Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 19 octobre 2001

  • Contribution a cette perception comme désignation generique·
  • Article l 714-6 code de la propriété intellectuelle·
  • Effet entre les parties a compter du present arrêt·
  • Boissons alcooliques à l'exception des bieres·
  • Numero d'enregistrement 1 279 889·
  • Appréciation à la date du dépôt·
  • Article 3 loi 31 décembre 1964·
  • Degenerescence de la marque·
  • Faits commis anterieurement·
  • Marque devenue usuelle

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Utilisation en france par les milieux professionnels ou un large public d’utilisateurs pour designer des boissons alcoolisees (non)

dispositions europeennes sur la libre circulation des marchandises affectant l’exercice des droits de propriete intellectuelle et non leur existence

validite de la marque devant etre examinee au regard de la loi francaise, loi du lieu de l’enregistrement

titre de morceau de musique et d’oeuvre litteraire, livres de recettes, site internet consacre aux cocktails, cartes de bars ou d’entreprises de restauration

interventions pour obtenir le retrait de marques deposees par des tiers ou pour s’opposer a l’utilisation des termes pour la designation des produits (glaces, boissons)

passivite face a l’emploi generalise de l’expression pour designer un cocktail alcoolise a base de jus de fruits

absence de reaction contre cet usage par voie d’interventions directes ou au moyen de campagnes de publicite organisees pour mettre en garde les consommateurs contre les confusions possibles

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 19 oct. 2001
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 2002 736 III-79
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 5 JANVIER 1999 (M19990074)
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : PINA COLADA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1279889
Classification internationale des marques : CL33
Liste des produits ou services désignés : Boissons alcooliques a l'exception des bieres
Référence INPI : M20010702
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE BARDINET est propriétaire de la marque dénominative PINA COLADA déposée en 1974 et régulièrement renouvelée depuis lors. Cette marque, enregistrée sous le n° 1 279 889, désigne en classe 33 les boissons alcooliques à l’exception des bières. Par acte du 9 juillet 1997, elle a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, EGO FRUITS à laquelle elle reprochait de contrefaire sa marque par reproduction ou imitation en commercialisant une boisson dénommée « COCKTAIL DE PIGNA COLADA ». Outre les mesures habituelles d’interdiction, de destruction sous astreinte et de publication, elle réclamait que son adversaire soit condamnée à lui payer une provision de 250.000 F à valoir sur ses dommages intérêts à déterminer par voie d’expertise. EGO FRUITS, exposant avoir pour activité la fabrication de boissons non alcoolisées à base de fruits et expliquant avoir commercialisé depuis 1982 le cocktail incriminé, avait sollicité le débouté des demandes formées contre elle, en concluant à la nullité de la marque faite selon elle de termes génériques constituant la désignation usuelle des produits visés au dépôt, en invoquant la déchéance de la marque par application de l’article L.714-6 a) du Code de la propriété intellectuelle, et en contestant la contrefaçon à défaut selon ses dires de similarité entre les produits. Par son jugement du 5 janvier 1999, le tribunal a écarté l’argumentation d’EGO-FRUITS en estimant :

- qu’il n’était pas démontré qu’à la date du dépôt à laquelle il convenait de se placer de ce point de vue, et selon la loi du 31 décembre 1964 alors en vigueur, les termes PINA C auraient eu un caractère générique de nature à entraîner la nullité du dépôt,
- qu’il n’était pas davantage établi que la marque serait devenue la désignation usuelle de boissons alcoolisées du fait de BARDINET qui n’encourait pas en conséquence la déchéance de ses droits,
- que la reproduction quasi-servile de la marque PINA COLADA dans la dénomination PIGNA COLADA pour désigner des produits similaires générait un risque de confusion pour le consommateur et caractérisait la contrefaçon. Le tribunal a interdit sous astreinte à EGO-FRUITS de faire usage de la dénomination PIGNA COLADA, ordonné la confiscation aux fins de destruction aux frais de cette société de tous produits et documents portant mention de cette dénomination, condamné EGO FRUITS à payer à BARDINET la somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts, autorisé BARDINET à faire procéder à trois mesures de publication aux frais d’EGO FRUITS dans la limite d’un coût total de 60.000 F HT, et condamné EGO FRUITS au paiement de la somme de 15.000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. EGO FRUITS, qui a interjeté appel, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de BOURG EN BRESSE du 9 juin 2000. Son liquidateur, la SCP BELAT DESPRAT, a été appelée en intervention forcée et a repris l’instance. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 20 avril 2001, elle poursuit l’infirmation du

jugement en toutes ses dispositions et prie la cour :

