Cour d'appel de Rennes, Deuxième chambre comm., 23 mars 2010, n° 09/02665

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, deuxième ch. comm., 23 mars 2010, n° 09/02665
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 09/02665
Décision précédente : Tribunal de commerce de Vannes, 26 mars 2009
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT N°112

R.G : 09/02665

Société ESPRIT DE CORP. FRANCE SA

C/

Société MLVD SARL

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 MARS 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, entendu en son rapport,

Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,

GREFFIER :

M. X Y, lors des débats, et Madame Z A, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Février 2010

devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l’audience publique du 23 Mars 2010, date indiquée à l’issue des débats, après prorogation du délibéré.

****

APPELANTE :

Société ESPRIT DE CORP. FRANCE SA

XXX

XXX

représentée par la SCP GUILLOU & RENAUDIN, avoués

assistée de Me PEUFAILLIT (Cabinet J.F.A. SOUILLAC ET ASSOCIES), avocat

INTIMÉE :

Société MLVD SARL

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués

assistée de Me Patrick EVENO, avocat

EXPOSE DU LITIGE

La société à responsabilité limitée MLVD (société MLVD), créée en 2000, exploite un magasin de vêtements sous l’enseigne ESPRIT DE COCO à VANNES. Elle commande ainsi des marchandises à la société anonyme ESPRIT DE CORP FRANCE ( société ESPRIT) depuis sa création.

La société ESPRIT a réorganisé la distribution de ses produits et a notifié le 16 mai 2003 à la société MLVD la rupture de leurs relations moyennant un préavis de six mois, expirant fin novembre 2003.

La société MLVD n’a pas réglé plusieurs factures à leur échéance entre le mois d’août 2003 et le 17 octobre 2003.

La société ESPRIT l’a assignée en paiement et la société MLVD a demandé reconventionnellement des dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement du 27 mars 2009, le tribunal de commerce de VANNES a :

  • pris acte du paiement par la société MLVD à la société ESPRIT DE CORPS de la somme de 86.651,96 Euros, et du désistement de cette dernière société de sa demande sur ce point,
  • débouté la société ESPRIT de sa demande de paiement des intérêts de retard et de la clause pénale, outre des dommages-intérêts pour troubles et tracas,
  • condamné la société ESPRIT à payer à la société MLVD la somme de 80.000 Euros au titre de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales, celle de 70.000 Euros à titre de dommages-intérêts au titre de pertes annexes,
  • ordonné l’ exécution provisoire,
  • condamné la société ESPRIT à payer à la société MLVD la somme de 2.000 Euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles,
  • condamné la société ESPRIT aux dépens.

La société ESPRIT en a relevé appel.

Par conclusions du 22 décembre 2009, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé complet de son argumentation, la société ESPRIT demande à la cour de :

  • infirmer le jugement, exception faite des dispositions relatives au débouté de la société MLVD en ses demandes de dommages-intérêts pour les indemnisations d’investissement et atteinte à l’image et de donné acte du paiement,
  • condamner la société MLVD à lui payer la somme de 15.417, 35 Euros au titre des intérêts contractuels au taux de 1,5 % dus sur une somme principale de 86.651,96 € sur la période allant du 14 avril 2004 au 11 avril 2005 et d’autre part, la somme de 13.479,53 € au titre de la clause pénale égale à 15 % du montant du principal, cette dernière somme étant assortie des intérêts de droit à compter du 1er février 2005,
  • prendre acte du désistement de la société ESPRIT DE CORP de sa demande de dommages et intérêts de 1.000 Euros,
  • débouter la société MLVD de toutes ses demandes faites au titre de la rupture des relations commerciales,
  • à titre subsidiaire, constater l’absence de justification des préjudices allégués par la société MLVD, et à titre très subsidiaire, constater le caractère manifestement excessif des condamnations prononcées et les ramener à de plus justes proportions,
  • débouter la société MLVD de ses demandes d’indemnités pour frais irrépétibles,
  • condamner la société MLVD au paiement de la somme de 5.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
  • condamner la société MLVD aux dépens.

Par conclusions du 2 février 2010 auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé complet de son argumentation, la société MLVD demande à la cour de :

  • dire la société ESPRIT irrecevable et mal fondée,
  • confirmer le jugement qui a débouté la société ESPRIT de toutes ses demandes, et l’a condamnée à lui payer des dommages-intérêts, qui a donné acte du paiement et du désistement de la société ESPRIT à solliciter des dommages-intérêts sur ce point,
  • infirmer le jugement sur le quantum des dommages-intérêts alloués à la société MLVD,
  • condamner la société ESPRIT à lui payer des dommages-intérêts soit la somme de 100.000 Euros pour l’absence de préavis, celle de 350.000 Euros au titre des pertes annexes, celle de 50.000 Euros au titre de l’atteinte à l’image,
  • condamner la société ESPRIT à lui payer la somme de 5.000 Euros au titre des frais irrépétibles,
  • condamner la société ESPRIT en tous les dépens qui seront recouvrés, pour ceux d’appel, avec le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile par la SCP BAZILLE, avoué.

