Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 avril 2018, n° 16/22620

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 11 avr. 2018, n° 16/22620
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/22620
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Meaux, 6 octobre 2016, N° 14/02734
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 11 AVRIL 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/22620

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2016 – Tribunal de Grande Instance de MEAUX – RG n° 14/02734

APPELANTS

Monsieur L AA AB A

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame B AC AD A

née le […] à […]

[…]

[…]

Monsieur C A

né le […] à […]

[…]

[…]

représentés et assistés par Me Soizic NADAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0335

INTIMÉE

Madame M, U, F Y

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Philippe PAINGRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E2050

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 28 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Monique MAUMUS, Conseiller

Mme Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme H I

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme H I, Greffier.

***

J K veuve X est décédée le […] à l’âge de 83 ans, laissant pour héritiers :

— M. L A, son petit-fils,

— B A, son arrière petite-fille mineure,

— C A, son arrière petit-fils mineur.

Le règlement de sa succession a été confié à Maître Q, notaire à Boulogne-Billancourt.

Le 16 juin 2005, J X avait consenti à Mme Y un prêt de 20.000 euros, remboursable dans un délai de 10 ans, et en tout cas au décès de la prêteuse.

Sollicitée par les héritiers pour rembourser sa dette, Mme Y ne la contestait pas, mais à l’occasion d’une correspondance du 18 juillet 2012, elle indiquait qu’il lui semblait que J X avait établi un testament en sa faveur.

Le 10 septembre 2012, Maître Z, notaire à Paris, révélait à son confrère l’existence d’un testament rédigé par J X en faveur de Mme M Y dans les termes suivants :

« Je soussigné Madame X J née le […] à VARZY (58) déclare comme légataire de mes biens Madame O M domiciliée au […] née le […] à […].

Je révoque toutes dispositions testamenTAIRES ANTERIEUR à aujourd’hui.

Fait à Meaux le 4 juin 2005

En pleine position de mes moyens »

qui étaient suivis de la signature.

Saisi sur assignation par Mme Y de M. L A, de Mme B A, et de Mme AE-AF AG, agissant en qualité d’administrateur sous contrôle judiciaire de son fils mineur, M. C A, le tribunal a par jugement en date du 7 octobre 2016 pris la décision suivante :

— donne acte du désistement d’instance et d’action de Mme M Y à l’encontre de M. P Q, notaire,

— donne acte de l’acceptation du désistement d’instance et d’action par M. P Q, notaire,

— déclare parfait, en conséquence, le désistement d’instance et d’action de Mme M Y en faveur de M. P Q,

— reconnaît à Mme M O sa qualité de légataire universel dans la succession de J X,

— déclare en conséquence, nul le partage déjà intervenu entre les trois autres héritiers que sont M. L A, Mme B A et M. C A,

— dit que doit être intégrée à l’actif de la succession, la somme de 20.000 € due par Mme Y au titre du prêt qui lui a été consenti par Mme X de son vivant,

— déboute Mme Y de sa demande de voir éteinte sa dette de 20.000 € due au titre du prêt dont elle a été bénéficiaire,

— déboute M. L A, Mme B A, et Mme AE-AF AG, agissant en qualité d’administrateur sous contrôle judiciaire de son fils mineur, M. C A de leur demande de remboursement du prêt de 20.000 €,

— les déboute également de leur demande de production de justificatifs et de leurs demandes de dommages et intérêts,

— renvoie les parties devant notaire afin de procéder aux opérations de compte liquidation partage,

— rappelle qu’en cas d’échec du règlement amiable de la succession, le présent tribunal pourra être saisi en ouverture des opérations judiciaires de partage,

— les condamne aux entiers dépens de l’instance,

— dit n’y avoir lieu à allouer de somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

M. L A, Mme B A, M. C A, ci-après dénommés les consorts A, ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions du 14 février 2017, les consorts A demandent à la cour de :

— infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

— constater la nullité du testament de J X établi en faveur de Madame Y, en raison de l’insanité d’esprit de J X au moment des faits ;

En conséquence,

— débouter Madame Y de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner Madame Y à leur verser la somme de 20.000 €, à titre de remboursement du prêt avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2012 ;

— condamner Madame Y à leur verser la somme de 30.000 €, à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1372 et 1374 du code civil ;

— condamner Madame Y à leur verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— condamner Madame Y à verser à Monsieur L A la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Madame Y à verser Mademoiselle B A la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Madame Y à verser Monsieur C A la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Madame Y aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions en date du 11 avril 2017, Mme Y demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris,

En conséquence :

— confirmer sa qualité de légataire universel dans la succession de J X.

