Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 5 octobre 2011, n° 09/02423

  • Faits antérieurs à l'inscription de la cession au registre·
  • Faits antérieurs à la date de la cession·
  • Décision antérieure sur la contrefaçon·
  • Opposabilité de la cession du titre·
  • Demande en réparation du préjudice·
  • Inscription au registre national·
  • Exploitation par une filiale·
  • Autorité de la chose jugée·
  • Prescription triennale·
  • Redevance indemnitaire

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La règle édictée par l’article L. 613-9 du CPI relative à l’opposabilité aux tiers de l’acte de cession du brevet ne saurait avoir pour effet de permettre au contrefacteur de contrefaire le brevet en toute impunité tant que l’inscription de la cession au RNB n’est pas effectuée. Les sociétés défenderesses sont donc tenues de réparer le préjudice subi par la société demanderesse, cessionnaire du brevet, pour la période antérieure à l’inscription de la cession au Registre. La société demanderesse, qui fabrique à l’étranger les dispositifs brevetés et les vend à sa filiale française, est fondée à prétendre à la réparation de son préjudice sur la base des gains manqués puisqu’elle subit directement les conséquences des ventes manquées en France par sa filiale. Il y a lieu également d’évaluer le préjudice sur la base d’une redevance indemnitaire pour la part des ventes des produits contrefaisants qui ne se serait pas reportée sur la société demanderesse. Il convient de tenir compte, dans la réparation du préjudice global, de l’effet tremplin dont les sociétés défenderesses ont pu bénéficier lorsqu’elles ont remplacé les produits contrefaisants par des produits modifiés, commercialisés sous les mêmes références.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 5 oct. 2011, n° 09/02423
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/02423
Publication : PIBD 2012, 954, IIIB-56
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 3ème Chambre 1ère Section, 13 janvier 2009, N° 97/20725
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 29 mai 2002, 1997/20725
  • Tribunal de grande instance de Paris, 1er décembre 2003, 1997/20725
  • Cour d'appel de Paris, 7 avril 2004, 2002/18118
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 21 mars 2005, 1997/20725
  • Tribunal de grande instance de Paris, 18 décembre 2007, 1997/20725
  • Tribunal de grande instance de Paris, 14 janvier 2009, 1997/20725
  • Tribunal de grande instance de Paris, 7 avril 2009, 2009/02027
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP0309596
Titre du brevet : Dispositif de pompage pour délivrer un liquide à haute pression
Classification internationale des brevets : F04B ; F04C ; G01N
Référence INPI : B20110161
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2011

Pôle 5 – Chambre 1 Numéro d’inscription au répertoire général : 09/02423.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2009 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3e Chambre 1re Section – RG n° 97/20725.

APPELANTES - Société WATERS CORPORATION agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social 34 Maple S Milford 01757 MASSACHUSSETS (ETATS UNIS) dont le domicile est élu en l’étude de Maître Dominique OLIVIER, avoué à la Cour,

- SAS WATERS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège […] – Rond Point des Sangliers 78280 GUYANCOURT, représentées par Maître Dominique OLIVIER, avoué à la Cour assistées de Maître Arnaud C, avocat au barreau de Paris, toque : K177.

INTIMÉES - Société de droit allemand HEWLETT-PACKARD GmbH prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège […],

- Société de droit allemand AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège […], ayant élu leur domicile en étude de la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour, représentées par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour, assistées de Maître Pierre V et de Maître Thomas B et plaidant pour le Cabinet VERON & associés, avocats au barreau de Paris, toque : P24.

