Cour d'appel de Rennes, 11 février 2015, n° 13/00808

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 11 févr. 2015, n° 13/00808
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 13/00808

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N°94

R.G : 13/00808

Société H SAS

C/

M. AE-AF D

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 FEVRIER 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame V ELLEOUET-GIUDICELLI, Président,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller,

Madame Mariette VINAS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame T U, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Novembre 2014

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Février 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, après prorogation du délibéré initialement prévu le 04 Février 2015.

****

APPELANTE :

Société H SAS

XXX

XXX

29260 F

représentée par Me Emmanuel CUIEC, avocat au barreau de B

INTIME :

Monsieur AE-AF D

XXX

XXX

Comparant en personne, assisté de Me Frédérick DANIEL, avocat au barreau de B

INTERVENANT :

XXX

Service Contentieux

XXX

XXX

non comparant; A conclu.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. AE-AF D a été embauché, le 16 décembre 1997, par l’union des coopératives agricoles EVEN, en qualité de responsable logistique et achats mais sa prise de fonction effective n’est intervenue que le 16 mars 1998.

En 2001, il a intégré une filiale du groupe EVEN, la S.A.S. H, comme responsable logistique et qualité.

En 2007, il est devenu directeur d’exploitation chargée de la gestion de la chaîne logistique de l’entreprise.

Le 28 mars 2011, il a été licencié pou faute grave.

Le 3 mai 2011, il a saisi le conseil de prud’hommes de B pour que ce licenciement soit reconnu sans cause réelle et sérieuse et obtenir des rappels de salaire et des indemnités de rupture.

Par jugement en date du 18 mars 2013, le conseil a fait droit à ses demandes et il lui a alloué :

—  1765,24 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied et 176,52 euros de congés payés afférents

-12'073,32 euros d’indemnité de préavis et 1207,33 euros de congés payés afférents,

—  973,98 euros de rappel de salaire au titre du 13e mois et 97,40 euros de congés payés afférents,

—  178,80 euros de primes de vacances et 17,88 euros de congés payés afférents,

—  22'588,5 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,

-25'435,24 euros à titre de rappel de salaire pour dépassement de son forfait annuel en jours et 2543,52 euros de congés payés afférents,

—  50'910 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société H a relevé appel de cette décision.

Dans des conclusions transmises par J, le 20 janvier 2014, qu’il a fait développer à la barre, et qui seront tenues ici pour intégralement reprises, il expose ses arguments et développe des moyens, auxquels il sera répondu, pour obtenir la réformation de la décision entreprise et la condamnation de son ancien salarié à lui rembourser, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2013, les sommes versées en exécution de la décision déférée et 4500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans des écritures du 18 août 2014, qui ont été développées à la barre et qui seront aussi tenues ici pour intégralement reprises, M. D demande la cour de confirmer le jugement sauf sur le montant des sommes allouées au titre du préavis, du 13e mois et des dommages et intérêts.

Il sollicite à ces titres :

-23'497,32 euros d’indemnité de préavis et 2349,73 euros de congés payés afférents,

—  1958,11 euros de rappel de salaire au titre du 13e mois et 195,81 euros de congés payés afférents,

—  60'000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ainsi que 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans un courrier du 21 octobre 2014, Pôle Emploi demande à la cour de confirmer la condamnation l’employeur à lui rembourser des indemnités versées au salarié pendant une durée de six mois et de lui allouer, de ce chef, une somme de 13'249,50 euros.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

Sur le licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi motivée :

'Monsieur,

Nous sommes au regret de vous informer de notre décision de vous licencier pour faute grave. Nous nous sommes rencontrés de façon informelle le lundi 14 mars.

Au cours de cette réunion à laquelle participait Madame V O P, qui assure la Direction Générale de H depuis le 1er janvier 2010, nous vous avons exposé succinctement les constatations que nous venions de faire, de multiples dépassements tout au long de l’année 2010, des divers seuils légaux ou réglementaires de durée du travail des chauffeurs livreurs dont vous avez la responsabilité.

Tous ces dépassements (durée maximale journalière, temps de conduite continu, temps de travail continu, etc') constituent des infractions à la législation, pénalement sanctionnables.

Nous vous avons rappelé un épisode similaire remontant à l’année 2007 au cours de laquelle de nombreux procès-verbaux avaient été dressés par l’inspection du travail dont nous avions eu à rendre compte devant la juridiction compétente.

Nous avons à ce moment fait le point sur les diverses causes de ces dépassements et élaboré un plan d’actions comportant des investissements en matériel et en outils de pilotage de cette logistique complexe. Nous avons réalisé des embauches pour compléter l’effectif de chauffeurs et pour assurer la coordination maîtrisée des contraintes quotidiennes au plus près des chauffeurs dans les établissements.

Nous avons mis en exploitation un système complet de traitement et d’exploitation des données quantitatives concernant le temps de travail des chauffeurs et réalisé une feuille de route comportant sept engagements précis que vous avez notamment confirmés à l’occasion de votre déposition sur le problème auprès de la Gendarmerie locale'

Titulaire d’une délégation de pouvoir sur l’ensemble des moyens logistiques de H, vous maîtrisez l’ensemble des paramètres de la réalisation de cette évolution en profondeur de l’exercice de notre métier.

Bénéficiant à ce titre d’une réelle autonomie de décision, vous avez mis en 'uvre un certain nombre des actions prévues, la Direction de H, ayant à ce stade toutes raisons de considérer que le plan d’actions était accompli.

Nos constatations sur l’année 2010 nous ont en conséquence particulièrement interloqués et fortement inquiétés quant aux nouveaux risques encourus, tant du point de vue d’un contrôle de l’inspection du travail que de celui des risques en termes de sécurité des personnes et des biens, fortement accrus par les dépassements d’horaires, générateurs de fatigue et de baisse de la vigilance des chauffeurs-livreurs.

A nos questions sur votre propre analyse de la situation, vous nous avez indiqué ne pas avoir en tête les éléments nécessaires à une réponse, déclarant que, selon vous, la situation évoluait avec difficultés eu égard à la nature du métier chargé d’aléas divers, mais favorablement dans le sens d’une diminution des dépassements'

Cette réponse ne nous a pas paru suffisante et votre méconnaissance réelle ou affectée des chiffres-clés de votre activité, à suivre normalement quasi au jour le jour, nous a choqués et induits en conséquence à vous fixer rendez-vous pour en reparler dans le cadre d’un entretien préalable à licenciement, dont la convocation vous a été remise en mains propres, assortie d’une mesure de mise à pied pour notamment vous permettre de préparer les éléments nécessaires à la compréhension du problème posé et des solutions envisageables pour y remédier, étant rappelé que nous vous avons laissé la disposition de votre matériel informatique et donc des éléments en question.

