Cour d'appel de Paris, 4e chambre section a, 18 octobre 2006

  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Atteinte à la valeur patrimoniale de la marque·
  • Réseau de distribution exclusive ou sélective·
  • À l'égard de l'exploitant·
  • Présentation des produits·
  • Investissements réalisés·
  • Vente à prix inférieur·
  • Concurrence déloyale·
  • Trouble commercial·
  • Dévalorisation

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. a, 18 oct. 2006
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Bobigny, 5 octobre 2004
  • 2001/13587
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : TIMBERLAND
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1417690 ; 1535955
Classification internationale des marques : CL25
Référence INPI : M20060526
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Texte intégral

Vu l’appel interjeté par la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE du jugement rendu le 5 octobre 2004 par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a :

- dit que les sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE et ACE se sont rendues coupables de contrefaçon de la marque dénominative « TIMBERLAND » enregistrée sous le N° 1.417.690 et de la marque figurative enregistrée sous le N° 1.535.955, au préjudice de la société TIMBERLAND COMPANY,
- interdit à ces sociétés l’usage de ces deux marques à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 150 euros par usage constaté passé un délai de 15 jours après la signification du jugement,
- condamné in solidum la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE et la société ACE à payer à la société TIMBERLAND COMPANY la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon des marques,
- dit que la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE et la société ACE se sont rendues coupables de concurrence déloyale au préjudice de la société TIMBERLAND COMPANY,
- condamné in solidum la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE et la société ACE à payer à la société TIMBERLAND la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale,
- condamné la société ACE à garantir la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE à concurrence de 30 % de la somme totale des condamnations,
- ordonné la publication du jugement, par extraits ou en intégralité, dans 6 journaux ou revues, au choix des sociétés TIMBERLAND et aux frais solidaires des défenderesses, sans que le coût de chaque insertion dépasse 2.500 euros,
- rejeté les autres demandes,
- condamné in solidum la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE et la société ACE à payer à la société TIMBERLAND COMPANY et à la société TIMBERLAND chacune la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ; Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 février 2006 qui a constaté l’interruption de l’instance et a prononcé la radiation de l’affaire du rôle, au regard de la procédure de liquidation judiciaire de la société ACE ; Vu les conclusions aux fins de rétablissement et de disjonction signifiées le 21 avril 2006 par lesquelles la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE, poursuivant l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a déclaré coupable d’actes de concurrence déloyale et condamnée à ce titre, demande à la Cour de débouter les sociétés TIMBERLAND de l’ensemble de leurs prétentions et de les condamner à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ; Vu les dernières écritures signifiées le 17 mars 2006 aux termes desquelles la société THE TIMBERLAND COMPANY et la société TIMBERLAND prient la Cour de confirmer le jugement déféré sauf sur le montant des dommages-intérêts, réclamant à ce titre la condamnation de la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE à leur verser les sommes suivantes :

- à la société THE TIMBERLAND COMPANY, 152.450 euros à titre de dommages-

intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon de marques,
- à la société TIMBERLAND, 917.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale,
- à chacune d’elle, 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Considérant que les sociétés THE TIMBERLAND COMPANY et TIMBERLAND ont, dans leurs dernières écritures, renoncé à leurs demandes dirigées contre la société ACE en liquidation judiciaire ; que la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE, ci-après CARREFOUR, n’a pas mis en cause les organes de la procédure collective de la société ACE de sorte que l’appel en garantie qu’elle avait initialement formé à son encontre n’est pas recevable en l’état ; qu’il convient donc d’ordonner la disjonction de l’appel en garantie formé par la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE à l’encontre de la société ACE ; Considérant que la société CARREFOUR limite son appel aux faits de concurrence déloyale retenus à son encontre ; que les sociétés TIMBERLAND forment un appel incident sur le quantum des indemnités qui leur ont été allouées en réparation des actes de contrefaçon ainsi qu’au titre des actes de concurrence déloyale ; I – Sur la concurrence déloyale Considérant que la société TIMBERLAND, se prévalant de la mise en place d’un réseau de distribution sélective pour commercialiser ses produits, reproche à la société CARREFOUR, qui n’a pas la qualité de distributeur agréé, d’avoir offert en vente des chaussures revêtues de sa marque sans être soumise aux contraintes habituelles de ses distributeurs, dans un environnement dégradant, ne correspondant pas au prestige des marques et des produits et à l’attente des consommateurs ; Que la société CARREFOUR conteste l’existence du réseau de distribution sélective TIMBERLAND, subsidiairement fait valoir qu’il est illicite, les critères retenus par la société TIMBERLAND étant trop généraux et imprécis ; qu’elle ajoute que la revente par un distributeur non agréé ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que les conditions de vente des produits TIMBERLAND dans ses magasins n’étaient pas dévalorisantes ; Considérant que les nombreux contrats produits aux débats et le procès-verbal de constat dressé le 22 mars 2005 au siège social de la société TIMBERLAND démontrent l’existence d’un réseau de distribution sélective constitué de 587 détaillants, les contrats les plus anciens ayant été conclus en octobre 1996 ; Considérant qu’il ressort de l’examen des contrats de distributeur agréé conclu entre la société TIMBERLAND et ses détaillants que les points de vente doivent satisfaire à des critères qualitatifs tenant à son environnement, en adéquation avec le prestige et la notoriété de la marque TIMBERLAND, à la nature des autres produits proposés à la vente, à la surface de vente, que le distributeur doit disposer d’un service de conseil suffisant et compétent compte tenu de la technicité des produits et des exigences

