Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 19 septembre 2003, n° 2000/18764

  • Reproduction des caractéristiques·
  • Application industrielle·
  • Description suffisante·
  • Contrefaçon de brevet·
  • Validité du brevet·
  • Commercialisation·
  • Brevet européen·
  • Responsabilité·
  • Combinaison·
  • Importation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 19 sept. 2003, n° 00/18764
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2000/18764
Publication : PIBD 2004, 780, IIIB-92
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 23 juin 2000
  • 1998/10486
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP333546
Titre du brevet : Tuyau intra-médullaire pour empêcher la rotation des fragments d'un os long fracturé
Classification internationale des brevets : A61B
Référence INPI : B20030168
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS 4e chambre, section B ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2003

Numéro d’inscription au répertoire général : 2000/18764 Décision dont appel : Jugement rendu le 23/0672000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 3e Ch. RG n° : 1998/10486 Date ordonnance de clôture : 12 juin 2003 Nature de la décision : Contradictoire Décision : CONFIRME

APPELANTES : S.A.S. ZIMMER prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège La Grande Arche Nord I Parvis de la Défense 92800 PUTEAUX représentée par la SCP FISSEUER-CHILOUX-BOULAY, avoué, assistée de Maître Geoffroy G. Toque D489. Avocat au Barreau de PARIS,

STE ZIMMER LIMITED société de droit britannique prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Dunbeath Road Elgin Industrial Est SWINDON SN2 6XY (GRANDE BRETAGNE) représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué, assistée de Maître Geoffroy G. Toque D489. Avocat au Barreau de PARIS,

INTIME : Monsieur LOUTFI R représenté par la SCP MOREAU, avoué assisté de Maître Thierry M V, Toque P75, Avocat au Barreau de PARIS,

INTIMEE PROVOQUEE : La SARL EMERGENCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège […] 94150 RUNGIS représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué, assistée de Maître Geoffroy G, Toque D489, Avocat au Barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR (lors des débats et du délibéré) Président : Madame PEZARD Conseillers : Madame S Madame R

GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l’arrêt : L. MALTERRE P DEBATS A l’audience publique du 13 juin 2003

ARRET : Prononcé publiquement par Madame PEZARD, président, qui a signé la minute avec Madame MALTERRE PAYARD, greffier.

La cour statue sur l’appel interjeté par les sociétés ZIMMER SAS et ZIMMER LIMITED, d’un jugement rendu, le 23 juin 2000, par le tribunal de grande instance de PARIS, 3e chambre, 2e section, dans un litige les opposant, ainsi que la société EMERGENCE, à Rachid L.

Rachid L, chirurgien orthopédiste, est titulaire du brevet européen n°0 333 546, désignant la France, déposé le 2 mars 1989 sous le bénéfice d’une priorité française du 3 mars 1988 et publié le 28 décembre 1994, qui a pour objet un « tuyau intra-médullaire pour empêcher la rotation des fragments d’un os long fracturé ». Après avoir fait procéder, le 29 avril 1998, à une saisie-contrefaçon dûment autorisée dans les locaux à RUNGIS des sociétés ZIMMER SAS et EMERGENCE, Rachid L a fait, par actes d’huissier des 11 et 12 mai 1998, assigner ces sociétés, ainsi que la société ZIMMER LIMITED, en contrefaçon des revendications 1, 2 et 4 de son brevet, en paiement d’indemnités provisionnelles dans l’attente des résultats de l’expertise sollicitée et aux fins de mesures d’interdiction, de confiscation et de publication. Les sociétés intimées ont soulevé la nullité des assignations délivrées et dès lors du procès-verbal de saisie-contrefaçon et conclu, au principal, à la nullité de la revendication 1 du brevet en application de l’article 138 § c de la convention de MUNICH et de l’article L.613-25 du Code de la propriété intellectuelle comme s’étendant au–delà du contenu de la demande telle que déposée et, subsidiairement, à l’absence de toute contrefaçon, le dispositif ZIMMER comportant une gerbe de tiges flexibles, qui ne sont pas des lamelles, la différence de structure entraînant une différence de fonction et, dès lors, de résultat industriel.

