Cour d'appel de Poitiers, 3ème chambre, 31 mai 2017, n° 15/05154

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 3e ch., 31 mai 2017, n° 15/05154
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 15/05154
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Niort, 15 novembre 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N° 68

R.G : 15/05154

XXX

Y

C/

X

XXX

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE 79

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

3e Chambre Civile

ARRÊT DU 31 MAI 2017

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/05154

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 16 novembre 2015 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT

APPELANTE :

Madame F Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Sara BELDENT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Madame G X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

a y a n t p o u r a v o c a t p o s t u l a n t e t p l a i d a n t M e G a é t a n F O R T d e l a S C P FORT-BLOUIN-MASSON-BOSSANT, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

XXX

dont le siège social est XXX

XXX

XXX

a y a n t p o u r a v o c a t p o s t u l a n t e t p l a i d a n t M e M a r i e – C h r i s t i n e P L A T d e l a S C P LACOSTE-PLAT-MAISSIN, avocat au barreau de POITIERS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE 79

dont le siège social est XXX

XXX

ayant pour avocat postulant Me Gérald FROIDEFOND de la SCP BILLY FROIDEFOND, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Luc BILLY, avocat au barreau de POITIERS, membre de la SCP BILLY-FROIDEFOND

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Katell COUHE, Président

Monsieur Claude PASCOT, Conseiller

Madame Emmanuelle LEBOUCHER, Conseiller qui a présenté son rapport

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Madame Katell COUHE, Président et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************

EXPOSE DU LITIGE :

G X a accouché à la Polyclinique Inkerman de Niort le 10 septembre 2012.

Elle est entrée à la clinique le 10 septembre 2012 à 14 XXX suite à la fissuration de la poche des eaux. A 20 heures, elle est entrée en salle de travail, les poussées ont commencé à 21 XXX, après une demi-heure ; il a été constaté que le bébé était coincé par l’épaule droite.

La sage-femme a appelé le docteur Y, médecin de garde. Ce dernier a fait usage de spatules de Z.

Le bébé est né à 22 XXX

Le docteur Y a procédé à la réparation du périnée.

G X est restée 3 jours et demi à la clinique. Le docteur A, gynécologue, a constaté le jour de la sortie que le périnée était en voie de cicatrisation.

A compter de la mi-octobre 2012, G X a souffert de maux de ventre, de diarrhée et de pertes de selles par le vagin.

Elle a consulté son gynécologue le 30 octobre 2012. Une coloscopie a été pratiquée le 28 décembre 2012 ; elle n’a pas montré de fistule recto-vaginale.

Le 20 novembre 2012, elle a consulté une sage-femme qui a constaté la présence de selles dans le vagin. Elle lui a conseillé de consulter à nouveau un gynécologue.

Elle a pris un rendez-vous avec le docteur B, gastro-entérologue, qui a prescrit une coloscopie et une fibroscopie.

Le 19 décembre 2012, lors d’un examen IRM, il a été constaté une fistule recto-vaginale.

G X a alors consulté le professeur C, qui a diagnostiqué le 4 février 2013 : 'le problème posé est celui d’une incontinence fécale sévère séquellaire d’un accouchement traumatique survenu le 10 septembre 2012" et il a préconisé une intervention aux fins de réparation sphinctérienne avec ou non colostomie. Cette opération a eu lieu le 19 février 2013. Il a pratiqué une colostomie de dérivation ; cette dernière a été fermée le 14 mai 2013.

A la demande de G X, une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés le 25 juin 2013.

L’expert a déposé son rapport le 12 décembre 2013.

Par jugement en date du 16 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Niort a :

— déclaré le docteur Y responsable du préjudice subi par G X et l’a condamné à lui verser la somme de 10.000 € à titre de provision,

— condamné le docteur Y à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 19.028,71 € à titre provisionnel et à l’indemnité forfaitaire,

— débouté G X de l’ensemble de ses demandes à l’égard de la Polyclinique Inkermann,

— condamné le docteur Y à payer à G X la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la CPAM des Deux-Sèvres et de la Polyclinique Inkermann,

— condamné le docteur Y aux dépens comprenant les frais de référé et d’expertise.

Par déclaration au greffe du 30 décembre 2015, le docteur Y a fait appel de cette décision.

Par acte en date du 29 avril 2016, G X a fait appel incident de cette décision.