SUR CE

  • sur les intérêts contractuels de retard et la clause pénale :

Les factures établies par la société ESPRIT lors de ventes au profit de la société MLVD ont été payées avec retard. La société ESPRIT demande le paiement des intérêts et de la clause pénale, faisant état des conditions générales de vente applicables à l’espèce et de l’application de l’article L 441-6 al 8 du Code de commerce.

La société MLVD conteste la demande, indiquant que les conditions générales n’ont pas été portées à sa connaissance et que la preuve de ce qu’elle les a approuvées n’est pas faite. Subsidiairement, elle demande la réduction du montant de la clause pénale.

Les parties n’ont signé aucun contrat de collaboration. Les modalités d’exécution de chaque contrat de vente de marchandises intervenant entre les parties sont régies par les conditions générales de vente du fournisseur, portées au verso des factures, que la société MLVD a reçues pendant toute la durée des relations commerciales entre les deux sociétés, sans jamais les contester, et qui lui sont opposables, peu important qu’elle les ait ou non signées. La société ESPRIT les a rappelées dans la mise en demeure du 14 avril 2004.

Par ailleurs, selon les dispositions de l’article L 441-6 al 8 du Code de commerce dans sa rédaction du 15 mai 2001 applicable à la cause, les pénalités de retard pour non paiement de factures sont dues de plein droit, sans rappel.

En cas de retard dans le paiement des factures, il était du, selon les conditions générales, un intérêt de retard de 1,5 % par mois, une clause pénale d’indemnité égale à 15% du montant des créances, outre le remboursement des frais judiciaires et extrajudiciaires.

La somme payée avec retard (86.651,96 Euros) portera intérêt au taux de 1,5 % par mois à compter du 14 avril 2004, date de la mise en demeure jusqu’au 11 avril 2005, date de son paiement par la société MLVD. En l’absence de décompte de la somme de 15.417,35 Euros, il ne sera pas fait droit à cette demande de condamnation au paiement de cette somme à ce titre.

La clause pénale, que la société ESPRIT fixe à 13.479,53 Euros est manifestement excessive au regard de l’économie du contrat, de la fin imminente des relations des parties, de sorte que la clause sera réduite à la somme de 1.000 Euros.

Le jugement doit être infirmé.

  • Sur la rupture des relations contractuelles :
  • Sur la durée du préavis :

La société MLVD demande reconventionnellement des dommages-intérêts pour la rupture des relations des parties qu’elle dit brutale, réalisée avec un délai de préavis insuffisant compte tenu de ce que le magasin exploité, dans lequel elle a investi la somme de 264.000 Euros, était spécialement et intégralement dédié à la marque ESPRIT. En ouvrant deux magasins à l’enseigne ESPRIT simultanément dans la région de VANNES sans l’en informer suffisamment longtemps à l’avance, elle n’a pu se réorganiser et son chiffre d’affaires a immédiatement chuté ; dans ce contexte de concurrence, la société ESPRIT qui a voulu maintenir la notoriété de sa marque sans discontinuité, a usé d’un procédé déloyal puisque les magasins antérieurement implantés ne pouvaient qu’être déstabilisés. Elle a ainsi tenté de liquider son stock en essayant de trouver la distribution de plusieurs autres marques. Elle estime que la nature et la notoriété des produits, les efforts et investissements qu’elle a fournis pour promouvoir la marque ESPRIT sur la ville de VANNES afin de répondre à la volonté de la société ESPRIT justifiaient un préavis d’une durée plus longue que celle proposée.

La société ESPRIT conteste une rupture brutale : elle expose que les relations commerciales ont duré trois ans, que si la société MLVD a été dépendante économiquement, c’est en raison du choix délibéré qu’elle a fait et qui ne peut lui être reproché ; elle indique que la société MLVD a eu en réalité un préavis d’un an qui lui permettait de vendre des produits ESPRIT jusqu’ à la fin de la saison printemps-été 2004 alors que le préavis doit correspondre à une collection, soit six mois. Elle rappelle qu’elle n’avait aucun engagement d’exclusivité et de non concurrence vis à vis de la société MLVD, et que cette dernière, en ne souscrivant plus de commandes auprès d’elle, ne peut justifier de l’impossibilité qui était la sienne de commercialiser des produits ESPRIT. Elle indique enfin que la société MLVD a diversifié ses partenaires à partir de février 2003.

Le préavis inséré dans la lettre faisant état de la fin des relations commerciales était de six mois.