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 1er alinéa du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Juin 2011, en audience publique, devant Monsieur Didier PIMOULLE, Président, et Madame Brigitte CHOKRON, conseillère chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Didier PIMOULLE, Président Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Melle Aurélie G

ARRÊT : - contradictoire
- rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Monsieur TL NGUYEN, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’appel interjeté le 5 février 2009 par les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS (SAS), du jugement rendu contradictoirement par le tribunal de grande instance de Paris le 14 janvier 2009 dans le litige les opposant aux sociétés HEWLETT- PACKARD GmbH et AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH ;

Vu les ultimes écritures des sociétés WATERS CORPORATION et WATERS (SAS), appelantes, signifiées le 31 mai 2011 ;

Vu les dernières conclusions des sociétés HEWLETT-PACKARD GmbH et AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH, intimées, signifiées le 17 mai 2011 ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 7 juin 2011 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu’il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

— la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH est devenue titulaire, en vertu d’un contrat de cession du 29 octobre 1999 transcrit au Registre national des brevets le 21 août 2000, de la partie française du brevet européen EP 0 309 596 ayant pour titre dispositif de pompage pour délivrer un liquide à haute pression (ci-après le brevet), délivré le 31 mars 1993 sur demande déposée le 26 septembre 1987 de la société HEWLETT-PACKARD GmbH,

— le brevet a été l’objet d’un litige avec la société américaine WATERS CORPORATION et sa filiale française la société WATERS (SAS) auxquelles les sociétés HEWLETT-PACKARD GmbH et AGILENT TECHNOLOGIE DEUTSCHLAND GmbH ont reproché des actes de contrefaçon,

— c’est dans ces circonstances que le tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 29 mai 2002, a, entre autres dispositions, débouté les sociétés WATERS de leur demande en nullité des revendications 1 à 12 du brevet, retenu à la charge de ces dernières des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 10, 11 et 12 du brevet pour avoir fabriqué, importé, offert à la vente et vendu en France les appareils de chromatographie 2690 et 2695 et leurs variantes 2690D et 2690XE, prononcé une mesure d’interdiction sous astreinte, avant-dire droit sur le préjudice, commis un expert en la personne de M. GUILGUET et alloué à la société

AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH une indemnité provisionnelle de 150. 000 euros,

— par un arrêt du 7 avril 2004, aujourd’hui définitif, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement précité sauf à incriminer pareillement de contrefaçon les produits WATERS portant les références 2790 et 2795 et à augmenter le montant de la provision à 500.000 euros,

— dans le cours de l’instance en liquidation du préjudice de contrefaçon des sociétés WEWLETT-PACKARD GmbH et AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSHLAND GmbH, restée pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, le juge de la mise en état, tirant les conséquences de l’arrêt précité, a le 21 mars 2005, ordonné une expertise complémentaire confiée, compte tenu du départ à la retraite de M. GUILGUET après le dépôt de son rapport le 15 juin 2004, à M. GENDRAUD,

— parallèlement à cette instance, une nouvelle procédure a opposé les parties, dans le cadre de laquelle les sociétés HEWLETT-PACKARD Gmbh et AGILENT DEUTSCHLAND Gmbh ont fait valoir que les dispositifs de pompage commercialisés par les sociétés WATERS à compter du mois d’août 2002, prétendument modifiés de manière à les exclure du champ du brevet, mettaient en œuvre les revendications du brevet ; par un arrêt en date du 27 janvier 2010, aujourd’hui définitif, la cour d’appel de Paris a rejeté comme non fondées les demandes en contrefaçon visant les appareils modifiés des sociétés WATERS,

— aux termes du jugement dont appel, le tribunal, statuant, au vu des rapports d’expertise respectivement déposés par M. GUILGUET le 15 juin 2004 et M. G le 30 juin 2008, sur la demande en réparation du préjudice occasionné par la commercialisation par les sociétés WATERS, jusqu’au 29 juillet 2002, des appareils 2690, 2695, 2690D, 2690XE, 2790 et 2795, jugés contrefaisants, a, pour l’essentiel, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire,

*déclaré cette demande recevable à l’égard de la société WATERS CORPORATION pour les actes de contrefaçon commis à compter du 12 septembre 1997 et à l’égard de la société WATERS SAS pour ceux commis à compter du 28 septembre 1998,

