Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 5 janvier 2017, n° 13/11638

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 12, 5 janv. 2017, n° 13/11638
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/11638
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Auxerre, 30 octobre 2013, N° 11-02
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 05 Janvier 2017

(n° , Six pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/11638 ( jonction des instances enrôlées

sous les numéros de RG 13/11638 et 15/02827 )

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Octobre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’AUXERRE RG n° 11-02

APPELANTES

— CAISSE REGIONALE MSA DE BOURGOGNE

XXX

XXX

représentée par Me Jacques LANCELIN, avocat au barreau de DIJON, substitué par Me

Julie HERITIER, avocat au Barreau de DIJON

— XXX

XXX

Service contentieux

XXX

représenté par Me Jacques LANCELIN, avocat au barreau de DIJON, substitué par

Me Julie HERITIER, avocat au Barreau de DIJON

INTIME

Monsieur Z X

XXX

XXX

représentée par M. B C (Délégué syndical -) en vertu d’un pouvoir spécial

MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION ET DE LA PECHE Service des Affaires Juridiques

XXX

XXX

avisé – non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller,

Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère,

Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère,

Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller faisant fonction de président et par Madame Emmanuelle Mampouya greffier à laquelle la minute de la décision a été

remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur les appels régulièrement interjetés par la caisse régionale de la Mutualité sociale agricole de Bourgogne (MSA) des jugements successivement rendus les 20 mars 2012 et 31 octobre 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Auxerre dans un litige l’opposant à M. X ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que M. X a exercé une activité salariée au sein d’une société de pisciculture de 1982 à 1997 ; qu’en avril 1997, il a appris qu’il était atteint d’une leptospirose et demandé la prise en charge de cette maladie au titre du tableau n° 5 des maladies professionnelles du régime agricole ; que la MSA a reconnu l’origine professionnelle de cette maladie et l’a indemnisé à ce titre jusqu’au 23 décembre 2006, date de la consolidation de son état de santé ; qu’il a contesté cette consolidation en raison de l’aggravation de ses troubles musculaires ; qu’une première expertise a estimé que les troubles musculaires n’étaient pas imputables à la maladie professionnelle ; qu’à sa demande, le tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné une nouvelle expertise qui a retenu un lien de causalité entre la leptospirose et les complications musculaires ;

Par jugement du 22 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Auxerre a dit que la fibromyalgie dont souffre M. X est imputable à sa maladie professionnelle, fixé la date de consolidation au 23 décembre 2006 et ordonné un complément d’expertise pour fixer le taux d’incapacité de l’intéressé, en précisant l’évaluation du coefficient socio-professionnel pour perte d’emploi.

Par jugement du 31 octobre 2013, cette juridiction a fixé le taux d’incapacité globale de M. X à 60 %, le coefficient d’évaluation socio-professionnel pour perte d’emploi à 25 % et la perte de coefficient socio-professionnel attribuable au déficit de revenus durant la période 1997-2007 à 6 %.

La MSA de Bourgogne fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le premier jugement en ce qu’il retient le lien de causalité entre la fibromyalgie et la maladie professionnelle, juger le contraire et déclarer en conséquence non avenu le jugement subséquent du 31 octobre 2013. A titre subsidiaire, elle conclut à la désignation d’un collège d’experts pour déterminer si la fibromyalgie dont souffre M. X est bien imputable à sa maladie professionnelle déclarée le 28 avril 1997, dans l’affirmative, fixer le taux d’IPP de l’intéressé et faire toutes observations utiles sur l’état de santé de l’assuré. Encore plus subsidiairement, si le premier jugement était confirmé, elle demande à la cour de désigner le même collège d’experts pour déterminer uniquement le taux d’IPP de M. X. A défaut, elle demande à la cour de réduire les taux fixés après l’expertise du 22 novembre 2012. En tout état de cause, elle conclut à ce qu’il soit statué ce que droit sur les dépens.

