Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 3, 31 août 2015, n° 14/16829

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 3, 31 août 2015, n° 14/16829
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/16829
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 29 juillet 2014, N° 14/56451
Dispositif : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 31 AOUT 2015

(n° 521 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/16829

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Juillet 2014 -Président du TGI de PARIS – RG n° 14/56451

APPELANTE

SAS ATHO N° SIRET : 453 18 6 3 30

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marcel BOUHENIC de l’Association BOUHENIC & PRIOU GADALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R080

assistée de Me Camille TONIOLO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0883

INTIMES

GIP SAMU SOCIAL DE PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté et assisté de Me Florian MOKHTAR de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

l’affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par écrit

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 juin 2015 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nicole GIRERD, Président

Madame Mireille DE GROMARD, Conseiller

Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Véronique COUVET

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET , greffier.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le SAMU SOCIAL DE PARIS est un groupement d’intérêt public( ci-après GIP) qui a en charge un pôle d’hébergement hôtelier des personnes en situation d’exclusion.

A ce titre, il a conclu des conventions de partenariat avec divers prestataires, notamment le 9 juillet 2004 avec la SAS ATHO qui achète des nuitées auprès d’hôteliers de Paris et de région parisienne en vue de les revendre au SAMU SOCIAL DE PARIS.

Le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS a mis fin à cette convention par lettre du 5 mai 2014 à effet du 9 juillet suivant.

Lui faisant grief d’avoir, en violation de la clause de non-concurrence insérée à la convention qui lui interdisait de contracter directement avec les hôtels pendant la durée de la convention et pendant l’année suivant sa résiliation, démarché dès juin 2014 les hôtels relevant de son 'réseau', la société ATHO a fait assigner le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris par acte du 8 juillet 2014 aux fins de lui interdire de contracter, jusqu’au 9 juillet 2015 inclus, avec ses hôteliers fournisseurs et ce, sous astreinte.

Suivant déclinatoire du 16 juillet 2014, le Préfet de la Région Ile de France a soulevé l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris au profit de la juridiction administrative.

Par ordonnance rendue le 30 juillet 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent au profit du juge administratif, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et a condamné la société ATHO à payer au GIP SAMU SOCIAL DE PARIS la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SAS ATHO a interjeté appel de cette décision le 4 août 2014.

Le 6 mai 2015, le Préfet de la région Ile de France a transmis un déclinatoire aux termes duquel il demande à la cour d’appel de Paris de se déclarer incompétente pour statuer sur cette action, et de renvoyer la cause et les parties devant la juridiction administrative.

Le Préfet de la Région Ile de France fait valoir au soutien de l’exception qu’il soulève :

— que le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS a en charge un service public d’hébergement d’urgence de personnes en situation d’exclusion, qu’il a interrompu ses relations contractuelles avec la société ATHO à raison de la découverte d’un conflit d’intérêt, intervenant à cette fin dans le cadre des missions de service public qui lui incombent,

— que la demande de la société ATHO se fonde sur les termes d’une convention qui constitue un contrat administratif dès lors qu’il est conclu avec une personne morale de droit public et qu’il a pour objet de faire participer directement la société ATHO à une mission de service public,

— que la voie de fait opposée par la société ATHO n’est pas caractérisée, qu’en effet en mettant un terme à un engagement contractuel, et en prenant contact avec des hôtels pour assurer le maintien de sa mission conformément au principe de continuité du service public à valeur constitutionnelle le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS n’a éteint aucun droit de propriété ni commis d’illégalité en refusant de renouveler le contrat, qu’en tout état de cause, intervenue dans le cadre d’une prise illégale d’intérêt, cette résiliation procède de motifs d’intérêt général et se rattache à ses pouvoirs de protection de l’intérêt général ; qu’en outre l’illicéité du contrat , pour des motifs qui seront soumis au juge du fond, constitue aussi un motif de résiliation unilatérale du contrat par une personne publique,

— que la clause de non concurrence doit être regardée comme illégale dès lors qu’elle tend à empêcher le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS de poursuivre sa mission de service public et porte atteinte au principe de la commande publique de remise en concurrence périodique, que la juridiction administrative a déjà déclaré nulle une clause interdisant à une personne publique de résilier un contrat portant occupation du domaine public,

— enfin que les parties ne peuvent déroger par une clause d’attribution de compétence au tribunal de commerce, comme dans la présente convention, à la compétence administrative.