*condamné la société WATERS CORPORATION à payer à la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH, la somme de 306 199 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 12 septembre 1997 et le 28 septembre 1998,

*condamné in solidum les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS à payer à la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH la somme de 391 098 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 29 septembre 1998 et le 29 juillet 2002,

*dit que le montant de la condamnation devra être diminué du montant de la provision payée en exécution de l’arrêt du 7 avril 2004,

*dit que ces sommes seront actualisées à la date du jugement sur la base de l’indice de la production industrielle indice agrégé brut matériel de mesure et de contrôle tel que publié par l’INSEE(base 100 en 2000),

*condamné in solidum les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS à payer à la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSHLAND GmbH la somme de 100.000 euros au titre de 'l’effet tremplin',

*rejeté la demande en réparation du préjudice financier,

*condamné in solidum les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS à payer à la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSHLAND GmbH la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

— les sociétés WATERS, appelantes, prient la cour, par réformation du jugement entrepris, d’écarter la responsabilité de la société WATERS CORPORATION pour les dispositifs vendus par la société WATERS SAS entre le 12 septembre 1997 et le 28 septembre 1998, d’exclure de la masse contrefaisante les dispositifs vendus par la société WARTERS SAS entre le 29 octobre 1999 et le 21 août 2000, de fixer le préjudice sur la base d’une redevance indemnitaire de 3%, subsidiairement de 5%, et liquider en conséquence ce préjudice, tous chefs confondus, à 416.669 euros avant actualisation, subsidiairement à 694.448 euros avant actualisation, à titre très subsidiaire, sur la base du gain manqué pour 12% des appareils et d’une redevance indemnitaire de 3% sur 88% des appareils, soit une somme de 624.870 euros avant actualisation, à titre infiniment subsidiaire, sur la base du gain manqué pour 12 % des appareils et d’une redevance indemnitaire de 5% pour 88% des appareils, soit une somme de 869.316 euros, de réduire en toute hypothèse les sommes demandées au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions,

— les sociétés HEWLETT-PACKARD GmbH et AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSHCHLAND GmbH, intimées, poursuivant de ces chefs la réformation du jugement déféré, entendent voir fixer le préjudice sur la base du gain manqué y compris sur la période de septembre 1997 à octobre 1999, inclure dans la masse contrefaisante les ventes intervenues entre la cession du brevet et l’inscription de cette cession au Registre national des brevets, fixer le gain manqué à 7 903 615 euros et à tout le moins à 6 253 918 euros, augmenter la somme allouée au titre de 'l’effet tremplin’ à 460 490 euros, augmenter l’indemnité compensatrice par application d’un taux d’intérêt annuel de manière à tenir compte du préjudice financier, condamner in solidum les sociétés appelantes à lui verser 500.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Considérant, ceci étant posé, qu’il importe de préciser, à titre liminaire, que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH est en droit, en vertu d’un accord conclu avec la société HEWLETT-PACKARD GmbH le 17 janvier 2000, de conserver par devers elle les dommages et intérêts dus au titre de la contrefaçon du brevet pour les périodes antérieure et postérieure au transfert de propriété du brevet ; qu’elle est en conséquence seule demanderesse en dommages-intérêts, la société HEWLETT-PACKARD GmbH n’étant présente à la procédure que pour confirmer les termes de l’accord précité ;

Sur la période de réparation,

Considérant que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH, venant aux droits de la société HEWLETT-PACKARD GmbH pour la période antérieure à la cession du 29 octobre 1999, entend obtenir la réparation de son préjudice à compter du 12 septembre 1997 ;