Par jugement rendu le 23 juin 2000, le tribunal de grande instance de PARIS a :

- rejeté l’exception de nullité,
- déclaré valable la saisie-contrefaçon du 29 avril 1998,
- déclaré valables les revendications 1, 2 et 4 du brevet européen n°333 546,
- mis hors de cause la société EMERGENCE,
- dit que la société ZIMMER LIMITED en fabriquant et la société ZIMMER SAS en important et en offrant à la vente des dispositifs reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 2 et 4 du brevet européen n'333 546 ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de Monsieur Rachid L, titulaire de ce brevet,

En conséquence,
- interdit à ces sociétés la poursuite de tels agissements sous astreinte de 3 000 Francs par infraction constatée à compter de la signification de sa décision.

- condamné in solidum les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS à verser à Rachid L la somme de 100 000 Francs à valoir sur la réparation de son préjudice,
- avant dire droit sur la fixation des dommages et intérêts, désigné Michel D en qualité d’expert avec pour mission de donner tous éléments d’information permettant d’apprécier l’étendue du préjudice subi par le demandeur,
- autorisé Rachid L à faire publier le dispositif de la décision dans trois revues ou journaux de son choix aux frais in solidum des sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS sans que le coût total de ces insertions à la charge de celles-ci n’excède la somme de 60 000 Francs,
- ordonné l’exécution provisoire du chef des mesures d’interdiction et des mesures d’expertise,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné in solidum les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS à verser à Rachid L la somme de 25 000 Francs sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS aux dépens.

Les sociétés ZIMMER SAS et ZIMMER LIMITED ont interjeté appel de cette décision le 22 septembre 2000. Rachid L a formé un appel provoqué à rencontre de la société EMERGENCE. Par arrêt du 14 juin 2002, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité Rachid L à prendre connaissance de la traduction d’un article publié en langue anglaise intitulée « A NEW NAIL F E INTRAMEDULLARY FIXATION IN FRACTURES AND PSEUDARTHROSES OF THE FEMUR AND TIBIA» par MM. M, V et I régulièrement communiqué et de proposer sa propre traduction. Par arrêt du 5 juillet 2002, la cour a, à nouveau, ordonné la réouverture des débats, et invité les parties à présenter toutes observations utiles sur le document «E INTRAMEDULLARY FIXATION », la question qu’il soulève, toutes pièces qui s’y rapporteraient, enfin sur leur application au litige.

Les sociétés ZIMMER LIMITED, ZIMMER SAS et EMERGENCE, par leurs dernières écritures signifiées le 21 mai 2003, demandent à la cour de : « Infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, Prononcer la nullité en application de l’article 138 de la Convention de Munich et des articles 52, 57 et 138 b des revendications 1,2 et 4 du brevet européen 333 546, Subsidiairement, dire que le dispositif ZIMMER ne constitue pas la contrefaçon de ces revendications. En conséquence, débouter L de toutes ses demandes. Le condamner à payer à chacune des sociétés ZIMMER la somme de 500 000 € au titre de l’article 700 du NCPC, Le condamner en tous les dépens, tant de première instance que d’appel (…).»

Rachid L, par conclusions signifiées le S juin2003, après avoir précisé qu’il désignait les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS sous le nom de « ZIMMER » prie la cour de : « Dire que l’appel de ZIMMER est irrecevable et subsidiairement mal fondé ; l’en débouter.

1/ Confirmer le jugement que le tribunal a rendu le 23 juin 2000 en ce qu’il a :
- déclaré valables les revendications du brevet de L et la saisie
- dit que ZIMMER avait commis des actes de contrefaçon en important et en offrant à la vente des dispositifs reproduisant des revendications 1, 2 et 4 de ce brevet européen 333.546
- interdit à ZIMMER la poursuite de la contrefaçon sous une astreinte de 457,35 € par infraction constatée
- condamné ZIMMER à verser à L une provision de 15 244,90 €
- ordonné une expertise
- autorisé L à faire publier la décision judiciaire
- condamné ZIMMER aux dépens ainsi qu’à la somme de 3 811,23 € au titre de l’article 700.