La société ATHO, aux termes de ses conclusions transmises le 8 septembre 2014, demande à la cour de :

— la dire et juger bien fondée en son appel,

— infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

— rejeter le déclinatoire de compétence du Procureur de la République,

— en conséquence, se déclarer compétent,

— dire et juger qu’en s’appropriant le réseau des hôteliers appartenant à la société ATHO, le SAMU SOCIAL DE PARIS a commis une voie de fait.

Elle soutient que la clause de non concurrence incriminée dans la convention résiliée a pour seul objet de protéger l’actif constitué par le réseau des hôteliers qu’elle a créé , fruit de son travail, bien meuble incorporel protégé à ce titre par le droit de propriété, ce bien ne devant pas être confondu avec un « droit sur les nuitées d’hôtels »comme l’a retenu le premier juge ;

Qu’il s’ensuit que le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS a commis une voie de fait en contactant les 60 hôteliers de son réseau concomitamment à la dénonciation de la convention, en se référant aux volumes des commandes ATHO, en usant de son autorité de personne de droit public et en promettant l’impunité aux hôteliers du réseau ;

Que la captation de son réseau par le SAMU SOCIAL DE PARIS a bien eu pour effet d’éteindre son doit de propriété; qu’elle en est dépossédée de fait , le SAMU SOCIAL ayant visé exclusivement son réseau et pris sa place par la promesse d’acquisition des mêmes volumes de nuitées au même prix, l’ayant dénigré auprès de ses fournisseurs, l’ayant fait passer pour un simple mandataire en incitant les hôteliers à se rendre complices d’une fraude ;

Que l’appropriation de ce réseau ne peut constituer une décision susceptible de se rattacher aux pouvoirs que le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS détiendrait de la convention arrivée à terme, ni d’ailleurs d’aucun autre de ses pouvoirs ;

Elle précise qu’elle conteste non pas le droit de mettre fin au contrat mais l’appropriation de son réseau, et qu’au delà de la convention, aucune norme de l’ordonnancement juridique ne saurait fonder cette appropriation brutale du bien d’autrui par l’administration ;

Elle ajoute que la prétendue prise illégale d’intérêt invoqué par le Prefet est sans rapport avec la violation de son droit de propriété, que la rupture est intervenue sans que soit exprimé de grief et qu’elle bénéficie en tout état de cause de la présomption d’innocence ; sur la prétendue illégalité du contrat , que l’obligation initiale de mise en concurrence ne s’applique pas dès lors que le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS n’avait aucune obligation d’achat, qu’au demeurant il ne saurait tirer argument de sa propre faute technique pour justifier l’atteinte portée à son droit de propriété; que la clause de non concurrence ne peut gêner l’accomplissement de la mission de service public du SAMU SOCIAL réalisée par l’achat de nuitée notamment auprès d’elle mais également d’autres hôtels, alors en outre que l’autorité publique peut agir par voie de réquisitions, et que son droit de propriété n’était protégé que pour une durée limitée ;

Le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS par observations transmises le 8 juin 2015, prie la cour :

— de dire et juger le déclinatoire du Préfet fondé,

— de constater l’incompétence de la juridiction judiciaire pour stater sur le litige,

— de renvoyer le litige au tribunal administratif de Paris et de rejeter en conséquence l’action de la société ATHO,

— à titre subsidiaire, de constater le mal fondé de l’action de la société ATHO, de rejeter son action,

— à titre infiniment subsidiaire, de constater que des motifs d’intérêt général et la protection des droits et libertés fondamentaux des personnes en situation d’exclusion justifie qu’il soit fait appel aux hôtels prétendument liés à la société ATHO, et de rejeter les conclusions à fin d’interdiction sous astreinte présentées par la société ATHO,