Qu’elle fait à cet égard valoir que, la société WATERS CORPORATION ayant crû devoir assigner la société HEWLETT-PACKARD GmbH en nullité du brevet n° 0 309 596, le 8 octobre 1997 devant le tribunal de grande instance de Paris, elle est intervenue volontairement à l’instance en sa qualité de cessionnaire du brevet et a formé, au côté de la société HEWLETT-PACKARD GmbH, une demande reconventionnelle en contrefaçon du brevet par des conclusions du 12 septembre 2000 de sorte que, compte tenu de la prescription, son préjudice de contrefaçon doit être évalué à compter du 12 septembre 1997 ;

Considérant que les sociétés WATERS rappellent que les sociétés HEWLETT- PACKARD GmbH et AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH ont assigné la société WATERS SAS en intervention forcée suivant acte du 28 septembre 2001 aux fins de la voir condamnée solidairement avec la société WATERS CORPORATION pour contrefaçon du brevet ; qu’elles soutiennent en conséquence que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND GmbH n’est pas recevable, compte tenu de la prescription, à agir à l’encontre de la société WATERS SAS pour des faits de contrefaçon antérieurs au 28 septembre 1998 ;

Qu’elles prétendent par ailleurs que la société WATERS CORPORATION, seule en cause pour la période du 12 septembre 1997 au 28 septembre 1998, n’exploitait pas les dispositifs contrefaisants en France où ils étaient introduits du seul fait de la société WATERS SAS et qu’en conséquence, la période à prendre en considération pour l’évaluation du préjudice ne commence à courir à l’égard des sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS que le 28 septembre 1998 ;

Or considérant qu’il n’est pas contesté que la société américaine WATERS CORPORATION a fabriqué les dispositifs contrefaisants et que la société française WATERS SAS les a commercialisés en France jusqu’au 29 juillet 2002 date à laquelle ils ont été retirés du marché ;

Qu’il résulte du jugement du 29 mai 2002 que les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1,2,10,11 et 12 du brevet en important, en offrant à la vente et en vendant en France des dispositifs 2690 et 2695 et leurs variantes 2690D et 2690XE et les a condamnées in solidum à payer une indemnité provisionnelle de 150 000 euros sur le préjudice subi en conséquence de ces actes de contrefaçon ;

Que, selon l’arrêt confirmatif du 7 avril 2004, aujourd’hui définitif, la cour d’appel de Paris, a retenu pour rejeter la demande de mise hors de cause de la société WATERS CORPORATION, qui soutenait qu’elle ne participait pas à l’importation sur le territoire français des dispositifs argués de contrefaçon, qu’il importait peu que les appareils transitent par les Pays-Bas avant d’être livrés en France aux clients de la société WATERS SAS, dès lors que la société WATERS CORPORATION a, en

fournissant sa filiale française, participé à l’acte d’importation en France et a conclu que ces faits caractérisaient l’offre en vente et l’importation sur le marché français par la société WATERS CORPORATION des dispositifs litigieux ;

Qu’il s’ensuit que la société WATERS CORPORATION n’est pas recevable, ainsi que le font observer à juste titre les sociétés intimées, à soutenir, en contrariété avec la chose jugée, qu’elle n’aurait pas importé en France les produits contrefaisants et partant n’aurait pas commis d’actes de contrefaçon au préjudice de la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND ;

Qu’elle est en conséquence tenue de réparer le préjudice subi par la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND à raison des actes de contrefaçon commis postérieurement au 12 septembre 1997 ;

Considérant que la demande en contrefaçon formée le 12 septembre 2000 à l’encontre de la société WATERS CORPORATION n’a pu avoir d’effet interruptif de prescription à l’égard de la société WATERS SAS qui n’a été assignée que le 28 septembre 2001;

Que cette dernière sera tenue de réparer le préjudice subi par la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND à compter du 28 septembre 1998 ;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Considérant que les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS, invoquant les dispositions de l’article L.613-9 du Code de la propriété intellectuelle, soutiennent nouvellement en cause d’appel que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND ne saurait prétendre à l’indemnisation de son préjudice pour la période du 29 octobre 1999 (date de la cession du brevet à partir de laquelle la société HEWLETT-PACKARD GmbH n’est plus titulaire du brevet) au 21 août 2000 (date de la transcription de la cession à partir de laquelle les droits de la société cessionnaire sont opposables aux tiers) ;

