Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 12 décembre 2017, n° 16/02687

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 12 déc. 2017, n° 16/02687
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 16/02687
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Reims, 3 décembre 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 12 décembre 2017

R.G : 16/02687

EARL SCHILTZ

Société SCEA DES COUSINS

[…]

SCA DES SERNICLAYS

c/

SARL Z

FM

Formule exécutoire le :

à

 :

—  Maître Vincent NICOLAS

—  SELARL PELLETIER & ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2017

APPELANTES :

d’un jugement rendu le 04 décembre 2015 par le tribunal de grande instance de REIMS,

EARL SCHILTZ

[…]

La Neuvillette

[…]

Société SCEA DES COUSINS

[…]

[…]

[…]

[…]

La Neuvillette

[…]

SCA DES SERNICLAYS

[…]

[…]

COMPARANT, concluant par Maître Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

SARL Z Société à responsabilité limitée inscrite au RCS de REIMS, prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège,

[…]

La Neuvillette

[…]

COMPARANT, concluant par la SELARL PELLETIER & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS, et ayant pour conseil la Maître Sylvain PELLETREAU, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, entendu en son rapport

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et Madame NICLOT, greffier, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 octobre 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 décembre 2017,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2017 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La Sarl Z exploite une activité de broyage-concassage de minéraux dans le quartier de La Neuvillette, à Reims, sur une parcelle cadastrée […].

L’Earl Schiltz, la Sca des Sarniclays et la Scea des Cousins qui loue des terres à la Sci Besace exploitent des parcelles en horticulture dans les environs et se plaignent des nuisances (émissions de poussières) subies du fait de cette activité de concassage.

Elles ont sollicité en référé une expertise et le rapport de l’expertise judiciaire de M. X a été déposé le 7 février 2013.

Par acte d’huissier en date du 16 octobre 2013, l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins, la Sci Besace et la Sca des Sarniclays ont fait assigner la Sarl Z devant le tribunal de grande instance de Reims, afin de la voir condamner à leur payer la somme de 234 624 euros en réparation de leur préjudice économique, outre 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Sarl Z a conclu au rejet des demandes.

Par jugement rendu le 4 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Reims a condamné la Sarl Z à payer à l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins, la Sci Besace et la Sca des Sarniclays la somme globale de 45 000 euros en réparation du préjudice subi et à payer à l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins et la Sca des Sarniclays la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le tribunal a considéré que les demanderesses avaient commencé leur activité horticole sur le site avant que la Sarl Z n’y lance son activité de concassage, laquelle n’a d’ailleurs jamais été valablement déclarée ; que l’expert a relevé la réalité des dépôts de poussières sur les serres et écrans des demanderesses ; que le lien de causalité d’une part entre les dépôts de poussières et l’étiolement des plants qui en résulte et d’autre part l’activité de la Sarl Z ressort tant des constatations de l’expert que de celles d’un huissier de justice ; que le préjudice causé par la perte du label AB n’est pas démontré, seuls devant être indemnisés les pertes de production (1 à 5%) et les frais de nettoyage.

Par déclaration enregistrée le 5 octobre 2016, l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins, la Sci Besace et la Sca des Sarniclays ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 3 janvier 2017, l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins, la Sci Besace et la Sca des Sarniclays demandent à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu’il a limité leur indemnisation à la somme de 45 000 euros et, statuant à nouveau sur ce point, de condamner la Sarl Z à leur payer les sommes de :

—  171 309,46 euros pour l’absence de certification AB Ecocert,

—  9 872,98 euros au titre des frais de nettoyage,

—  7 654,40 euros au titre du préjudice financier,

—  45 787,23 euros au titre du remplacement des écrans,

—  6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A l’appui de leur appel, elles font valoir :

— que l’expert judiciaire a montré le lien de causalité entre les poussières émises par la Sarl Z et l’étiolement des plants, notamment les plants de pensées, de sorte que la responsabilité de cette société est établie,

