Cour d'appel de Paris, 4e chambre section a, 26 novembre 2003

  • Appel en garantie du revendeur à l'encontre du fabricant·
  • Société ayant autorisé l'apposition de sa marque·
  • Picots sur le contour extérieur de la semelle·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Participation aux actes de contrefaçon·
  • Professionnel dans le secteur concerné·
  • 1) droit des dessins et modèles·
  • Combinaison d'éléments connus·
  • Ancien client du demandeur

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. a, 26 nov. 2003
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 7 novembre 2001
  • 2000/11464
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 992005
Classification internationale des dessins et modèles : CL02-04
Référence INPI : D20030170
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur CARRE-PIERRAT, président
- signé par Nous, Alain CARRE-PIERRAT, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier présent lors du prononcé. Vu l’appel interjeté le 25 juin 2002, par la société FALC d’un jugement rendu le 7 novembre 2001 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- dit que la société italienne FALC, en reproduisant et en participant à l’introduction en France de modèles de chaussures comportant les caractéristiques essentielles du modèle déposé n° 992005, la société ATHENAIS en les offrant à la vente et la société MOSCHINO en participant à leur commercialisation sous sa marque, ont porté atteinte aux droits patrimoniaux et moral d’auteur sur ce modèle dont la société RAUTUREAU APPLE SHOES et Guy R sont respectivement cessionnaire et titulaire,
- interdit à la société FALC, à la société ATHENAIS et à la société MOSCHINO de poursuivre ces agissements sous astreinte de 152, 45 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- condamné in solidum les sociétés FALC, ATHENAIS et MOSCHINO à payer a Guy R la somme de 7.622, 45 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné in solidum les sociétés FALC, ATHENAIS et MOSCHINO à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 30.489, 80 euros à titre de dommages et intérêts,
- autorisé Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES à faire publier le dispositif du jugement dans trois journaux ou revues, le coût total des insertions ne pouvant excéder 9.146, 94 euros,
- rejeté la demande en garantie de la société ATHENAIS,
- condamné in solidum les sociétés FALC, ATHENAIS et MOSCHINO à payer à Guy R et à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 3.048, 98 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières écritures en date du 10 octobre 2003, par lesquelles les sociétés FALC, ATHENA1S et MOSCHINO, poursuivant l’infirmation de la décision entreprise sauf en ce qu’elle a débouté la société RAUTUREAU APPLE SHOES de sa demande en concurrence déloyale, demandent à la Cour :

- à titre principal de dire :

- que le modèle de chaussure revendique n’est pas nouveau,
- que ce modèle n’est pas original,
- qu’aucune faute ne peut leur être reprochée,
- qu’elles ne se sont pas rendues coupables d’acte de contrefaçon.

- à titre subsidiaire de dire :

- qu’aucune faute ne peut être reprochée à la société italienne FALC qui, sans avoir

connaissance du marché français, a répondu à une commande d’une société française,
- que la société FALC ne saurait être tenue responsable de faits de concurrence déloyale,
- qu’aucune faute ne peut être reprochée à la société ATHENAIS qui s’est contentée d’acquérir des chaussures auprès d’une entreprise de renom italienne sans avoir pu envisager que les modèles en cause aient pu faire l’objet de droits de propriété intellectuelle, * que la société MOSCHINO, devant être mise hors de cause, n’a ni importé, ni commercialisé les modèles argués de contrefaçon et n’a commis aucune faute,
- à titre plus subsidiaire de :

- dire que les intimés n’avancent pas le moindre élément objectif probant sur le calcul de leur préjudice,
- les débouter de leur demande en nomination d’expert,
- à titre encore plus subsidiaire, de limiter le montant de l’indemnité au profit des intimés à 1 euro chacun,
- les recevant en leurs demandes reconventionnelles :

- d’ordonner l’annulation du dépôt du modèle,
- dire qu’en déposant le modèle sur lequel ils ne disposaient d’aucun droit, Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES ont commis une faute,
- de condamner la société RAUTUREAU APPLE SHOES à payer à la société FALC la somme de 18.000 euros, à la société ATHENAIS la somme de 15.244, 90 euros, à la société MOSCHINO la somme de 15.244, 90 euros à titre de dommages et intérêts,
- de condamner Guy R à payer à la société FALC la somme de 7.000 euros, à la société ATHENAIS la somme de 3.048, 98 euros, à la société MOSCHINO la somme de 3.048, 98 euros à titre de dommages et intérêts,
- d’ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou revues, sans que le coût de chaque insertion n’excède la somme de 4.500 euros HT,
- dans tous les cas :

- de condamner solidairement les intimés à payer à la société FALC la somme de 20.000 euros, à chacune des sociétés ATHENAIS et MOSCHINO la somme de 4.573, 47 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières écritures en date du 9 octobre 2003, aux termes desquelles Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES. poursuivant la confirmation du jugement déféré sauf sur le quantum des dommages et intérêts et en ce que la société RAUTUREAU APPLE SHOES a été déboutée de sa demande en concurrence déloyale, prient la Cour de :

- condamner la société FALC, la société ATHENAIS et la société MOSCHINO au paiement d’une indemnité à fixer à dire d’expert et par provision au paiement de 122.000 euros à la société RAUTUREAU APPLE SHOES et de 31.000 euros à Guy R,
- nommer un expert afin de fournir tous le éléments d’appréciation susceptibles de déterminer le montant définitif des dommages et intérêts, notamment le nombre de paires de chaussures contrefaisantes,

— dire que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale commis jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir sur la fixation définitive des dommages et intérêts,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés FALC, ATHENA1S et MOSCHINO au paiement de 10.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile .

DECISION Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

- Guy R a créé au mois de mai 1998 un modèle de chaussures référencé sous la dénomination AQUA, faisant partie de sa collection NO NAME, été 1999,
- par acte du 2 septembre 1998, Guy R a cédé à la société RAUTUREAU APPLE SHOES ses droits patrimoniaux sur ce modèle,
- le 22 mars 1999, cette société a déposé ce modèle de chaussures à l’Institut National de la Propriété Industrielle, enregistré sous le n°9922005,
- le 21 juin 2000, Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES, estimant contrefaisants deux modèles de chaussures référencés 588611 et 588571, vendus sous la marque « MOSCHINO » et fabriqués par la société italienne FALC, ont fait procéder à une saisie contrefaçon dans les locaux de la société ATHENAIS, exerçant sous l’enseigne « MARINA » ; I – SUR LA PROTECTION DU MODELE : Considérant que Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES caractérisent leur modèle par la combinaison suivante :

- une tige de type sport associée à une semelle qui remonte sur l’ensemble de la chaussure et plus particulièrement à l’arrière et se termine à cet endroit par un arrondi lisse,
- une semelle épousant la forme de la cambrure latérale du pied, pourvue sur toute sa surface de picots sphériques, de taille inégale, placés dans un ordre imprécis,
- des rectangles placés sur le contour de la semelle, de forme irrégulière, en relief, espacés les uns des autres,
- une ligne de pourtour sur la semelle, formée d’un sillon d’un peu plus d’un millimètre de profondeur, coupé en biais au niveau du talon et comportant une avancée rectangulaire à l’avant ; Considérant que pour contester la nouveauté et le caractère propre de ce modèle de chaussure, les sociétés appelantes soutiennent que les caractéristiques composant la combinaison revendiquée appartiennent au domaine public et que les seuls éléments faisant défaut dans les antériorités sont insignifiants ou inspirés de la reprise d’une tendance plus actuelle de la mode ;

Mais considérant que le modèle TOD’S créé en 1979, s’il comporte une semelle à picots, cette semelle est différente du modèle revendiqué ; qu’en outre, la chaussure TOD’S a la forme d’un mocassin et se distingue du modèle AQUA par sa ligne d’ensemble ; que les mocassins présentés dans le catalogue TROIS SUISSES « printemps 1993 » s’en différencient également de la même manière ; Que le modèle APRES SKI ISBA déposé le 3 août 1982, est une chaussure à tige haute, n’est pas composé d’un arrondi lisse à l’arrière de la chaussure, ne présente pas de sillon sur la semelle, des rectangles incrustés sur le pourtour ; Que les modèles déposés respectivement, le 10 janvier 1986 par la société TECHNISYNTHESE, le 29 mai 1986 par la société INOVA, le 14 septembre 1988 par la société TOMAIFICIO, le 4 septembre 1991 par la société ARCHE ne reproduisent pas des chaussures mais uniquement des semelles à picots régulièrement apposés ; Que le modèle de charentaise déposé le 21 décembre 1983 par la société POUPLARD et le modèle de chaussure déposé par la société ILLICE le 20 mars 1997 ne comportent pas de semelles remontant sur l’empeigne et ont des picots réguliers ; Que les photocopies produites aux débats des extraits du magazine ARS paru du mois de septembre 1979 au mois de novembre 1999, soit ne divulguent que des modèles de semelles, soit présentent des modèles de chaussures qui ne comportent pas, en tout état de cause, un sillon sur la semelle, coupé en biais au niveau du talon et formant une avancée rectangulaire à l’avant de la chaussure et des rectangles en relief espacés sur le pourtour de la semelle ; Que l’extrait de l’ouvrage « Sneakers, size isn’t everything » sur lequel sont représentés des modèles de baskets est inopérant faute d’être daté ; que les sociétés appelantes ne peuvent davantage se prévaloir de la divulgation des baskets PUMA dans un catalogue publié au cours de l’année 2000, postérieurement à la création de Guy R ; Qu’il s’ensuit que les sociétés appelantes ne produisent aucun document constituant une antériorité de toute pièce susceptible de détruire la nouveauté de la combinaison revendiquée, laquelle n’est pas reproduite dans toutes ses composantes ; Que ces sociétés ne peuvent davantage, prétendre sans en apporter la démonstration, que les picots sphériques de taille inégale placés en ordre irrégulier sur la semelle correspondraient à une simple modalité fonctionnelle ; qu’en effet, ainsi que l’a pertinemment relevé le tribunal, l’aspect esthétique de ces picots sur le contour extérieur de la semelle est indéniable ; Considérant par voie de conséquence que le modèle déposé par la société RAUTUREAU APPLE SHOES répond donc au caractère de nouveauté et présente un caractère propre, l’impression visuelle qui s’en dégage étant différente de celle produite par les modèles antérieurs ; que le modèle est valable ;