Qu’elles soutiennent en conséquence que seules deux périodes pourront être retenues pour l’évaluation du préjudice :

— celle allant du 28 septembre 1998 au 29 octobre 1999,

— celle allant du 21août 2000 au 29 juillet 2002 ;

Mais considérant qu’il a été précédemment retenu que la société WATERS CORPORATION sera tenue de réparer le préjudice de contrefaçon à compter du 12 septembre 1997 et non à compter du 28 septembre 1998 ainsi qu’elle le demandait ;

Considérant, pour le surplus, que la règle de l’opposabilité prévue à l’article précité ne saurait avoir pour effet de permettre au contrefacteur de contrefaire le brevet en toute impunité tant que la transcription de la cession n’est pas effectuée ; qu’en toute hypothèse, les sociétés WATERS ne sont pas fondées à se prévaloir de l’application de cette règle pour se soustraire à la réparation du préjudice pour la période du 29 octobre 1999 au 21 août 2000 alors même qu’elles ne contestent pas devoir

réparation du préjudice pour la période antérieure, allant du 28 septembre 1998 au 29 octobre 1999 ; qu’enfin, il est constant que la société cessionnaire AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND vient aux droits de la société cédante HEWLETT-PACKARD GmbH pour la période antérieure à la cession ;

Qu’il s’ensuit que la demande des sociétés WATERS est dénuée de pertinence ;

Sur la masse contrefaisante,

Considérant que selon les conclusions non contestées de l’expert G, la masse contrefaisante constituée par les appareils 2690, 2690D, 2690XE et 2695 est de :

*116 unités représentant un chiffre d’affaires de 2.539.740 euros pour la période du 19 septembre 1997 au 27 septembre 1998,

*642 unités représentant un chiffre d’affaires de 14.826.453 euros pour la période du 28 septembre 1998 au 29 juillet 2002,

soit un total de 758 appareils pour un chiffre d’affaires global de 17.366.193 euros ;

Que, selon l’expert G, qui n’est pas davantage critiqué sur ce point, la masse contrefaisante constituée par les appareils 2790 et 2795 est, pour les années 1998 à 2002, de 51 appareils, dont 1 vendu en 1998, représentant un chiffre d’affaires de 506.313 euros ;

Qu’il suit de ces éléments d’information et des motifs ci-avant retenus, que la société WATERS CORPORATION sera tenue d’indemniser seule le préjudice résultant de l’importation et de l’offre en vente en France entre le 12 septembre 1997 et le 28 septembre 1998 de 117 dispositifs contrefaisants et que les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS seront tenues in solidum à réparer le préjudice résultant de l’importation, de l’offre en vente et de la vente en France, entre le 28 septembre 1998 et le 29 juillet 2002, de 692 dispositifs contrefaisants ;

Sur le mode d’évaluation du préjudice,

Considérant que les parties maintiennent à cet égard leurs positions respectives telles que développées dans le jugement entrepris auquel il est référé, la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND concluant essentiellement à l’évaluation du préjudice sur la base de ses gains manqués, les sociétés WATERS soutenant au contraire que cette évaluation doit être effectuée sur la base d’une redevance indemnitaire dès lors que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND n’exploite pas directement son brevet en France ;

Considérant ceci étant, que les parties s’accordent sur le principe en vertu duquel le préjudice de contrefaçon doit être apprécié en termes de profits perdus sur les ventes manquées lorsque le breveté exploite l’invention et se trouvait dès lors en mesure de réaliser les ventes du contrefacteur et qu’il doit être en revanche calculé en termes de redevances manquées quand le breveté n’exploite pas lui-même l’invention protégée ;