— en tout état de cause, de condamner la société ATHO à lui verser 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS expose que le litige porte sur la mise en jeu de sa responsabilité pour une prétendue faute commise dans le cadre de l’exécution d’un contrat administratif et/ou l’exécution de sa mission de service public ;

Que le contrat litigieux est un contrat administratif à raison de sa qualité de personne morale de droit public et du fait que l’objet du contrat fait participer la société ATHO à sa mission de service public ;

Que, le litige portant sur l’inexécution d’une clause contractuelle, le juge administratif est seul compétent ;

Que si, nouvellement en appel, la société ATHO présente le litige comme une violation de son droit de propriété pour dissocier le litige du contrat, il reste qu’il a agi dans le cadre des missions de service public administratif qui lui ont été confiées , que la responsabilité encourue par une personne publique pour les fautes commises dans l’exercice d’une mission de service public administratif dont elle a la charge relève de la compétence du tribunal administratif ;

Le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS fait encore plaider que le droit de propriété revendiqué par la société ATHO est très relatif puisqu’il ne vaut que pour une année suivant la fin des relations contractuelles et n’est opposable qu’à lui ;

Qu’il n’a commis aucune voie de fait en s’adressant directement aux hôteliers auxquels la société ATHO recourait dans le cadre de l’exécution du contrat qui les liait ;

Qu’il n’a en effet pas procédé à l’exécution forcée d’une décision dans des conditions irrégulières, et que l’ensemble des décisions prises se rattachent à l’un de ses pouvoirs , qu’il pouvait légalement ne pas renouveler la convention, décider de ne pas donner d’effet à la clause de non concurrence qui apparaît illégale, et recourir aux hôteliers du 'réseau’ de la société ATHO, constitué d’établissements indépendants libres de proposer sur le marché des chambres d’hôtel ;

Que l’atteinte au droit de propriété alléguée par la société ATHO n’est pas sérieuse, que celle-ci ne dispose d’aucun droit de propriété sur un réseau.

Le Ministère Public, par avis en date du 23 juin 2015, retenant la recevabilité du déclinatoire de compétence transmis conformément à la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des Conflits, modifiée par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, conclut que dans la mesure où la 'convention cadre’ objet du litige est un contrat administratif et en l’absence de voie de fait, il y a lieu d’accueillir le déclinatoire de compétence et d’inviter les parties à mieux se pourvoir.

Il rappelle que si la cour entend rejeter le déclinatoire de compétence, elle doit surseoir à statuer en application de l’article 22 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015.

Il considère que la convention signée par le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS et la société ATHO le 9 juillet 2004 répond aux critères du contrat administratif, ce qui ne semble pas contesté par la société ATHO, à savoir qu’il inclut une personne publique , le SAMU SOCIAL, et porte sur l’exécution d’un service public, le SAMU SOCIAL exerçant une mission de service public ;

Soulignant que la portée de la voie de fait, qui emporte malgré la nature administrative du contrat, la compétence du juge judiciaire, est limitée, il soutient que la société ATHO ne peut arguer d’un droit de propriété sur un réseau hôtelier qui serait 'le fruit de son travail', mais qui ne peut être protégé ni au titre de la propriété littéraire et artistique, ni au titre de la propriété industrielle, n’étant rattaché ni à un fonds de commerce ni à la constitution d’une clientèle, qu’il ne constitue pas un stock ; subsidiairement, que le démarchage des hôtels par le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS afin d’assurer la continuité du service public n’empêche pas la société ATHO de continuer à exploiter son réseau et d’en tirer profit en devenant prestataire pour d’autres partenaires, en sorte qu’il n’y aurait pas d’extinction du droit de propriété.

