Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 1, 25 avril 2017, n° 15/01040

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 1, 25 avr. 2017, n° 15/01040
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/01040
Importance : Inédit
Dispositif : annulation
Date de dernière mise à jour : 16 mai 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRET DU 25 AVRIL 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/01040

Décision déférée à la Cour : Sentence rendue à Paris le 15 décembre 2014 par le tribunal arbitral, composé de MM. [Y], [L] (arbitres), et de M. [T], président,

DEMANDERESSE AU RECOURS :

RÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE DU VENEZUELA, représenté par le Procurador General de la República bolivariana de Venezuela, Procuraduria General de la Republica.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1] (VENEZUELA)

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Luca DE MARIA et de Me Alfredo DE JESUS O., avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : L0018 et toque : D0790

DÉFENDEURS AU RECOURS :

Monsieur [M] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (ETATS-UNIS)

représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assisté de Me Elie KLEIMAN et Me Shaparak SALEH, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : J007

Madame [S] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (ETATS-UNIS)

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Elie KLEIMAN et Me Shaparak SALEH, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : J007

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 9 mars 2017, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Madame GUIHAL, Présidente

Madame SALVARY, Conseillère

Monsieur LECAROZ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, présidente

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique GUIHAL, présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

M. [M] [H] et sa fille, Mme [S] [H], se prévalant de leur nationalité espagnole, ont engagé une procédure d’arbitrage sur le fondement de l’Accord entre le Royaume d’Espagne et la République du Venezuela pour la promotion et la protection réciproque des investissements signé à [Localité 1] le 2 novembre 1995, entré en vigueur le 10 septembre 1997 (ci-après, TBI pour traité bilatéral de protection des investissements hispano-vénézuélien). Ils sollicitaient l’indemnisation du préjudice résultant des mesures prises par les autorités vénézuéliennes à l’encontre de deux entreprises vénézuéliennes travaillant dans le secteur alimentaire, Alimentos Frisa et TransporteDole.

Les parties ont choisi un arbitrage ad hoc administré par la Cour permanente d’arbitrage de La Haye suivant le règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le Droit commercial international (CNUDCI).

Le tribunal arbitral, composé de MM. [Y], [L] (arbitres), et de M. [T], président, a rendu à Paris le 15 décembre 2014 une sentence par laquelle il s’est déclaré compétent pour trancher le différend.

Le 14 janvier 2015, la République bolivarienne du Venezuela a formé un recours contre cette sentence.

Par des conclusions notifiées le 1er février 2017, elle en poursuit l’annulation ainsi que la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 150.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle invoque la fraude procédurale (article 1520, 5° du code de procédure civile), l’incompétence du tribunal arbitral (article 1520, 1°), la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3°), la violation d’un principe d’ordre public international selon lequel les nationaux d’un Etat ne pourraient attraire celui-ci dans une instance internationale (article 1520, 5°), et l’inobservation du principe de la contradiction (article 1520, 4°).

Par des conclusions notifiées le 28 février 2017 les consorts [H] demandent à la cour de rejeter le recours, de conférer l’exequatur à la sentence et de condamner la République du Venezuela à leur payer la somme de 200.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur le premier moyen d’annulation tiré de la violation de l’ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile):

La République du Venezuela soutient que la sentence a été surprise par fraude de sorte que sa reconnaissance ou son exécution heurterait l’ordre public international. Elle fait valoir que les affirmations selon lesquelles M. [M] [H] et Mme [S] [H] ont acquis les titres des sociétés Alimentos Frisa et Transporte Dole sont mensongères, ainsi que cela résulte de leurs propres dépositions suivant lesquelles ils n’en ont pas payé le prix, et que ces mensonges ont été accrédités auprès des arbitres par la production de registres d’actionnaires et de procès- verbaux d’assemblées générales falsifiés.