d’entretien indispensables à leur utilisation et à leur durée dans des conditions optimales, qu’il s’engage à fournir aux consommateurs dans le point de vente un service après-vente permettant d’assurer des prestations gratuites de remplacement des produits défectueux, d’échange de tailles et de conseil d’entretien des produits ; Considérant que l’analyse des conditions d’agrément du distributeur établit qu’il est choisi en fonction de critères objectifs, précisément définis, tels que sa qualification professionnelle, le service rendu au client, la localisation, la qualité et l’environnement du point de vente ; que là société CARREFOUR ne démontre pas que ces impératifs sont inadaptés aux produits vendus sous les marques « TIMBERLAND », notamment les chaussures de plein air ; que ce contrat comporte des engagements réciproques des deux parties au contrat ; Que le grief de restriction de concurrence reproché par la société CARREFOUR n’est pas davantage caractérisé ; qu’en effet, si le distributeur agréé a l’obligation de remettre les produits au consommateur final, de ne pas les vendre par catalogues, par correspondance, par Internet ou par tout autre mode existant ou à venir, la société TIMBERLAND réplique justement que coexiste un autre canal de distribution faisant l’objet d’un contrat différent, comme le reconnaît la société CARREFOUR qui relève que les botillons TIMBERLAND peuvent être achetés sur le site de la société LES 3 SUISSES ; Que la société CARREFOUR invoque en vain le défaut d’étanchéité du réseau alors que les sociétés TIMBERLAND justifient engager des actions judiciaires pour réserver aux distributeurs qu’elles ont sélectionnés la vente de leurs produits ; Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a admis le caractère licite du réseau de distribution sélective mis en place par la société TIMBERLAND ; Considérant que les actes de contrefaçon de marque commis par la société CARREFOUR, qui ne sont pas contestés devant la Cour, constituent pour la société TIMBERLAND qui commercialise en France les produits, notamment des chaussures revêtues de ces marques, des faits de concurrence déloyale ; Considérant, par ailleurs, que la société CARREFOUR, qui n’a jamais sollicité l’agrément de la société TIMBERLAND pour distribuer ses produits, en commercialisant ceux-ci sans être soumise aux contraintes des distributeurs agréés, a profité sans bourse délier des investissements des sociétés TIMBERLAND pour promouvoir leurs marques ; Considérant, enfin, que la présentation par la société CARREFOUR des chaussures revêtues des marques TIMBERLAND, boîtes entassées les unes sur les autres, sur un podium à proximité de l’allée centrale du magasin et de produits divers (PV de saisie- contrefaçon dressé le 20 novembre 2001 dans le magasin de Nice), sur des étagères, mêlées à des chaussures de ville (PV de saisie-contrefaçon dressé le 20 novembre 2001 à Cannes), vendues à moindre prix, ne peut avoir pour effet que de dévaloriser les produits et de mettre à néant les efforts déployés par la société TIMBERLAND pour les promouvoir ; Que ces agissements constituent des faits de concurrence déloyale ; II – Sur les mesures réparatrices Considérant que l’atteinte à la valeur patrimoniale des deux marques dénominative et figurative dont est titulaire la société THE TIMBERLAND COMPANY a été exactement réparée par les premiers juges de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu’il lui a alloué une indemnité de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que le modèle de chaussures dénommées « Yellow Boot », exposé dans les magasins à l’enseigne CARREFOUR, constitue le produit phare de la société TIMBERLAND, présent sur le marché, comme en attestent les extraits de presse produits aux débats ; que la mise sur le marché de 5821 paires de chaussures par la société CARREFOUR, dans 14 points de vente répartis sur le territoire français, n’a pu que dévaloriser la marque et inciter la clientèle à s’en détourner ; que la société TIMBERLAND s’est ainsi vue dépouiller de partie des investissements engagés pour la mise en place de son réseau de distribution et la promotion de l’image de qualité de ses produits ; Que le trouble commercial résultant pour la société TIMBERLAND de ces actes fautifs doit être fixé, compte tenu de ce qui précède, à la somme de 300.000 euros ; Considérant que les mesures d’interdiction et de publication prononcées par les premiers juges, justifiées pour mettre un terme aux agissements illicites, sauf à préciser, s’agissant de la publication, qu’il sera fait mention du présent arrêt ; Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier aux sociétés TIMBERLAND, la somme complémentaire de 10.000 euros devant être allouée à chacune d’elles ; Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur ce même fondement par la société CARREFOUR ; PAR CES MOTIFS Donne acte aux sociétés TIMBERLAND COMPANY et TIMBERLAND de leur renonciation à leurs demandes à l’encontre de la société ACE, Ordonne la disjonction de l’appel en garantie formé par la société CARREFOUR à l’égard de la société ACE, Confirme le jugement entrepris dans ses dispositions soumises à la Cour sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à la société TIMBERLAND en réparation des actes de concurrence déloyale, Le réformant sur ce point et statuant à nouveau, Condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE à verser à la société TIMBERLAND la de 300.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale, Y ajoutant, Dit que la publication ordonnée fera mention du présent arrêt, Condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE à verser à la société TIMBERLAND COMPANY et à la société TIMBERLAND, chacune, la somme complémentaire de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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