Qu’il n’en demeure pas moins ainsi que le rappellent les sociétés intimées, que l’indemnisation du préjudice doit tendre à rétablir le breveté dans la situation qui aurait été la sienne en l’absence de contrefaçon et qu’en l’espèce, le fait que le breveté fabrique à l’étranger les dispositifs mettant en oeuvre l’invention ne doit pas faire obstacle à ce que son préjudice soit évalué sur la base des gains manqués dès lors qu’il démontre que les produits dont la vente a été perdue pour ses distributeurs en France auraient été achetés auprès de lui ;

Et considérant, que s’il est constant que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND fabrique en Allemagne les appareils munis du dispositif breveté qui sont ensuite vendus en France par la société AGILENT TECHNOLOGIES FRANCE, il est établi, ainsi que l’a relevé la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 7 avril 2004, au vu des factures produites aux débats, que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND, au moins depuis le début de l’année 2001, vendait directement les produits brevetés qu’elle fabriquait en Allemagne à sa filiale française la société AGILENT TECHNOLOGIES FRANCE, circonstance dont la cour d’appel a déduit que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND était fondée à voir son préjudice réparé sur la base des gains manqués en France ;

Considérant que si des éléments de la procédure, mis en avant par les sociétés WATERS, font apparaître la présence entre la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND et la société AGILENT TECHNOLOGIES FRANCE, d’une société AGILENT TECHNOLOGIES EUROPE BV, située en Suisse, l’examen de ces éléments établit que cette dernière ne génère aucune clientèle et ne joue aucun rôle dans la commercialisation des produits qui sont directement livrés par la société allemande à la société française et qu’elle se borne à assurer la facturation des ventes réalisées entre ces deux sociétés ;

Qu’en conséquence, la société AGILENT TECHNOLOGIES EUROPE BV ne saurait être regardée comme exploitant le brevet en France où les produits brevetés sont vendus par la société AGILENT TECHNOLOGIES FRANCE après que celle-ci se soit fournie auprès de la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND qui les fabrique ;

Que cette dernière est dès lors fondée, ainsi que l’a pertinemment retenu le tribunal, à prétendre à la réparation de son préjudice sur la base des bénéfices manqués puisqu’elle subit directement les conséquences des ventes manquées en France par sa filiale française AGILENT TECHNOLOGIES FRANCE ;

Sur la marge sur coûts directs de la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND,

Considérant que les sociétés WATERS font à cet égard observer que les intimées ne versent aux débats aucun élément suffisamment précis, daté et incontestable pour justifier des marges sur coûts directs réalisées pour les années considérées ;

Mais considérant que l’expert G a conclu, au terme d’une analyse circonstanciée des données comptables fournies par la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND, tenant compte des critiques nombreuses et partiellement justifiées de l’expert financier des sociétés WATERS, que les produits brevetés généraient,

selon les années, une marge nette variant entre 5 796 euros et 8 678 euros et que, eu égard aux produits accessoires vendus, soit dans le même temps que l’appareil, soit pendant la durée de vie de l’appareil, de l’ordre de 7 ans, que les marges de 8 903 euros pour l’année 2000, 12 347 euros pour l’année 2001 et 9 904 euros pour l’année 2002 pouvaient être raisonnablement retenues ;

Qu’il convient toutefois de prendre en considération les observations des sociétés WATERS selon lesquelles les produits accessoires ne sont pas nécessairement achetés, pendant la durée de vie de l’appareil, auprès du fabricant, le marché des pièces détachées faisant l’objet d’un marché distinct à telle enseigne que la société AGILENT TECHNOLOGIE DEUTSCHLAND vend des kits de maintenance des appareils WATERS et qu’en conséquence, l’acheteur d’un appareil contrefaisant auprès des sociétés WATERS a pu se pourvoir ensuite en pièces de rechange auprès d’AGILENT ;