Considérant que la fraude à la sentence suppose que des faux documents aient été produits, que des témoignages mensongers aient été recueillis ou que des pièces intéressant la solution du litige aient été frauduleusement dissimulées aux arbitres, de sorte que la décision de ceux-ci a été surprise;

Considérant qu’en l’espèce il n’est pas discuté que M. [M] [H], né en 1944 aux Canaries (Espagne) de père et de mère espagnols, s’est installé au Venezuela en 1961, qu’il a acquis la nationalité vénézuélienne en 1972, à une date où l’Espagne et le Venezuela n’admettaient pas la double nationalité, ce qui a cessé en 2004; que sa fille [S], née en 1980 au Venezuela, de nationalité vénézuélienne, a obtenu la nationalité espagnole en 2003;

Considérant qu’il est constant que M. [H] a, avec son frère, créé plusieurs entreprises au Venezuela dans le secteur alimentaire à compter de 1967; qu’au sein de ce groupe familial, Transporte Dole et Alimentos Frisa ont été créées, respectivement en 1998 et 1999, par deux filles de M. [H], [L] et [Y];

Considérant qu’au cours des mois de mai et juin 2010, les autorités vénézuéliennes ont pris diverses mesures de confiscation, de rétention et d’administration temporaire à l’égard des biens des sociétés Transporte Dole et Alimentos Frisa;

Considérant que la demande d’arbitrage pour l’indemnisation du préjudice résultant de ces mesures a été présentée par M. [M] [H] et Mme [S] [H], se prévalant de leur nationalité espagnole, et se déclarant propriétaires des actions de ces deux sociétés en vertu de cessions consenties par Mmes [L] et [Y] [H] en 2001 et 2006;

Considérant que la République du Venezuela conteste la réalité de ces ventes; qu’elle fait valoir, d’une part, que le recours gracieux formé le 18 avril 2011 par le conseil juridique de la société Transporte Dole, de même que la notification de controverse faite le 27 janvier 2012, désignaient Mmes [Y] et [L] [H] comme seules actionnaires de Transporte Dole, d’autre part, que si les procès-verbaux d’assemblée générale versés aux débats indiquaient que les ventes avaient été faites moyennant paiement en espèces dont il était donné quittance, il était apparu lors de l’audition sous serment des différents protagonistes qu’il n’y avait jamais eu paiement de prix, enfin, qu’une expertise graphologique démontrait que la reconstitution des registres d’actionnaires, ainsi que les procès-verbaux d’assemblée générales de Transporte Dole et Alimentos Frisa versés aux débats étaient des faux ; que la République du Venezuela ajoute qu’elle a saisi le tribunal arbitral d’un recours en révision fondé sur ces faits;

Mais considérant qu’à supposer même qu’il soit démontré que les ventes d’actions par [Y] et [L] [H] à [M] et [S] [H] n’aient pas eu lieu ou qu’elles n’aient pas été réalisées aux dates alléguées par les demandeurs à l’arbitrage, il n’en résulterait pas que la décision des arbitres aurait été surprise;

Qu’en effet, la sentence querellée porte exclusivement sur la compétence; que le tribunal arbitral, sur la compétence ratione personae, a décidé que la double nationalité hispano-vénézuélienne ne privait pas les demandeurs du bénéfice du TBI et, sur la compétence ratione materiae, qu’il n’était pas pertinent 'de s’enquérir de la nationalité des Demandeurs aux dates auxquelles ils ont effectué leurs investissements au Venezuela, du fait que ces dates ne constituent pas un facteur déterminant pour décider de l’application (du TBI)' (sentence, § 214); que le Venezuela ne soutient nullement que ces questions auraient été appréciées différemment par les arbitres si, les ventes n’ayant pas eu lieu, les personnes se prétendant lésées avaient été Mmes [Y] et [L] [H];

Que le moyen tiré de la fraude procédurale doit donc être écarté;

Sur le deuxième moyen d’annulation tiré de l’incompétence ratione personae du tribunal arbitral (article 1520, 1° du code de procédure civile) et sur le troisième moyen d’annulation tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile):

Sur la compétence, la République du Venezuela expose que la volonté d’exclure les doubles nationaux résulte des termes mêmes de la définition de l’investisseur par le TBI, ainsi que de la référence faite à la convention CIRDI, et qu’elle se déduit également des termes du traité d’amitié dans le cadre duquel le TBI a été conclu et des objectifs de ce traité. Elle soutient que les stipulations du TBI doivent s’interpréter en fonction du principe du droit international qui défend à une personne physique d’attraire son propre Etat devant une instance internationale, ou du principe selon lequel, en cas de double nationalité, il convient de rechercher la nationalité effective du requérant. Elle ajoute que le droit vénézuélien devait s’appliquer à la détermination de la nationalité.

