Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 27 novembre 2018, n° 16/16446

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Chronologie de l’affaire

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www.bruzzodubucq.com · 16 mars 2023

Les règles de nullité des délibérations de sociétés figurent parmi les normes les plus complexes du droit des sociétés. La doctrine a mis en évidence tant l'incertitude relative au domaine des nullités que le désordre des causes de nullité (Elsa Guégan, Les nullités des décisions sociales, Dalloz, 2020). En droit des sociétés par actions simplifiées, ces imperfections résultent de l'article L. 227-9 du Code de commerce. Rappelons la structure de cet article : le premier alinéa énonce une règle de compétence des statuts en matière de détermination des conditions d'adoption des décisions …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 8, 27 nov. 2018, n° 16/16446
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/16446
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 6 juillet 2016, N° 2016019532
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/16446

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2016 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016019532

APPELANT

Monsieur B-C Y

né le […] à ISSY-LES-MOULINEAUX (92)

Demeurant : […]

[…]

Représenté par Me Christophe CANCEL, avocat au barreau de PARIS, de CBR et Associés, toque : R 139

INTIMÉS

- Monsieur Z X

né le […] à ROMANS-SUR-ISERE

Demeurant : […]

[…]

- SAS LA COMPAGNIE FINANCIERE DE BOURGOGNE

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 788 881 480 (ROMANS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 531 414 670 (AVIGNON)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentés par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me B-Pascal TRICARICO, avocat au barreau d’AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame E-F G-H, Présidente de chambre, rédacteur

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame E-F G-H dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame F LECERF

MINISTÈRE PUBLIC : l’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame E-F G-H, président et par Madame I J, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

En 2013, la société Bec Participation et M. X sont entrés au capital de la Sas Compagnie Financière de Bourgogne (CFB), qui était jusque là détenue par son dirigeant, M. Y, directement et par l’intermédiaire de sa société, la Sarl Valorisation Environnement Assistance (VEA).

A l’issue de cette opération, le capital de CFB s’est trouvé détenu par M. Y et sa société VEA, ensemble à hauteur de 34%, par la société Bec Participation à hauteur de 33% et M. X à hauteur également de 33%.

Le 6 février 2015, l’assemblée générale de CFB, convoquée par la société Bec Participation, a voté la modification de plusieurs dispositions de ses statuts.

Par nouvelle assemblée générale du 20 novembre 2015, la société CFB a révoqué M. Y de ses fonctions de président et a désigné pour lui succéder M. X.

Suivant actes des 10,11 et 14 mars 2016, M. Y a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris M. X ainsi que les sociétés Bec Participation et CFB pour voir annuler l’assemblée générale du 6 février 2015 et toutes les résolutions adoptées, ainsi que l’assemblée générale du 20 novembre 2015 et, subsidiairement, voir annuler la seconde délibération de cette assemblée générale et obtenir le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 7 juillet 2016, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. Y de toutes ses demandes et l’a condamné à payer à M. X ainsi qu’aux sociétés Bec Participation et CFB une indemnité de 1.000 euros chacun au titre des frais irrépétibles et a débouté les parties de leurs plus amples demandes.

M. Y a relevé appel de cette décision selon déclaration du 27 juillet 2016 et demande à la cour, dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 26 octobre 2016, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de nullité des assemblées générales des 6 février et 20 novembre 2015, d’annuler lesdites assemblées générales et toutes les dispositions adoptées au cours de celles-ci, en tout état de cause, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de sa révocation abusive et de condamner solidairement M. X et la société Bec Participation à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts, ainsi que 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans leurs écritures communes signifiées par voie électronique le 20 décembre 2016, M. X ainsi que les sociétés Bec Participation et CFB sollicitent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, le rejet de toutes les prétentions de M. Y et sa condamnation à leur payer à chacun 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

SUR CE

Sur la nullité de l’assemblée générale du 6 février 2015

Au cours de l’assemblée générale du 6 février 2015, les associés ont à la majorité décidé de modifier certaines dispositions statutaires, notamment l’article 19 relatif aux modalités de révocation du président.