2/ Et réformant ce jugement sur les points suivants :
- donner acte à EMERGENCE de ce qu’elle ne conteste pas, notamment dans sa lettre du 28 août 2001 à l’expert qu’elle a poursuivi la vente des clous contrefaisants après l’assignation de 1998jusqu’en 2000 au moins
- dire et juger que EMERGENCE est également responsable de la contrefaçon, et la condamner conjointement et solidairement avec ZIMMER pour les faits qui leur sont communs ; dire et juger en toute hypothèse qu’il convient, en tant que de besoin, d’interdire à EMERGENCE la mise dans le commerce des clous contrefaisants et ce sous astreinte de l 000 Euros par infraction constatée et de 10 000 Euros par jour de retard
- dire et juger que l’interdiction sera également assortie d’une astreinte de 15 244,90 Euros par jour de retard ainsi que des mesures de confiscation telles que prévues par l’article L. 6 17-7 CPI
- dire et juger que les astreintes seront liquidées par la présente Cour d’Appel de Paris

3/ Vu le rapport d’expertise de Monsieur D, du 27 novembre 2001,

a) Fixer, conformément à l’article 568 du NCPC, le montant des dommages et intérêts dus par ZIMMER et EMERGENCE à Monsieur L en réparation de son préjudice et ainsi, Condamner conjointement les sociétés ZIMMER et EMERGENCE à payer à Monsieur L une indemnité de 198.183,72 €, qu’il convient d’actualiser à la somme de 230 000 €. b) Enjoindre aux sociétés anglaise, française ZIMMER et à la société française ÉMERGENCE d’avoir à fournir à la Cour les réponses sollicitées par l’Expert sur la masse contrefaisante, et ce sous astreinte de 16 000 € par jour de retard. Condamner conjointement et solidairement ZIMMER et EMERGENCE à payer à M. L une provision supplémentaire de 100 000 € 4/Condamner ces mêmes personnes sous la même solidarité à payer à M. L une indemnité complémentaire de 20.000 € à titre de remboursement des peines et soins du procès en vertu de l’article 700 NCPC Condamner ces mêmes personnes sous la même solidarité aux entiers dépens tant ceux de première instance que d’appel (…) »

CECI EXPOSE, LA COUR Considérant qu’il est exposé dans la description de l’invention Que :

- celle-ci concerne un « tuyau intra-médullaire pour stabiliser la fracture d’un os long en empêchant la rotation des fragments l’un par rapport à l’autre »,
- il était connu dans l’art antérieur d’utiliser, pour éviter les longues interventions chirurgicales et une utilisation excessive de rayons X, nuisibles tant pour le patient, que pour le chirurgien et les auxiliaires opératoires, un élément de soutien « constitué d’un tuyau présentant un passage longitudinal et un passage transversal pour une tige destinée à empêcher la rotation du côté proximal et des lamelles, comportant une olive capable d’écarter lesdites lamelles grâce à un mandrin d’actionnement restant à demeure dans le tuyau implanté »,
- le clou intra-médullaire objet de l’invention est constitué « d’un tuyau présentant un passage longitudinal et un passage transversal pour une tige destinée à empêcher la rotation du côté proximal et deux lamelles prévues à l’extrémité distale, caractérisé en ce que les lamelles sont élastiques, spontanément écartées l’une de l’autre, et munies à proximité de leur extrémité distale d’éléments perforés d’un canal selon l’axe du tuyau et disposés vers l’intérieur du tuyau, éléments dans lesquels en passant par le passage longitudinal on introduit pour l’installation dans l’os long un guide rapprochant les lamelles, et libérant celles-ci, qui s’écartent, lorsque le guide est retiré du clou »,
- "Par « tuyau intra-médullaire », on entend un corps sensiblement cylindrique creux et allongé destiné à être introduit dans le canal médullaire d’un os long",
- « L’élément de soutien selon l’invention est très simple puisqu’il ne comporte que deux pièces : le tuyau qui par ses qualités propres bloque la partie distale de l’os et la tige perforant ledit tuyau et l’os, destinée à empêcher la rotation du côté proximal »,
- "Dans des conditions préférentielles de mise en oeuvre, le tuyau intra-médullaire (…) est caractérisé en ce que le dispositif destiné à empêcher la rotation des