Par dernières conclusions signifiées le 20 juin 2016, le docteur Y demande à la cour de :

— infirmer le jugement

— statuant à nouveau, débouter G X de l’ensemble de ses demandes,

— débouter la CPAM des Deux-Sèvres de ses demandes

— condamner G X à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner G X aux dépens comprenant les frais d’expertise.

A l’appui de ses prétentions, le docteur Y soutient qu’elle n’a commis aucune faute en lien avec les préjudices subis par G X. Elle considère qu’elle n’a commis aucune faute technique dans la mise en place des petites spatules de Z comme le souligne l’expert. Ces petites spatules étaient selon elle adaptées aux circonstances de l’accouchement excluant toute faute, même si l’expert indique qu’il aurait été préférable d’utiliser des grandes spatules.

Elle expose qu’elle n’a pas commis de faute en ne pratiquant pas d’épisiotomie, l’expert ayant seulement précisé qu’elle aurait pu éventuellement la pratiquer.

Elle demande que la Cour confirme son absence de faute dans un éventuel retard de diagnostic concernant les séquelles obstétricales.

Elle fait également valoir l’absence de lien de causalité entre les fautes, dont elle conteste l’existence, et la rupture sphinctérienne à l’origine des préjudices. Elle souligne que la rupture sphinctérienne constitue une complication classique d’un accouchement pratiqué à l’aide d’instruments mais sans que l’utilisation de ces instruments soit fautive.

Elle conclut à l’infirmation de la décision de première instance tant sur les demandes de G X que de la CPAM des Deux-Sèvres.

Par dernières conclusions signifiées le 16 mars 2016, G X sollicite de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré le docteur Y responsable du préjudice qu’elle a subi et l’a condamné à lui verser la somme de 10.000 € à titre de provision et 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le docteur Y au paiement de la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

— déclarer recevable l’appel incident qu’elle a formé,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes à l’encontre de la Polyclinique Inkermann,

— condamner solidairement la Polyclinique Inkermann et le docteur Y à l’indemniser de son préjudice lorsqu’il sera consolidé,

— condamner solidairement la Polyclinique Inkermann et le docteur Y à lui payer la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement la Polyclinique Inkermann et le docteur Y aux dépens,

— statuer ce que de droit sur les demandes de la CPAM des Deux-Sèvres.

G X soutient que le docteur Y a commis une faute d’une part, en n’utilisant pas les grandes spatules de Z car elles auraient permis un meilleur écartement des tissus mous fragilisés par la difficile descente de l’enfant et d’autre part, en ne pratiquant pas une épisiotomie pour éviter de fragiliser les tissus déjà très sollicités. Elle estime également que la responsabilité du docteur Y doit être retenue puisqu’elle a pratiqué une réfection d’une déchirure bilatérale des tissus vaginaux sans procéder aux investigations et explorations nécessaires afin de déterminer l’absence de rupture sphinctérienne. Elle fait valoir que le lien de causalité entre la rupture sphinctérienne et les préjudices subis est clairement établi.

G X expose que la responsabilité de la clinique est également engagée dans la mesure où elle n’a pas fourni un pack de ventouses, le docteur Y ne disposant pas de matériel en bon état et nécessaire à l’accouchement.

G X explique que son état de santé n’est pas consolidé mais que compte tenu des évaluations déjà faites de ses préjudices, la provision d’un montant de 10.000 € doit être confirmée.

La Polyclinique Inkermann par conclusions signifiées le 22 juin 2016 sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de G X à lui payer la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La Polyclinique Inkermann expose que sa responsabilité ne peut être recherchée que pour une absence de mise à disposition du matériel adapté à l’intervention pratiquée et non pour une faute commise par un médecin qui exerce dans la clinique à titre libéral. Elle souligne qu’aucune faute médicale n’est établie. Elle soutient qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fourni des ventouses lors de l’accouchement de G X dans la mesure où l’expert n’a pas estimé que ces instruments auraient dû être utilisés. Elle ajoute que la demande de la CPAM doit être également rejetée puisque aucune faute ne peut être retenue à son encontre. En effet, elle fait valoir d’une part qu’il n’est pas démontré qu’un pack de ventouses n’a pas été mis à la disposition du docteur Y et d’autre part que le docteur Y voulait utiliser des ventouses.