Nous vous avons invité toutefois à réclamer toutes informations complémentaires qui vous paraîtraient utiles à l’obtention d’une vision globale et structurée du problème.

Vous avez d’ailleurs procédé selon cette méthode et obtenu par « mail » la totalité des informations que vous nous avez réclamées.

Nous nous sommes donc rencontrés, formellement cette fois, le 22 mars, en présence de Monsieur AB S (chef de secteur à Quimper), que vous aviez sollicité pour vous accompagner, conformément à la loi. Nous avons récapitulé les principaux éléments de la problématique, rappelant notamment que la situation observée sur cette longue période d’un an, moins de deux années après un épisode ayant donné lieu à une étape judiciaire, fait de H, une société en état de récidive sur un fonctionnement fautif, les engagements pris de corriger la situation précédemment verbalisée n’ayant pas été tenus et en tous cas pas couronnés de résultats probants. L’obligation en l’espèce n’est en effet pas une simple obligation de moyens mais une exigence absolue de résultat seulement compatible avec certains aléas, de type météorologique ou autres facteurs indépendants de notre volonté, les dépassements éventuels et subis dans de telles circonstances devant pouvoir se raconter, s’expliquer à défaut d’être justifiables.

Votre attitude d’emblée assez défensive consistant à nous réclamer des précisions matérielles que vous êtes a priori seul à détenir aussi longtemps que vous ne les avez pas transmises, ne nous a pas semblé de bon augure pour parvenir à une explication construite du problème, l’affirmation de votre capacité à expliquer 40 % des dépassements par des facteurs externes insurmontables, manquant passablement d’illustrations et de consistance, et laissant en outre subsister 60 % des cas imputables à un défaut d’organisation ! Vous nous avez fait part, Monsieur S abondant dans le même sens, de ce que nombre de chauffeurs sont réfractaires à une maîtrise ainsi dirigée de leur propre organisation du travail et que cela constituait une difficulté humaine concernant surtout de bons éléments, anciens dans leur métier et satisfaits de l’accomplir dans ces conditions.

Nous vous avons fait valoir que cette dimension, que nous ne réfutons pas, devait être traitée par le management, avec tact et fermeté toutefois, le respect des règles légales d’ordre public ne pouvant s’accommoder de quelque exception que ce soit.

Vous avez par ailleurs évoqué la tendance générale du nombre de dépassements particulièrement à la baisse depuis le début de l’année comme concrétisant les efforts accomplis depuis 2008, affirmant que notre réaction face au constat sur 2010 est brutale et déconnectée des constatations 2011.

Nous vous avons répondu que notre réaction est en stricte symétrie avec notre stupéfaction devant le bilan de l’année 2010 et nous a amenés à une première phase d’incompréhension suivie, au fil de nos échanges, du constat que vous n’avez manifestement pas pris la mesure de l’enjeu, acceptant avec la bonne conscience assez facile de celui qui ne fait pas rien, que vous en faisiez assez, ne prenant pas la mesure du caractère impératif de la réglementation applicable et vous rendant en conséquence délibérément coupable de non-respect de cette réglementation induisant potentiellement toutes les conséquences imaginables tant répressives que sécuritaires, d’image pour la société et le Groupe et pour les salariés qui y travaillent.

Tout cela n’est pas digne de la confiance que nous vous avons témoignée en vous attribuant la responsabilité de la Direction d’exploitation de H.

Nous avons accepté le premier épisode de 2007 parce que nous reconnaissons le droit à l’erreur à tous les salariés et tous les cadres.

Nous n’acceptons pas en revanche la répétition de la même erreur, commise au mépris des engagements formels et solennels pris, sans crier gare ni demander aucun soutien, faisant croire en conséquence à un déroulement normal de la mission.

Pour mieux éclairer cette période, nous vous avons demandé de retracer le processus de remise en conformité des horaires et l’historique des dépassements depuis 2008. Ces éléments devant constituer la base de votre pilotage, il n’est pas concevable que vous n’en disposiez pas. Devant votre réticence évidente à nous en faire part, nous avons dû vous rappeler qu’en tout état ces informations appartiennent à l’entreprise et que vous avez l’obligation de nous les remettre. Vous avez répondu que vous verriez’ Vous n’avez rien transmis.

Nous avions déjà observé votre propension à la rétention d’informations. Nous n’y avions pas accordé trop d’importance et l’avions interprétée comme une manifestation d’autonomie correspondant à votre perception des effets de délégation de responsabilité dont vous bénéficiiez. Nos récentes découvertes apportent un tout autre éclairage à cette tendance qui a probablement contribué à l’organisation du problème.

Il ne nous appartient pas d’expliquer les causes de votre comportement qu’il faut bien toutefois qualifier de fautif. Votre attitude au cours de l’entretien préalable beaucoup plus défensive qu’explicative nous laisse assez dubitatifs.

Sans doute, avez-vous simplement fait le choix d’ajuster votre gestion d’une organisation complexe en négligeant délibérément le caractère absolu, immédiat et définitif du résultat attendu au regard d’une législation impérative.

Nous regrettons vivement la situation et les conséquences que nous ne pouvons pas ne pas en tirer, avec un cadre dont nous avons par ailleurs apprécié diverses qualités, mais nous ne pouvons pas admettre ce que nous constatons aujourd’hui, ni accorder plus longtemps notre confiance à un cadre qui contrevient ainsi aux principes de base de notre fonctionnement s’exposant lui-même et nous exposant à des risques interdits.

La qualification retenue de faute grave nous conduit à vous licencier sans préavis ni indemnité.

Nous vous adresserons votre solde de tous comptes avec votre salaire du mois de mars.