— que le phénomène d’étiolement des plants par les poussières, même s’il ne touche que 1 à 5% de la production de pensées, a nécessairement engendré la perte du label AB au cours des années 2011 (perte de 158 099,78 euros) et 2012 (13 209,68 euros),

— que les émissions de poussières les ont également obligées à multiplier les frais de nettoyage des vitres des serres, d’où une dépense supplémentaire de 9 872,98 euros,

— que le tri entre barquettes de pensées commercialisables et celles qui ne le sont pas à cause de l’étiolement a nécessité un coût de main d’oeuvre supplémentaire s’élevant à 3200 euros ht par année, soit un surcoût de 7 654,40 euros ttc pour les années 2011 et 2012,

— qu’elles ont dû remplacer les écrans sur les serres pour un prix facturé à hauteur de 45 787,23 euros,

— que ces chiffrages n’ont pas été remis en cause par l’expert.

La Sarl Z demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de dire que les appelantes ne sont pas recevables en leurs demandes, de les débouter de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La Sarl Z fait valoir :

— qu’elle conteste fermement que son activité puisse générer de quelconques poussières,

— que l’expert n’a caractérisé ni l’existence des poussières, ni leur origine,

— que l’expert n’a pas davantage voulu réaliser de mesures techniques pour mesurer la baisse de luminosité dans les serres et son effet éventuel sur les plants de pensées,

— que les précédentes expertises commandées par les assureurs n’ont pas permis de mettre en cause sa responsabilité et la DREAL elle-même a pu constater qu’elle a mis en place des dispositifs pour éviter des émissions de poussières,

— que le constat d’huissier qu’elle a fait réaliser montre la salissure généralisée des serres, y compris sur les zones où son activité ne peut plus avoir d’impact,

— que pour chiffrer leur préjudice, les appelantes produisent des courriers de la société Vegedis ou de la société Plantes Appro, alors qu’il existe des liens entre ces sociétés et les sociétés appelantes (ou leurs représentants),

— que le label AB n’a pas été retiré aux appelantes, puisque ce sont ces dernières qui ont décidé d’arrêter le processus de contrôle et de certification par Ecocert,

— que sur l’estimation des préjudices allégués, l’expert judiciaire s’est contenté de reprendre les chiffres avancés par les appelantes, sans aucune analyse critique,

— qu’elle s’est dotée d’un concasseur mobile en service sur le site de La Neuvillette depuis le début des années 1990, alors que l’activité horticole des appelantes n’a commencé qu’en décembre 1995, de sorte qu’en application de l’article L112-16 du code de la construction et de l’habitation, les appelantes sont irrecevables à demander une quelconque indemnisation,

— que les sociétés appelantes sont mal fondées à se plaindre de son activité, alors qu’elles ont, entre 2005 et 2009, installé 5 à 6 hectares de serres à proximité du site où elle est installée depuis 1972,

— que la somme de 45 000 euros accordée par le tribunal ne correspond à aucune réalité.

MOTIFS DE LA DECISION :

Vu les dernières écritures déposées par l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins, la Sci Besace et la Sca des

Sarniclays et par la Sarl Z,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 3 octobre 2017.

Sur la recevabilité de l’action en indemnisation

L’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation dispose : «Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».

Ce texte pose un régime spécial en matière de trouble de voisinage en prévoyant une exonération de responsabilité justifiée par la « pré-occupation » des lieux et un «privilège d’antériorité ». Compte tenu de son contenu dérogatoire au droit commun, il doit être interprété restrictivement. En conséquence, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour permettre son application :

— l’installation agricole, industrielle ou artisanale, commerciale ou aéronautique à l’origine des nuisances ou des dommages doit exister avant l’achat ou la location de la propriété par le demandeur à l’action ;

— l’entreprise développant l’activité source de nuisances doit établir qu’elle

est fondée à se prévaloir de l’antériorité ;

— l’auteur du trouble ne peut plus se prévaloir de l’excuse de pré-occupation si les activités litigieuses ne s’exercent pas en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires.

