Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 25 mai 2020, n° 19/00712

  • Déchet·
  • Douanes·
  • Combustible·
  • Four·
  • Incinération·
  • Produit énergétique·
  • Administration·
  • Aquitaine·
  • Hydrocarbure·
  • Consommation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 10, 25 mai 2020, n° 19/00712
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/00712
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 9 décembre 2018, N° 18/02238
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00712 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7CGA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG n° 18/02238

APPELANTE

SA SIAP

Ayant son siège […]

[…]

N° SIRET : 343 541 363

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Luc MANNEVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0426

INTIME

DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES

Ayant ses bureaux 2 mail X Y

[…]

Représenté par Mme Anne RADET, Inspectrice des douanes en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Z A, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Z A dans les conditions

prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SA Sarp Industries Aquitaine Pyrenees (ci-après « la SA SIAP) appartient au groupe Veolia Environnement et exerce une activité d’élimination de déchets par traitement thermique.

Dans le cadre d’un contrôle opéré sur la période du 13 juin 2010 au 31 décembre 2013, la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) a constaté que la SA SIAP n’acquittait pas la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour certains déchets brûlés dans son four d’incinération.

De ce fait, la société s’est vue notifier, sur le fondement des articles 411-1 et 411-2 g) du code des douanes, par procès-verbal du 13 juin 2016, un redressement total de 190 308 euros. Suite à sa contestation du 18 juillet 2016, le 27 janvier 2017 le montant de son redressement total a été ramené à 137 433 euros. L’avis de mise en recouvrement en découlant a été émis le 07 mars 2017.

Par courrier du 24 mai 2017, la SA SIAP a contesté le bien fondé de l’avis de mise en recouvrement, sa contestation a été rejetée par l’administration des douanes en date du 28 novembre 2017.

La SA SIAP a fait assigner le 29 janvier 2018, la DNRED devant le tribunal de grande instance de Creteil, afin d’obtenir l’annulation de la décision du 28 novembre 2017, l’avis de mise en recouvrement litigieux et l’abandon du redressement notifié à hauteur de137 433 euros.

Par jugement rendu le 10 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Créteil a statué comme suit :

Déboute la sa Sarp Industries Aquitaine Pyrénées de l’intégralité de ses prétentions ;

Dit que la Sarp Industries Aquitaine yrénées est redevable de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques à hauteur de 137 433 euros ;

En conséquence,

Valide l’avis de mise en recouvrement n°2017/11 émis le 07 mars 2017 à l’encontre de la Sa Sarp Industries Aquitaine Pyrenees pour un montant de 137.433 euros ;

Dit n’y avoir lieu à dépens sur le fondement de l’article 367 du code des douanes ;

Condamne la sa Sarp Industries Aquitaine Pyrenees à verser à l’administration des douanes une indemnité de procédure de 1 500 euros sur lefondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 24 janvier 2020, la société Sarp Industries Aquitaine Pyrénées (SIAP) demande de:

Constater que les déchets sur lesquels porte le litige concernent deux catégories bien distinctes,

Que la catégorie des déchets HPCI n’est pas utilisée comme combustible,

En conséquence

Dire que ces déchets HPCI ne sont pas soumis à la TIC,

Dire que le procès-verbal du 13 juin 2016 et la décision de l’Administration des douanes du 28 novembre 2017 doivent être corrigés en ce sens,

En tout état de cause

Condamner l’Administration des Douanes et Droits Indirects à verser à la société SIAP une somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dire que selon l’article 367 du code des douanes l’instruction est verbale et sans frais de justice à répéter de part et d’autre.

Selon écritures signifiées le 31 janvier 2020 la DNRED demande de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la 3e chambre civile du tribunal de grande instance de créteil le 10 décembre 2018 ;

Débouter la société SIAP de l’ensemble de ses demandes ;

Dire que la société SIAP est redevable de la taxe intérieure de consommation de 137 433 euros, pour avoir utilisé comme combustibles dans son four d’incinération : 2 923,94 tonnes d’huiles noires et 1234,05 tonnes de déchets hpci hydrocarburés ;

Dire régulier l’amr n° 2017/11 émis le 7 mars 2017 par la recette de la dnred d’un montant de 137 433 euros ;

Condamner la société SIAP à payer à l’administration des douanes la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dire n’y avoir lieu à dépens, en application de l’article 367 du code des douanes.