Renouvelant l’expression de notre regret devant l’issue de nos relations, Nous vous prions d’agréer nos salutations distinguées" ;

Attendu que l’appelante expose, qu’en 2006, M. D, qui jusqu’alors était cadre autonome en forfait jours, est devenu directeur d’exploitation de la société et que, par là-même, est devenu cadre dirigeant, cette qualité induisant un changement du mode de décompte de son temps de travail, qu’en octobre 2006, quatre livreurs, polyvalents ou non, sont passés au poste de relais logistique de l’agence de la société H située à Mescoden à F, que le 19 juin 2007 s’est tenue une réunion du CHSCT, à laquelle participait Mme E, inspectrice du travail,

que Mme E l’a informé à la suite de ce contrôle que des infractions à la législation sur la durée du travail avaient été commises et a sollicité des explications et demandé que lui soient communiquées les mesures qu’elle entendait prendre pour éviter que la situation ne perdure,

qu’ainsi, le 28 août 2007, elle répondait qu’elle avait mis en place un temps de travail pour les chauffeurs livreurs, compatible avec leur métier de livraison de produits alimentaires frais et, après négociation avec les partenaires sociaux, instauré un temps de travail de 10 heures avec une alternance de semaines à trois jours et de semaines à quatre jours, soit 68 heures à la quinzaine,

qu’admettant cependant que les interférences dans l’organisation des tournées de livraison avaient pu générer des dépassements d’horaires, elle avait précisé que confrontée à un grave problème de pénurie de chauffeurs sur le marché de l’emploi et s’être retrouvée, à certaines périodes, avec des effectifs insuffisants, mais avait pour l’avenir pris sept engagements :

— Le service logistique analyserait les disques chronotachygraphes et contrôlerait ainsi le temps de travail déclaré afin de constater tout dépassement horaire, de le comprendre et de prévoir les mesures appropriées,

— Les tournées de livraison les plus importantes seraient repensées et réorganisées afin qu’elles se calent sur un temps de travail de 9 heures, ce qui impliquait de changer certaines heures de livraison, certains jours de livraison, et de perturber des clients et donc un travail avec l’équipe commerciale pour que ces changements se passent au mieux,

— Cet écrêtage des tournées aurait pour conséquence directe d’augmenter le parc de camions, un camion supplémentaire étant déjà mis en place à l’agence d’AURAY et deux autres véhicules étant programmés pour les agences de TREGLAMUS et de Q R,

— Le temps de travail des chauffeurs se répartirait sur des semaines de quatre jours et non plus avec une alternance de semaines à trois jours,

— Cette nouvelle répartition du temps de travail nécessiterait l’embauche de nouveaux conducteurs et pour faire face à la pénurie de profils de chauffeurs, il était mis en place des actions de formation aux permis et des partenariats,

— Les différentes tâches du chauffeur livreur seraient revues afin d’alléger le temps de travail,

— Mise en place, pour chacune des agences, d’un document de synthèse et de suivi ainsi que de réunions ayant pour but de suivre les actions engagées, réunions auxquelles seraient conviés les membres du CHSCT directement concernés par les questions de livraison,

que ces différents éléments relevait des missions dévolues à Monsieur D,

qu’une réunion se tenait en septembre pour la mise en place de cette réorganisation,

que le 24 septembre 2007, l’inspectrice du travail clôturait son procès-verbal et demandait l’identité de la personne responsable en matière d’infractions à la législation du travail, qu’elle lui transmettait donc la subdélégation de pouvoir acceptée par M. D, responsable de la logistique et de la qualité, en date du 09 mars 2006,

que le 4 octobre 2007, le procès-verbal dressé par l’ITEPSA était transmis au Parquet de

B, il faisait état des contraventions dressées en matière de durée maximale journalière de travail, de repos quotidien et de durée maximale hebdomadaire du travail mais aussi des engagements pris et des dispositions mises en place,

qu’entendu par la gendarmerie lors de l’enquête diligentée, M. D confirmait que :

« Depuis ce contrôle, nous avons revu les tournées, acheté des véhicules et embauché des chauffeurs supplémentaires. Dès l’automne 2007, des tournées supplémentaires ont été mises en 'uvre. Je vous donne une copie d’un tableau qui synthétise l’évolution des moyens mis en 'uvre à ce jour afin de respecter la réglementation en vigueur.

Ce contrôle a été bénéfique au sein de l’entreprise et nous a permis d’ouvrir les yeux.

Globalement à ce jour, nous sommes aux normes. Je tiens à vous préciser qu’un suivi a été mis en place au sein de chaque agence par un relais logistique dont la mission est de veiller à ce qu’aucune dérive ne s’installe à nouveau. La particularité de notre métier fait que chaque chauffeur ne conduit réellement que 3 à 4 heures sur une période de 10 heures de travail, le reste étant de la livraison et de la manutention",

que le 11 mars 2008, elle a demandé à la société ADIS des devis pour l’installation de logiciels de contrôle des disques chronotachygraphes et des cartes de conducteur et des logiciels ont été installés le 23 mars 2008, et la formation nécessaire à leur utilisation,

que cependant, au mois de septembre 2009, les infractions qui avaient été relevées par l’inspectrice du travail, imputables aux carences de Monsieur D dans l’exercice de ses fonctions, faisaient l’objet d’une citation devant la juridiction de proximité du Tribunal de Police de B, la citation à comparaître pour ces infractions étant délivrée à la société H « prise en la personne de son représentant légal, Monsieur D AE-AF »,

qu’elle s’est vue reprocher 17 infractions pour non-respect de la durée minimale de repos quotidien, 46 infractions pour dépassement de la durée de dix heures de travail, et trois infractions pour dépassement du nombre d’heures supplémentaires hebdomadaires de travail,

que néanmoins, pour des raisons de prescription de l’action publique, elle a pu obtenir un jugement, en date du 19 octobre 2009, déclarant l’action publique éteinte,

que le 1er juin 2010, a été signé un accord d’entreprise, concernant les règles d’attribution de la

prime des livreurs, dont l’un des critères était le respect des pauses pour les chauffeurs, l’absence de pause sur l’analyse du disque chronotachygraphe donnant lieu à un « carton rouge », qui entraînait la suppression de 40 € de la prime trimestrielle d’un montant de 230 €, soit 17% de celle-ci, qu’au second semestre 2010, aucun « carton rouge » n’avait été distribué,

que le 1er septembre 2010, M. D a signé la subdélégation de pouvoir qui lui avait été consentie et par laquelle, Mme O P, directrice de la société H, a délégué des pouvoirs en ces termes :

'Elle délègue à Monsieur AE-AF D, demeurant XXX, directeur d’exploitation, antérieurement délégataire dans les mêmes termes sous la direction de Monsieur M Z, ses pouvoirs de contrôle, de direction et de discipline en vue d’assurer ou de faire assurer le strict respect des dispositions légales et réglementaires applicables aux opérations traitées par le personnel de la société H.