SUR CE LA COUR

Considérant que le déclinatoire du préfet de la Région Ile de France est régulièrement présenté en cause d’appel conformément à l’article 22 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 aux termes duquel 'si le jugement a admis le déclinatoire et si une partie fait appel du jugement, le Préfet peut saisir la juridiction d’appel d’un nouveau déclinatoire et, en cas de rejet de celui-ci , élever le conflit dans les mêmes conditions qu’en première instance '; qu’il est donc recevable ;

Considérant que la compétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur la demande introduite par la société ATHO et tendant à voir interdire au GIP SAMU SOCIAL DE PARIS de contracter jusqu’au 9 juillet 2015 inclus avec ses hôteliers fournisseurs et ce, sous astreinte, est déclinée par le préfet de la Région Ile de France au profit de la juridiction administrative au motif que le litige est relatif à l’exécution d’un contrat administratif, et que le SAMU SOCIAL, en ce qu’ayant résilié la convention qui le liait à la société appelante, il a démarché directement les hôteliers fournisseurs de cette société, a agi dans le cadre des missions de service public qui lui incombent ;

Considérant que la société ATHO, qui précise qu’elle ne conteste pas au GIP SAMU SOCIAL DE PARIS le droit de mettre fin au contrat, oppose à l’exception soulevée par le Préfet, auquel s’associe sur ce point le SAMU SOCIAL, que le démarchage des hôteliers dépendant du 'réseau’qu’il a créé par son travail est une atteinte au droit de propriété qu’il revendique sur ce réseau, conduisant à l’extinction de son droit, et par conséquent caractérise la voie de fait , justifiant par dérogation au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions judiciaires ;

Considérant que la cour relève que, pour être qualifiée de contrat administratif, relevant de ce fait du juge administratif, la convention doit réunir un critère organique, la présence d’une personne publique, et un critère matériel alternatif, à savoir la présence de clauses exorbitantes du droit commun ou la participation à l’exécution d’un service public ;

Considérant qu’il ressort en l’espèce de l’avenant n° 8 à la convention constitutive versée au débat, que le 'SAMU SOCIAL DE PARIS’ est un groupement d’intérêt public constitué entre l’Etat, le Département de Paris, l’établissement public de santé 'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris', l’établissement public de santé 'Hôpitaux de Saint Maurice', la Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réadaptation Sociale d’Ile de France (FNARS), l’établissement public à caractère industriel et commercial RATP et l 'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF;

Que 'le SAMU SOCIAL’ y est désigné comme 'personne morale de droit public ayant pour objet, sur le territoire du département de Paris, d’aller à la rencontre des personnes qui dans la rue paraissent en situation de détresse physique et sociale et de répondre aux appels téléphoniques concernant les personnes sans-abri’ ; qu’il peut leur proposer une orientation vers un hébergement adapté, et qu’à ce titre 'il gère un Pôle d’hébergement et de réservation hôtelière chargé d’assurer l’hébergement hôtelier des personnes en situation d’exclusion dont l’état ou la condition le justifient , en menant par ailleurs un travail de vérification et de sécurisation de la chaîne des paiements hôteliers';

Que, constitué par des personnes publiques à l’exception de la FNARS en vue d’assister les personnes les plus démunies, le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS ne peut qu’être considéré comme une personne morale de droit public ;

Considérant que la convention passée entre le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS et la société ATHO en vue de 'définir les droits et obligations des parties signataires relatives au service ci-après défini', qualifiée par les parties de contrat cadre, lie par conséquent un personne morale de droit public à un prestataire de service, la société ATHO, dans le but de pourvoir à l’hébergement des personnes orientées par le SAMU SOCIAL DE PARIS, ce qui d’évidence, de par les finalités poursuivies, constitue une mission de service public ;

Que l’objet de la convention, soit la réservation de nuitée hôtelière pour des personnes en situation d’exclusion, conduit ainsi la société ATHO à participer à la mission de service public confiée au GIP SAMU SOCIAL DE PARIS ;

Que ce contrat cadre est donc un contrat administratif, ce que ne dénie d’ailleurs pas la société ATHO dans ses écritures ;

Considérant que la demande d’interdiction portée par la société ATHO est née de ce contrat, puisque fondée sur la violation par le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS de la clause de non concurrence qui y était incluse ; que le litige né de l’application d’un contrat administratif relève de la compétence du juge administratif ;