fragments de l’os fracturé l’un par rapport à l’autre du côté distal est constitué de deux lamelles spontanément écartées l’une de l’autre. Ces lamelles élastiques sont de préférence munies près de leur extrémité distale et à l’intérieur des tuyaux de bossages perforés longitudinalement de manière à permettre le passage d’un guide dans les perforations lorsque les lamelles sont rapprochées',
- « Dans d’autres conditions préférentielles de mise en oeuvre de l’invention (…), le tuyau est fendu sur environ la moitié de sa longueur. Bien entendu, celte fente ne doit pas altérer les qualités du tuyau intra-médullaire selon l’invention, c 'est à dire sa rigidité en torsion et l’élasticité des lamelles »,
- « Le tuyau intra-médullaire et la tige sont réalisés dans les métaux et alliages habituels des prothèses » ; Considérant que le brevet comporte cinq revendications: «1. Clou intra- médullaire pour empêcher la rotation dans les fractures d’os longs comportant un dispositif destiné à empêcher la rotation des fragments de l’os fracturé l’un par rapport à l’autre à sa partie distale et à sa partie proximale, constitué d’un tuyau présentant un passage longitudinal et un passage transversal pour une tige destinée à empêcher la rotation du côté proximal et deux lamelles (2,2') prévues à l’extrémité distale. caractérisé en ce que les lamelles sont élastiques, spontanément écartées l’une de l’autre, et munies à proximité de leur extrémité distale d’éléments (3,3') perforés d’un canal (4,4') selon l’axe du tuyau et disposés vers l’intérieur du tuyau, éléments dans lesquels en passant par le passage longitudinal on introduit pour l’installation dans l’os long un guide (7) rapprochant les lamelles, et libérant celles-ci, qui s’écartent, lorsque le guide (7) est retiré hors du clou. 2. Clou intra-médullaire selon la revendication 1 caractérisé en ce que l’élément (3,3') perforé d’un canal est un bossage (3,3') perforé d’un canal (4,4'). 3. Clou intra-médullaire selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que la tige fait un angle d’environ 55 'avec l’axe longitudinal du tuyau. 4. Clou intra-médullaire selon la revendication 3, caractérisé en ce que le passage de la tige est fileté et que la tige est une vis. 5. Clou intra-médullaire selon l’une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que le tuyau est fendu sur environ la moitié de sa longueur du côté distal de manière à constituer les lamelles (2.2'). »

Considérant que les principales figures auxquelles font référence les revendications sont reproduites ci-dessous:

Sur la validité du brevet Considérant que les sociétés ZIMMER et EMERGENCE qui avaient conclu devant le tribunal à la nullité de la revendication 1, ainsi que des revendications 2 et 4 qui s’y réfèrent, en prétendant que la première revendication s’étendait au-delà du contenu de la demande, ne reprennent pas ce moyen en appel; Considérant que les appelantes soutiennent devant la cour que la revendication 1 est nulle pour défaut d’application industrielle en développant l’argumentation suivante :

- le brevet prévoit un tube qui présente une rigidité suffisante pour interdire toute rotation, ce qui suppose un tube présentant des parois d’une certaine épaisseur et une rigidité certaine,
- ce tube est fendu à son extrémité distale par deux fentes permettant de créer deux lamelles d’extrémité qui présentent donc chacune une section approximativement d’un demi-cercle,
- si des lamelles plates peuvent présenter une certaine élasticité leur permettant de s’écarter spontanément et naturellement vers l’extérieur, une telle élasticité serait rendue ici impossible par la forme sensiblement demi-circulaire de la section transversale des lamelles représentées dans le brevet,
- la courbure de ces lamelles s’opposerait à leur écartement vers l’extérieur car cette courbure les rend rigides dans le sens axial,
- la figure 3 annexée au brevet montre que la section en arc de cercle comporte sur ses deux bords des renflements formant des bourrelets s’étendant vers l’intérieur de la lamelle, et conférant à celle-ci une remarquable rigidité exclusive de toute élasticité ; Considérant que les appelantes font encore valoir que la revendication 1 devrait être annulée pour insuffisance de description, dans la mesure

où alors que la forme des lamelles et des bourrelets représentés sur leur section transversale s’opposent à leur élasticité, il n’est pas fait état des moyens permettant de donner à ces deux lamelles le caractère élastique visé par la revendication; Qu’elles ajoutent enfin que le dispositif de Rachid L n’aurait jamais été mis en oeuvre parce qu’il serait insusceptible d’obtenir le résultat industriel recherché ; Considérant cependant que Rachid L réplique :

