé à l’INPI : la marque dénominative BAGUETTE n° 1334563 renouvelée en 1995 pour désigner des médicaments sous forme de comprimés, produits de la classe 5, la marque figurative n° 1334564, renouvelée en 1995, désignant également en classe 5 des médicaments sous forme de comprimés, avec la légende suivante « La marque consiste dans la forme du produit. La baguette a 16 mm de long, 5mm de large, se termine par deux demi-cercles et comporte trois encoches profondes. »,
- le brevet protégeant le bromazépam, principe actif du LEXOMIL, étant tombé dans le domaine public, LABORATOIRES IREX a obtenu l’autorisation de mise sur le marché d’une spécialité générique à base de bromazépam, vendue sous la marque ANXYREX et présentée sous la forme d’un comprimé « baguette ».

- par lettre du 13 octobre 1997, ROCHE est intervenue auprès de la société SYNTHELABO, société mère LABORATOIRES IREX, lui rappelant ses droits, tant sur la dénomination baguette, que sur la forme du comprimé et lui demandant de cesser toute atteinte à ces marques,
- par courrier du 29 octobre 1997, la société SYNTHELABO s’est engagée à ne plus utiliser le vocable baguette, mais le 13 novembre suivant, elle a précisé qu’elle n’entendait pas accéder à la demande de ROCHE sur la forme du comprimé parce qu’elle considérait que la marque invoquée n’avait pas de caractère distinctif dans la mesure où elle était rendue nécessaire par sa fonction technique. Par acte du 12 janvier 1998, ROCHE a fait assigner IREX lui imputant des actes de contrefaçon de ses marques n° 1334563 et n° 1334564, ainsi que des agissements constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire ayant consisté selon elle à avoir commercialisé le produit litigieux sous une forme et une appellation reproduisant servilement pour la même indication thérapeutique celles de son médicament. Outre des mesures d’interdiction sous astreinte et de publication elle réclamait que son adversaire soit condamnée à lui payer une provision de 1 million de francs à valoir sur l’indemnisation de son préjudice dans l’attente des résultats d’une expertise dont elle sollicitait l’institution. Parallèlement, ROCHE a saisi le président du tribunal d’une demande d’interdiction provisoire des actes argués de contrefaçon. Par ordonnance du 13 février 1998, confirmée en appel, il a été fait interdiction sous astreinte à IREX d’utiliser les marques invoquées. Dans la procédure au fond, IREX a conclu au débouté, demandant reconventionnellement la nullité de la marque n° 1334564 non distinctive selon elle, soutenant qu’il n’était pas justifié d’actes de concurrence déloyale distincts des faits argués de contrefaçon et

formant une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 30 millions de francs en réparation du préjudice résultant selon elle de la mesure d’interdiction prononcée en référé. ROCHE a conclu de nouveau pour porter à 1.500.000 F sa demande de dommages intérêts et pour demander qu’il soit interdit à IREX de poursuivre la commercialisation de la nouvelle forme de comprimé qu’elle avait adoptée le choix de cette forme étant selon elle de nature à susciter un risque de confusion avec le LEXOMIL, et constitutif d’un nouvel acte de concurrence déloyale. Par son jugement du 2 mars 1999, le tribunal a :

- déclaré la marque n° 1.334.564 valable,
- dit que la société LABORATOIRES IREX en reproduisant dans sa documentation commerciale la mention « comprimé baguette », avait commis des actes de contrefaçon de la marque BAGUETTE n° 1.334.563 dont est titulaire la société PRODUITS ROCHE,
- dit que la société LABORATOIRES IREX en reproduisant un comprimé de couleur blanche en forme de bâtonnet aux bouts arrondis, aux cotés chanfreinés et comportant trois encoches pour commercialiser son produit ANXYREX, produit qui a fait l’objet de la mesure d’interdiction d’usage par ordonnance du président du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 13 février 1998 confirmée par la Cour d’appel de PARIS le 8 juin 1998, avait commis des actes de contrefaçon de la marque figurative n°1.334.564 dont est titulaire la société PRODUITS ROCHE ; ,
- fait interdiction, en tant que de besoin, à la société LABORATOIRES IREX de poursuivre ces agissements de contrefaçon sous astreinte de 300 francs par produit commercialisé contrefaisant à compter de la signification de la décision,
- condamné la société LABORATOIRES IREX à payer à la société PRODUITS ROCHE la somme de 500. 000 francs à titre de dommages intérêts ; ,
- autorisé la société PRODUITS ROCHE à faire publier en entier ou par extraits le dispositif du jugement dans trois revues ou journaux de son choix aux frais de la société LABORATOIRES IREX sans que le coût total d’insertion dépasse la somme de 60.000francs HT ; ,
- débouté la société PRODUITS ROCHE de sa demande formée au titre de la concurrence déloyale,
- débouté la société LABORATOIRES IREX de sa demande reconventionnelle,
- rejeté autre toute demande,
- prononcé l’exécution provisoire du jugement du chef de la mesure d’interdiction,
- condamné la société LABORATOIRES IREX à verser à la société PRODUITS ROCHE la somme de 25.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ayant interjeté appel, IREX, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 14 juin 2001 prie la cour de :