Que c’est dès lors à juste titre que le tribunal a conclu, à l’aune de cet élément, que la perte de bénéfices pour les pièces détachées ne doit pas être appréciée au regard du nombre d’appareils que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND aurait pu commercialiser en l’absence de contrefaçon et doit faire l’objet d’un calcul distinct avec un taux de report distinct ;

Qu’en conséquence d’une telle conclusion c’est encore à bon droit que le tribunal a retenu au vu des informations recueillies par l’expert, que, s’agissant des années 1999, 2000 et 2001, la marge sur coûts directs unitaires est, respectivement, de 7 876 euros, 12 202 euros et 9 828 euros pour les appareils de chromatographie et les accessoires vendus concomitamment, et que, pour les pièces de rechange vendus sur la durée de vie des appareils, les marges sont de 217 euros, 145 euros, 76 euros ;

Considérant que les sociétés intimées admettent ne pas être en mesure, pour la période antérieure à octobre 1999, de communiquer les coûts de revient des produits brevetés, à l’époque supportés par la société HEWLETT-PACKARD GmbH titulaire du brevet, circonstance qui a conduit l’expert G à écarter, pour la période concernée, le calcul du préjudice sur la base de la marge sur coûts directs et à retenir le système de la redevance indemnitaire ;

Que la cour, observant à l’instar du tribunal que l’application de la redevance indemnitaire est en l’espèce plus rigoureuse que la minoration de la marge sur coûts directs proposée par la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND pour pallier l’incertitude engendrée par l’insuffisance des données, suivra l’expert G en ce qu’il a calculé le préjudice subi antérieurement à la cession d’octobre 1999 sur la base de la redevance indemnitaire ;

Sur le taux de report,

Considérant que les experts ont procédé à juste titre, pour déterminer le taux de report, à une analyse des spécificités du marché de la chromatographie haut de gamme et ont exactement constaté que les sociétés AGILENT et WATERS se partageaient le marché à peu près à parts égales ;

Que le tribunal a toutefois pertinemment observé que même si les sociétés opposées se partagent le marché de la chromatographie haute de gamme, de nombreux éléments interviennent dans le choix d’un appareil relevant de cette catégorie et notamment la fidélité à un fabricant, de sorte que, le taux de report de 100 % proposé par les sociétés intimées ne saurait être retenu ;

Que le tribunal a, au vu de ces éléments, raisonnablement fixé à 50 %, ainsi que le proposait l’expert G, (l’expert G ayant proposé quant à lui un taux de 33 %), le taux de report pour les appareils de chromatographie et les accessoires vendus concomitamment étant à cet égard observé que les rapports de MM J et D produits par les sociétés WATERS pour prétendre à une minoration de ce taux compte tenu de la portée limitée du brevet, s’ils étaient susceptibles d’être pertinents dans la phase antérieure du litige où il importait de rechercher si les faits de contrefaçon étaient avérés, ne le sont plus dès lors que la validité du brevet revendiqué a été définitivement admise et les actes de contrefaçon définitivement caractérisés ;

Considérant que c’est encore à juste titre que le tribunal, tenant compte des particularités précédemment évoquées du marché des pièces de rechange, a retenu, pour ce qui les concerne, un taux de report de 20 % ;

Sur la redevance indemnitaire,

Considérant qu’il y a lieu de recourir à cette redevance ainsi qu’il résulte de ce qui est dit ci-avant, pour évaluer le préjudice subi au cours de la période du 12 septembre 1997 au 29 octobre 1999, ainsi que pour évaluer le préjudice résultant de la part des ventes des appareils contrefaisants qui ne se serait pas reportée sur la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND ;

Considérant que, pour le calcul de cette redevance, la cour fait siennes les observations du tribunal au terme desquelles les sociétés WATERS qui ont très largement mis en avant dans la publicité des appareils contrefaisants la conception très novatrice qu’ils mettaient en œuvre et les performances qu’ils assuraient en matière de mesure chromatographique, ne sauraient sérieusement prétendre aujourd’hui au caractère limité et accessoire de l’invention ;