- que les lamelles obtenues par les fentes pratiquées sur une moitié de la longueur du tube du coté distal ne sont pas sensiblement demi-circulaires, ainsi que le prétendent à tort les appelantes, mais ne sont formées que d’une portion d’arc de cercle, ce qui apparaît clairement à la figure 3, à laquelle se réfère expressément la description de l’invention,
- qu’il est précisé dans la description que les fentes ne doivent pas altérer les qualités du tuyau intra-médullaire selon l’invention, notamment l’élasticité des lamelles,
- qu’aucun bourrelet n’est revendiqué, le dessin de la figure 3 montrant seulement les renflements situés dans la partie distale, destinés à éviter une éventuelle coupure ou taille de la matière lors de l’installation du clou,
- qu’un compte rendu d’essais, ayant pour but de contrôler la « validité » de son invention, effectués en janvier 1990 sur des pièces anatomiques fraîches, par la société d’Etudes et de Recherches de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers, dite SERAM, ainsi que les radioscopies qui accompagnent ce document, démontrent que son clou médullaire a bien été réalisé ; Considérant que la condition d’application industrielle est remplie lorsqu’il est constaté que l’objet de l’invention peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de la qualité de l’objet ou du résultat de l’usage; qu’en l’espèce alors que l’invention revendiquée qui ne ressort nullement du domaine de l’abstraction est destinée à être exploitée comme outil dans le traitement chirurgical des fractures, il ressort des éléments mis en avant par Rachid L que le clou intra-médullaire objet de son invention est parfaitement réalisable ainsi qu’en témoigne en particulier le compte rendu d’essais de la SERAM
-la circonstance (invoquée par les appelants) que ce compte-rendu ne soit pas signé étant inopérante, dès lors qu’il n’est pas soutenu que le document produit, rédigé sur papier à en-tête de la SERAM, serait un faux; que le grief de défaut d’application industrielle n’est pas fondé ; Considérant, sur le grief d’insuffisance de description, qu’il est indiqué que le clou intra-médullaire est réalisé dans les métaux et alliages habituels des prothèses (colonne 2 lignes 51 à 53) et que les lamelles élastiques obtenues à partir du tube fendu sur une partie de sa longueur sont spontanément écartées lorsqu’elles ne sont pas maintenues dans une position rapprochée (colonne 1, ligne 57 et 58 et colonne 2, ligne 1 à 7) ; qu’une telle description est suffisante pour permettre à l’homme du métier spécialisé dans la réalisation des prothèses implantables de réaliser l’invention, puisqu’il sait obtenir par courbure et déformation du métal approprié l’écartement spontané des lamelles dont il lui est indiqué qu’elles doivent être élastiques et prendre leur position écartée dès lors qu’elles ne sont plus maintenues par le guide central qui les retient avant implantation ;

Qu’en outre, il était déjà connu dans l’art antérieur (brevet L n°2 484 243 du 13 juin 1980) un clou comportant des lamelles assez élastiques pour s’ouvrir en éventail dès lors qu’elles sont poussées hors du tuyau dans lequel elles coulissent ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité des revendications invoquées du brevet n°0 333 546 ;