Avant sa modification, l’article 19 des statuts stipulait que le président nommé pouvait être révoqué à tout moment sans nécessité d’un juste motif, par décision collective des associés pris à l’initiative d’un ou plusieurs associés représentant au moins 67% du capital et des droits de vote, cette révocation n’ouvrant droit à aucune indemnisation.

L’article 19 modifié prévoit que le président peut être révoqué à tout moment, sans nécessité d’un juste motif, par décision collective des associés, prise à l’initiative d’un ou plusieurs associés représentant au moins 51% du capital social et des droits de vote.

L’assemblée générale du 6 février 2015 a été convoquée le 21 janvier 2015 par la société Bec Participation se disant'Associé Habilité à convoquer une Assemblée Générale en vertu de l’article 25 des statuts'. M. Y, président en exercice et associé n’était pas présent à cette assemblée générale.

M. Y soutient que l’assemblée générale du 6 février 2015 n’a pas été régulièrement convoquée, le droit de convoquer une assemblée n’appartenant qu’au président en vertu de l’article 26 des statuts, cette disposition, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, étant parfaitement conciliable avec l’article

25 des dits statuts, qui permet aux associés de prendre l’initiative d’une décision collective en soumettant des résolutions.

L’article 25 des statuts intitulé 'MODALITÉS DES DÉCISIONS COLLECTIVES’ stipule que ' Les décisions collectives sont prises sur convocation ou à l’initiative [du] Président ou de tout associé. Elles résultent de la réunion d’une assemblée ou d’un procès-verbal signé par tous les associés [….]'.

Selon l’article 26 des statuts relatif aux 'ASSEMBLÉES',' Les associés se réunissent en assemblée sur convocation du Président au siège social ou en tout autre lieu mentionné dans la convocation. [….] L’Assemblée est présidée par le Président ou, en son absence, par un associé désigné par l’assemblée'.

Les intimés arguent d’une rédaction maladroite de l’article 26 des statuts, qui pris à la lettre prive de tout sens l’article 25 qui permet à tout associé de prendre l’initiative d’une décision collective.

L’article 26 stipule clairement que le président convoque et préside l’assemblée. Il ne comporte pas d’alternative permettant à un associé de se substituer au président pour convoquer une assemblée générale.

Si l’article 25 prévoit que les décisions collectives peuvent notamment être prises à l’initiative de tout associé, il ne confère pas davantage le droit pour tout associé de convoquer une assemblée générale. En effet, cette disposition renvoie aux seules modalités des décisions, celles-ci n’étant pas nécessairement prises au vu d’une convocation en assemblée générale, mais pouvant procéder d’un procès-verbal, hors assemblée générale, ou encore d’une résolution adoptée en assemblée générale, bien que ne figurant pas dans l’ordre du jour de la convocation fixé par le président.

C’est vainement, que les intimés soutiennent que l’article 26 priverait de tout effet l’article 25, alors que ce dernier permet à un associé de prendre l’initiative de soumettre une résolution lors d’une assemblée générale convoquée par le président ou encore de faire statuer voie de procès-verbal.

Ces deux dispositions ne présentent donc pas d’incompatibilité.

Il s’en suit que la société Bec Participation a convoqué l’assemblée générale en violation des règles statutaires. Le moyen pris de ce que M. Y n’a pas respecté la résolution adoptée à l’unanimité lors de l’assemblée générale du 31 juillet 2014, qui prévoyait la tenue d’une nouvelle assemblée générale avant le 30 septembre 2014 pour examiner le projet de modification statutaire, n’est pas de nature à faire échec à la nullité encourue, en l’absence de disposition statutaire autorisant un associé à se substituer au président défaillant, l’issue étant, dans un telle situation, de recourir à la désignation d’un mandataire ad hoc pour faire convoquer une assemblée générale.

