Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 21 janvier 2005

  • Reproduction des caractéristiques protégeables·
  • Caractère limité des actes de contrefaçon·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Qualité pour agir en contrefaçon·
  • Contrefaçon d'un seul modèle·
  • Divulgation sous son nom·
  • Modèle de bijoux·
  • Personne morale·
  • Recevabilité

Résumé de la juridiction

La présomption de titularité des droits d’auteur revendiquée par une personne morale n’est pas détruite par la reconnaissance de l’existence d’un créateur dès lors que ce dernier n’est pas partie à la procédure et ne forme aucune revendication. En effet, à l’égard des personnes poursuivies en contrefaçon, la présomption résultant d’actes de divulgation ne cesse que lorsqu’un tiers revendique être titulaire de droits d’auteur sur l’oeuvre en cause. En l’espèce, la société qui justifie avoir divulgué les modèles en cause sous son nom a qualité à agir sur le fondement du droit d’auteur.

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Village Justice · 14 février 2018

Les créateurs de bijoux sont fréquemment confrontés à l'imitation, plus ou moins servile, de leurs créations par des concurrents. Or, même en l'absence de dépôt d'un dessin ou modèle, les bijoux peuvent faire l'objet d'une protection grâce au droit d'auteur. Il existe un abondant contentieux en matière de contrefaçon de bijoux, qui peut entraîner pour les parties concernées des enjeux financiers importants. La société Hermès a ainsi récemment obtenu 35.000 euros de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à ses droits d'auteur et 40.000 euros au titre de la concurrence déloyale et …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. b, 21 janv. 2005
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 2005, 807, IIID-285
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de commerce de Paris, 27 juin 2003
  • 2002/33941
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20050001
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Texte intégral

La cour est saisie d’un appel formé par la société CECILE ET JEANNE S.A.R.L. à l’encontre d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 27 juin 2003 dans un litige l’opposant à la société BICHE DE BERE S.A. Il sera rappelé que la société BICHE DE BERE commercialise des bijoux de fantaisie et accessoires de mode, notamment sur des stands à son nom, dans des grands magasins, et se prévaut de droits d’auteur sur des créations réalisées par sa styliste Mme B, vendus sous la dénomination « Intemporelle Argile ». Estimant qu’une société concurrente, la société CECILE ET JEANNE, avait commis des actes de concurrence déloyale par débauchage de son personnel et avait commercialisé des copies serviles de ses bijoux sous le nom « Mille et Une Nuits », en violation du droit d’auteur, la société BICHE DE BERE a fait procéder à une saisie descriptive, après y avoir été autorisée par ordonnance du 16 mars 2001, puis a, par acte du 3 avril 2001, fait assigner la société CECILE ET JEANNE devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la concurrence déloyale et de la contrefaçon pour obtenir, outre des mesures d’interdiction et de publication, paiement de dommages et intérêts. La société CECILE ET JEANNE s’était opposée à l’ensemble de ces demandes, contestant notamment l’originalité des bijoux qui étaient invoqués. Par le jugement déféré, le tribunal a :

- débouté la société BICHE DE BERE de ses demandes au titre de la concurrence déloyale par débauchage de salariés,
- jugé qu’en commercialisant la ligne de bijoux « Mille et Une Nuits », la société CECILE ET JEANNE a commis des actes de contrefaçon de bijoux créés par la société BICHE DE BERE dans sa collection intitulée « Intemporelle Argile »,
- condamné la société CECILE ET JEANNE à payer à la société BICHE DE BERE, toutes causes de préjudices confondus, la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- interdit à la défenderesse de poursuivre la fabrication et la commercialisation de sa ligne dé bijoux intitulée « Mille et Une Nuits », à compter de la signification du jugement,
- ordonné la publication du jugement dans deux journaux au choix de la société BICHE DE BERE et aux frais avancés de la société CECILE ET JEANNE, dans la limite de 2 500 euros TTC par insertion,
- ordonné l’exécution provisoire, à l’exception des mesures de publication,
- condamné la société CECILE ET JEANNE à verser à la société BICHE DE BERE la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC et aux entiers dépens. Dans ses dernières écritures signifiées le 3 novembre 2004, la société CECILE ET JEANNE, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 27 juin 2003 en ce qu’il a condamné pour contrefaçon la société CECILE ET JEANNE et ordonné les sanctions habituelles en la matière,
- constater que l’auteur de la collection de bijoux invoquée « Intemporelle Argile » est Mme Nelly B,
- déclarer irrecevable l’action de la société BICHE DE BERE en contrefaçon de ses droits,
- dire et juger que les pastilles métalliques à effet martelé utilisées dans la collection « Intemporelle Argile » sont insusceptibles de protection sous l’empire du livre I du Code de la propriété intellectuelle,