Sur la portée du brevet Considérant que les appelantes font valoir que Rachid L ne peut pas prétendre protéger en lui-même le moyen consistant dans le guide susceptible de maintenir rapprochées les deux lamelles élastiques pour les libérer lorsque le clou est introduit à l’intérieur de l’os alors que ce guide ne constitue que l’un des moyens de la combinaison de la revendication 1, nulle par ailleurs ; qu’elles soutiennent encore que le tribunal a dénaturé la portée du brevet en estimant qu’il protégeait le guide permettant de libérer les tiges du dispositif ZIMMER ; Considérant cependant que, d’une part, ont déjà été écartés les griefs d’absence d’application industrielle et d’insuffisance de description visant la revendication 1 dont la demande de nullité a été rejetée; Que, d’autre part, s’il est constant que cette revendication ne peut protéger isolément, alors qu’il n’est qu’un des éléments de la combinaison qu’elle couvre, le moyen consistant dans le guide susceptible de maintenir rapprochées les lamelles élastiques pour les libérer lorsque le clou est introduit à l’intérieur de l’os, il convient de constater que la combinaison elle-même peut être protégée ; Qu’en effet, s’il est connu dans l’art antérieur divers dispositifs comportant, outre une fixation transversale du clou intra-médullaire, la possibilité de l’ancrage de celui-ci à l’extrémité distale de l’os long fracturé par une intervention à distance : • le brevet PHILIPPOT du 26 septembre 1964 divulguant un clou constitué par un tuyau, avec un passage transversal, divisé à l’une de ses extrémités en plusieurs lames par des fentes longitudinales, lames qui sont écartées après la mise en place du clou par l’action d’une olive montée sur une tige filetée et qui viennent ainsi prendre appui sur les corticales dure de l’épiphyse, • le brevet LOL’FTI n*2 484 243 du 13 juin 1980 divulguant un clou comportant des lamelles assez élastiques pour s’ouvrir en éventail dès lors qu’elles sont poussées hors du tuyau dans lequel elles coulissent et qui viennent s’ancrer dans le spongieux du fragment distal de l’os fracturé, aucune de ces antériorités ne divulgue la combinaison de lamelles élastiques spontanément écartées l’une de l’autre, et munies à proximité de leur extrémité distale d’éléments perforés d’un canal selon l’axe du tuyau et disposés vers l’intérieur de ce dernier, éléments dans lesquels en passant par le passage longitudinal on introduit pour l’installation dans l’os long un guide rapprochant les lamelles, et libérant celles-ci, qui s’écartent, lorsque le guide est retiré hors du clou (description : colonne 1, lignes 56 à 58 et colonne 2 lignes 1 à 8 et revendications : colonne 4, lignes 23 à 32) et qui viennent ainsi bloquer l’os en s’ancrant dans sa partie distale spongieuse (colonne, 3 lignes 8 à 15) ;

Considérant qu’en outre, la revendication 2 ajoute que « l’élément perforé d’un canal est un bossage perforé d’un canal » et la revendication 4, un verrouillage proximal du clou par une vis :

Sur la contrefaçon Considérant que le dispositif ZIMMER argué de contrefaçon a été décrit comme suit dans le procès verbal de saisie contrefaçon:

- le clou comprend à une extrémité, dite proximale, un lobe métallique légèrement coudé, délimitant un passage axial, possédant deux passages transversaux et parallèles destinés, selon la documentation, à recevoir des vis,
- cinq brins, de section circulaire et parallèles, sortent du tube et se terminent par une tête arrondie, les cinq têtes étant décollées axialement pour être maintenues rassemblées par des oeillets respectifs traversés par une tige métallique laquelle traverse le tube proximal et dépasse du côté distal d’environ deux centimètres les tètes des brins,
- cette tige est destinée à être extraite par l’extrémité proximale à l’aide d’un outil,
- lorsqu’on tire sur la tige, celle-ci libère les brins qui s’écartent spontanément par effet élastique après que la tige soit sortie des oeillets; figure extraite de la documentation ZIMMER

Considérant que les figures ci-après reproduites représentent le dispositif incriminé, avant et après implantation :

Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que l’on ne peut juger contrefaisant le dispositif ZIMMER sans dénaturer, ainsi que l’aurait lait, selon elles, le tribunal, la portée du brevet qui ne protège que la combinaison d’un seul tube comportant seulement deux lamelles et d’un guide permettant de tenir ces lamelles rapprochées, alors que le dispositif critiqué comporte un manchon ou embout de tube de faible longueur et une gerbe de tiges élastiques fixées par l’une de leurs extrémités dans le manchon et dont les autres extrémités s’écartent en raison de leur élasticité propre résultant de la courbure qui leur a été donnée préalablement ; Qu’elles font, encore, valoir que le tube dans l’invention L est rigide et passe dans la longueur du canal médullaire alors que l’embout de leur dispositif ne pénètre que sur une faible longueur du canal médullaire et que c’est un autre organe fixé sur cet embout, constitué par les tiges métalliques qui traverse le canal médullaire sur la plus grande partie de sa longueur pour se déployer à leur extrémité, que ces tiges ne sont pas rigides comme le tube mais flexibles, grâce à l’élasticité qui leur a été conférée préalablement, qu’elles permettent des micro-mouvements sur plusieurs plans, ainsi que cela ressort tant de la brochure qu’elle édite que de l’article E INTRA MEDULARY FIXATION ; Considérant cependant que le tribunal ajustement retenu que les quatre, cinq ou six brins du dispositif ZIMMER à l’instar des lamelles du brevet, s’écartent spontanément les uns des autres au retrait de la tige qui traverse des oeillets situés, tout comme les bossages perforés visés à la revendication 2, sur l’extrémité distale de chacun des brins aux fins de rapprocher ces derniers pour permettre l’introduction du clou dans l’os fracturé ; Considérant qu’il ressort de la documentation qui a été saisie que le dispositif ZIMMER permet un verrouillage distal automatique du clou, le verrouillage proximal étant assuré par une vis ; Considérant que les appelantes ne peuvent utilement prétendre que leur dispositif aurait un résultat contraire à celui de l’invention car il ne serait pas rigide en torsion, contrairement aux lamelles du brevet, alors que tous les documents produits – la documentation ZIMMER, l’article Elastic Intramedullary Fixation et l’étude de K.DE SMET dans la revue INJURY- font état de la stabilité du dispositif en rotation et qu’aucun ne mentionne l’existence de micromouvements en torsion ou rotation ; que le docteur V ne parle que de micro-mouvement sans autre précision ; que l’étude GOODSHIP, ne fait état que du « micro mouvement axial », observation faite que cette étude a été publiée en 1985 -ce qui vient démontrer que, même si la technique de consolidation des fractures a évolué entre 1988 et 1994, le caractère bénéfique des micro mouvements n’était pas inconnu en 1988 ; Considérant que les brins fixés sur le manchon et les oeillets au travers desquels est introduite la tige destinée à rapprocher les brins ont les mêmes fonctions et aboutissent au même résultat que les lamelles flexibles et les bossages protégés par le brevet ; Qu’à l’instar du brevet -revendication 4-. la partie proximale peut être verrouillée par une vis :

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que le clou intra-médullaire ZIMMER contrefaisait les revendications 1, 2 et 4 du brevet européen n°0 333 546 de Rachid L ;

Sur les responsabilités Considérant que le tribunal a écarté la responsabilité d’EMERGENCE en retenant qu’il n’était pas établi que cette société distributrice avait connaissance du caractère contrefaisant des dispositifs qu’elle vendait : Que les appelantes concluent à la confirmation de ce chef observation faite que les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS ne contestent pas devoir être tenues in solidum à la réparation du préjudice pouvant résulter de la contrefaçon ; Qu’en revanche, Rachid L, formant appel provoqué à l’encontre d’EMERGENCE, prie la cour de condamner cette société solidairement avec les sociétés ZIMMER, faisant valoir que : – elle a participé à l’importation et qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’elle aurait agi en connaissance de cause,
- en toute hypothèse, depuis l’assignation, elle a connaissance de la contrefaçon,
- elle n’indique pas avoir cessé la vente des dispositifs litigieux,
- elle n’a pas contesté devant l’expert la vente de ces clous, notamment pour les années 1998 à 2000,
- la cour prendra acte de son aveu ; Considérant que la cour adopte les justes motifs du tribunal, étant observé que Rachid L ne produit aucun élément de preuve nouveau devant la cour, et que, contrairement à ce qu’il affirme, le fait que la société EMERGENCE ait indiqué à l’expert « il ne nous est pas possible de vous fournir des quantités et un chiffre d’affaires qui vous permettraient de vérifier les chiffres en votre possession » ne vaut pas aveu de ce que cette société aurait commercialisé les clous intra- médullaires contrefaisants, postérieurement à l’assignation qui lui a été délivrée ; Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a mis la société EMERGENCE, simple distributrice, hors de cause ;

Sur les mesures réparatrices Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit aux mesures d’interdiction et de publication demandées ; Considérant que l’expert D A, ajuste titre désigné par le tribunal, a déposé son rapport et que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de faire droit à la demande d’évocation de l’évaluation de son préjudice formée par Rachid L ; Considérant que l’expert, qui n’a pu obtenir des renseignements que de la seule société ZIMMER LIMITED, conclut que :