Que c’est en conséquence à juste titre que le tribunal a retenu, par des motifs exacts et suffisants que la cour adopte, qu’il doit être tenu compte de l’avantage commercial important qui résultait de la mise en oeuvre du dispositif breveté et du fait que les sociétés WATERS auraient nécessairement perdu des parts de marché si la société AGILENT TECHNOLOGIE DEUTSCHLAND avait seule mis en oeuvre le dispositif protégé et conclu au regard de ces éléments que le taux de redevance de 12 % proposé par l’expert G correspond à une juste appréciation du préjudice subi ;

Considérant que la cour fait siens en conséquence de l’ensemble des éléments précédemment retenus, les calculs opérés par le tribunal qui aboutissent :

— au titre de la redevance due pour l’ensemble des appareils contrefaisants vendus en 1997, 1998, 1999 et pour la moitié des appareils contrefaisants vendus en 2000, 2001 et 2002, à la somme de 1 653 048 euros,


- au titre de la marge sur coûts nets unitaires pour la moitié des appareils contrefaisants vendus en 2000, 2001 et 2002, à la somme de 2 250 700 euros,

— au titre de la marge sur coût net unitaire pour les produits accessoires sur la durée de vie des appareils en 2000, 2001 et 2002, à la somme de 7 233 euros,

Soit une somme totale globale de 3 910 981 euros qui sera actualisée sur la base de l’indice de la production industrielle dans les termes du jugement ;

Sur l’effet tremplin,

Considérant que 'l’effet tremplin’ a vocation à tenir compte dans la réparation du préjudice global subi des suites des actes de contrefaçon, la circonstance selon laquelle les sociétés WATERS n’auraient pas vendu autant de produits modifiés, commercialisés à compter du 29 juillet 2002, si elle n’avait pas vendu auparavant les produits contrefaisants ;

Considérant que le tribunal relève à juste titre à cet égard que la société AGILENT aurait vu en toute hypothèse sa part de marché s’accroître, compte tenu de l’avancée technique mise en oeuvre par ses appareils, si les sociétés WATERS ne s’étaient pas livrées à des actes de contrefaçon, et qu’en conséquence, la stabilité des parts de marché constatée en 2002 et 2003, mise en avant par les sociétés WATERS, n’est pas de nature à exclure 'l’effet tremplin’ ;

Que par ailleurs, la fidélité précédemment évoquée de la clientèle à son fournisseur en matière d’appareils chromatographiques est une circonstance qui vient accréditer l’existence de 'l’effet tremplin’ dont les sociétés WATERS ont pu bénéficier postérieurement au 29 juillet 2002 lorsqu’elles ont remplacé les produits contrefaisants par des produits modifiés, commercialisés sous les mêmes références que ceux précédemment retirés du marché ;

Considérant que la cour suivra le tribunal en ce qu’il a, par une juste appréciation des éléments de la cause, fixé à 100 000 euros le préjudice résultant de 'l’effet tremplin’ et estimé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à l’actualisation de cette somme ;

Sur le préjudice financier,

Considérant que la cour observe que la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND ne justifie pas davantage devant la cour que devant les premiers juges d’un préjudice distinct de celui qui est réparé par l’allocation des sommes compensatrices telles que précédemment retenues ;

Que la demande au titre du préjudice financier prétendument subi sera en conséquence rejetée;

Considérant qu’il suit de ces éléments que le jugement entrepris est en définitive confirmé en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés WATERS CORPORATION et WATERS SAS aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et à verser à la société AGILENT TECHNOLOGIES DEUTSCHLAND une indemnité complémentaire de 150 000 euros au titre des frais irrépétibles.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 5 octobre 2011, n° 09/02423