SUR CE,

La SA SIAP considère que les déchets HPCI ne peuvent être considérés comme avoir eu une utilisation de combustible.

Elle fait valoir en substance que la réglementation distingue deux phases : la phase de démarrage et la phase de fonctionnement normal du four atteignant, la température de 850°, que la TICPE s’applique sur tous les produits, y compris les déchets, introduits en phase de démarrage et de maintien en température mais ne concerne pas les déchets incinérés pour destruction, c’est-à-dire introduits pendant l’utilisation normale de l’installation.

En appel, la société ne remet plus en cause la taxation à la TICPE sur les huiles noires à hauteur de 54 075 euros, faute de données probantes relatives aux quantités d’huiles noires réellement utilisées

lors des phases de démarrage ou de maintien en température. En revanche, elle conteste être redevable de la TCIPE pour les déchets HPCI qui ne peuvent être utilisés comme combustibles.

Elle conteste le fondement de la taxe pour l’achat des déchets ; elle critique les résultats des analyses des prélèvements en remettant en cause la méthode de prélèvement, l’absence de détermination de la méthode d’application de la TIC aux déchets et le recours généralisé au principe d’équivalence, malgré l’hétérogénéité des déchets réceptionnés.

Selon l’administration des douanes :

La destination principale des déchets litigieux n’est pas la destruction mais leur combustion.

La société SIAP doit, en tant que détenteur des déchets, faire la preuve de leur statut fiscal. Or la société n’apporte aucun élément permettant de prouver que les produits litigieux ont été introduits pendant la phase d’utilisation normale du four.

Elle est fondée à tenir compte du fait que la société SIAP a acheté les déchets litigieux pour considérer que ces derniers ne sont pas simplement destinés à être détruits ; mais comme combustibles.

En l’espèce, le fait générateur de la taxe due par la société SIAP est l’utilisation des déchets comme combustible. Cette dernière n’a pas été en mesure de fournir des DFA, ni aucun autre document probant, pour l’ensemble des réceptions de produits litigieux. Les deux circulaires des 03 juillets et 08 novembre 2018 ne sont pas applicables au contentieux.

Ceci étant exposé

L’article 265 du code des douanes transpose en droit national la directive 2003/96/CE en reprenant les codes NC (nomenclature combinée) visés par l’article 2 de la directive.

Il dispose que :

Les produits énergétiques repris aux tableaux B et C ci-après, mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible sont passibles d’une taxe intérieure de consommation (..)

L’article 265 alinéa 3 précise le principe de taxation au taux applicable pour le combustible équivalent : « (…) À l’exclusion de la tourbe reprise au code NC 2703 de la nomenclature douanière, tout hydrocarbure autre que ceux pour lesquels un tarif de taxe intérieure de consommation est prévu par le présent code ou tout produit mentionné au tableau C du 1, mis en vente, utilisé ou destiné à être utilisé comme combustible, est soumis à la taxe intérieure de consommation au taux applicable pour le combustible équivalent, prévue au présent article et aux articles 266 quinquies et 266 quinquies B.'

S’agissant du statut fiscal,

Les produits énergétiques sont des produits soumis à accises, ou taxe à la consommation, qui donnent lieu à des formalités particulières. Sous certaines conditions, les produits énergétiques peuvent circuler en suspension de droits et la taxe ne sera exigible que lorsque le produit sera mis à la consommation. L’opérateur doit présenter à l’administration un document fiscal d’accompagnement (DFA)

En l’espèce, la SA SIAP, en tant que détenteur de déchets, n’a pas été en mesure de fournir des DFA, ni aucun autre document, pour l’ensemble des réceptions de produits litigieux.

S’agissant des conditions d’utilisation des déchets,

Les circulaires des 03 juillet et 08 novembre 2018 mentionnées par l’appelante ne peuvent s’appliquer au litige dès lors qu’elles sont entrées en application postérieurement à l’enquête.