- le chiffre d’affaires se rapportant à la vente en France des clous intra-médullaires et vis contrefaisants s’est élevé à la somme de 2 988 388 Francs, étant précisé qu’il a

indiqué que la société ZIMMER SAS agirait comme agent commissionnaire, ne prendrait aucune marge bénéficiaire et serait rémunérée par sa commission,
- faute de réponse aux demandes faites tant à la société ZIMMER SAS qu’à ces distributeurs, ces chiffres n’ont pu être vérifiés,
- dans le domaine d’instruments chirurgicaux dont les quantités commercialisées sont toujours relativement faibles, le taux des licences librement consenties est de l’ordre de 5%,
- le coefficient d’actualisation qui peut être appliqué est de 1,392 pour 1995, 1,287 pour 1996. 1,205 pour 1997, U33 pour 1998, 1,0635 pour 1999 et de 1 pour 2000 (rapport déposé le 27 novembre 2001) ;

- la redevance indemnitaire réactualisée calculée conformément à la demande de Rachid L sur la base d’un taux de 16% s’élèverait à la somme de 599 807 Francs,
- la redevance indemnitaire réactualisée calculée selon les indications des sociétés ZIMMER sur la base d’un taux de 3% s’élèverait à la somme de 112 463 Francs ; Considérant que Rachid L qui relève que les chiffres fournis par ZIMMER LIMITED ne sont nullement certifiés par son commissaire aux comptes, contrairement à ce qui est soutenu, affirme que le chiffre d’affaires relatif à la masse contrefaisante serait supérieur à 5 000 000 Francs et demande une redevance indemnitaire de 16% soit 800 000 Francs ou 121 959,21 Euros ; Qu’il expose en outre qu’il a été empêché d’exploiter son brevet par les sociétés ZIMMER qui lui ont par ailleurs par leur contrefaçon porté atteinte à son image et à sa réputation professionnelle parmi les scientifiques et les inventeurs ; qu’il demande à ce titre une somme de 500 000 Francs soit 76 224,51 Euros ; Qu’après réactualisation, il demande que les sociétés appelantes soient condamnées à lui payer la somme de 230 000 Euros ; Qu’à titre subsidiaire, il demande qu’une nouvelle injonction sous astreinte soit adressée à ZIMMER SAS et demande le paiement d’une nouvelle indemnité provisionnelle de 100 000 Euros ; Considérant que de leur coté les sociétés ZIMMER contestent n’avoir pas fourni tous les renseignements utiles à l’expert et font valoir qu’il est faux qu’elles auraient été à l’origine de l’inexploitation du brevet L et que si elles ont refusé les propositions de Rachid L c’est qu’elles étudiaient déjà la réalisation d’un clou comportant six brins (brevet déposé le 29 mai 1990) ;

Considérant qu’au vu des conclusions de l’expert sus-rappelées et compte tenu de la masse contrefaisante avouée par ZIMMER LIMITED ainsi que de la redevance indemnitaire dues par les sociétés ZIMMER et, étant observé que Rachid L, qui a attendu 1998 pour agir en contrefaçon, ne rapporte la preuve ni de ce que les sociétés ZIMMER auraient fait obstacle à l’exploitation de son brevet, ni de l’atteinte qu’elles auraient porté à son image et à sa réputation professionnelle, il convient d’évaluer le préjudice subi par lui à la somme de 30 000 Euros, que les sociétés appelantes seront condamnées à lui payer sous réserve de la provision de 100 000 Francs allouée par le tribunal ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l’astreinte ; Considérant que le jugement sera en outre confirmé sur le montant des sommes accordées au titre des frais irrepetibles à Rachid L: que pour l’instance devant la cour, il lui sera alloué une somme complémentaire de 5 000 Euros ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant et évoquant,

Evalue le préjudice subi par Rachid L à la somme de TRENTE MILLE EUROS (30 000 Euros) ; Condamne in solidum les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS à lui payer cette somme sous réserve de la provision de 100 000 Francs allouée par le tribunal ; Condamne in solidum les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS à payer à Rachid L la somme complémentaire de CINQ MILLE CENT EUROS (5 100 Euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne in solidum les sociétés ZIMMER LIMITED et ZIMMER SAS aux entiers dépens de première instance et d’appel dont, en ce qui concerne les derniers, distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 19 septembre 2003, n° 2000/18764