Cour d'appel de Paris, 4e chambre section a, 2 avril 2003

  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Presence d'un conseil en propriété industrielle·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Emprunt d'éléments du domaine public·
  • Numero d'enregistrement 977 467·
  • Durée des actes de contrefaçon·
  • Éléments pris en considération·
  • Reproduction de la combinaison·
  • Anteriorite de toutes pièces

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. a, 2 avr. 2003
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 977467
Classification internationale des dessins et modèles : CL06-03
Référence INPI : D20030043
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Vu l’appel interjeté le 7 décembre 2001 par la société GV CREATIONS d’un jugement rendu le 16 février 2001 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

-constaté que la société GV CREATIONS s’est livré à des actes de contrefaçon de dessins et modèles et à la spoliation de droits d’auteur au préjudice de la société I.H.T.,
-condamné la société GV CREATIONS à payer à la société I.H.T. la somme de un franc au titre de la contrefaçon de la console,
-condamné la société GV CREATIONS à payer à la société I.H.T. la somme de 60.000 F au titre de la contrefaçon de la table basse et du bout de canapé,
-débouté la société I.H.T. de sa demande au titre de la concurrence déloyale,
-fait interdiction à la société GV CREATIONS de fabriquer et/ou importer, détenir, offrir en vente et/ou vendre le modèle contrefaisant sous astreinte de 3.000 F par objet mobilier contrefaisant dont la fabrication, l’importation, la détention, l’offre en vente et/ou la vente aura pu être constatée dix jours après la signification du jugement,
-dit que cette astreinte sera limitée à une durée de deux mois à compter de la signification du jugement,
-ordonné la destruction de tous les meubles contrefaisants en possession de la société GV CREATIONS, dix jours à compter de la signification du jugement,
-ordonné la publication du jugement dans trois journaux périodiques aux frais de la société GV CREATIONS et au choix de la société I.H.T. sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 10.000 F TTC,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné la société GV CREATIONS à payer à la société I.H.T. la somme de 15.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières écritures signifiées le 24 janvier 2003 par lesquelles la société GV CREATIONS, poursuivant la réformation du jugement entrepris, demande à la Cour de :

-constater la nullité du dépôt de modèle N° 500 193 pour défaut de nouveauté et déclarer la société I.H.T. irrecevable en son action,
-dire nulle la saisie-contrefaçon diligentée le 17 janvier 2000,
-débouter la société I.H.T. de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions.

-condamner la société I.H.T. à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive compte tenu du caractère intrinsèquement non- protégeable du modèle sur le fondement duquel l’action est engagée et celle de 5.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières conclusions signifiées le 6 février 2003 aux termes desquelles la société I.H.T. sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré la société GV CREATIONS responsable d’actes de contrefaçon de dessins et modèles et de droits d’auteur à son préjudice et son infirmation pour le surplus, demandant à la Cour de :

— condamner la société GV CREATIONS à lui payer la somme de 45.734, 70 euros à titre de dommages-intérêts,
-préciser que l’astreinte dont est assortie la mesure d’interdiction ne sera pas limitée dans le temps et d’en réserver la liquidation,
-condamner la société GV CREATIONS à lui verser la somme de 3.049 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION I – SUR L’EXCEPTION DE NULLITE DE LA SAISIE-CONTREFAÇON DU 17 JANVIER 2000 Considérant que la société GV CREATIONS soulève la nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée le 17 janvier 2000, à la requête de la société I.H.T. au motif que l’homme de l’art ayant assisté l’huissier instrumentaire n’avait pas la compétence requise en matière de dessins et modèles ; Considérant que la société GV CREATIONS est recevable à invoquer cette exception pour la première fois devant la Cour s’agissant d’une irrégularité de fond ; Mais considérant qu’aux termes de l’ordonnance du 17 janvier 2000, le juge des requêtes avait autorisé l’huissier instrumentaire à se faire assister pour l’aider dans sa description par tout homme de l’art et/ou expert ; que la présence, aux côtés de l’huissier, de M. de Saint Palais, membre du Cabinet MOUTARD, conseil en propriété industrielle, ne saurait donc affecter la validité de la saisie ; qu’au surplus, il ressort du procès-verbal de saisie- contrefaçon que l’huissier instrumentaire a, en procédant à la description des meubles argués de contrefaçon, pu vérifier lui-même les constatations effectuées avec l’assistance de l’homme de l’art, s’agissant de la forme, des dimensions et des matériaux composant les produits ; Que l’exception de nullité doit donc être rejetée ; II – SUR LA VALIDITE DES MODELES Considérant que la société I.H.T., qui commercialise des meubles et objets de décoration par l’intermédiaire de magasins à l’enseigne « MIS EN DEMEURE », oppose des droits d’auteur sur un modèle de table à double plateau qu’elle a présenté en trois versions : table basse, bout de canapé sous la référence « ROUSSELLON » dans son catalogue de février 1994, dos de canapé sous la même référence à l’automne 1995 ; Que le modèle de bout de canapé a été déposé à l’INPI, le 18 décembre 1997, sous le N° 97 7467 ;

