Cour d'appel de Reims, 10 décembre 2013, n° 12/01252

  • Billet à ordre·
  • Lorraine·
  • Champagne·
  • Banque populaire·
  • Industriel·
  • Aval·
  • Prêt·
  • Caution·
  • Sociétés·
  • Intérêt

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Reims, 10 déc. 2013, n° 12/01252
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 12/01252
Décision précédente : Tribunal de commerce de Reims, 13 février 2012

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 10 décembre 2013

R.G : 12/1252 joint au 12/01162

BANQUE POPULAIRE LORRAINE CHAMPAGNE

c/

X

MW

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 10 DECEMBRE 2013

APPELANTE et INTIMEE :

d’un jugement rendu le 14 février 2012 par le tribunal de commerce de REIMS,

BANQUE POPULAIRE LORRAINE CHAMPAGNE

3 rue A de Curel BP 40124

XXX

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT CAULIER-RICHARD, avocats au barreau de REIMS.

INTIME et APPELANT :

Monsieur Y X

XXX

51390 X

COMPARANT, concluant par Maître GAUDEAUX, avocat au barreau de REIMS, et ayant pour conseil Maître Rudy LAQUILLE, avocat au barreau de REIMS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame MAILLARD, présidente de chambre

Monsieur WACHTER, conseiller, entendu en son rapport

Monsieur SOIN, conseiller

GREFFIER :

Madame THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l’audience publique du 22 octobre 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2013,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2013 et signé par Madame MAILLARD, présidente de chambre, et madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * *

RAPPEL DU LITIGE

La société CNC Nettoyage Industriel, dont M. Y X était le gérant a ouvert dans les livres de la Banque Populaire Lorraine Champagne, un compte courant n°00921360087 .

Suivant acte du 1er mars 2007, la Banque Populaire Lorraine Champagne a consenti à la société CNC Nettoyage Industriel un prêt d’équipement n° 01860506 d’un montant de 5.000 € remboursable en 36 mensualités de 183,87 €, au taux effectif global de 5,466 %, destiné à l’acquisition de matériel.

Suivant acte signé le 3 janvier 2008, la Banque Populaire Lorraine Champagne a consenti à la société CNC Nettoyage Industriel un prêt professionnel n° 07001845 d’un montant de 8.000 €, remboursable en 48 mensualités de 148,07 € au taux effectif global de 5,410940 %, également destiné à financer l’acquisition de matériel.

La société CNC Nettoyage Industriel a par ailleurs émis à l’ordre de la Banque Populaire Lorraine Champagne un billet à ordre d’un montant de 60.000 € à échéance du 30 avril 2009, lequel a été avalisé le 28 février 2009.

Suivant acte sous seing privé en date du 12 mars 2009, M. Y X s’est engagé en qualité de caution de la société CNC Nettoyage Industriel en garantie de l’ensemble des engagements contractés par elle à l’égard de la Banque Populaire Lorraine Champagne à hauteur de la somme de 130.000 € couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.

Par jugement du 12 mai 2009, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société CNC Nettoyage Industriel.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 juin 2009, la Banque Populaire Lorraine Champagne a déclaré entre les mains de Me A B en sa qualité de mandataire judiciaire une créance chirographaire d’un montant de 160.929,99 €.

Le 15 septembre 2009, la Banque populaire Lorraine Champagne a fait assigner M. Y X devant le tribunal de commerce de Reims, en sa qualité de caution et d’avaliste du billet à ordre, en paiement de la somme de 153.106,97 €.

Par jugement du 14 février 2012, le tribunal de commerce, considérant notamment que le billet à ordre avait été avalisé par la société CNC Nettoyage Industriel et non par M. X à titre personnel, a :

— reçu la Banque Populaire Lorraine Champagne en ses demandes, l’a déclarée partiellement bien-fondée ;

— a débouté la Banque Populaire Lorraine Champagne de sa demande dirigée à l’encontre de M. Y X ès qualités d’avaliste de la société CNC Nettoyage Industriel pour le billet à ordre d’un montant de 60.000 € ;

— a condamné M. Y X à payer à la Banque Populaire Lorraine Champagne les sommes suivantes :

* au titre du solde débiteur du compte n°00921360087 91.214,53 €

* intérêts 1.490,80 €

* au titre du prêt n°07001845 capital 5.505,23 €

* intérêts sur capital 0,74 €

* indemnité contractuelle 10% 550,52 €

* échéance impayée 183,87 €

* intérêts sur échéance impayée 0,02 €

* au titre du prêt n°01860506 capital 1.736,86 €

* intérêts sur capital 5,20 €

* indemnité contractuelle 10% 173,69 €

— a rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties ;

— a condamné M. Y X à verser à la Banque Populaire Lorraine Champagne la somme de 300 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— a condamné M. Y X aux entiers dépens de l’instance.

La Banque Populaire Lorraine Champagne a interjeté appel de cette décision le 30 avril 2012. M. Y X a lui-aussi relevé appel du jugement le 10 mai 2012.