Considérant que si les éléments qui la composent sont, pour la plupart connus, la combinaison précitée qui caractérise le modèle est inédite et traduit un parti pris esthétique résultant d’un processus créatif qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ; que le modèle revêtant ainsi un caractère original est donc également protégeable par le droit d’auteur ; II – SUR LA CONTREFAÇON : Considérant que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont relevé que les deux modèles litigieux reproduisent les caractéristiques du modèle, soit :

- une tige de type sport associée à une semelle cousue se terminant au point de contact avec la tige par un bourrelet, remontant sur l’ensemble de la chaussure et plus particulièrement à l’arrière et se terminant à cet endroit par un rebord saillant sans picot,
- une semelle qui suit la forme de la cambrure du pied, pourvue sur toute sa surface de picots sphériques, de taille inégale, placés dans un ordre imprécis,
- sur le contour de la semelle, des rectangles de forme irrégulière en relief, espacés,
- un sillon formant une ligne de pourtour sur la semelle, coupée en biais au niveau du talon et comportant une avancée rectangulaire à l’avant ; Considérant que les différences tenant à la semelle cousue et non collée, au système de fermeture, à la localisation de la marque, à la matière de la tige, n’affectent pas l’impression d’ensemble identique qui se dégage des modèles en présence ; Que le grief de contrefaçon est donc établi ; Considérant que la société FALC, fabricant et professionnelle du domaine de la chaussure, la société MOSCHINO qui a donne l’autorisation d’apposer sa marque sur les modèles contrefaisants, la société ATHENAIS, revendeur, cliente de la société RAUTUREAU APPLE SHOES de 1990 à 1994, ont participé aux actes litigieux et ne peuvent arguer de leur bonne foi, au demeurant inopérante en matière de contrefaçon ; III – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE : Considérant que la société RAUTUREAU APPLE SHOES reproche aux sociétés appelantes d’avoir commis en outre des actes de concurrence déloyale en cherchant à se placer dans son sillage en diffusant et en commercialisant auprès de la même clientèle des copies serviles de son modèle ; Mais considérant que ce grief, s’il est susceptible d’aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon, ne constitue pas un fait distinct de concurrence déloyale ; IV – SUR LES MESURES REPARATRICES : Considérant que la mise sur le marché des modèles contrefaisants ne peut avoir pour effet que de banaliser le modèle original et porter atteinte à sa valeur patrimoniale ;

Considérant que les opérations de saisie contrefaçon ont révélé que la société ATHENAIS avait commandé 88 paires de chaussures contrefaisantes pour un montant d’environ 27.000 francs ; Considérant, sans qu’il soit besoin de recourir à une mesure d’expertise, que le tribunal a justement réparé le préjudice subi par Guy R du fait de l’atteinte portée à son droit moral par l’allocation de la somme de 50.000 francs, soit 7.622, 45 euros ; Qu’en revanche, le préjudice commercial résultant pour la société RAUTUREAU APPLE SHOES des actes contrefaisants doit être fixé à la somme de 45.000 euros ; Que les mesures d’interdiction et de publication ordonnées par les premiers juges qui apparaissent justifiées pour mettre un terme aux agissements délictueux seront confirmées, sauf à préciser que la publication fera mention du présent arrêt ; V – SUR LA DEMANDE EN GARANTIE DE LA SOCIETE ATHENAIS : Considérant que cette société sollicite la garantie de la société FALC, en page 41 des conclusions signifiées le 10 octobre 2003 ; Qu’aux termes de ces mêmes écritures, la société FALC ne dénie pas devoir cette garantie ; qu’il convient dès lors de faire droit à cette demande ; VI – SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES : Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts formées par les sociétés FALC, MOSCHINO et ATHENAIS ; Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à Guy R et à la société RAUTUREAU APPLE SHOES ; qu’il leur sera alloué à ce titre la somme de 10.000 euros ; que les sociétés appelantes qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutées de leurs demandes formées sur ce même fondement ; PAR CES MOTIFS Confirme le jugement déféré, sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société RAUTUREAU APPLE SHOES et la demande en garantie de la société ATHENAIS ; Le réformant sur ces points et statuant à nouveau : Condamne in solidum les sociétés FALC, MOSCHINO et ATHENAIS à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société FALC à garantir la société ATHENAIS des condamnations prononcées à son encontre ; Y ajoutant ; Dit que les mesures de publication prononcées par les premiers juges devront faire mention du présent arrêt ; Condamne in solidum les sociétés FALC, MOSCHINO et ATHENAIS à payer à Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ; Rejette toutes autres demandes : Condamne in solidum les sociétés FALC, MOSCHINO et ATHENAIS aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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