Il s’agit :

— des dispositions légales et réglementaires résultant de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications, et d’une manière générale de l’ensemble des autres textes du Code de la Consommation relatifs à la réglementation produits,

— de l’ensemble des textes applicables en matière de temps de travail, hygiène et sécurité et conditions de travail, ainsi que le strict respect du Code de la Route par le personnel,

— de la réglementation applicable au stockage et au transport des produits.

Différents documents relatifs aux obligations légales et réglementaires visées ci-dessus et leurs sanctions sont mis à sa disposition.

Monsieur AE-AF D dispose des pouvoirs les plus étendus et des moyens nécessaires pour tout ce qui a trait à sa fonction.

Compte tenu de cette délégation, Madame V O P attire l’attention de Monsieur AE-AF D sur le fait que c’est sa responsabilité personnelle qui se trouvera engagée en cas d’infractions à ces prescriptions, qu’elles soient commises par lui-même ou par le personnel d’exploitation (approvisionnements, réception, entrepôt, livraison).

Il appartient à Monsieur AE-AF D de prendre toutes mesures en conséquence, et de s’assurer qu’elles sont effectivement respectées, mesures pour lesquelles un mandat exprès lui est donné par la présente. Monsieur AE-AF D s’engage également à faire spontanément état de la présente délégation au cours de tout contrôle des agents de l’administration ou de toute instruction ou instance judiciaire",

que cette délégation confirmait expressément à M. D les missions dont il avait la charge, et insistait sur l’absolue nécessité de respecter la réglementation, et spécifiquement dans le domaine du temps de travail, de la sécurité des conditions de travail, et du respect impérieux de la législation en matière routière,

qu’en outre, en 2010, une circulaire du Ministère du travail annonçait pour 2011 des contrôles sur les entreprises dont le transport n’est pas l’activité principale, comme la société H et insistait sur la prévention des risques routiers professionnels et sur les objectifs

poursuivis notamment le respect des réglementations,

que cependant M. D s’est avéré gravement incapable de remplir les missions essentielles qui lui avaient été confiées en la matière, n’hésitant pas, par exemple à transmettre le 10 février 2011, un mail demandant de valider une organisation de temps du travail à 10 h 20 pour un livreur de F devant livrer deux fois dans la semaine une tournée à QUIMPER (trajet domicile ' agence de QUIMPER de 2 x 45 min, soit 1 h 30, tournée de 8 h 50, soit au total 10 h 20),

que le 22 février 2011, le bilan de l’année 2010 concernant les infractions, établi grâce au logiciel Visio « contrôle réglementation », dont disposait M. D, faisait apparaître des résultats catastrophiques,

qu’ainsi le tableau de la liste des dépassements de l’horaire maximal journalier de 10 heures révélait que, pour les cinq agences dont il était responsable, il y avait eu sur l’année 2010 un total de 692 infractions à l’horaire journalier de travail et la liste des infractions à la réglementation du temps de travail et à la réglementation relative à la circulation routière des chauffeurs mettait en évidence sur l’année 2010 un nombre invraisemblable d’infractions, 3 436 au total, infractions répétées en matière de conduite continue, de durée des repos journaliers, de repos hebdomadaire, de récupération, de temps de service par journée, par semaine et par quinzaine, de service ininterrompu supérieur à 6 heures et à 9 heures, et de temps de service sur trois mois,

que ces constatations, extrêmement graves en ce qu’elles concernent les conditions de travail des chauffeurs et leur sécurité, la sécurité des autres usagers de la route, et en ce qu’elles

exposent l’entreprise à de lourdes sanctions pénales, ont été portées à la connaissance de l’employeur,

que c’est dans ces conditions qu’après un entretien avec M. D, le 14 mars 2011, elle le convoqua à un entretien préalable, fixé au 22 mars 2011, et lui notifia une mise à pied conservatoire, puis prononça son licenciement pour faute grave ;

Attendu qu’elle soutient que la preuve de la faute grave reprochée est rapportée, que M. D ne peut sérieusement soutenir qu’il n’était pas responsable des dépassements d’horaires des chauffeurs livreurs, qu’il était parfaitement au fait de la problématique du respect des prescriptions légales et réglementaires déjà soulignée par l’inspection du travail en 2007, puisqu’il avait été auditionné par les services enquêteurs, et pris des engagements,

qu’il avait, au regard de ses fonctions et de sa qualité de cadre dirigeant, la charge du respect de la législation en matière de temps de travail des chauffeurs et de circulation routière et était investi de tous les « pouvoirs de contrôle, de direction et de discipline en vue d’assurer ou de faire assurer le strict respect des dispositions légales ou réglementaires applicables aux opérations traitées par le personnel de la société H », avec pour mission d’assurer le strict respect "de l’ensemble des textes applicables en matière de temps de travail, d’hygiène et sécurité et conditions de travail, ainsi que le strict respect du Code de la Route par le personnel',

que s’il a soutenu, pour les besoins de la procédure, qu’il aurait fait de son mieux avec les moyens qui lui étaient donnés pour organiser les tournées dans le respect de la réglementation, cette affirmation est formellement démentie par le constat catastrophique des centaines d’infractions à la réglementation constatées en 2010,

que s’il a aussi suggéré que ses moyens auraient été limités, pour des raisons de rentabilité, ou

de soi-disant « pesanteurs historiques » dans l’entreprise, cette argutie est parfaitement inopérante, puisque selon la subdélégation il disposait des 'pouvoirs les plus étendus et des moyens nécessaires pour ce qui a trait à sa fonction« , et que »il appartient à Monsieur AE-AF D de prendre toutes mesures en conséquence, et de s’assurer qu’elles sont effectivement respectées, mesures pour lesquelles un mandat exprès lui est donné par la présente",

qu’en outre quand il a accepté cette subdélégation, il savait parfaitement, puisqu’il était dans l’entreprise depuis 2001, quels étaient les moyens, techniques, humains et juridiques dont il disposerait et qu’à aucun moment il n’a indiqué à son employeur qu’il ne disposait pas des moyens pour remplir ses missions ou réclamé des matériels (camions) ou du personnel (chauffeurs) supplémentaire,

qu’il n’a jamais signalé qu’il rencontrerait la moindre difficulté, qu’il connaissait les engagements de la société et les mesures à mettre en oeuvre et la société avait mis à la disposition des outils particulièrement efficaces, en matière de contrôle du respect de la réglementation, tel le logiciel Visio « contrôle réglementation » permettant de connaître, en temps réel, l’existence de difficultés, et la commission d’infractions à la réglementation régissant les chauffeurs livreurs, et devait donc s’assurer, de façon régulière, de ce que l’organisation du temps de travail des personnels de la société H respectait bien la législation, ce qu’il n’a jamais fait, se désintéressant totalement de ces tâches primordiales, correspondant pourtant à son c’ur de métier, et à l’aspect fondamental de ses fonctions,