Subsidiairement,
- dire que la collection de bijoux « Mille et Une Nuits » appartenant à la société CECILE ET JEANNE ne constitue pas la contrefaçon de la ligne de bijoux « Intemporelle Argile » appartenant à la société BICHE DE BERE,
- dire et juger que l’action de la société BICHE DE BERE revêt un caractère fautif et abusif,
- condamner la société BICHE DE BERE à payer à la société CECILE ET JEANNE une indemnité de 150 000 euros sur le fondement de l’article 1382 du Code civil,
- ordonner à titre de complément de réparation la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques au choix de la société CECILE ET JEANNE et aux frais de la société BICHE DE BERE dans la limite de 7 000 euros par insertion,
- condamner la société BICHE DE BERE à verser à la société CECILE ET JEANNE une indemnité de 29 514,25 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC et aux entiers dépens. Dans ses dernières écritures signifiées le 18 novembre 2004, la société BICHE DE BERE, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- dire et juger qu’en commercialisant la ligne de bijoux « Mille et Une Nuits », la société CECILE ET JEANNE abien commis des actes de contrefaçon de bijoux créés par la société BICHE DE BERE dans sa collection intitulée « Intemporelle Argile »,
- confirmer la condamnation de la société CECILE ET JEANNE àpayer à la société BICHE DE BERE toutes causes de préjudices confondues la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- interdire à la défenderesse de poursuivre la fabrication et la commercialisation de sa ligne de bijoux intitulée « Mille et Une Nuits »,
- ordonner la publication du dispositif de l’arrêt dans deux journaux au choix de la société BICHE DE BERE et aux frais avancés de la société CECILE ET JEANNE dans la limite de 2.500 euros TTC par insertion,
- condamner la société CECILE ET JEANNE à verser sur le fondement de l’article 700 du NCPC et au seul titre des frais d’appel la somme de 10 000 euros à la société BICHE DE BERE ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

SUR CE, LA COUR : Considérant qu’en appel, la société BICHE DE BERE ne forme aucune demande sur le fondement de la concurrence déloyale par débauchage de personnel, dont elle a été déboutée ; que la cour n’est en conséquence pas saisie sur ce point ; Considérant que la société CECILE ET JEANNE, appelante, oppose en premier lieu une fin de non-recevoir, au motif que la société BICHE DE BERE est dénuée de qualité à agir ; qu’elle fait valoir que :

- s’il existe une présomption de titularité de droits d’auteur au profit des personnes morales sur les oeuvres qu’elles exploitent, cette présomption ne vaut qu’en l’absence de revendication par des tiers de leur qualité d’auteur de l’oeuvre considérée,

