Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 31 août 2018, n° 18/17068
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Paris, pôle 1 - ch. 1, 31 août 2018, n° 18/17068 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
Numéro(s) : | 18/17068 |
Décision précédente : | Cour d'appel de Paris, 18 juin 2018, N° 18/00354 |
Dispositif : | Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur |
Sur les parties
- Président : Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, président
- Avocat(s) :
Texte intégral
Copies exécutoires délivrées
aux parties le :
République française
Au nom du Peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 1
ORDONNANCE DU 31 AOÛT 2018
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/17068 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ADJ
Décision déférée à la Cour : Décision du 19 Juin 2018
Autres juridictions ou autorités ayant rendu la décision attaquée devant la cour d’appel de PARIS -
RG N° 18/00354
Nature de la décision : réputée contradictoire
NOUS, Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, agissant par délégation du
Premier Président de cette Cour, assistée de Isabelle THOMAS, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
Monsieur Z A B
Chez Mme X Y
[…]
[…]
Représenté par Me Nicolas GARDERES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0293
DEMANDEUR
à
Monsieur le PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DISCIPLINE EFB
1, rue Pierre-Antoine Berryer
[…]
Non comparant, non représenté
DEFENDEUR
En présence de Madame la PROCUREURE GÉNÉRALE PRÈS LA COUR D’APPEL DE
PARIS,
[…]
[…]
Représentée par M. Michel SAVINAS, substitut du Procureur Général, entendu en ses observations
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 27 Août 2018 :
Ainsi qu’il y a été autorisé par ordonnance du 25 juillet 2017, M. A Z B, a par acte du
14 août 2018 fait assigner en référé d’heure à heure l’Ecole de formation professionnelle des barreaux
de la cour d’appel de Paris ( ci-après EFB) pour l’audience du 27 août 2018 à 14H30 devant le
délégataire du premier président, afin de voir suspendre l’application de la décision du 19 juin 2018
de l’EFB, confirmée le 26 juin 2018, lui refusant de présenter l’examen de la session 2018 du CAPA,
d’enjoindre à l’EFB de l’autoriser à se présenter à titre conservatoire aux examens à venir de la
session 2018 du CAPA et de condamner l’EFB aux dépens, ainsi qu’à lui payer 3.000 euros au titre
de l’article 700 du code de procédure civile.
L’EFB n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter à l’audience, l’assignation ayant, après
vérification de l’adresse, été déposée à l’étude de l’huissier, en l’absence de personne présente au
siège pour recevoir l’acte.
A l’audience, M. l’avocat général s’est opposé à cette demande, fût-elle présentée à titre
conservatoire, compte tenu d’une contestation sérieuse sur la possibilité pour M. B d’opposer, au
titre des dérogations possibles, un doctorat en droit obtenu à l’étranger.
SUR CE
Selon l’article 956 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le premier président peut
ordonner en référé, en cas d’appel, toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation
sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Il n’est pas contesté que M. Z A B, de nationalité béninoise, est titulaire d’un doctorat
en droit, délivré par l’université de Genève le 24 octobre 2014, qu’il a été admis à suivre la scolarité
comme élève-avocat à l’EFB, à présenter le CAPA à la session 2016, examen auquel il a échoué, puis
à suivre une nouvelle année de formation à l’EFB, en vue de représenter l’examen du CAPA en 2018.
Par courrier du 19 juin 2018, M. B a été informé que le conseil d’administration de l’EFB avait
décidé de ne pas retenir sa candidature au CAPA au motif qu’il n’était ni titulaire de l’examen d’entrée
au CRFPA, ni titulaire d’un diplôme de doctorat de droit délivré par un établissement d’enseignement
supérieur habilité par le ministre chargé de l’enseignement supérieur français, s’appuyant en cela sur
l’article 12-1 de la loi du 31 décembre 1971.
Le 26 juin 2018, l’EFB a rejeté le recours gracieux de M. B, considérant que la conseil
d’administration n’avait commis aucune erreur d’appréciation, dès lors que l’intéressé n’était pas
titulaire d’un diplôme en droit délivré par une université française, l’accord sur la reconnaissance des
diplômes entre la France et la Suisse n’étant pas opposable à l’EFB.
M. B a relevé appel au fond de cette décision devant la cour d’appel de Paris.
L’article 12-1 de la loi du 31 décembre 1971, en sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004,
portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dispose que les docteurs en droit
ont accès directement à la formation théorique et pratique prévue par l’article 12, sans avoir à subir
l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle des avocats.
M. B soutient que ni ces dispositions législatives, ni le décret d’application, n’exigent que le
doctorat en droit soit délivré par un établissement d’enseignement supérieur français, que dans le
cadre d’un accord-cadre signé le 10 septembre 2008, l’équivalence académique entre les doctorats du
système français et du système suisse a été reconnue, cet accord-cadre ayant été pris en application
de la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la
région européenne, faite à Lisbonne le 11 avril 1997, qui est intégrée dans l’ordre juridique français,
que dès lors l’article 12-1 de la loi du 31 décembre 1971 doit se lire comme ouvrant l’accès à l’EFB à
l’ensemble des titulaires d’un doctorat en droit.
Le ministère public, se fondant sur une réponse ministérielle publiée au JO du 13 avril 2010, réplique
que s’agissant de l’accès à une convention réglementée, la dérogation à l’examen d’entrée, est
d’interprétation stricte, de sorte que l’article 12-1 de la loi du 31 décembre 1971 ne bénéficie qu’aux
titulaires d’un doctorat en droit délivré par un établissement d’enseignement supérieur français.
En l’absence de précision dans l’article 12-1, il existe un débat sur le type de doctorat en droit
permettant de bénéficier du régime dérogatoire pour accéder à la formation de l’EFB et passer le
CAPA, débat qui relève de la cour d’appel au fond. Le différend, qui oppose M. B, élève-avocat
à l’EFB, concernant l’application de ce texte, a pour conséquence importante d’empêcher l’intéressé
de se présenter à l’examen du CAPA à l’issue de sa formation, après qu’il ait pourtant pu présenter
une première fois cet examen. Cette situation expose, à ce stade, M. B à une perte de chance
professionnelle.
Dans ce contexte, et eu égard à l’urgence caractérisée, les épreuves du CAPA 2018 se déroulant dans
les prochains jours, il y a lieu de permettre à M. B à se présenter, à titre conservatoire, à
l’examen du CAPA 2018, y compris aux épreuves de rattrapage.
Il convient, en conséquence de suspendre l’application de la décision du 19 juin 2018 de l’EFB,
confirmée le 26 juin 2018, et d’enjoindre à l’EFB d’autoriser M. B de se présenter, à titre
conservatoire, à l’examen du CAPA – session 2018.
Aucune considération d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure
civile. Les dépens resteront à la charge de M. B.
PAR CES MOTIFS
Vu l’urgence,
Suspendons l’application de la décision du 19 juin 2018 de l’EFB, confirmée le 26 juin 2018, et
enjoignons à l’EFB d’autoriser M. Z A B à se présenter, à titre conservatoire, à
l’examen du CAPA- session 2018,
Déboutons M. B de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Laissons les dépens du référé à la charge de M. B.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
La greffière, La Présidente
Textes cités dans la décision