que cette attitude inacceptable dont a fait preuve ce cadre dirigeant était extrêmement grave, puisqu’elle mettait ainsi en péril, la sécurité même des chauffeurs de la société et des autres usagers de la route,

que M. D est aussi malvenu à indiquer que s’il avait eu un effectif deux fois plus important de chauffeurs livreurs, il n’y aurait pas eu de dépassement d’horaires puisqu’il n’a jamais fait par d’un problème de sous-effectif, et que des embauches avaient été réalisées pour compléter l’effectif des chauffeurs, et pour assurer la coordination maîtrisée des contraintes quotidiennes,

que c’est en vain qu’il fait référence à un compte rendu partiel de l’entretien préalable ou à une attestation de Monsieur X pour se dédouaner de ses manquements graves,

que c’est aussi en vain qu’il fait valoir que les poursuites pénales engagées à la suite du contrôle de 2007 l’avaient été à l’encontre de la personne morale, et non pas contre lui, puisque ces poursuites ont été déclenchées à l’encontre de la société H, prise en la personne de Monsieur D,

que si à l’époque la société a bien voulu admettre un droit à l’erreur à son bénéfice, il était bien entendu hors de question et inacceptable que de tels faits se reproduisent,

que c’est aussi en vain qu’il a tenté de contester les chiffres avancés ou invoqué une prétendue prescription des faits puisque, alors qu’il avait le contrôle du système informatique, la société n’a découvert qu’en 2011, lorsqu’elle a été en possession des données de l’année 2010, les manquements reprochés, Monsieur D n’en avait jamais fait part à la direction, avant qu’elle ne découvre la réalité de la situation ;

Attendu qu’elle ajoute que c’est à tort que le conseil a estimé qu’il résultait des témoignages de Messieurs L, G, X, K, I, Y, des plans de développements 2009 et 2010, de l’audition de Madame O P, que des évolutions d’ordre technique et organisationnel amorcées par Monsieur D en 2009 et 2010 auraient produisait des effets, que l’entreprise ne pouvait invoquer l’existence d’une délégation de pouvoir pour se dégager de sa responsabilité civile, et que les infractions à la réglementation constatées par la direction générale du groupe EVEN constituaient des carences imputables au fonctionnement de l’entreprise H et ne relevaient donc pas d’un motif personnel imputable à Monsieur D tel qu’énoncé dans la lettre de licenciement,

que s’est aussi à tort qu’il a considéré que : « La seule attribution d’une délégation de pouvoir limitée à la gestion des moyens logistiques de la société H ne permet pas de disposer d’une maîtrise suffisante visant à garantir le respect des dispositions réglementaires du code du travail », « que l’utilisation de la délégation de pouvoir dans une entreprise de la taille de la société H ne doit pas être employée afin de revêtir un caractère exonératoire », « que les questions relatives au respect de la réglementation restent sous la responsabilité de la direction générale de la société H », et que « Il est clairement établi que Monsieur D ne participe pas, dans les faits, à la direction de l’entreprise H »,

alors que si les comptes rendus des salariés auditionnés évoquaient la transmission des informations à la Direction, sur la question du temps de travail (Monsieur K, Madame A, Madame C, Monsieur X, Monsieur I), pour le personnel travaillant sous la direction du Directeur d’Exploitation, à savoir les relais logistiques, les chauffeurs, le personnel de l’entrepôt, le terme 'Direction’ fait référence à la Direction d’exploitation, interlocutrice unique et directe de ces activités, assurant la supervision et l’optimisation quotidienne de l’activité livraison et entrepôt, ainsi que le contrôle des procédures et la garantie du respect de la réglementation transport, ce qui ne fait en réalité que relever le statut de cadre dirigeant de Monsieur D, dans l’esprit des personnes auditionnées, que l’enquête a aussi révélé que le travail soi-disant engagé par Monsieur D depuis 2007 sur le temps de travail des chauffeurs était resté sans effet réel, puisqu’une plainte portant sur l’allongement constant des tournées avait été déposée en 2008 par des chauffeurs,

que cette enquête a aussi révélé l’absence d’implication de M. D dans la démarche de contrôle du temps de travail et que ce sont en réalité surtout les réunions d’information organisées par Mme O P au deuxième trimestre 2011, soit après le licenciement de M. D, et les courriers individuels remis chaque mois à chaque livreur, qui ont permis une réelle prise de conscience et une baisse significative des infractions,

qu’en outre, M. D n’a pas saisi l’occasion de nouveaux camions équipés de cartes, soit 4 camions en 2009, 5 en 2010, puis 4 en 2011, pour réorganiser l’utilisation du parc camions dans un objectif de meilleur contrôle du temps de travail des chauffeurs,

que M. D n’a pas adressé de courriers aux livreurs leur indiquant leurs infractions, alors même que le logiciel Visio acheté en 2008 permettait les sorties automatiques de ces courriers et que si, un témoin, M. K, a indiqué que « les tournées devenaient de plus en plus longues du fait de l’augmentation du nombre de clients » et que « le nombre important d’infractions constatées était lié à l’obligation de livrer un nombre de clients en croissance régulière, mais à ressource constante », c’est inexact puisque, si le nombre de clients a effectivement augmenté en 2008, il a baissé en 2009 et 2010, (2007 : 4597 clients ; 2008 : 5044 clients (+ 6,7 %) ; 2009 : 4904 clients (- 2,9 %) ; 2010 : 4855 clients (- 3,7 %)) et que les infractions à la législation sur le temps de travail ont été pourtant nombreuses en 2009 et 2010, alors que des moyens supplémentaires avaient à nouveau été accordés : 4 camions en 2009 et 5 camions en 2010,

que de toute façon l’affectation des moyens entre les cinq agences était décidée par M. D,

que si des salariés ont aussi soutenu que les informations sur les infractions leur étaient données oralement, M. D n’a jamais mis en place de mesures correctives, ni réduit les primes des chauffeurs, pourtant liée au respect de la réglementation du transport, contrairement à ce qu’a inexactement estimé le Conseil de Prud’hommes, qu’il n’a pas non plus informé Mme O P de ces infractions, alors même que le logiciel Visio les comptabilise, qu’il a aussi également validé le versement des primes trimestrielles, liées notamment au respect de la réglementation du transport ;