- déclarer le marque n° 1.334.564 nulle,
- dire que l’action en contrefaçon est infondée,
- mettre fin à la demande d’interdiction prononcée en référé,
- donner acte à la société IREX du fait que la société ROCHE reconnaît que la

commercialisation du produit ANXYREX sous la nouvelle forme de comprimé ne constitue pas une contrefaçon de sa marque 1334564,
- confirmer le jugement de première instance sur l’absence de concurrence déloyale,
- débouter la société ROCHE de son action en dommages intérêts,
- faire droit à la demande reconventionnelle présentée par la société LABORATOIRES IREX,
- condamner la société PRODUITS ROCHE à payer à la société IREX la somme de 30.000.000 F de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette action abusive,
- condamner la même à payer à la société IREX la somme de 50.000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dans ses dernières écritures signifiées le 31 juillet 2001, ROCHE conclut à la confirmation du jugement sauf sur le montant des dommages intérêts qui lui ont été alloués au titre de la contrefaçon et le coût des mesures de publication, ainsi qu’en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale. Elle prie la cour de :

- condamner au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon des marques dont est titulaire la Société PRODUITS ROCHE, la Société LABORATOIRES IREX à payer à la Société PRODUITS ROCHE la somme complémentaire de 1 000 000 francs soit au total 1 500 000 francs,
- autoriser la Société PRODUITS ROCHE à faire publier en entier ou par extraits le dispositif du présent jugement dans trois revues ou journaux de son choix aux frais de la Société LABORATOIRES IREX pour un montant complémentaire de 90 000 francs HT, afin que le coût total d’insertion ne dépasse pas la somme de 150 000 francs HT,
- dire et juger en outre qu’en commercialisant sous la dénomination « BAGUETTE » mais également sous une forme et couleur identiques puis sous une forme imitante, une spécialité pharmaceutique dont le principe actif, le dosage et les indications sont identiques à celles du médicament « LEXOMIL » de la Société PRODUITS ROCHE, la Société LABORATOIRES IREX a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme distincts de ceux de contrefaçon de marques,
- condamner la Société LABORATOIRES IREX à verser à la Société PRODUITS ROCHE la somme de 2 000 000 francs en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

- condamner la Société LABORATOIRES IREX à payer à la Société PRODUITS ROCHE la somme de 75 000 (soixante quinze mille) francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer en cause d’appel. Sont ici expressément visées les conclusions ci-dessus mentionnées.

DECISION

Considérant qu’IREX ne critique pas le jugement en ce qu’il a retenu qu’elle avait contrefait la marque dénominative BAGUETTE n° 1334563 ; qu’elle en poursuit en revanche la réformation en ce qu’il a rejeté sa demande de nullité de la marque figurative n° 1334564 ; qu’à cet égard, si elle ne prétend plus comme devant le tribunal que la forme protégée à titre de marque aurait été nécessaire et imposée par la fonction du produit, elle soutient :

- que cette forme a un caractère fonctionnel, qui empêche son appropriation à titre de marque, dès lors qu’il existe un lien entre ladite forme et la fonction du comprimé, la forme oblongue quadrisécable présentant des avantages qui ne peuvent pas être obtenus au même degré par d’autres formes du produit,
- qu’à l’époque du dépôt de la marque, cette forme avait un caractère usuel, d’autres comprimés sécables de forme oblongue ayant été mis sur le marché ou ayant obtenu une AMM ; Mais considérant sur le premier point que ROCHE relève à juste titre que l’immense majorité des marques constituées par la forme des produits étant utilitaire et présentant des caractéristiques fonctionnelles, le raisonnement de l’appelante aurait pour effet de vider de son sens l’article 1er de la loi du 31 décembre 1964 applicable à la présente espèce prévoyant qu’est notamment considérée comme marque « la forme caractéristique du produit ou de son conditionnement » ; que la loi prohibe en réalité l’adoption à titre de marque des formes exclusivement fonctionnelles ; Considérant que l’argumentation d’IREX qui soutient que la forme litigieuse serait la seule qui autorise « un découpage du produit en permettant de garder entier le comprimé restant après la première prise » et « qu’elle offre des avantages pratiques incomparables », ne peut pas être suivie alors :