— en l’espèce, il est reconnu que les bijoux qui lui sont opposés sont des créations de Mme B et la société BICHE DE BERE ne justifie pas être investie des droits de l’auteur,
- dans la mesure où le créateur est clairement identifié par l’exploitant, ce dernier ne peut plus bénéficier de la présomption de titularité des droits, la loi n’ayant pas pour objet de faire bénéficier une personne morale d’une présomption alors que le créateur, seul investi du droit d’auteur, est nommément désigné ; Que la société CECILE ET JEANNE expose, à titre subsidiaire, que la société BICHE DE BERE se prétend investie des droits de l’auteur sur « une collection de bijoux baptisée »Intemporelle Argile« dont le principe consiste à décliner sous la forme de bracelets, colliers, ras du cou, boucles d’oreilles, un modèle de bijoux constitué de pastilles martelées, de tailles variables et reliées entre elles par un anneau » alors qu’il résulte des documents qu’elle verse aux débats que les bijoux faisant partie de la collection susvisée sont dénués de toute originalité et qu’en tout état de cause, les bijoux qu’elle commercialise sous la ligne « Mille et Une Nuits » n’en constituent nullement la contrefaçon ; Qu’elle fait ainsi valoir pour le collier qu’en dehors du principe d’un assemblage constitué par des pastilles reliées par des maillons qui est du domaine public, on ne retrouve pas les caractéristiques du collier B DE BERE, et ajoute que les autres bijoux de la collection sont constitués de pastilles de métal présentant un aspect d’empreinte digitale et non de martelage ; I – Sur la fin de non-recevoir Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par la société CECILE ET JEANNE, la présomption de titularité des droits d’auteur revendiquée par la société BICHE DE BERE n’est pas détruite par la reconnaissance de l’existence d’un créateur, Madame B, dès lors que cette dernière n’est pas partie à la procédure et ne forme aucune revendication ; qu’en effet, à l’égard de personnes poursuivies en contrefaçon, la présomption résultant d’actes de divulgation ne cesse que lorsqu’un tiers revendique être titulaire de droits d’auteur sur l’oeuvre en cause ; Considérant qu’ainsi, la société BICHE DE BERE qui justifie avoir divulgué à partir de 1995, sous son nom, les bijoux en cause, a qualité pour agir sur le fondement du Livre 1 du CPI ; que la fin de non-recevoir sera rejetée ; II – Sur l’originalité des oeuvres constituant la collection « Intemporelle Argile » Considérant que la société BICHE DE BERE caractérise l’originalité de la collection de bijoux « Intemporelle Argile », comme elle l’avait exposé en première instance, par « sa forme et l’effet de matière : les colliers et bracelets étant composés de pastilles de métal à effet martelé liées entre elles par des maillons » ; Considérant que le tribunal a retenu que « si les pastilles de métal ne sont pas en elles seules originales, leur assemblage, les combinaisons et la forme des modèles et la tonalité du métal, la façon dont il est travaillé, donnent à l’ensemble un aspect reflétant la personnalité de l’auteur et qui mérite d’être protégé » ; Considérant cela exposé qu’il ne peut être revendiqué la protection de toute une collection de bijoux en ce qu’elle comporte des pastilles de métal assemblées alors qu’il résulte des catalogues et des bijoux versés aux débats que si cet élément est bien présent pour le collier et la broche, il est absent des bracelets qui comportent une seule pièce en métal