- de dire nul comme générique et descriptif au regard des articles L 714-3 et L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement de la marque invoquée,
- subsidiairement sur ce point de surseoir à statuer pour « demander à la Cour de justice des communautés européennes de dire pour droit si le principe de territorialité qui conduit à apprécier le caractère distinctif ou générique des termes d’une marque dans la langue du pays d’enregistrement et non dans la langue du pays dans laquelle les mots utilisés dans la marque ont été empruntés, est compatible avec le Traité de Rome instituant la Communauté Européenne tel que modifié par l’Acte unique européen et le Traité sur l’Union Européenne »,
- à titre subsidiaire de déclarer déchue de ses droits la société BARDINET en ce qu’elle a de son fait laissé utiliser les termes PINA C comme désignation usuelle des produits en cause,
- à titre infiniment subsidiaire de dire que les produits incriminés ne sont pas similaires à ceux visés aux dépôts de la marque invoquée et qu’aucun acte de contrefaçon ne lui est en conséquence imputable,
- en toute hypothèse dire que BARDINET ne démontre aucun préjudice,
- condamner BARDINET à lui payer une indemnité de 20.000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. BARDINET a fait dénoncer le 24 avril 2001 à l’avoué constitué par la SCP BELAT- DESPRAT ès-qualités l’assignation forcée et en reprise d’instance qu’elle avait précédemment fait délivrer après avoir déclaré sa créance. Elle prie la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sous réserve toutefois des effets du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire d’EGO FRUITS, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 175.000 F sauf mémoire, et de condamner la SCP BELAT DESPRAT ès qualités à lui payer les sommes de 100.000 F à titre de dommages intérêts pour appel abusif, 50.000 F pour ses frais irrépétibles d’appel, et d’ordonner enfin la publication de l’arrêt à intervenir. Sont ici expressément visées les conclusions ci-dessus mentionnées.

DECISION Considérant que la cour adopte les motifs par lesquels le tribunal a décidé :

- que la marque PINA COLADA ayant été déposée pour la première fois en 1974, le bien fondé de la demande tendant au prononcé de sa nullité pour défaut de distinctivité devait être apprécié à la date de son dépôt et au regard de la loi du 31 décembre 1964 alors en vigueur, dont l’article 3 excluait la protection à titre de marque des signes constitués exclusivement de la « désignation nécessaire ou générique » du produit ou du service ou