Considérant que la société I.H.T. caractérise les trois modèles en ce qu’ils comportent :

-un plateau présentant un rebord en saillie vers le haut, déforme convexe arrondie à l’intérieur et de forme concave à l’extérieur,
-quatre pieds verticaux reliés entre eux par deux séries de traverses horizontales, en retrait par rapport à la face extérieure des pieds : * une première série de quatre traverses situées en partie supérieure, formant un bandeau latéral sur lequel repose le plateau supérieur du meuble considéré, * une seconde série de quatre traverses situées en partie inférieure du meuble considéré, à environ 1/3 de sa hauteur, sur lesquelles repose le plateau inférieur, * les pieds de la table comportant une forme allongée, sensiblement incurvée vers l’extérieur, en leurs extrémités inférieures ; Que s’agissant du bout de canapé, objet du dépôt, sa hauteur est sensiblement égale à la longueur des deux plateaux carrés ; 1 – Sur la nouveauté du modèle N° 97 7467 Considérant que pour contester la nouveauté de ce modèle, la société GV CREATIONS prétend que la société IHT tente de monopoliser un objet relevant d’un style appartenant au domaine public, notamment du mobilier antique ou de son adaptation à l’époque du Directoire ou de la Restauration ; qu’elle produit à cet effet une photographie de l’intérieur de la Villa KERYLOS, des extraits de l’ouvrage intitulé « Le mobilier Français – Le Meuble d’ébénisterie » de Guillaume J, le catalogue GRANGE publié en Février 1993, la reproduction d’une table en cabaret à plateau ; Mais considérant que si la photographie d’une pièce de la Villa Grecque KERYLOS laisse apparaître au premier plan un guéridon comportant deux plateaux et des pieds légèrement galbés vers l’extérieur, les deux plateaux sont dépourvus de rebords en saillie et le second est disposé à proximité du premier à hauteur d’un tiroir ; Que les coiffeuses et tables pupitres de style Louis XV illustrant l’ouvrage intitulé « Le meuble d’ébénisterie » se distinguent nettement du bout de canapé, objet du dépôt, tant par la ligne galbée des pieds et la disposition des plateaux que par les matériaux précieux utilisés contrastant avec l’aspect épuré de ce dernier ; Que le guéridon présenté dans le catalogue GRANGE, inspiré du style « Consulat », comporte trois plateaux qui sont ornés sur trois côtés de croisillons de sorte que ce meuble ne saurait constituer une antériorité de toutes pièces affectant la nouveauté du modèle déposé ; Que la table en cabaret dite « table à thé » datant de 1898 présente des pieds fins cylindriques cannés contrastant avec les pieds à section carrée du bout de canapé et deux plateaux dépourvus de rebords en saillie ;