martelé, les boucles d’oreille et la bague qui ne comportent qu’une seule pastille (ou forme arrondie) martelée ; que dès lors, seuls doivent être pris en compte pour analyser l’originalité et l’existence d’une contrefaçon les bijoux qui sont composés de pastilles de métal à effet martelé liées entre elles par des maillons (pour les colliers) et accolés, pour les broches ; Considérant que le collier est constitué d’une chaîne de pastilles en métal martelé, chacune des pastilles ayant une forme ronde et étant liée à l’autre pastille par un épais maillon de même métal ; que si les documents antérieurs à la date de création versés aux débats (notamment les ouvrages « JANET F » de 1992/1993 sur la technique du martelage et assemblage de pastilles, « Fastueuse Afrique » de 1984, « la parure, instinct et Art Populaire » de 1985, « Evolution du bijou » de 1974, « The Best in contemporary Jewellery » de 1993, « les Esprits, l’or et le Chamane » catalogue de l’exposition du Grand Palais d’avril à juillet 2000) montrent qu’il était connu de lier des pastilles de métal martelé par des maillons de métal, la forme de ces liens n’est pas identique à ceux utilisés par la société BICHE DE BERE ; que le fermoir ne l’est pas davantage ; qu’ainsi comme l’a dit le tribunal, l’assemblage de ces éléments, leur combinaison et la manière dont a été travaillé le métal, donnent à l’ensemble un aspect reflétant la personnalité de l’auteur ; Considérant qu’en ce qui concerne la broche qui comporte une série de pastilles martelées de dimensions différentes, liées par soudure et disposées de manière asymétrique autour d’une pastille d’un diamètre supérieure aux autres, il n’ est pas prétendu, en dehors de l’effet du martelage du métal, en soi connu, que des documents antérieurs à la date de création invoquée présenteraient un bijou qui serait de nature à enlever toute originalité à la broche de la collection invoquée ; que l’assemblage spécifique asymétrique de pastilles en métal martelé révèle également la personnalité de l’auteur et confère au bijou en cause son originalité ; Considérant, en conséquence, que le jugement sera confirmé mais seulement en ce que l’originalité a été retenue pour le collier et la broche, étant rappelé que les autres bijoux de la collection ne peuvent faire l’objet du débat dès lors qu’ils ne correspondent pas à la définition des caractéristiques originales revendiquées par la société BICHE DE BERE et ne peuvent être valablement opposés dans cette procédure ; III – Sur la contrefaçon Considérant, comme le fait observer exactement l’appelante, que le collier qu’elle commercialise comporte certes une chaîne de pastilles de métal liées par des maillons, mais que les pastilles ne sont pas de forme régulière, le relief du métal correspond à des marques d’empreinte digitale, les maillons sont de très petites dimensions et le fermoir se termine par une forme d’oiseau, de telle sorte que l’impression d’ensemble est différente et que les caractéristiques protégeables parce qu’originales ne sont pas reproduites ; que ne se retrouvent ni la régularité de la forme des pastilles, ni le même mode de martèlement de ces pastilles ni la liaison par des maillons de grande dimension, ce qui donne au collier incriminé un effet général distinct de celui de la société BICHE DE BERE ; que le jugement sera réformé en ce qu’il a retenu l’existence de contrefaçon de la « collection » ; Considérant que, toutefois, la broche de la société CECILE et JEANNE reprend, malgré des différences tenant à la composition de l’assemblage de pastilles, une même asymétrie dans la combinaison de pastilles de dimensions différentes ; que par cette reproduction d’éléments originaux de la broche de B DE BERE, la société CECILE ET JEANNE s’est

rendue coupable de contrefaçon ; que le jugement sera en conséquence confirmé pour ce seul bijou ; Considérant qu’il en résulte que le jugement sera également modifié en ce qui concerne les mesures réparatrices ; qu’en effet, le préjudice subi par la société BICHE DE BERE est moindre dès lors qu’il est lié à la commercialisation d’un seul bijou et non pas à celle de toute une ligne de produits ; que les dommages et intérêts seront fixés à la somme de 10 000 euros ; que les mesures d’interdiction ne porteront que sur la broche ; Considérant que la cour estime que le préjudice étant suffisamment réparé par les dommages et intérêts ci-dessus alloués, les mesures de publication ne sont pas appropriées ; que le jugement sera réformé de ce chef ; Considérant que la procédure ayant été introduite, au moins pour partie, à juste titre par la société BICHE DE BERE, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée par la société CECILE et JEANNE ; Considérant que l’équité commande de n’allouer aucune indemnité en appel sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant que l’appelante ayant pour partie obtenu gain de cause en appel, les dépens d’appel engagés par chacune des parties resteront à leur charge ; PAR CES MOTIFS : Rejette la fin de non recevoir soulevée par la société CECILE et JEANNE ; Confirme le jugement sur le principe de condamnation pour contrefaçon, d’interdiction sous astreinte et sur le montant de l’indemnité au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le réformant pour le surplus, statuant à nouveau ; Dit qu’en commercialisant la broche de la ligne de bijoux « Mille et Une Nuits », la société CECILE et JEANNE S.A.R.L. a commis des actes de contrefaçon de la broche créée par la société BICHE DE BERE S.A. dans sa collection intitulée « Intemporelle Argile » ; Condamne la société CECILE et JEANNE S.A.R.L. à payer à la société BICHE DE BERE S.A. la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Dit que la mesure d’interdiction ordonnée par le jugement portera sur la seule broche incriminée ; Rejette toutes autres demandes.

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