Par dernières conclusions d’intimé et d’appelante incidente signifiées le 9 mai 2016, la CPAM des Deux-Sèvres demande de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le docteur Y,

— et statuant à nouveau, déclarer responsable in solidum le docteur Y et la Polyclinique Inkermann du préjudice subi par G X,

— condamner in solidum le docteur Y et la Polyclinique Inkermann à lui payer la somme de 19.987,59 € au titre des ses débours provisoires,

— condamner in solidum le docteur Y et la Polyclinique Inkermann à lui payer la somme de 1.047 € au titre de l’indemnité forfaitaire,

— condamner in solidum le docteur Y et la Polyclinique Inkermann à lui payer la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum le docteur Y et la Polyclinique Inkermann aux dépens avec distraction.

La CPAM fait valoir que le docteur Y a commis des fautes médicales par l’utilisation de petites spatules, par l’absence d’épisiotomie et par retard de diagnostic. Elle soutient également que la clinique a commis une faute en n’ayant pas mis à la disposition du médecin un pack de ventouses, l’expert ayant indiqué que ce pack n’était pas opérationnel. Elle expose que ses débours provisoires s’élèvent au 29 janvier 2015 à la somme de 19.987,59 €, somme dont elle réclame le paiement in solidum au docteur Y et à la clinique.

L’ordonnance de clôture est en date du 1er mars 2017.

MOTIVATION :

En application de l’article L 1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Sur la responsabilité du docteur Y :

Le médecin doit apporter au patient des soins attentifs et conformes aux données acquises de la science.

La responsabilité civile du médecin ne peut être retenue que pour faute. Il appartient à la victime de rapporter la preuve de cette faute.

Le médecin engage sa responsabilité lorsqu’il commet une maladresse dans le geste technique accompli et qui occasionne un dommage au patient.

A – Sur la faute médicale du docteur Y :

* sur l’usage des petites spatules de Z :

Il ressort du rapport d’expertise médicale judiciaire que 'l’indication de la pose de spatules de Z sur une tête à +2DS en variété occipito-pubienne est strictement normale. On note que cette descente a été longue, à savoir 10 minutes, cette descente a dû être aidée par des efforts expulsifs abdominaux.[…] Les spatules qui ont été employées étaient de petites spatules de Z. Ceci peut expliquer la difficulté plus importante pour descendre la tête foetale. En effet, il peut paraître plus approprié d’employer de grandes spatules de Z qui permettent une préhension de la tête foetale et un écartement des tissus mous plus importants. Il semble que la descente aurait été alors plus facile'.

* sur l’absence d’épisiotomie :

Il ressort du rapport d’expertise médicale judiciaire que 'la déflexion de la tête avec contrôle du périnée à la vue n’a pas été faite avec une épisiotomie.[…] Devant la difficulté de la descente foetale, il eut paru peut être plus judicieux de protéger le périnée par une épisiotomie, en sachant que les spatules de Z peuvent avoir de temps à autre un côté tranchant au niveau périnéal. Le fait de faire une épisiotomie ne met pas à l’abri d’une rupture sphinctérienne. […]

L’expert ajoute 'on ne peut affirmer avec certitude que la déchirure sphinctérienne est directement liée aux gestes accomplis pendant l’accouchement. Mais le fait d’avoir une expulsion longue avec des petites spatules et non des grandes peut expliquer la fragilisation plus importante des tissus. […] Devant les difficultés à la descente du mobile foetal, il est raisonnable de penser qu’une épisiotomie large pour l’extraction de la partie basse aurait pu soulager les tissus déjà très sollicités'.

Contrairement à ce qu’affirme le docteur Y, l’expert judiciaire ne conclut pas que les petites spatules de Z étaient adaptées aux circonstances de l’accouchement de madame X, excluant toute faute technique. En effet, l’expert judiciaire indique que la présentation du bébé et les difficultés de sa descente, à savoir 10 minutes, justifiait l’utilisation de grandes spatules de Z qui permettent une meilleure préhension de la tête foetale. Ainsi l’expert conclut donc que le docteur Y aurait dû utiliser des grandes spatules de Z lors de l’accouchement de madame X, ce qui constitue bien une faute médicale technique.