Les parties entretenaient des relations commerciales depuis l’année 2000, au cours de laquelle la société MLVD a été créée par les associés de la société PILORGET BOUTIQUE, avec laquelle la société ESPRIT était en relations commerciales depuis l’année 1990, la création de la société MLVD avait reçu l’assentiment manifeste et l’encouragement de la société ESPRIT . Les approvisionnements de la société MLVD avaient été effectués exclusivement auprès de la société ESPRIT depuis l’année 2000 jusqu’au mois de janvier 2003, époque à laquelle elle avait commencé une diversification de ses approvisionnements ; le caractère saisonnier des produits vendus, la rotation du stock, la notoriété de la marque dont elle vendait les produits imposaient à la société MLVD qu’elle recherche très rapidement d’autres fournisseurs lui proposant des marques d’une notoriété lui permettant de réaliser un chiffre d’affaires du même ordre.

Peu importe alors que le délai donné ait pu permettre à la société MLVD de vendre des produits ESPRIT pour la saison printemps-été 2004, soit encore un an, que la société MLVD ait cru bon de consacrer pendant trois années l’intégralité de ses ventes à celles des produits ESPRIT ce que la société ESPRIT ne lui avait pas imposé, ou encore que, une fois la rupture et l’implantation de nouveaux magasins connues, la société MLVD ait cru bon d’arrêter les commandes auprès de la société ESPRIT .

La réorganisation de la société MLVD ne pouvait être assurée en un délai de six mois. Le tribunal de commerce doit être approuvé pour avoir déterminé la durée du préavis que devait donner la société ESPRIT à une année.

  • Sur la réparation du préjudice subi par la société MLVD :

Celle-ci fait état de plusieurs préjudices.

Perte de chiffre d’affaires:

La société MLVD explique qu’elle a souffert d’une baisse sensible de son chiffre d’affaires, que cette dégradation est liée à la situation de concurrence née de l’implantation de deux nouveaux magasins qui justifiait qu’elle ne commande plus de produits ESPRIT et de la pratique nécessaire d’une politique de prix attractive pour se défaire des stocks de vêtements ESPRIT qu’elle ne devait plus vendre. La société ESPRIT expose que la relation contractuelle était maintenue durant le préavis, que la société MLVD a choisi une politique commerciale qu’elle doit assumer, et par ailleurs, elle ne justifie d’aucun préjudice.

Ce n’est pas la perte du chiffre c’affaires qui doit être indemnisée mais la perte de marge brute de la société MLVD pendant une année. Elle sera évaluée au regard des documents versés aux débats à la somme de 80.000 Euros comme l’a justement fait le premier juge.

Préjudices annexes :

La société MLVD fait état de pertes annexes, de la baisse subite du chiffre d’affaires, des investissements spécialement réalisés pour la marque ESPRIT, et de l’atteinte à son image.

La société ESPRIT estime que l’indemnisation de la perte du chiffre d’affaires en plus de la perte de marge brute serait de nature à sanctionner deux fois l’auteur de la rupture et à interdire toute rupture des relations commerciales. Elle ajoute que les investissements n’ont jamais été spécifiquement réalisés pour la vente des produits ESPRIT et qu’ils sont toujours valorisés en comptabilité. Enfin, la société ESPRIT indique que rien ne justifie l’atteinte à l’image dont fait état la société MLVD.

La baisse du chiffre d’affaires ne saurait être indemnisée : la société MLVD n’avait pas un droit au maintien des relations commerciales avec la société ESPRIT et n’avait pas d’exclusivité de vente des produits ESPRIT. Par ailleurs, rien ne justifie, qu’il s’agisse des documents comptables ou du rôle déterminant de l’enseigne ESPRIT pour le banquier, que les investissements réalisés lors de la création de la société MLVD ont été faits exclusivement pour ESPRIT, ou encore qu’ils sont perdus .

Enfin, l’atteinte à l’image n’est établie par aucune pièce.

Le jugement sera confirmé.

  • sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n’ y a pas lieu à frais irrépétibles. Les parties qui succombent toutes deux supporteront chacune la moitié des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qui concerne les intérêts dus sur les factures restées impayées jusqu’au 11 avril 2005 et la clause pénale d’une part, en ce qui concerne l’indemnisation des pertes annexes de la société MLVD d’autre part,

Statuant à nouveau,

Condamne la société MLVD à payer à la société ESPRIT DE CORP FRANCE les intérêts au taux de 1,5 % sur la somme de 86.651,96 Euros sur la période allant du 14 avril 2004 au 11 avril 2005, outre la somme de 1000 Euros outre les intérêts au taux légal à compter du premier février 2005 sur cette dernière somme,

Déboute la société MLVD de sa demande d’indemnité pour pertes annexes,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y additant,

Constate le désistement de la société ESPRIT DE CORP FRANCE de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 1000 Euros,

Dit n’ y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles,

Fait masse des dépens et condamne les parties à en supporter la moitié chacune,

Dit que les dépens seront recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile par la SCP BAZILLE, avoué.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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