Que le meuble dénommé « bout de canapé », s’il emprunte des éléments du domaine public, présente par l’agencement des caractéristiques qui lui est propre une configuration nouvelle protégeable par le livre V du CPI ; 2 – Sur l’originalité des trois meubles Considérant que la table basse, le bout de canapé et le dos de canapé, ce dernier ayant été commercialisé courant octobre 1995 ainsi qu’il est justifié, présentent les caractéristiques communes ci-dessus exposées, la taille des deux plateaux et la hauteur des pieds les différenciant ; Que l’agencement des différents éléments – deux plateaux dont l’un formant la partie supérieure du meuble présente des rebords en saillie – des pieds incurvés vers l’extérieur à leurs extrémités, reliés par des traverses horizontales, en retrait par rapport à leur face extérieure, sur lesquelles reposent les plateaux – confère aux meubles une apparence sobre et épurée qui les démarquent du mobilier d’ébénisterie ancien et traduit un processus créatif portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur ; Que le tribunal a retenu à juste titre que ces modèles étaient protégeables au regard du livre I du CPI ; III – SUR LA CONTREFAÇON Considérant qu’il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 17 janvier 2000 à la requête de la société IHT sur le stand tenu par la société GV CREATIONS au Salon du Meuble, porte de Versailles à Paris, et des photographies annexées que le bout de canapé, les tables rectangulaires haute et basse présentés par cette dernière reproduisent selon la même combinaison les éléments caractéristiques des trois meubles commercialisés par la société intimée sous la référence « ROUSSILLON » : un plateau supérieur comportant un rebord en saillie, quatre pieds verticaux reliés entre eux par deux séries de traverses horizontales, soutenant deux plateaux de bois, présentant en partie basse une forme légèrement incurvée vers l’extérieur ; que ces meubles reprennent en outre les dimensions et proportions des trois modèles invoqués par la société IHT ; Que la société GV CREATIONS invoque en vain la taille différente des piètements, l’absence de traverses sous le plateau supérieur et l’utilisation du verre pour le dessus des plateaux, ces différences n’affectant pas l’impression visuelle d’ensemble qui se dégage de l’examen des modèles en présence ; Que le grief de contrefaçon est donc caractérisé ; IV – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant que la société IHT fait valoir en outre que la copie servile des modèles référencés « ROUSSILLON » à laquelle se livre la société GV CREATIONS crée un

risque de confusion dans l’esprit du public sur l’origine des meubles en cause et engendre un détournement de clientèle ainsi que la banalisation des produits copiés ; Mais considérant que si ce grief est susceptible d’aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon laquelle se définit comme la reproduction intégrale ou partielle de l’oeuvre, il ne constitue pas un fait distinct de concurrence déloyale ; Qu’il sera donc rejeté ; V – SUR LES MESURES REPARATRICES Considérant que la mise sur le marché de trois modèles contrefaisants a porté atteinte à la valeur patrimoniale des modèles originaux en les banalisant ; que lors des opérations de saisie-contrefaçon, le représentant de la société GV CREATIONS présent sur le stand a déclaré à l’huissier instrumentaire que les meubles litigieux étaient fabriqués depuis 4 à 5 ans ; qu’au vu de ces éléments, le préjudice subi par la société IHT du fait des actes de contrefaçon sera entièrement réparé par l’allocation d’une indemnité de 15.000 euros ; Que la mesure d’interdiction prononcée par les premiers juges doit être confirmée, sauf en ce qu’elle a limité dans le temps l’astreinte à deux mois ; Que la mesure de publication fera mention du présent arrêt ; Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société IHT, la somme complémentaire de 3.000 euros devant lui être allouée à ce titre ; Que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts et sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile formées par la société GV CREATIONS ; PAR CES MOTIFS Rejette l’exception de nullité soulevée par la société GV CREATIONS ; Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts et en ce qu’il a limité dans le temps l’astreinte assortissant la mesure d’interdiction ; Le réformant sur ces points et statuant à nouveau ; Condamne la société GV CREATIONS à payer à la société IHT la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon ; Se réserve la liquidation de l’astreinte ;

Dit que la mesure de publication fera mention du présent arrêt ; Condamne la société GV CREATIONS à payer à la société IHT la somme complémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne la société GV CREATIONS aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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