En l’occurrence, il résulte des pièces produites aux débats que la Sarl Z exerce sur le site de La Neuvillette une activité de broyage-concassage de produits minéraux, alors que le plan local d’urbanisme interdit les activités dites ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) sur cette zone. La Sarl Z a d’ailleurs été, pour ce motif, mise en demeure en 2009 par le préfet de la Marne de transférer les activités litigieuses sur un autre site, mise en demeure à laquelle elle n’a donné aucune suite.

La Sarl Z se prévaut d’un jugement rendu le 29 décembre 2012 par le tribunal administratif de Châlons en Champagne ayant annulé l’arrêté que le préfet avait pris le 1er juin 2011 pour la mettre en demeure de cesser toute activité relevant des ICPE sur le site de La Neuvillette. Toutefois, cette annulation est motivée par le tribunal administratif seulement par le fait que le préfet ne pouvait utiliser les prérogatives qu’il tient de la législation des ICPE pour faire respecter les prescriptions du PLU de la commune de Reims. Ce jugement ne signifie donc pas que l’activité litigieuse de la Sarl Z est compatible avec les prescriptions du PLU.

Dès lors, la Sarl Z ne peut plus se prévaloir de l’excuse de pré-occupation, puisque ses activités de broyage-concassage ne s’exercent pas en conformité avec les dispositions réglementaires du PLU.

Aussi la fin de non-recevoir tirée par la Sarl Z de l’antériorité de son activité de broyage-concassage sera-t-elle rejetée.

Sur le bien fondé de l’action en indemnisation

La responsabilité pour troubles anormaux de voisinage est un régime de responsabilité sans faute qui repose sur le fait que les relations de voisinage génèrent des inconvénients que chacun doit supporter sauf s’ils dépassent les limites de ce qu’il est habituel de supporter entre voisins.

La mise en oeuvre de cette responsabilité nécessite la preuve d’un lien de causalité entre le fait de la personne dont la responsabilité est recherchée et une nuisance constitutive d’un trouble anormal.

En l’espèce, si la Sarl Z conteste, dans le cadre de cette procédure judiciaire, les nuisances qu’elle cause au voisinage, elle ne les a pas toujours contestées. Ainsi, dans un courrier de 2007 adressé à un riverain de La Neuvillette, M. Y Z, gérant de la Sarl Z, écrivait : 'je suis entièrement d’accord avec vous en ce qui concerne les nuisances occasionnées par notre société à notre aimable voisinage, bien que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter les nuisances…'.

En ce qui concerne plus spécifiquement les nuisances causées aux activités horticoles du voisinage, les appelantes produisent un constat d’huissier de justice dressé le 11 octobre 2011. Suivant ce constat réalisé depuis le terrain de l’Earl Schiltz, où sont implantées les serres de cette dernière, l’huissier instrumentaire note qu’il entend un important bruit de machine en provenance de la parcelle de la Sarl Z ; il constate en plus du bruit un nuage de poussière qui se dégage en permanence d’une machine de type concasseur installée sur le terrain voisin, appartenant à la Sarl Z ; il relève que l’espace engazonné de l’Earl Schiltz, longeant le fonds Z, est complètement recouvert d’une fine poussière qui se soulève en panache à chaque pas ; il indique que les serres sont également recouvertes de cette même poussière et qu’à l’intérieur même des serres les plants en production de l’Earl Schiltz sont recouverts de poussière.

A son constat, l’huissier a joint des photographies illustrant l’ensemble de ces constatations. Le nuage de poussière s’élevant du terrain de la Sarl Z et se dirigeant vers les terres voisines est parfaitement visible sur les clichés photographiques ainsi versés aux débats.

L’expertise judiciaire confiée à M. A X n’a fait que confirmer l’existence de ces poussières et leur dépôt sur les serres des appelantes.

L’expert judiciaire a relevé dans les palox situés à proximité des serres une couche de poussière blanc grisâtre d’origine calcaire ou crayeuse d’une épaisseur de 0,5 mm et il précise qu’il s’agit de 'fines de concassage ou de poussières de craie soulevées par le passage, le basculement du chargement des camions de gravats au-dessus du terril de stockage'.