Après avoir conclu à la recevabilité de son appel formé contre le jugement du 20 mars 2012 improprement qualifié de jugement avant dire droit et notifié avec l’indication erronée de l’absence de voie de recours, elle conteste tout lien de causalité entre les troubles musculaires dont est atteint M. X et la Leptospirose. Elle se prévaut de l’avis établi ce sens par le Professeur Smolik et fait observer que l’expertise effectuée par le Professeur Bricaire ne retient qu’une éventuelle relation temporelle entre la survenue des premiers troubles musculaires et la leptospirose tout en reconnaissant l’absence d’élément scientifique démontrant cette relation. Elle rappelle l’absence de présomption d’imputabilité en matière de maladies hors tableau comme la fibromyalgie et la nécessité en pareil cas d’établir que la maladie est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne une incapacité permanente d’un taux qui devait être en 2002 au moins égal à 66,66%. Enfin, elle critique le complément d’expertise établi par le docteur D-E en relevant que le pretium doloris, la perte de revenus et de cotisations retraite ne peuvent servir de base à l’évaluation du taux d’IPP et qu’il n’a pas été tenu compte des autres pathologies dont souffre M. X pour déterminer leur impact sur la fibromyalgie. De même, elle conteste le coefficient socio-professionnel attribuable au déficit de cotisations de retraite alors que l’intéressé a été maintenu dans ses droits pendant son arrêt maladie ainsi que le coefficient retenu pour la perte d’emploi dans la mesure où M. X a perçu des indemnités journalières durant toute sa période d’incapacité et ne justifie plus d’aucun impact professionnel depuis le 1er mars 2007 date de sa retraite anticipée.

M. X fait déposer et soutenir oralement par un défenseur syndical des conclusions demandant à la cour de déclarer irrecevable l’appel interjeté contre le premier jugement qui est une décision avant dire droit et confirmer le second. A titre subsidiaire, il conclut à la confirmation des deux jugements et ne s’oppose pas à la désignation d’un expert médical pour examiner le lien de causalité entre la leptospirose et l’ensemble des troubles musculaires dont il souffre, déterminer son taux d’incapacité global et donner son avis sur le coefficient socio-professionnel. Enfin, il demande qu’il soit statué ce que droit sur les dépens.

Il considère en effet que le syndrome de fibromyalgie se rattache à a maladie professionnelle et a d’ailleurs été pris en charge durant son incapacité temporaire. Il se prévaut de l’avis du Professeur Lyon-Caen qui a retenu que l’ensemble du tableau semble séquellaire à la leptospirose. En tout état de cause, il fait observer que les troubles musculaires ne peuvent être dissociés de la leptospirose et n’ont donc pas à suivre la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle comme s’il s’agissait d’une pathologie indépendante de celle déjà reconnue. S’agissant de l’évaluation de son taux d’incapacité, il relève que l’expert a bien exclu certaines pathologies (obésité, diabète) pour déterminer ce taux. Enfin, il considère que le coefficient socio-professionnel a été correctement calculé en fonction de la perte de ses revenus et de l’impossibilité de poursuivre son activité professionnelle et d’améliorer ainsi ses droits à retraite.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Motifs :

Considérant d’abord qu’en raison de leur connexité, il convient de joindre les instances enregistrées sous les numéros 1311638 et 1502827 qui concernent le même litige ;

Sur la recevabilité de l’appel dirigé contre le jugement du 22 mars 2012 :

Considérant que la recevabilité de cet appel est contestée par M. X au motif que le jugement attaqué serait une décision avant dire droit ;

Considérant cependant qu’en pareil cas, l’appel ne peut être formé indépendamment de celui contre la décision se prononçant sur le fond du litige et c’est bien le cas ici puisque la MSA conteste à la fois le jugement du 22 mars 2012 et celui du 31 octobre 2013 ;

Considérant qu’au demeurant, la MSA souligne à juste titre que le jugement du 22 mars 2012 ne se limite pas à ordonner une expertise médicale mais statue aussi sur le lien de causalité entre la fibromyalgie et la leptospirose d’une part et sur la date de consolidation d’autre part ;

Considérant qu’il s’agit donc en réalité d’un jugement mixte contre lequel la MSA avait la possibilité de former un appel immédiat ;

Considérant qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir attendu le 11 mars 2015 pour exercer cette voie de recours dès lors qu’en l’absence de notification indiquant la possibilité de faire appel de cette décision, le délai d’appel n’a pas couru ;

Considérant que la MSA est donc bien recevable en son appel ;

Sur l’existence d’un lien de causalité entre la leptospirose et la fibromyalgie :

Considérant que la contestation par la MSA de ce lien de causalité se fonde sur l’avis du Professeur Smolik et sur les observations de l’expert judiciaire précisant qu’en l’état actuel de la science, on ne peut trouver aucun élément démontrant une relation entre la leptospirose et la pathologie musculaire et les troubles de la marche ;

Considérant cependant que le Professeur Bricaire fait état d’une relation temporelle puisque 3 mois seulement se sont écoulés entre la survenance des premiers troubles musculaires et la guérison apparente de la leptospirose ; qu’il estime que cette temporalité peut être retenue par un tribunal après avoir relevé qu’il n’existe aucune autre explication à cette pathologie musculaire, les bilans effectués étant négatifs ;