Attendu que M D réplique que c’est après avoir examiné une cinquantaine de pièces produites par l’appelante et notamment ses rapports d’activité, qu’elle avait dans ce premier temps prétendu ne pas connaître, et entendu de nombreux témoins pendant trois demi-journées que le conseil s’est prononcé après avoir pris très précisément connaissance du contexte dans lequel il avait travaillé,

qu’il était resté au service de la société pendant plus de 13 ans sans avoir fait l’objet de reproches,

que les dépassements d’horaires des chauffeurs livreurs préexistaient à sa prise de fonction comme l’ont réaffirmé, lors de l’enquête, des salariés qui ont aussi précisé qu’il avait eu le souci permanent de diminuer ces dépassements,

qu’il ne peut être donc tenu comme disciplinairement responsable de ces dépassements même en l’état de la subdélégation de pouvoir, d’autant que celle-ci n’avait en réalité pour finalité que de faire de lui un bouc émissaire,

que d’ailleurs il y a lieu d’observer que, quand il a quitté ses fonctions de responsable logistique, pour prendre celles de directeur d’exploitation ni sa rémunération ni son coefficient n’ont été modifiés ce qui démontre bien que cette 'promotion’ n’avait d’autre but que de lui déléguer la responsabilité du risque pénal et d’ailleurs ni l’inspecteur du travail ni le parquet l’inspecteur du travail ne s’y sont trompés puisque, en 2007, ce n’est pas lui mais la société qui a été poursuivie et le conseil des prud’hommes a justement retenu qu’une lettre du 24 août 2007 du directeur général de l’entreprise démontrait bien que les questions relatives au respect de la réglementation restaient sous la responsabilité de ce dernier, que d’ailleurs en 2007 il n’a fait l’objet d’aucune sanction, que dès lors les mêmes faits constatés en 2011 ne saurait être poursuivis disciplinairement,

que s’il a essayé, dans le cadre de ses fonctions de directeur d’exploitation, de diminuer au maximum le nombre d’infractions à la durée du travail, il n’avait pas les moyens d’obtenir ce résultat de façon efficace et rapide puisqu’il était tributaire du nombre de chauffeurs livreurs mis à sa disposition et, de façon plus générale, des impératifs commerciaux de l’entreprise,

qu’il produit sur ce point une attestation de M. L, ex-directeur commercial de la société, qui précise : ' toute décision entraînant un investissement même mineur, devait avoir la validation de la direction générale’ et qu’il avait fallu ' plus d’un an pour décider de la mise en place de camions à Rennes alors que le service commercial le demandait et que M. D se plaignait de ne pas pouvoir respecter le temps de travail de ses livreurs',

qu’en outre divers aléas tels des difficultés météorologiques rendaient aussi pratiquement impossible l’absence totale de tout dépassement, que dès lors les manquements qui lui sont reprochés ne peuvent lui être imputés à faute et cette absence de faute rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

qu’en outre il convient de retenir que le courrier de licenciement évoque de 'multiples dépassements tout au long de l’année 2010" et que la procédure a été mise en oeuvre en mars 2011 soit plus de deux mois après que les manquements invoqués aient été constatés par la société qui, comme elle le rappelle dans son courrier, disposait 'd’un système complet de traitement et d’exploitation des données quantitatives concernant le temps de travail des chauffeurs', 'système complet’ dont il n’était bien sûr pas le seul à disposer, comme le montre d’ailleurs le fait, qu’en octobre 2010, une réunion sur le problème de l’amplitude horaire des chauffeurs et les actions devant être engagées avait été tenue avec la direction, réunion au cours de laquelle Mme O P, directrice de H était présente comme elle l’a d’ailleurs reconnue lors de l’enquête puisqu’elle a indiqué ' cette réunion avait pour objet principal la mise en oeuvre d’un plan d’action pour réduire l’amplitude horaire des tournées', que ce problème de temps de travail était d’autant plus constant et connu qu’un accord d’entreprise avait en 2010 instauré une prime pour récompenser les chauffeurs qui respectaient les temps de pause,

qu’en réalité son licenciement n’est dû qu’à la volonté de la nouvelle directrice de le remplacer comme le démontre l’entretien ' informel’ du 14 mars 2011,

qu’il n’est donc coupable d’aucun laxisme caractérisé, ni d’aucune négligence, qui auraient justifier son départ immédiat de l’entreprise d’autant que les chiffres invoqués sont particulièrement exagérés, ne reposent que sur des analyses factuelles et ne peuvent être, de toute façon, jugés qu’au regard de ses conditions de travail et notamment les faibles moyens dont il disposait,

que si la situation s’est semble-t-il, selon l’appelante, améliorée après son licenciement, c’est parce qu’elle a ajouté quelques moyens supplémentaires et que les chauffeurs ont probablement pris, du fait de ce licenciement, conscience du problème,

qu’en tout état de cause, si la société considérait que ces résultats n’étaient pas suffisants, elle devait lui demander d’améliorer la situation,

que donc le jugement devrait être confirmée sur sauf sur le montant de l’indemnité de préavis puisque, en tant que cadre, il avait droit à six mois de préavis, et sur le montant de la somme allouée au titre de dommages et intérêts qui devra être portée à 60'000 € puisqu’il n’a retrouvé un emploi que loin de son domicile ;

SUR CE

Attendu que si M. D avait reçu de son employeur, après les problèmes rencontrés sur la durée du travail dans l’entreprise en 2007, une délégation de pouvoir aux fins de veiller à l’application des législations en matière de temps et de conditions de travail ainsi qu’au strict respect du code de la route par le personnel, il résulte des témoignages recueillis par le conseil des prud’hommes que cette délégation n’était pas assortie des moyens nécessaires pour faire face aux charges transférées, qu’il n’avait pas l’autonomie nécessaire pour effectuer l’achat de camions supplémentaires ou l’embauche de nouveaux chauffeurs,

que si la société soutient qu’il avait obtenu les investissements qu’il avait demandés, notamment pour l’achat de camions, il résulte de ses propres documents, que sur les 9 camions achetés en 2009 et 2010, seuls 2 camions supplémentaires ont été achetés en 2009, les autres l’étant pour remplacer des camions cédés, que si des recrutements ont été réalisés durant la même période, 4 et 8 au total, pour un effectif de 46 livreurs, ils n’ont manifestement pas été suffisants puisque les dépassements se sont poursuivis,