Considérant que la société ATHO invoque toutefois l’existence d’une voie de fait ;

Considérant que selon la jurisprudence du tribunal des conflits (notamment 17 juin 2013, n° 3911 et 3 février 2014, n° 3943) il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration, soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété, et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ;

Qu’il suit de là que deux conditions cumulatives doivent être réunies :

1°) l’administration doit avoir procédé à l’exécution forcée d’une décision dans

des conditions irrégulières ou avoir pris une décision insusceptible de se rattacher à l’un de ses pouvoirs,

2°) cet acte ou cette décision doit porter une atteinte grave à une liberté individuelle ou aboutir à l’extinction d’un droit de propriété ;

Considérant qu’au soutien du moyen tiré de la voie de fait, la société ATHO entend faire constater qu’elle dispose sur le réseau d’hôteliers qu’elle a créé d’un droit de propriété dont le SAMU SOCIAL l’a spolié, et que cette appropriation sans respect des engagements écrits avec une brutalité extrême n’est pas une décision susceptible de se rattacher aux pouvoirs qu’il tient de la convention ni à aucun de ses pouvoirs ;

Considérant, sur le droit de propriété dont il est argué, que la société ATHO prétend que le réseau d’hôteliers auprès desquels elle acquiert des nuitées qu’elle propose au GIP SAMU SOCIAL DE PARIS, constitue un bien meuble incorporel, 'fruit de son travail’ de sélection des hôteliers, d’actualisation du fichier, de démarchage, de mise en place de normes comptables et de contrôles spécifiques, et de fidélisation ;

Considérant toutefois que, quels que soient les efforts fournis par la société ATHO à cette fin, celle-ci ne démontre pas en quoi le réseau en cause, constitué de relations privilégiées avec des hôteliers, sans aucune exclusivité, les hôteliers n’étant nullement astreints à ne contracter qu’avec elle, pourrait s’analyser en un meuble incorporel au sens du code civil, susceptible d’appropriation ; que le fait que ce réseau n’est protégé par la 'clause de non concurrence’ que pour un temps limité au delà duquel le GIP SAMU SOCIAL DE PARIS y aura librement accès confirme l’absence de droit de propriété sur le dit réseau ;

Que dès lors la société ATHO ne rapporte pas la preuve de l’existence du droit de propriété allégué et partant, d’un acte susceptible d’avoir abouti à l’extinction dudit droit ;

Considérant de surcroît que le démarchage direct du GIP SAMU SOCIAL DE PARIS auprès des hôteliers précédemment 'fournisseurs’ de la société ATHO en dépit de la clause de non concurrence, s’il est susceptible de caractériser une faute de nature contractuelle ou délictuelle, engageant la responsabilité du SAMU SOCIAL, tend à obtenir un hébergement pour les personnes en état de précarité en conformité avec la mission de service public qui lui est confiée ; que ces agissements ne procèdent pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose cet organisme chargé du service public en sorte que la deuxième condition, au demeurant cumulative, requise pour caractériser la voie de fait , n’est pas davantage établie, étant rappelé que la responsabilité encourue par une personne publique pour les fautes commises dans le cadre de l’exercice d’une mission de service public administratif dont elle a la charge relève de la compétence du tribunal administratif ;

Considérant en conséquence que sans qu’il y ait lieu de rechercher si la convention litigieuse est affectée d’illégalité, examen qui relève du juge du fond, la cour ne peut que constater que la société ATHO échoue à rapporter la preuve d’une voie de fait, en sorte qu’il ne peut être dérogé à la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur un litige né d’un contrat administratif ;

Qu’ il convient de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

Considérant qu’à ce stade de la procédure, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que, partie perdante, la société ATHO sera condamnée au paiement des dépens de la présente instance ;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable le déclinatoire de compétence transmise par le Préfet de Région d’Ile de France,

Déclare ce déclinatoire bien fondé, et déclare la juridiction judiciaire incompétente au profit de la juridiction administrative,

Renvoie les parties à mieux se pourvoir,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ATHO aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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