L’expert judiciaire ajoute que les poussières générées par les activités de la Sarl Z sur la parcelle […] 'engendrent une pollution sur les serres des quatre maraîchers riverains par opacification plus ou moins accentuée, selon les conditions météorologiques, des trois premières séries de chapelles produisant trois cycles de plantes par an dont deux cycles de pensées'. Il précise que cette pollution se traduit pour ces maraîchers par des déclassements de plants devenus difficilement commercialisables et par les préjudices annexes (remplacement de bâches écrans, lavage des serres rendu plus fréquents).

La nuisance constituée par ces poussières émises depuis le fonds de la Sarl Z et leur dépôt sur les serres voisines sont suffisamment documentés pour être incontestablement établis. L’expertise amiable et le constat d’huissier allégués par la Sarl Z ne peuvent remettre en cause les faits ainsi établis.

Une telle nuisance, dans une zone dédiée par le plan d’urbanisme de la ville de Reims à l’agriculture ou à la protection des espaces naturels, est anormale. L’expertise judiciaire montre que ces dépôts de poussière sur les serres voisines occasionnent auxdits voisins des préjudices dans leur exploitation agricole.

L’action en indemnisation formée à l’encontre de la Sarl Z par l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins et la Sca des Sarniclays est donc fondée en son principe. En revanche, comme l’avait déjà relevé et jugé le tribunal, la Sci Besace, dont l’objet social n’est pas l’exploitation agricole, n’est pas fondée à réclamer l’indemnisation de préjudices qu’elle ne démontre pas subir. Le jugement déféré sera confirmé sur tous ces points.

Sur la liquidation des préjudices

La Sarl Z doit indemniser intégralement les préjudices que son activité industrielle cause à chacun de ses

voisins, sans pertes ni profits pour ces derniers.

Les sociétés appelantes forment une demande globale. Toutefois, chacun ne peut demander que l’indemnisation de son préjudice propre et non celui d’un tiers, fût-il son voisin.

1°/ Concernant les travaux de nettoyage des vitres sur serres, la Sca des Serniclays produit une facture de nettoyage émanant de l’Eurl B C, qui a réalisé le nettoyage des vitres de deux blocs : le bloc n°5 et le bloc n°4. La facture précise : 'pour ce bloc (le bloc n°5), vu l’état d’encrassement dû à la poussière du concassage, nous avons dû nettoyer à deux reprises (traitement deux fois des surfaces)'. Il est ainsi établi que les poussières de concassage ont nécessité un surcoût pour le nettoyage de la serre n°5, les prestations ayant dû être doublées. Il apparaît donc logique de fixer le préjudice indemnisable à 50% du montant de la facture afférent à cette serre n°5 :

4300 euros (main d’oeuvre) + 1360 euros (produit de lavage) = 5 660 euros x 0,50 = 2 830 euros ht, soit 3 384,68 euros ttc.

En revanche, la facture indique que la serre n°4 a fait l’objet d’un 'nettoyage simple', sans mention de la présence de poussières de concassage. Il n’est donc pas prouvé que le nettoyage de cette serre n°4 soit imputable à l’activité de la Sarl Z.

2°/ Concernant les écrans des serres, l’expert judiciaire a relevé que 'pour compenser la perte de luminosité des bâches, leur remplacement doit être plus fréquent'. La Sca des Serniclays produit une facture de l’Eurl B C en date du 5 avril 2012 portant sur une somme de 45 787,23 euros représentant le coût de 'remplacement des écrans pour les serres de la Neuvillette sur une surface de 7800 m²'.