qu’en outre, il y a lieu d’observer que si la mise en place du nouveau système de contrôle a permis en 2009 de détecter plus facilement des dépassements de temps de travail, ces dépassements ont commencé à diminuer en 2010 et, qu’en réalité, même si la cour n’est pas en mesure de savoir si c’est à moyens constants, l’amélioration notable de la situation en 2011 invoquée par l’employeur, est due en grande partie à un travail de la direction commerciale pour réorganiser les tournées et les optimiser, mais aussi à la mise en oeuvre du pouvoir de sanction sur les salariés par la direction, puisque des primes pouvaient être diminuées en cas de non respect du temps de pause,

qu’en ce qui concerne le premier point, il n’est pas établi ni allégué que M. D avait le pouvoir de prendre des décisions s’imposant à la direction commerciale et la seule mesure qui avait été prévue en 2007, soit un transfert plus important de la charge de préparation des commandes, avait été réalisée,

qu’en ce qui concerne le second point, celui de l’utilisation d’un système de sanction, pouvoir qu’effectivement M. D semble avoir eu des réticences à utiliser, et où il faut probablement trouver la définition de la notion de 'difficultés de culture’ invoquée par Mme O P devant le conseil des prud’hommes, ce serait là la seule 'faute’ qui pourrait être utilement reprochée à M. D,

que cependant, et en dehors des difficultés qu’aurait occasionné l’utilisation d’un tel pouvoir, l’enquête a permis de révéler que les difficultés rencontrées par M. D étaient connues de la direction de la société H puisque, en octobre 2010, une réunion avait été organisée pour évoquer un état des lieux des dépassements du temps de travail des livreurs en période estivale au-delà de 10 heures et qu’à cette occasion des solutions d’amélioration avaient été envisagées,

qu’en réalité il résulte de l’audition de Mme O P, directrice de la société H, que lors de cette réunion qu’a été mis en place un plan d’action pour réduire l’amplitude horaire des tournées et que ce qu’elle reproche à M. D était le fait que ce plan d’action n’ait produit aucun effet positif en 2010, alors qu’il en avait, selon elle, produit en 2011, et elle attribue ce manque de résultats à des 'difficultés de culture jusqu’à fin 2010 au sein de la direction d’exploitation étant donné que le phénomène des dépassements fréquents d’amplitude horaire était considéré comme un état de fait',

que donc les dépassements de temps de travail invoqués étaient incontestablement connus de la direction de H dès octobre 2010 et la procédure de licenciement n’ayant été engagée qu’en mars 2011 reposait sur des faits qui, même s’ils avaient pu être qualifiés de fautifs, étaient prescrits,

qu’en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu’il a reconnu que le licenciement de M. D n’était pas justifié et en ce qu’il a alloué au salarié une indemnité de licenciement, le salaire de la période de mise à pied et une prime de vacances,

qu’en ce qui concerne la durée de préavis M. D justifie qu’en application de la convention collective nationale des coopératives agricoles et laitières, dont l’employeur ne conteste pas qu’elle soit applicable, il avait droit, puisque son coefficient était supérieur à 600, à un préavis de six mois, qu’il sera en conséquence fait droit à sa demande sur ce point ainsi qu’à celle formée au titre du 13e mois qui doit être proportionné à la durée de préavis ;

Attendu que pour ce qui est du montant des dommages et intérêts alloués, il apparaît justement calculé au regard du préjudice allégué par M. D, y compris de la nécessité pour lui d’avoir dû prendre un emploi dans un autre département, qu’il doit être confirmé ;

Sur les modalités d’exécution du contrat de travail :

Attendu que l’appelante expose que si un avenant au contrat de travail de M. D avait, le 13 décembre 2000, avait prévu qu’il exécuterait sa prestation de travail dans le cadre d’un forfait annuel d’une durée de 194 jours de travail effectif, forfait conforme à un accord d’entreprise signé le 1er mars 2005, c’est à tort que le salarié invoque le fait qu’il remplissait mensuellement des rapports, permettant de comptabiliser ses jours de présence,

qu’en effet, cette initiative était particulièrement inadéquate eu égard à son appartenance, à compter de l’année 2006, à la catégorie des cadres dirigeants du fait de sa nomination en qualité de directeur d’exploitation de la société,

qu’elle ajoute que de toute façon le salarié ne produit aucune pièce probante à l’appui de ses prétentions, en dehors de quelques documents établis par lui-même, qui ne sont pas, en dépit de leur intitulé, des rapports d’activité mais simplement des feuilles de présence,

qu’en outre, l’avenant au contrat de travail de M. D du 13 décembre 2000 spécifiait bien que son signataire devait observer un « strict respect de ce forfait annuel »,

que la curieuse pratique de M. D, consistant à établir des rapports d’activité ne fait apparaître au demeurant aucun dépassement particulier du nombre de jours correspondant à l’horaire collectif de la société H,

que, quand il est devenu cadre dirigeant par sa nomination en tant que directeur d’exploitation de la société H, M. D, numéro 2 dans l’organigramme de la structure, n’était pas assujetti à un décompte du temps de travail et son temps de travail de référence restait clairement rapporté au forfait annuel de 194 jours qui a d’ailleurs été respecté par lui, puisqu’il prenait très légitimement l’intégralité des congés payés auxquels il avait droit,

qu’à aucun moment, il n’a demandé à la société la possibilité de déroger à ses obligations contractuelles et jamais elle ne lui a demandé, elle, d’effectuer des jours de travail supplémentaires venant s’ajouter à son forfait annuel et c’est faussement qu’il soutient qu’il se serait trouvé dans l’obligation de dépasser le forfait, pour tenter de faire face aux dites obligations,

que de toute façon et même si cela avait été le cas, le régime des cadres dirigeants rendait cette éventualité possible, sans compensation,

que depuis qu’il avait intégré la société H en 2001, M. D n’avait jamais formulé aucune revendication à ce titre, et que n’est que dans le cadre de la présente procédure qu’il a imaginé de faire état, de façon totalement inexacte et non documentée, d’un prétendu dépassement de 84 jours « sur la période non prescrite », ce qui n’est pas sérieux, d’autant qu’il est incapable d’indiquer, de manière précise et vérifiable par la juridiction, quels seraient ces jours soi-disant travaillés au-delà du forfait, année par année,

que c’est donc à tort que le conseil a fait droit à sa demande dont il doit être débouté,

qu’il doit d’autant plus l’être que depuis 2006, il appartenait à la catégorie des cadres dirigeants qui sont exclus de la réglementation sur de la durée du travail, en application des dispositions de l’article L.3111-2 du code du travail qui dispose :

« Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiés les responsabilités dont l’importance indique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».

et qu’il remplissait bien les critères applicables en vertu de ce texte puisqu’il était bien dirigeant de la société H, en sa qualité de directeur d’exploitation, cadre numéro 2 dans l’organigramme, qu’il avait des responsabilités importantes, une large indépendance dans l’organisation de son temps de travail, qu’il était habilité à prendre des décisions de manière largement autonome, comme le prouve la subdélégation de pouvoir dont était titulaire, qu’il percevait aussi une rémunération importante,

que c’est à tort qu’il persiste à soutenir qu’il était soumis au statut de cadre autonome,

que compte tenu précisément du statut de cadre dirigeant de M. D, il n’a jamais été prévu d’indemnité compensatrice ou de récupération des jours soi-disant travaillés au-delà du forfait,

que c’est aussi à tort qu’il soutient qu’il n’avait pas un des plus hauts salaires de la société ou que la direction de celle-ci relevait du groupe auquel elle appartient, la société H étant indépendante dans son fonctionnement du Groupe EVEN, dont elle fait partie, la gestion de chaque filiale du groupe étant décentralisée et la direction des dites filiales pleinement responsable, même si elle devait, au final, des comptes à son actionnaire, ce qui est parfaitement logique,

que, de toute façon ce qui est essentiel dans le présent litige, ce sont les conditions d’exercice de l’activité au regard des critères légaux et non la qualification contractuelle ou conventionnelle, que la délégation de pouvoir consentie au salarié peut être un élément permettant de caractériser la qualification de cadre dirigeant et, lorsque les critères cumulatifs existent comme en l’espèce, sont considérés comme cadres dirigeants ceux participant à la direction de l’entreprise et, dans le cas présent, tous les éléments du dossier démontrent que M. D participait à la direction de l’entreprise et il en résulte qu’il avait indéniablement le statut de cadre dirigeant,

que par conséquent, ses demandes en paiement des 84 jours de travail, soi-disant excédentaires,

sont aussi irrecevables que non fondées et c’est à tort que le conseil a considéré que « Le délégataire des pouvoirs ne disposait donc pas, en réalité, d’un pouvoir de décision suffisant au sein de l’entreprise H, pour justifier du bénéfice d’un statut de cadre dirigeant, mais en fait d’un statut de cadre autonome au forfait conforme aux termes de son contrat de travail. » ;

Attendu que M. D réplique qu’après avoir nié l’existence de rapports d’activité, la société a fini par produire des documents qui démontrent qu’il a bien réalisé 82 jours de travail excédentaires par rapport à forfait auquel il était soumis, que ces jours qui ont été effectués au-delà du forfait et dans l’intérêt de l’entreprise ont été comptabilisés par le service des ressources humaines et qu’il entendait bien pouvoir, un jour ou l’autre, les récupérer ce qu’en définitive il ne pourra pas faire du fait du licenciement, que si maintenant société H invoque un statut de cadre dirigeant qu’elle ne lui a jamais reconnu, il convient d’observer que ces bulletins de salaire font tous référence au forfait jours même après qu’il a été nommé directeur d’exploitation,

qu’il n’existe aucun document qui préciserait qu’il aurait pu en cours de contrat accéder au statut de cadre dirigeant et une telle modification essentielle du contrat de travail ne pouvait qu’être écrite, notamment parce qu’elle avait pour conséquence radicale de l’exclure du champ d’application de la législation sur la durée du travail et les arguments invoqués par l’appelante ne peuvent pallier l’absence de modification du contrat de travail par une acceptation claire et non équivoque de sa part,

que, de toute façon, il n’a jamais eu des fonctions de cadre dirigeant puisqu’il n’était qu’un des éléments d’un édifice hiérarchique beaucoup plus important constitué dans le groupe EVEN, et qu’il n’était pas particulièrement autonome puisque la délégation de pouvoir qui lui a été donnée était limitée à la gestion des moyens logistiques de la H et qu’il ne participait pas à la direction de l’entreprise,

que les jours de dépassement comptabilisés par le service des ressources humaines devront lui être payés puisqu’ils ont été accomplis avec l’accord implicite de l’employeur à qui il donnait un rapport d’activité,

que c’est donc à bon droit que le premier juge lui a alloué les sommes qu’il réclamait ;

SUR CE :

Attendu qu’il n’est pas contesté que, par la signature d’un avenant du 13 décembre 2000, M. D a été soumis à un forfait de 194 jours,

qu’il justifie qu’à compter du 1er juin 2006 a été mis en place dans l’entreprise un système de comptabilisation du temps de travail par le biais de rapports d’activité mensuels, et que pour ce qui le concerne, il devait selon les directives données établir un rapport intitulé n° 3 concernant les agents de maîtrise et les cadres, dont le décompte de temps s’effectuait en jour,

qu’il n’est produit aucun document justifiant d’une modification de ses conditions de travail quand il a été nommé directeur d’exploitation,

que le fait que lui aient été données deux subdélégations de pouvoir successives, l’une par M. Z, puis l’autre par Mme O P, directeurs de la société, sans modification du contrat et sans augmentation significative de sa rémunération, ne permet pas considérer qu’il a acquis de ce seul fait un statut de cadre dirigeant,

qu’après avoir contesté l’existence de rapports d’activité, la société a finalement produit ces rapports qui démontrent que M. D déclarait régulièrement des modalités d’exercice de ses fonctions dans des conditions qui l’amenaient à dépasser le forfait jours annuel,

qu’elle a, recevant ces rapports et ne formulant aucune contestation, accepté tacitement qu’il effectue un temps de travail supérieur à son forfait jours,

que là encore le jugement devra être confirmé ;

Attendu que l’équité justifie en la cause l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimé et que l’appelante qui succombe supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud’homale,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le montant de l’indemnité de préavis, du prorata du 13 ème mois et des congés payés afférents,

Statuant à nouveau sur ces points,

CONDAMNE la S.A.S. H à payer à M. D :

-23'497,32 euros d’indemnité de préavis et 2349,73 euros de congés payés afférents,

—  1958,11 euros de rappel de salaire au titre du 13e mois et 195,81 euros de congés payés afférents,

—  3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONFIRME la condamnation prononcée au profit de Pôle Emploi et condamne de ce fait la société H à payer à cet organisme la somme de 13'249,50 euros,

La CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :

G. U C. ELLEOUET-GIUDICELLI

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Cour d'appel de Rennes, 11 février 2015, n° 13/00808