- que les pièces versées aux débats mettent en évidence l’extrême diversité des présentations du BROMAZEPAM mises sur le marché en France ou à l’étranger (comprimé bisécable ou quadrisécable rond, quadrisécable carré ou en forme de trèfle, quadrisécable en forme de petit rectangle allongé, gélule),
- qu’IREX elle-même commercialise le BROMAZEPAM sous forme d’un comprimé rond bisécable au Portugal -où il n’est pas allégué que la forme du médicament princeps serait protégé par une marque de ROCHE- et qu’elle le vend en France depuis la mesure d’interdiction prononcée en 1998, sous la forme (également adoptée par MERK GENERIQUES) d’un comprimé quadrisécable rectangulaire allongé ; Considérant qu’il se déduit des observations qu’alors que comme l’a exactement relevé le tribunal la marque invoquée se caractérise par la réunion d’un ensemble d’éléments : une forme oblongue, combinée avec des bouts arrondis, des cotés chanfreinés et des flancs ouverts d’encoches en forme de gorges, IREX ne démontre pas que ladite marque serait dépourvue d’aspects arbitraires ou esthétiques et exclusivement fonctionnelle ; Considérant par ailleurs qu’un signe n’étant tenu pour usuel que lorsqu’il est généralement et communément utilisé pour désigner l’objet en cause, le tribunal a justement décidé que tel n’était pas le cas pour la marque invoquée ; que les critiques adressées de ce chef au jugement par IREX ne sont pas fondées alors que l’appelante ne communique aucun

comprimé antérieur au dépôt de la marque présentant les caractéristiques précédemment mentionnées, les produits qu’elle met aux débats étant, soit des comprimés bisécables, soit des comprimés quadrisécables mais rectangulaires (NOVAZAM), ou bien (pour le NORDAZ) sensiblement plus larges et surtout dépourvus des cotés chanfreinés qui caractérisent la forme couverte par la marque invoquée ; Considérant que le jugement dont la cour adopte les motifs pour le surplus sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la marque n° 1334564 ; Considérant que le jugement sera également confirmé par adoption de motifs en ce qu’il a dit qu’IREX avait contrefait les marques n° 1334563 et n° 1334564 et en ce qu’il a rejeté les demandes formées par ROCHE au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; que de ce dernier point de vue, les critiques adressées par ROCHE au tribunal ne sont pas fondées alors que l’intimée ne démontre pas d’actes de concurrence illicite distincts (indépendamment de la couleur blanche du médicament qui est parfaitement banale au vu des dizaines de comprimés qu’elle verse elle-même aux débats, elle incrimine la reprise du terme « baguette » et celle de la forme du LEXOMIL) de ceux sanctionnés par ailleurs au titre de la contrefaçon ; que l’intimée (qui n’est évidemment pas fondée à prétendre monopoliser un genre) ne saurait par ailleurs obtenir que soit sanctionnée au titre de la concurrence déloyale l’adoption par son adversaire à la suite de la mesure d’interdiction prise en 1998 d’une forme de comprimé quadrisécable rectangulaire dont elle admet qu’elle ne contrefait pas sa marque n° 1334564 ; Considérant qu’aucun élément nouveau en appel ne conduit à modifier l’exacte appréciation faite par les premiers juges du préjudice subi par ROCHE ; que le jugement sera confirmé du chef de toutes les mesures réparatrices (notamment les dommages intérêts et les mesures de publication) prononcées au titre de la contrefaçon ; Considérant qu’IREX dont la responsabilité est retenue sera déboutée de ses demandes reconventionnelles ; Considérant que l’équité commande d’allouer à ROCHE l’indemnité complémentaire de 75.000 F qu’elle réclame pour ses frais irrépétibles d’appel ; PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant : Condamne la société LABORATOIRES IREX à payer à la société PRODUITS ROCHE une indemnité complémentaire de 75.000 F pour ses frais irrépétibles ; Rejette toute autre demande ;

Condamne la société LABORATOIRES IREX aux dépens d’appel ; Admet la SCP BASKAL au bénéfice des dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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