Les émissions de poussière causées par la Sarl Z ne font toutefois qu’accélérer le rythme de remplacement des bâches. L’Eurl B C produit une attestation dont il ressort que l’encrassement dû aux poussières oblige à les changer tous les cinq ans, alors qu’ils ont une durée de vie normale de douze ans. La totalité du coût de remplacement ne peut donc pas être imputée à la Sarl Z, qui ne doit supporter que l’accélération du remplacement qu’elle a causée par ses nuisances ; aussi supportera-t-elle les 7/12 èmes du coût de remplacement (la perte dédiée étant de sept années sur un cycle normal de douze ans) :

45 787,23 euros x 7/12 = 26 709,22 euros.

3°/ Concernant le coût financier que représente le surplus de main d’oeuvre nécessaire pour trier les plants non commercialisables à cause de la poussière ou de l’étiolement, il n’est pas contestable en son principe. Toutefois, l’expert judiciaire a estimé le taux des plantes non commercialisables compris dans une fourchette de 1 à 5%. Le taux de fréquence des plants à trier en vue de leur élimination est donc faible et la somme de 1 500 euros à accorder à chacun des trois producteurs, à savoir l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins et la Sca des Serniclays, permet la compensation intégrale de ce préjudice.

4°/ Concernant la perte du label AB, la Scea des Cousins produit trois

courriers :

— un courrier en date du 23 septembre 2011 émanant de son grossiste, la société Vegedis, qui lui demande de réagir face au problème des poussières de concassage afin d’assurer la continuité de la production de plantes bio en vue de la saison commerciale 2012,

— un courrier en date du 15 mai 2012 émanant de Vegedis qui alerte la Scea sur la persistance du problème des poussières et le risque encouru en cas d’inspection de la société Ecocert, chargée de contrôler le respect du cahier des charges de l’agriculture biologique, d’où la nécessité de délocaliser la production,

— un courrier en date du 30 juillet 2012 de la société Ecocert qui donne acte à la Scea de sa décision d’arrêter le

processus de contrôle et de certification AB de sa production au titre de l’année 2012.

Rien ne permet de remettre en cause la sincérité des propos épistolaires de la société Vegedis, personne morale distincte de la Scea des Cousins.

Il résulte de ces documents que seule la Scea des Cousins prouve l’arrêt du processus de production labellisée AB, et pour la seule année 2012. Il apparaît également que c’est la Scea des Cousins qui a elle-même pris la décision de renoncer au label AB pour l’année 2012, afin de prévenir un contrôle négatif de l’organisme certificateur.

Le problème des poussières émises par la Sarl Z a ainsi fait perdre à la Scea des Cousins la possibilité de poursuivre en 2012 sa production labellisée AB. Il ne s’agit donc pas d’une perte totale de production, mais seulement de la perte de la plus-value procurée par la labellisation. Au vu des factures produites par la Scea (pièces 49 à 53), afférentes à sa production labellisée AB de 2011, ce manque à gagner doit être fixé comme suit :

158 820,39 euros x 0,25 = 39 705,10 euros.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La Sarl Z, qui est la partie perdante, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable qu’elle soit condamnée à payer à l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins et la Sca des Sarniclays la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de celle de 3 000 euros déjà allouée à ce titre par le tribunal.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

DECLARE l’appel recevable,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la Sarl Z au paiement d’une somme globale de 45 000 euros et, statuant à nouveau sur ce point,

CONDAMNE la Sarl Z à payer :

— la somme de 3 384,68 euros à la Sca des Serniclays au titre du nettoyage des serres,

— la somme de 26 709,22 euros à la Sca des Serniclays au titre du changement accéléré des écrans,

— la somme de 1 500 euros à chacun des trois producteurs, à savoir l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins et la Sca des Serniclays, au titre du surcoût causé par le tri des plants étiolés,

— la somme de 39 705,10 euros à la Scea des Cousins au titre de la perte du label AB pour la production 2012,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée par la Sarl Z de l’antériorité de son activité de broyage-concassage,

DEBOUTE la Sarl Z de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Z à payer à l’Earl Schiltz, la Scea des Cousins et la Sca des Serniclays la somme globale de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Z aux dépens et autorise maître Vincent Nicolas, avocat, à faire application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Le greffier, Le président,

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