comportant des indications propres à tromper le public,
- qu’aucun élément n’établissait qu’en 1975 les termes PINA C étaient utilisés en France par les milieux professionnels ou un large public d’utilisateurs pour désigner des boissons alcoolisées et auraient eu un caractère générique ; Considérant que la circonstance que la PINA C serait, selon les pièces non contestées versées aux débats, un cocktail créé à Porto-Rico en 1963, et que l’Association Espagnole des fabricants de jus de fruits estime dans une attestation, également communiquée, qu’il s’agit d’un nom générique pour désigner « des jus de fruits… mélanges à base de noix de coco et d’ananas à dose variable », n’est pas de nature à remettre en cause la décision du tribunal en ce qu’il a dit que les dispositions Européennes sur la libre circulation des marchandises affectaient l’exercice des droits de propriété intellectuelle mais non pas leur existence, et que la validité de la marque devait être examinée au regard de la loi française qui est celle du lieu de l’enregistrement ; que sans qu’il y ait lieu de poser la question préjudicielle proposée par l’appelante, le jugement sera confirmé en ce qu’il a repoussé la demande de nullité de la marque invoquée ; Considérant que l’appelante réitère en appel son argumentation fondée sur les dispositions de l’article L.714-6 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service » ; qu’elle expose que du fait de la passivité de BARDINET, PINA C est devenu générique et sert de nom commun pour désigner un cocktail de jus de fruits ; Considérant que BARDINET conclut à la confirmation du jugement qui a repoussé les demandes d’EGO FRUITS de ce chef en estimant que s’il était constant que les termes PINA C étaient, au moins depuis 1992, fréquemment utilisés pour désigner un cocktail de fruits alcoolisé, il n’était pas démontré que BARDINET aurait encouragé ou même toléré un tel usage et que cette société établissait au contraire avoir défendu sa marque avec succès puisqu’elle établissait le retrait d’au moins cinq dépôts litigieux et la conclusions de transactions ; Mais considérant que si BARDINET justifie être intervenue pour obtenir le retrait des marques déposées par des tiers contenant les termes PINA C et pour s’opposer, dans un certain nombre de cas, à l’utilisation de ces termes pour la désignation de produits (tels que des glaces ou des boissons) fabriqués et distribués à l’échelle industrielle, elle est restée totalement passive face à l’emploi généralisé de l’expression « pina colada » pour désigner un cocktail alcoolisé à base de jus de fruits, notamment, ainsi qu’il en est justifié par les pièces versées aux débats, comme titre d’un morceau de musique ou d’une oeuvre littéraire, mais surtout dans des livres de recettes (tels le « Larousse des alcools », dès 1982), sur un site Internet consacré aux cocktails, et sur les cartes de bars ou celles d’importantes entreprises de restauration exploitant de nombreux établissements ; qu’alors qu’elle s’est abstenue de réagir contre cet usage (par voie d’interventions directes, ou au moyen de campagnes de publicité organisées pour mettre en garde les consommateurs contre les confusions possibles), elle a contribué à faire en sorte que le terme PINA C ne permette plus d’identifier ses produits mais soit perçu comme la désignation générique

d’un cocktail ; qu’il convient, par réformation, du jugement de déclarer BARDINET déchue de ses droits sur la marque PINA COLADA ; Considérant que la déchéance ainsi prononcée, ayant effet entre les parties à compter du présent arrêt, ne fait pas disparaître les faits de contrefaçon incriminés, commis antérieurement et qui ont été justement retenus par le tribunal ; que dans les circonstances particulières de la cause, la cour dispose d’éléments suffisant pour fixer à 1000 F le montant du préjudice résultant de cette contrefaçon, sans que les mesures complémentaires d’interdiction, de destruction sous astreinte et de publication prescrites par les premiers juges aient lieu d’être maintenues ; que par réformation du jugement sur les mesures réparatrices, il sera substitué à la condamnation à dommages intérêts prononcée à l’encontre d’EGO FRUITS une fixation de créance pour un montant de 1.000 F ; Considérant que l’équité n’exige pas qu’il soit alloué d’indemnité au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile à l’une ou l’autre des parties qui supporteront chacune leurs dépens d’appel ; PAR CES MOTIFS : Donne acte à la SCP BELAT-DESPRAT de son intervention volontaire en reprise d’instance ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société EGO-FRUITS ; Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande en déchéance de la marque PINA COLADA et du chef des condamnations prononcées à l’encontre de la société EGO FRUITS ; Réformant, statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant : Prononce par application de l’article L.714-6 a) du Code de la propriété intellectuelle la déchéance des droits de la société BARDINET sur la marque PINA COLADA n° 1 279 889 ; Dit que le présent arrêt sera transmis à l’initiative du greffier à l’Institut National de la Propriété Industrielle pour transcription de ce chef au Registre national des marques ; Fixe à 1.000 F le montant des dommages intérêts qui répareront le préjudice subi par la société BARDINET du fait des actes de contrefaçon, et fixe à ce montant la créance de la société BARDINET au passif de la société EGO FRUITS en liquidation judiciaire ; Rejette toute autre demande ; Dit que chaque partie supportera ses dépens de première instance et d’appel.

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