Les deux procédures ont fait l’objet d’une jonction.

Par conclusions notifiées le 3 octobre 2012, la Banque populaire Lorraine Champagne fait valoir que M. X a bien avalisé à titre personnel le billet à ordre émis par la société dont il était le gérant. Elle ajoute qu’en sa qualité de gérant et de caution avertie M. X ne peut se prévaloir d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et qu’il ne prouve pas en tout état de cause que le crédit octroyé à sa société était excessif.

Elle demande à la cour :

— d’infirmer le jugement entrepris du chef uniquement des demandes dirigées contre M. X au titre du billet à ordre d’une part, et au titre des intérêts dus au taux légal sur les condamnations prononcées par le tribunal de commerce, à compter de sa mise en demeure du 9 juin 2009 sur les sommes dues par la société CNC Nettoyage Industriel cautionnée ;

Statuant de nouveau sur ces chefs,

— de condamner M. X à lui payer la somme de 60.000 € au titre du billet à ordre avalisé, outre les intérêts au taux légal du 30 avril 2009 au 11 mai 2009 d’un montant de 68,53 €, augmentée des intérêts dus au taux légal sur ces sommes à compter de la mise en demeure du 9 juin 2009 ;

— de condamner M. X à lui payer les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 juin 2009 au titre des condamnations prononcées par le tribunal de commerce en vertu des sommes dues au titre du compte courant n° 00921 360087, du prêt n° 07001845, et du prêt n° 01860506 ;

— de condamner en conséquence M. X à lui payer une somme totale de 152.963,69 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 juin 2009, jusqu’à parfait paiement ;

— de condamner M. X à lui payer la somme de 3.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de débouter M. X de toutes ses autres demandes fins ou conclusions plus amples ou contraires ;

— de condamner M. X aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

Par conclusions notifiées le 3 août 2012, M. Y X demande à la cour :

— de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu qu’il n’avait pas personnellement avalisé le billet à ordre et en ce qu’il a débouté la banque de ses demandes au titre de l’aval ;

— d’infirmer le jugement sur le surplus ;

— de dire et juger que la banque a manqué à son devoir de conseil et d’information vis-à-vis de la société CNC Nettoyage Industriel et de la caution ;

— de dire et juger que la banque s’est rendue coupable de soutien abusif à une entreprise manifestement déficitaire ;

— de débouter la banque de ses demandes ;

A défaut,

— de condamner la banque à lui payer la somme de 160.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance ;

— d’ordonner la compensation entre les dommages et intérêts et les éventuelles sommes dues ;

En toute hypothèse,

— de réduire le montant de la clause pénale contenue dans les prêts à un euro symbolique ;

— de condamner la Banque Populaire Lorraine Champagne à lui verser la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner la Banque Populaire Lorraine Champagne aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me James Gaudeaux.

SUR CE, LA COUR

Sur l’aval du billet à ordre

S’agissant de l’aval d’un billet à ordre, l’article L 512-4 du code de commerce déclare applicables les dispositions de l’article L 511-21, qui énoncent notamment que l’aval est donné soit sur la lettre de change ou sur une allonge, qu’il est exprimé par les mots 'bon pour aval’ ou par toute autre formule équivalente, qu’il est signé par le donneur d’aval, que le donneur d’aval est tenu de la même manière que celui dont il s’est porté garant et que son engagement est valable, alors même que l’obligation qu’il a garantie serait nulle pour toute cause autre qu’un vice de forme. L’article L512-4 précise quant à lui que si l’aval n’indique pas pour le compte de qui il a été donné, il est réputé l’avoir été pour le compte du souscripteur du billet à ordre.

Il est constant que le 28 février 2009 la société CNC Nettoyage Industriel a souscrit au bénéfice de la BPLC un billet à ordre de 60.000€ à échéance du 30 avril 2009.

Pour s’opposer à la demande de la banque M. X fait valoir qu’il n’a pas avalisé personnellement ce billet à ordre, mais qu’il a apposé sa signature sous la mention 'bon pour aval’ en sa qualité de représentant de la société CNC Nettoyage Industriel.

Le recto du billet à ordre litigieux comporte deux exemplaires de la signature de M. X, une première en partie droite, sur l’emplacement désigné 'signature du souscripteur', et une deuxième en partie gauche, précédée de la mention manuscrite 'bon pour aval'.

Le fait que ces signatures soient toutes deux complétées par le tampon de la société CNC Nettoyage Industriel ne peut à l’évidence s’interpréter comme signifiant que l’aval aurait été donné par le dirigeant de la société au nom de celle-ci et non pas en son nom personnel, dès lors que l’opération qui consisterait pour un souscripteur à avaliser son propre engagement ne présente aucun intérêt ni pour le tireur, ni pour le bénéficiaire, et serait donc dépourvue de sens.

Il doit en conséquence être considéré que, par sa double signature du billet à ordre, M. X l’a nécessairement accepté en sa qualité de représentant légal de la société CNC Nettoyage Industriel, puis avalisé en son nom personnel.