La SA SIAP critique la méthode employée par l’administration des douanes et les prélèvements effectués par son laboratoire. Elle maintient que les déchets litigieux sont incinérés pour destruction, c’est-à-dire introduits pendant l’utilisation normale de l’installation.

Pour réclamer le paiement de la TIC sur deux catégories différentes de déchets réceptionnés par la société SIAP : les huiles noires et les déchets dénommés « HPCI », l’administration des douanes s’appuie sur les éléments suivants :

Elle a constaté au cours de son enquête que :

Le four exploité par la société SIAP, incinère en continu des déchets à température de 850° C, sans qu’il y ait d’apport énergétique d’un combustible « noble ». Il s’agit là d’une exigence de la réglementation environnementale, qui n’est pas contestée par la SA SIAP ;

Les déchets HPCI étaient envoyés indistinctement vers les cuves « HPCI » et « huiles » où ils étaient mélangés avec d’autres déchets à fort pouvoir calorifique inférieur.

Pour déterminer la nature de ces produits, et leurs caractéristiques physico-chimiques les enquêteurs ont effectué des prélèvements d’échantillons sur les cuves « Huiles », « HCPI » et « 'MPCI'. Les analyses réalisées par le laboratoire des douanes ont montré que les déchets litigieux relevaient du tableau C de l’article 265 du code des douanes. A la suite des rapports, l’administration des douanes a donc fait application du principe d’équivalence en vertu des dispositions de l’article 265 -3 du code des douanes précité.

L’administration des douanes a également relevé que les déchets HPCI achetés par la SA SIAP étaient utilisés comme combustibles afin de permettre le maintien de la température du four d’incinération et que l’ensemble des déchets, à fort pouvoir calorique inférieur, participaient à la production de vapeur issue du four d’incinération qui était vendue et envoyée par pipeline à la société DALKIA. Il existe ainsi un processus de récupération de la phase hydrocarburée des produits utilisés par la SA SIAP.

Au vu des factures, il est apparu que les huiles noires achetées auprès de SEVIA/SRRHU ont été utilisées, jusqu’en février 2013, en tant que combustibles. Elles ont servi lors des phases de redémarrage et de mise en température du four, également, pour le maintien de la température du four.

Dès lors que les huiles ont des caractéristiques physico-chimiques propres et que les quantités ont été déterminées, les huiles noires ont été justement taxées selon le principe d’équivalence au taux du fioul lourd. En revanche, les analyses laboratoires ont confirmé que les déchets HCPI hydrocarbures avaient une destination de combustibles.

La totalité des huiles noires achetées (2923,94 tonnes) auprès de SEVIA et SRRHU étant destinées à être utilisées en tant que combustible dans le four d’incinération, ces huiles ont été taxées , selon le principe d’équivalence, au taux du fioul lourd (taux le plus bas), soit 1,85/100 kg.

Les déchets HCPI hydrocarburés achetés (1234,05 tonnes) étant destinés à être utilisés en tant que combustible dans le four d’incinération, envoyés indistinctement vers les cuves « HCPI » et 'Huiles’ ont été taxés au taux du pétrole lampant, soit 5,66 €/hl.

Il ressort des constatations et analyses de l’administration des douanes que les déchets et huiles noires litigieux, achetés par la société SIAP, ont été utilisés pour fournir l’énergie nécessaire au four d’incinération dans le cadre de son activité de traitement thermique des déchets dangereux.

L’administration des douanes rapporte dès lors la preuve que la destination principale des déchets litigieux n’est pas la destruction mais la combustion. Comme l’a souligné le tribunal, la SIAP se contente de critiquer sans démonter en quoi les prélèvements du laboratoire ne sont pas significatifs, ni justifier d’aucune autre méthode. Elle ne rapporte aucunement la preuve que les déchets sont incinérés pour destruction. Elle n’a produit en appel aucune contre-analyse de ses cuves.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il paraît équitable d’allouer la somme de 5 000 euros au profit l’administration des douanes, au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société SIAP à payer à l’administration des douanes la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 25 mai 2020, n° 19/00712