De plus, l’expert judiciaire comme l’a relevé justement le juge de première instance a considéré que la pratique d’une épisiotomie aurait permis la vision directe de la manoeuvre des spatules et une protection des tissus déjà très sollicités. Si l’expert souligne que la réalisation d’une épisiotomie ne met pas à l’abri du risque d’une rupture sphinctérienne, il ne peut être contesté que la pratique d’une épisiotomie est de nature à limiter les risques de déchirures graves. Aussi, en ne pratiquant pas une épisiotomie, le docteur Y a également commis une faute technique médicale.

Le docteur Y n’a pas apporté à madame X des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science en n’utilisant pas des grandes spatules de Z et en ne pratiquant pas d’épisiotomie.

En conséquence, le jugement du tribunal de grande instance de Niort en date du 16 novembre 2015 sera confirmé en ce qu’il a reconnu l’existence de deux fautes techniques médicales commises par le docteur Y.

B- Sur le retard de diagnostic du docteur Y :

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire qu’à la suite de la naissance de l’enfant, 'il existait un volumineux oedème et un hématome périnéal vraisemblablement en rapport avec la longueur de l’extraction et les efforts d’expulsion. Le docteur Y dit avoir noté une déchirure bilatérale de la fourchette vulvaire sans dans l’immédiat avoir noté de rupture sphinctérienne. Le docteur Y a donc pratiqué une réfection d’une déchirure bilatérale des tissus vaginaux après s’être assurée d’une non-rupture sphinctérienne'.

Il ressort également des éléments du dossier que madame X est restée quatre jours à la clinique et que durant cette hospitalisation, elle n’a pas présenté de phénomène d’incontinence anale ; que ce phénomène doublé de diarrhée importante a commencé une fois qu’elle est rentrée à son domicile ; que madame X n’a pas souhaité, compte tenu des circonstances de son accouchement, consulter à la Polyclinique Inkermann, de gynécologues ; que ce n’est qu’après la consultation d’un gastro-entérologue, qui par ailleurs n’avait pas diagnostiqué de fistule recto-vaginale, que le Professeur C a diagnostiqué la rupture sphinctérienne.

L’expert judiciaire note qu’il 'peut être envisagé que la rupture sphinctérienne a été provoquée par une rupture en deux temps du sphincter qui a été traumatisé lors de l’accouchement au moment de l’expulsion de l’enfant'.

Aussi, aucun élément ne permet d’affirmer que la déchirure sphinctérienne dont a souffert madame X pouvait être décelée à l’issue de l’accouchement ou dans un temps très proche de celui-ci,

madame X n’ayant présenté les troubles d’incontinence anale, de diarrhée et de perte de selles par le vagin que six à sept jours après l’accouchement. Il ne peut dès lors être reproché au docteur Y un retard de diagnostic en n’ayant pas effectué les investigations et explorations nécessaires afin de déterminer l’absence de rupture sphinctérienne.

C- Sur le lien de causalité entre les dommages subis et les fautes commises :

Il n’est pas contesté que madame X, à la suite de son accouchement, a subi une rupture sphinctérienne à l’origine d’une incontinence anale, de diarrhée importante, de perte de selle par le vagin.

L’expert judiciaire indique 'on ne peut affirmer avec certitude que la déchirure sphinctérienne est directement liée aux gestes accomplis pendant l’accouchement. Mais le fait d’avoir eu une expulsion longue avec des petites spatules peut expliquer la fragilisation plus importante des tissus', 'on peut envisager que cette incontinence anale par rupture sphinctérienne a été provoquée par une rupture en deux temps du sphincter qui a été traumatisé lors de l’accouchement au moment de l’expulsion de l’enfant'.

De plus, le Professeur C, dans son courrier du 4 février 2013, indique 'il existe une séquelle post-obstétricale à type de déchirure du 4è degré d’environ 120 à 140 ° antérieure expliquant les troubles de continence'.

Il n’est pas établi que madame X soit porteuse d’une pathologie particulière ou ait été victime d’un traumatisme pouvant expliquer la survenance d’une rupture sphinctérienne.

Aussi, il existe bien un lien de causalité entre les conditions dans lesquelles s’est déroulé l’accouchement de madame X et la rupture sphinctérienne qu’elle a eu à subir. L’utilisation des petites spatules de Z ainsi que l’absence d’épisiotomie constituent des indices précis, graves et concordants expliquant l’existence de la rupture sphinctérienne.