Le jugement déféré, qui a décidé du contraire, sera infirmé sur ce point.

M. X sera condamné à ce titre à verser à la BPLC la somme de 60.000 € au titre du billet à ordre avalisé, augmentée des intérêts au taux légal du 30 avril 2009, date d’échéance de l’effet, jusqu’au 11 mai 2009, soit un montant de 68,53 €, outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la mise en demeure du 9 juin 2009.

Sur les sommes dues par M. X en sa qualité de caution

Le bien-fondé des sommes dues par la caution au titre du solde débiteur du compte courant et des deux prêts octroyés par la banque à la société cautionnée est établi par les pièces versées aux débats par la BPLC.

D’ailleurs, ces sommes ne font en elles-mêmes l’objet d’aucune contestation de la part de M. X, à la seule exception de celles relatives aux indemnités contractuelles assortissant les contrats de prêts.

Ces indemnités, qui s’analysent en des clauses pénales, sont calculées selon un pourcentage habituel en la matière, à savoir 10 % du capital restant dû, et aucune circonstance de l’espèce ne fait apparaître leur montant comme présentant un caractère manifestement excessif.

Le jugement sera donc confirmé s’agissant des sommes mises à la charge de M. X.

Il sera cependant constaté que les premiers juges, en ne statuant pas expressément sur les intérêts au taux légal produits par ces montants à compter de la mise en demeure du 9 juin 2009, comme il avait pourtant été sollicité par l’organisme bancaire, ont implicitement rejeté cette demande.

Celle-ci était pourtant fondée en droit, de telle sorte que le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la responsabilité de la banque

M. X fait valoir que la banque a manqué à un devoir de conseil et d’information à son égard ainsi qu’à celui de la société CNC nettoyage Industriel, et qu’elle s’est rendue responsable d’un soutien abusif en demandant l’émission d’un billet à ordre et en exigeant un cautionnement du dirigeant alors qu’elle savait que la situation financière de la société était compromise.

Il sera d’abord rappelé que la banque n’est pas tenue, comme le soutient M. X, d’un devoir de conseil et d’information, mais qu’elle est redevable à l’égard des seules cautions profanes d’un devoir de mise en garde.

A cet égard, il convient d’observer que M. X était depuis de nombreuses années le gérant de la société CNC Nettoyage Industriel, emprunteur et titulaire du compte courant. Il ne peut donc pas être considéré comme profane en matière de gestion d’entreprise, laquelle suppose nécessairement une connaissance des mécanismes financiers élémentaires que sont le prêt et l’engagement de caution.

Dans la mesure où M. X était rompu à ces mécanismes, qu’il était donc parfaitement apte à comprendre les enjeux, les avantages, mais aussi les risques inhérents aux concours bancaires, et qu’il ne démontre en outre pas que la banque ait possédé sur la situation de l’emprunteur des informations dont lui-même ne disposait pas, il doit incontestablement être considéré comme étant une caution avertie, à l’égard de laquelle la banque n’était pas tenue d’une obligation particulière de mise en garde.

Par ailleurs, il n’est pas justifié de la réalité d’un soutien abusif, dès lors qu’il n’est en rien démontré que l’octroi des prêts et la souscription du billet à ordre aient causé un préjudice à la société CNC Nettoyage Industriel. Ainsi, il sera rappelé que les prêts portaient tous deux sur des montants relativement modestes, qu’ils étaient destinés à l’acquisition de matériel nécessaire à l’activité de l’emprunteur, et qu’ils ont été accordés à des périodes pour lesquelles il n’est pas rapporté de difficultés financières particulières. Le billet à ordre constituait quant à lui, comme l’ont pertinemment rappelé les premiers juges, la seule solution de financement à court terme qu’ait trouvée M. X, qui a donc agi en parfaite connaissance de la situation de la société qu’il dirigeait.

Au demeurant, il n’est pas anodin de relever qu’aucune faute n’a été reprochée à la BPLC dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’égard de la société CNC Nettoyage Industriel.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées par M. X sur le fondement d’une faute de la banque.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.

M. X, qui succombe, sera condamné à verser à la BPLC la somme de 1.500 € au titre des frais de défense irrépétibles exposés à hauteur d’appel, et sera débouté de la demande qu’il a lui-même formée de ce chef.

Il sera enfin condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme partiellement le jugement rendu le 14 février 2012 par le tribunal de commerce de Reims ;

Statuant à nouveau :

Condamne M. Y X à payer à la Banque Populaire Lorraine Champagne la somme de 60.068,53 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2009 ;

Dit que les condamnations prononcées au titre du compte courant n° 00921 360087, du prêt n° 07001845, et du prêt n° 01860506 porteront intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2009 ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Condamne M. Y X à payer à la Banque Populaire Lorraine Champagne la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande formée par M. Y X sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Y X aux dépens d’appel.

Le greffier La présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Reims, 10 décembre 2013, n° 12/01252