Il y a lieu dès lors d’annuler l’assemblée générale du 6 février 2015 et par voie de conséquence toutes les résolutions qui y ont été adoptées, dont celle approuvant la modification de l’article 19 des statuts. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la nullité de l’assemblée générale du 20 novembre 2015

L’assemblée générale du 20 novembre 2015, au cours de laquelle M. Y a été révoqué, a été convoquée par la société Bec Participation et M. X, en leur qualité d’associés réunissant plus de 51% du capital et des droits de vote, habilités à convoquer une assemblée générale pour statuer sur la révocation du Président.

S’ajoute au motif de nullité déjà retenu pour annuler l’assemblée générale du 6 février 2015, le fait que la société Bec Participation et M. X ont fait application de l’article 19 des statuts en sa version modifiée, alors que la résolution ayant approuvé cette modification a été annulée.

Le jugement sera infirmé sur ce point également, la cour statuant à nouveau annulera l’assemblée générale du 20 novembre 2015, dès lors qu’elle n’a pas été régulièrement convoquée, ainsi que toutes les résolutions qui ont été votées au cours de cette assemblée.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. Y

M. Y sollicite la condamnation solidaire de la société Bec Participation et de M. X à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image et du préjudice moral que lui a occasionné sa révocation irrégulière pour des motifs fallacieux, cette décision résultant d’une intention malveillante de ses associés pour l’exclure purement et simplement de sa qualité d’associé, en application de l’article 17 des statuts.

L’annulation des délibérations prises lors de l’assemblée générale du 20 novembre 2015, affecte la révocation de M. Y.

M. Y, qui n’indique pas qu’il entend renoncer à son mandat de président de CFB, au regard du contexte, ne peut fonder sa demande d’indemnisation que sur la décision qui l’a privé de cette fonction depuis la fin de l’année 2015, de sorte que la pertinence des motifs ayant conduit la société Bec Participation et M. X à le révoquer n’a pas lieu d’être examinée. En convoquant l’assemblée générale en violation des dispositions statutaires, la société Bec Participation ainsi que M. X ont fait voter la révocation du président dans des conditions irrégulières, de sorte, qu’ils engagent leur responsabilité à l’égard de M. Y, qui s’est trouvé privé de son mandat social, sans qu’il soit nécessaire de rechercher s’ils ont agi avec la volonté de nuire.

M. Y allègue un préjudice d’image et moral.

Son préjudice moral doit être relativisé, dès lors qu’en sa qualité de président, il n’a pas convoqué une assemblée générale pour débattre de la modification des statuts, ainsi qu’il avait été convenu à l’unanimité lors de l’assemblée générale du 31 juillet 2014, se bornant à vouloir convoquer au mois de juin 2015 l’assemblée générale annuelle pour approuver les comptes.

Il ressort cependant des pièces au débat, que la banque de la société CFB avec laquelle il avait été en relations d’affaires, a effectivement été informée par son successeur du changement de dirigeant, dans des conditions qui n’avaient pas lieu d’être.

Au vu de ces éléments, la société Bec Participation et M. X seront condamnés in solidum à payer à M. Y 5.000 euros de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’équité commande d’allouer à M. Y une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes des intimés de ce chef étant rejetées, le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué à la société Bec Participation et à M. X une indemnité au titre des frais irrépétibles.

La société Bec Participation et M. X supporteront les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement,

Statuant à nouveau,

ANNULE les assemblées générales des 6 février 2015 et 20 novembre 2015 et toutes les résolutions adoptées au cours de ces assemblées générales,

CONDAMNE in solidum la société Bec Participation et M. X à payer à M. Y 5.000 euros de dommages et intérêts,

CONDAMNE in solidum la société Bec Participation et M. X à payer à M. Y 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Bec Participation, la société Compagnie Financière de Bourgogne et M. X de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE in solidum la société Bec Participation et M. X aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I J E-F G-H

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Textes cités dans la décision

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