La République du Venezuela prétend, en outre, que les arbitres en ne faisant pas application des normes internationales et internes, auxquelles le TBI renvoyait pour son interprétation, ont méconnu leur mission.

Considérant que le juge de l’annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu’il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage et d’en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres; qu’il n’en va pas différemment lorsque les arbitres sont saisis sur le fondement des stipulations d’un traité;

Considérant qu’en l’espèce, les conditions de l’offre d’arbitrage de la République du Venezuela résultent des termes du TBI signé le 2 novembre 1995 avec le Royaume d’Espagne;

Considérant que suivant l’article I de ce traité : 'Aux fins du présent Accord : 1. Le terme 'investisseur’ désigne a) Les personnes physiques qui ont la nationalité d’une des Parties contractantes en vertu de leur loi nationale et qui réalisent des investissements sur le territoire de l’autre Partie contractante';

Que les parties sont contraires sur le droit des bi-nationaux hispano-vénézuéliens de se prévaloir du traité contre l’un des Etats dont ils ont la nationalité;

Considérant que l’article XI. 4 du TBI stipule :

'L’arbitrage sera fondé sur :

a) Les dispositions du présent Accord et celles des autres accords conclus entre les parties contractantes;

b) Les règles et principes de Droit international;

c) Le droit national de la Partie contractante sur le territoire de laquelle a été réalisé l’investissement, y compris les règles relatives aux conflits de lois';

Considérant que, conformément à la coutume internationale exprimée par la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 :

'Article 31 :

1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :

a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité;

b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :

a) De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions;

b) De toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité;

c) De toute règle pertinente du droit international applicable dans les relations entre les parties;

4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties.

Article 32 :

Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31 :

a) Laisse le sens ambigu ou obscur; ou

b) Conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.';

Considérant, en premier lieu, qu’il ne résulte de cette règle, ni d’aucun principe d’interprétation, qu’il conviendrait de distinguer là où un texte ne distingue pas; que, contrairement à ce que soutient la République du Venezuela, les termes mêmes de l’article I précité du TBI ne font ressortir aucune exclusion des bi-nationaux et l’économie générale de cet instrument international ne fait pas davantage apparaître qu’un sort particulier doive leur être réservé;

Considérant, en deuxième lieu, que l’objet et le but du traité, qui, selon le préambule, sont de 'créer des conditions favorables pour les investissements réalisés par les investisseurs de chacune des Parties contractantes dans le territoire de l’autre', ne seraient que partiellement satisfaits si les investissements des bi-nationaux en étaient écartés;

Considérant, en troisième lieu, que l’article XI du TBI, relatif aux différends entre une partie contractante et des investisseurs de l’autre partie contractante, prévoit que ces litiges sont soumis, soit aux tribunaux compétents de la partie contractante sur le territoire de laquelle a été réalisé l’investissement, soit au Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) créé par la Convention de Washington du 18 mars 1965 ou au Mécanisme supplémentaire administré par le secrétariat du CIRDI, soit, si les parties en conviennent ainsi, à un tribunal arbitral ad hoc établi conformément au règlement de la CNUDCI;

Considérant que la circonstance que le Venezuela et l’Espagne aient fait de l’arbitrage sous l’égide du CIRDI – qui n’admet pas la recevabilité des requêtes de personnes physiques possédant également la nationalité de l’Etat défendeur -, l’une des modalités du règlement des différends en vertu du TBI ne saurait s’analyser comme une volonté d’exclure dans tous les cas les recours des bi-nationaux contre l’Etat dont ils ont la nationalité, alors qu’a été également prévu un arbitrage ad hoc suivant le règlement de la CNUDCI, qui ne prévoit pas une telle irrecevabilité;

Considérant qu’en l’espèce c’est cette dernière solution qui a été choisie d’un commun accord entre les consorts [H] et le Venezuela, lequel a donc accepté les conséquences procédurales qui s’attachaient à un tel choix;