— annuler le partage déjà intervenu entres les 3 héritiers.

— dire que la somme de 20.000 € due par Mme Y sera réintégrée à l’actif de succession.

— renvoyer les parties devant Notaire afin de procéder aux opérations de comptes liquidation et partage et à défaut de règlement amiable de la succession, procéder à la saisine du tribunal compétent en ouverture des opérations judiciaires de partage,

— condamner Mademoiselle B A, Monsieur L A, Monsieur C A, chacun et solidairement, au paiement d’une somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

— condamner Mademoiselle B A, Monsieur L A, Monsieur C A, solidairement, au paiement des entiers dépens.

SUR CE, LA COUR :

Considérant que c’est par des motifs exacts, pertinents et exempts d’insuffisance que la cour adopte, que le tribunal a notamment :

'estimé valable le testament de J X en faveur de Mme M O et reconnu à celle-ci la qualité de légataire universelle ;

'déclaré en conséquence nul le partage déjà intervenu entre les trois autres héritiers sur le fondement de l’article 887 du code civil ;

'débouté les consorts A de leur demande en remboursement du prêt de 20.000 € et en leurs demandes de dommages et intérêts ;

Que les développements suivants seront seulement ajoutés pour répondre plus complètement encore à l’argumentation développée par les appelants, ainsi qu’à leur critique du jugement;

s’agissant de la validité du testament :

Considérant que l’examen pratiqué par le docteur R S, neurologue, le 15 juin 2005 a montré une bonne orientation dans le temps de J X, et que si le Docteur V-W, qui l’a examinée le 3 octobre 2005, a relevé l’existence d’un déficit mnésique, il n’a pas pour autant noté de confusion particulière en la matière, et que l’entretien qu’il a mené montre que la défunte avait conservé dans certains domaines des notions très précises, de sorte que les consorts A ne sauraient tirer argument de l’affaiblissement des fonctions intellectuelles de la testatrice, pour prétendre que le testament litigieux, qui porte la date du 4 juin 2005, n’aurait pas date certaine;

Considérant qu’ayant estimé qu’à la date du testament, J X « pouvait connaître déjà (') vraisemblablement quelques troubles du discernement », le tribunal, en en tirant la conséquence qu’il revenait à Mme Y, qui revendiquait la qualité de légataire universelle, d’établir que la testatrice, bien que diminuée sur le plan des facultés intellectuelles avait rédigé cet acte en toute connaissance de cause, consciente de l’étendue et de la portée de celui-ci, s’est borné à appliquer les principes de la charge de la preuve, en la matière ; qu’il a donc pu, sans statuer ultra petita, estimer, alors que Mme Y se serait bornée à contester les troubles du discernement de J X, qu’il était établi que cette dernière était saine d’esprit au moment de la rédaction de l’acte ;

Considérant que le caractère mensonger ou complaisant des attestations produites par Mme D n’est nullement démontré ; qu’en particulier, ce n’est pas parce que le Docteur V-W a conclu qu’elle ne comprendrait que partiellement le sens d’une audition par le juge des tutelles et n’était pas apte à comprendre le sens d’une notification des décisions de ce magistrat, que la défunte n’aurait pu exprimer auprès de son entourage son attachement à l’intimée, et son désir de lui transmettre ses biens, le premier juge ayant d’ailleurs relevé que J X avait évoqué à l’expert son amie, à qui elle aurait souhaité qu’en tant que de besoin la mesure de protection soit confiée ;