Considérant que M. X cite également les conclusions du compte rendu de son hospitalisation à la Salpêtrière pour établir le bilan d’une faiblesse des 4 membres selon lequel 'l’ensemble du tableau semble séquellaire à la leptospirose’ ;

Considérant que l’intéressé fait aussi observer que ses troubles musculaires ont été pris en charge dans le cadre de sa maladie professionnelle et que le docteur Y a précisé que ces troubles apparaissaient comme séquellaires de sa leptospirose ;

Considérant qu’il existe donc plusieurs avis médicaux confirmant l’existence d’un lien entre la leptospirose dont souffre M. X et les troubles musculaires qui sont apparus par la suite et la relation temporelle clairement mise en avant par l’expert judiciaire permet de retenir un tel lien de causalité ;

Considérant qu’il n’est donc pas nécessaire de recourir de nouveau à une expertise ;

Considérant qu’enfin c’est à tort que la caisse soutient aujourd’hui que l’intéressé aurait dû suivre la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles pour la prise en charge de ces troubles musculaires ;

Considérant que M. X ne demande pas en effet la prise en charge d’une maladie distincte de celle dont l’origine professionnelle a déjà été reconnue mais l’indemnisation de l’ensemble des séquelles de la leptospirose ;

Considérant que, dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont décidé que la fibromyalgie était imputable à la maladie professionnelle survenue le 28 avril 1997 ;

Que le jugement du 22 mai 2012 sera donc confirmé ;

Sur l’évaluation du taux d’IPP et du coefficient socio-professionnel pour perte d’emploi ;

Considérant que dans cette matière relevant du régime agricole, un expert médical a été chargé de déterminer le taux d’incapacité permanente partielle de M. X et les parties s’opposent sur l’évaluation de cette incapacité ;

Considérant que la MSA soutient d’abord que l’expert ne devait pas tenir compte du pretium doloris dans l’évaluation du taux d’IPP ;

Considérant toutefois que l’expert a déterminé le taux d’incapacité du malade d’après la nature de ses infirmités, son état général et ses facultés physiques et mentales après la consolidation de son état de santé ;

Considérant qu’il a tenu compte de l’ensemble des séquelles de la maladie professionnelle réduisant les capacités de l’intéressé à savoir un syndrome douloureux chronique musculaire et une asthénie musculaire entraînant une perte d’autonomie ;

Considérant que l’expert ne s’est donc pas écarté de sa mission en procédant comme il l’a fait et n’encourt pas le grief d’avoir évaluer les préjudices personnels de l’intéressé au lieu de son taux d’incapacité ;

Considérant que de même, le rapport d’expertise a pris en considération le fait que M. X souffrait d’autres pathologies en distinguant ce qui relevait de la maladie professionnelle de ce qui était due à l’obésité et au diabète qu’il a exclu de l’évaluation ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de recourir à une nouvelle expertise ; Considérant que le taux d’incapacité permanente a donc été déterminé selon les critères applicables à cette évaluation et c’est à juste titre que les premiers juges ont homologué le rapport d’expertise sur ce point ;

Considérant ensuite que la MSA conteste le coefficient socio-professionnel appliqué au titre de la perte d’emploi en raison du déficit de cotisations retraite et de la perte de revenus ;

Considérant que l’organisme social justifie en effet du maintien des droits de M. X à la retraite durant toute la période de son arrêt maladie et relève que la liquidation de sa retraite est intervenue au taux maximum ;

Considérant que, dans ces conditions, le montant fixé à ce titre par l’expert apparaît trop élevé et doit être réduit à 10 %, même si l’intéressé a dû cesser son activité professionnelle de manière anticipée, ce qui l’a empêché d’améliorer le montant du salaire de base pris en compte pour le calcul de ses droits à retraite ;

Considérant qu’en revanche le coefficient de 6 % attribuable au déficit de revenus durant la période 1997-2007est justifié et rien ne permet de dire, comme le prétend la MSA, qu’il n’aurait pas été tenu compte des revenus de remplacement dans l’appréciation de ce coefficient ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu’elle ne donne pas lieu à dépens ;

Par ces motifs :

— Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros 1311638 et 1502827 ;

— Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’absence de voie de recours contre le jugement du 22 mars 2012 ;

— Déclare la caisse régionale de la Mutualité sociale agricole de Bourgogne recevable et partiellement fondé en ses appels ;

— Confirme les jugements du 22 mars 2012 et du 31 octobre 2013 sauf en ce que ce jugement fixe à 25 % le coefficient professionnel pour perte d’emploi ;

Statuant à nouveau de ce seul chef :

— Fixe à 10 % le coefficient socio-professionnel pour perte d’emploi attribuable au déficit de cotisations retraite ;

— Dit n’y avoir lieu de statuer sur les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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