Considérant, en quatrième lieu, que si le b) de l’article XI du TBI prévoit que l’arbitrage sera fondé sur 'les règles et principes de Droit international’ et si le c) de l’article 31 de la Convention de Vienne précitée énonce que les règles pertinentes du droit international applicables dans les relations entre les parties font partie du contexte à la lumière duquel un traité doit être interprété, il s’agit de règles supplétives auxquelles il ne convient de recourir que si le sens du traité est obscur ou ambigu; qu’ainsi qu’il a été dit, le TBI hispano-vénézuélien, contrairement à d’autres instruments internationaux, ne fait pas un sort particulier aux bi-nationaux, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ajouter au texte une distinction que les parties contractantes n’ont pas entendu y insérer;

Considérant, au demeurant, qu’il n’est pas établi par le Venezuela que se dégagerait des traités passés en matière de protection des investissements, de la pratique des Etats, ainsi que des décisions de justice internationale, un principe coutumier contemporain de prohibition générale pour les ressortissants d’un Etat d’attraire celui-ci dans une instance internationale, ni que le principe d’égalité juridique des Etats, rappelé par le Traité d’Amitié hispano-vénézuélien, emporterait une telle conséquence;

Que le Venezuela ne démontre pas davantage que, sous réserve de l’hypothèse de fraude, il existerait un consensus international, en matière d’arbitrage d’investissement, sur le principe de la nationalité effective, suivant lequel seuls des liens solides, multiples et durables, de nature juridique, économique et sociale permettraient à une personne physique de revendiquer dans une instance internationale la nationalité d’un Etat dont elle est formellement ressortissante;

Considérant, enfin, que si l’article XI. 4 c) précité du TBI prévoit l’application à l’arbitrage du droit national de la partie contractante sur le territoire de laquelle a été réalisé l’investissement, l’article I. 1 définit les investisseurs comme les personnes physiques ayant la nationalité d’une des parties contractantes en vertu de leur loi nationale, de sorte que la circonstance, alléguée par la recourante, que le droit vénézuélien prohiberait la double nationalité est dénuée de pertinence pour apprécier si les requérants étaient en droit de se prévaloir de la nationalité espagnole;

Considérant par conséquent que la constatation que le Royaume d’Espagne reconnaissait les consorts [H] comme ses nationaux à la date à laquelle la procédure arbitrale avait été engagée suffisait à établir la compétence ratione personae du tribunal arbitral;

que ce dernier, en faisant purement et simplement application de l’article I du TBI, n’a pas méconnu sa mission;

Considérant que les deuxième et troisième moyens d’annulation tirés de l’incompétence ratione personae du tribunal arbitral, et de l’inobservation par les arbitres de leur mission dans l’appréciation de ce chef de compétence, doivent être écartés;

Sur le quatrième moyen d’annulation tiré de l’incompétence ratione materiae du tribunal arbitral (article 1520, 1° du code de procédure civile) et sur le cinquième moyen d’annulation tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile):

La République du Venezuela soutient que pour bénéficier de la protection du TBI, il n’est pas suffisant, contrairement à ce qu’ont décidé les arbitres à la majorité, que les investisseurs aient eu la nationalité espagnole à la date à laquelle s’est produite la prétendue violation du traité et à la date de l’introduction de l’action, mais qu’il faut encore qu’ils l’aient eue à la date où ils ont réalisé leur investissement. Or, en l’espèce, en 2001, date d’acquisition des actions, les consorts [H] avaient exclusivement la nationalité vénézuélienne et les prétendues acquisitions ultérieures ne sont pas démontrées par des pièces probantes. La recourante fait grief aux arbitres de n’avoir pas fait application, non seulement des stipulations du TBI qui définissent l’investissement, mais encore des autres accords conclus entre les parties, auxquels ce traité renvoie – notamment du Traité d’amitié dont l’objectif est la promotion de l’investissement direct -, et pas davantage des principes du droit international. La République du Venezuela reproche encore au tribunal arbitral de n’avoir pas appliqué le droit vénézuélien, contrairement aux prévisions du TBI, et notamment les dispositions qui prévoient l’enregistrement des investissements étrangers, d’où il se déduit que les actifs en cause n’ayant pas été enregistrés ne pouvaient être considérés comme des investissements espagnols au Venezuela.

Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il a été dit, le TBI stipule, en son article XI. 4 que :

'L’arbitrage sera fondé sur :

a) Les dispositions du présent Accord et celles des autres accords conclus entre les parties contractantes;

b) Les règles et principes de Droit international;

c) Le droit national de la Partie contractante sur le territoire de laquelle a été réalisé l’investissement, y compris les règles relatives aux conflits de lois';

Que des stipulations du c) de cet article, la République du Venezuela déduit que seraient seuls protégés les investissements qualifiés d’étrangers en vertu de son droit national, et, par conséquent, enregistrés en cette qualité par son administration;

Mais considérant que le Venezuela ne saurait se prévaloir des dispositions de son droit interne pour faire échec aux engagements souscrits en vertu du traité; que celui-ci définissant les investissements sans aucune référence à une formalité nationale d’enregistrement, la circonstance que les actifs litigieux n’aient pas été enregistrés est sans influence sur l’application du TBI;

Considérant, toutefois, en second lieu, qu’aux termes de l’article I. 2 du TBI : 'Le terme 'investissements’ désigne tout type d’actifs, investis par des investisseurs d’une Partie contractante sur le territoire de l’autre Partie contractante'; que suivant l’article I.1 : 'Le terme 'investisseurs’ désigne : a) Les personnes physiques qui ont la nationalité d’une des Parties contractantes en vertu de leur loi nationale et qui réalisent des investissements sur le territoire de l’autre partie contractante';

Considérant que suivant le sens ordinaire à attribuer à ces termes, l’investissement n’est pas un actif simplement 'détenu’ par un investisseur de l’autre Partie contractante – ce qui exclurait toute référence à la date d’acquisition -, mais un actif 'investi’ par un investisseur de l’autre Partie contractante – ce qui renvoie nécessairement à une condition de nationalité de l’investisseur à la date de l’investissement;

Que la sentence encourt donc l’annulation en ce qu’elle exclut tout élément de temporalité dans la détermination des investissements protégés;

Sur le sixième moyen d’annulation tiré de la violation de l’ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile):

La République du Venezuela soutient qu’en permettant à des nationaux vénézuéliens d’attraire leur propre Etat devant une juridiction internationale, la sentence viole l’ordre public international.

Considérant que le principe allégué ne correspond pas à la conception française de l’ordre public international; que le moyen ne peut qu’être écarté;

Sur le septième moyen d’annulation tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction (article 1520, 4° du code de procédure civile) :

La recourante allègue que le tribunal arbitral a méconnu le principe de la contradiction en raisonnant a contrario à partir de 69 TBI signés par le Venezuela et l’Espagne avec des Etats tiers, sans que ces documents aient été produits aux débats ni discutés entre les parties.

Considérant qu’il résulte de la sentence que le tribunal arbitral a fondé sa conviction sur les termes mêmes du TBI hispano-vénézuélien, en soulignant que le recours au droit international n’était nécessaire que si la lettre du traité n’était pas suffisamment claire, ce qui n’était pas le cas à ses yeux (sentence, notamment § 157); que c’est donc seulement pour corroborer cette interprétation et expliciter leur point de vue que les arbitres se sont référés à la pratique des deux Etats parties dans leurs relations avec des Etats tiers; que cette motivation surabondante ne saurait être une cause d’annulation;

Que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction sera donc écarté;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la sentence doit être annulée, mais seulement en tant qu’elle décide que les actifs litigieux sont des investissements au sens du traité, sans considération de la nationalité des investisseurs à la date où ils ont procédé à leurs investissements;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Considérant que les deux parties succombant partiellement, il n’y a pas lieu de faire bénéficier l’une ou l’autre d’entre elles des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Annule la sentence rendue à Paris entre les parties le 15 décembre 2014, mais seulement en tant qu’elle décide que les actifs litigieux sont des investissements au sens du traité, sans considération de la nationalité des investisseurs à la date où ils ont procédé à leurs investissements.

Dit que, pour le surplus, la sentence est revêtue de l’exequatur.

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés.

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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