Considérant par ailleurs que le fait que J X ait dit de Mme Y qu’elle était « sa seule famille » n’implique nullement qu’elle lui ait attribué un lien de parenté qui n’existait pas, ni ait totalement oublié l’existence de son petit-fils et de ses arrière-petits-enfants, mais seulement selon les témoignages produits qu’elle éprouvait pour l’intimée une telle affection qu’elle considérait son amie « comme sa fille » et même comme « sa seule famille », en raison de l’absence de relations avec les siens, ce dont les consorts A sont défaillants à démontrer le contraire, dès lors que les seuls documents qu’ils produisent concernent des démarches postérieures au décès ;

Considérant enfin que le fait de se désigner sous son nom d’épouse est une habitude fréquente des femmes mariées, surtout de cette génération, de sorte que le fait que J X n’ait pas indiqué son nom de jeune fille dans le testament et dans le formulaire destiné à son enregistrement n’est pas davantage une preuve de son insanité d’esprit ;

Considérant en définitive qu’une grande partie de l’argumentation des consorts A est fondée sur une attestation (qui est la seule qu’ils produisent), émanant de M. T X, frère de l’époux prédécédé de J X ; que l’attestant, bien qu’il affirme être demeuré en contact (sans qu’on en connaisse la nature) avec cette dernière, ne paraît pas l’avoir vue entre mars 2003 et le 22 novembre 2005, date à laquelle l’insanité d’esprit de la testatrice est plutôt démentie qu’établie par les renseignements qu’elle a été en mesure de fournir le lendemain à l’huissier requis par ses deux beaux-frères, pour faire constater l’état de sa maison ; que s’agissant de l’emprise qu’aurait exercée Mme Y sur J X, l’attestant qui en fait état n’illustre nullement son propos par des exemples concrets permettant d’établir que la première aurait exercé une domination aliénante sur la seconde ; que le choix fait par J X de confier son testament à un notaire, qui était celui de Mme Y, n’est pas plus la preuve de manoeuvres dolosives de la part de l’intimée ;

Qu’en conséquence, il résulte de ce qui précède que les dispositions testamentaires parfaitement claires, cohérentes au regard des relations d’affection entretenues entre la testatrice et la bénéficiaire, et conformes aux souhaits dont elle avait fait part à son entourage amical, sont la traduction d’une volonté consciemment, librement et sainement exprimée, de sorte que c’est à juste titre que le tribunal en a reconnu la validité ;

s’agissant de la gestion d’affaires exercée par Mme Y :

Considérant qu’en vertu de l’article 954 du code civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et qu’en l’occurrence, au dispositif des conclusions des consorts A n’y figure aucune demande tendant à la production de justificatifs par Mme Y ;

Considérant que contrairement aux affirmations des appelants, les attestations produites par Mme Y ne permettent pas de savoir quand elle a eu connaissance de la procédure ouverte aux fins de mise sous protection judiciaire de son amie ; que l’ordonnance de désignation d’un mandataire spécial en date du 14 juin 2005 ne lui a pas été notifiée, et qu’elle n’a été entendue par le juge des tutelles, sur commission rogatoire, que le 10 janvier 2006 ; qu’il en résulte que c’est à bon droit que les premiers juges ont indiqué qu’il n’était pas établi qu’à l’époque où elle s’est occupée de la vente des biens mobiliers garnissant la maison de J X, elle ait su que son amie était placée sous sauvegarde de justice et qu’un mandataire spécial lui avait été désigné ;

Considérant que le tribunal n’a nullement écarté la faute de Mme Y, mais en a seulement atténué la portée en considération du dévouement dont elle avait fait preuve à l’égard de Mme J X ;

Considérant enfin qu’il ressort des propos recueillis par l’huissier requis le 23 novembre 2005 que J X était au courant des dispositions prises pour ses meubles et qu’elle était d’ailleurs en attente de recevoir des réponses de brocanteurs ; que la cour relève donc que les héritiers de J X, qui était libre de se défaire de ses biens et à qui Mme Y n’a fait qu’apporter une aide matérielle pour ce faire, ne disposaient pas d’un droit acquis sur les meubles, bibelots et souvenirs dont ils se plaignent qu’ils ont été dispersées, ni sur le produit de leur vente, de sorte que le préjudice invoqué est d’autant moins établi ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. L A, Mme B A et M. C A à payer à Mme Y la somme de 2 500 € et rejette leur demande formée sur ce fondement ;

Les condame in solidum aux dépens

Le Greffier, Le Président,



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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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