En conséquence, la responsabilité du docteur Y sera confirmée.

Sur la responsabilité de la Polyclinique Inkermann :

Il appartient aux établissements de santé, qui concluent avec les patients un contrat d’hospitalisation et de soins, de respecter un certain nombre d’obligations, dont celle de mettre à disposition un matériel suffisant et conforme aux données acquises de la science et aux normes en vigueur.

L’expert judiciaire a mentionné dans son rapport : 'il semble que le docteur Y voulait utiliser une ventouse pour aider à la descente de l’enfant. Il semble que le pack de stérilisation de ventouse n’était pas complet.'

Cependant, le docteur Y n’a jamais soutenu qu’elle souhaitait recourir à l’usage de ventouse pour aider à la descente du bébé, ni qu’elle n’ait pu le faire faute de matériel adapté.

Aucun autre élément du dossier ne permet d’affirmer d’une part que le docteur Y voulait utiliser des ventouses et d’autre part que ce médecin n’a pu le faire faute de matériel adapté et conforme dans la salle d’accouchement.

En conséquence, la décision du juge de première instance constatant l’absence de faute de la Polyclinique Inkermann ne pourra qu’être confirmée.

Sur l’indemnisation des préjudices de madame X :

Il résulte du rapport d’expertise réalisée que l’état de madame X n’est pas consolidé.

Néanmoins l’expert note que madame X présente des besoins d’exonération toutes les deux heures, voir parfois plus, ce qui a des incidences sur son activité professionnelle et ses loisirs. Il chiffre les souffrances physiques et morales dans les neuf mois qui ont suivi l’accouchement à 5/7. Il chiffre le préjudice esthétique à 3/7. Il estime qu’elle a subi un préjudice d’agrément important et un préjudice sexuel également réel et important.

En conséquence, la provision d’un montant de 10.000 € accordée à madame X sera confirmée.

Sur les demandes de la CPAM des Deux-Sèvres :

La CPAM justifie de ses débours provisoires au 29 janvier 2015 à hauteur de 19.887,59 €.

Le jugement sera donc infirmé dans la mesure où la caisse réclame une somme différente de celle accordée en première instance et où le montant de l’indemnité forfaitaire de gestion n’a pas été précisé. Il sera en revanche confirmé en ce qu’il a débouté la CPAM de ses demandes à l’encontre de la Polyclinique Inkermann.

Sur les dépens :

Le docteur Y succombant pour l’essentiel en appel, elle sera condamnée aux dépens de la présente instance.

Sur les frais irrépétibles :

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le docteur Y ayant été condamné aux dépens, sera condamnée à payer à madame X la somme de 1.000€.

L’équité commande de ne pas condamner madame X aux frais irrépétibles réclamés par la Polyclinique Inkermann.

La CPAM des Deux-Sèvres bénéficiant de l’indemnité forfaitaire de gestion sera déboutée de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant après en avoir délibéré, publiquement en matière civile par décision contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de NIORT en date du 16 novembre 2015 en ce qu’il a :

— déclaré responsable le docteur F Y des dommages subis par G X à la suite de l’accouchement du 10 septembre 2012,

— condamné le docteur F Y à payer à G X la somme de 10.000 € à titre de provision,

— débouté G X de ses demandes à l’égard de la Policlinique Inkermann,

— condamné le docteur F Y à payer à G X la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure pénale,

— condamné le docteur F Y aux dépens comprenant les frais de référés et d’expertise,

— débouté la CPAM des Deux-Sèvres et la Polyclinique Inkermann de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la CPAM des Deux-Sèvres de ses demandes à l’encontre de la Polyclinique Inkermann,

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de NIORT en date du 16 novembre 2015 en ce qu’il a condamné le docteur Y à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 19.028,71 € et à l’indemnité forfaitaire sans la chiffrer et statuant à nouveau,

CONDAMNE le docteur F Y à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 19.987,59 € au titre de ses débours provisoires actualisés,

CONDAMNE le docteur F Y à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 1.047€ au titre de l’indemnité forfaitaire,

Y ajoutant,

CONDAMNE le docteur F Y à payer à G X la somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la CPAM des Deux-Sèvres et la Polyclinique Inkermann de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE le docteur F Y aux dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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