Cour d'appel de Rennes, 16 novembre 2016, n° 16/04524

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 16 nov. 2016, n° 16/04524
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/04524

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N° 526

R.G : 16/04524

Mme X Y

C/

SCP CALVEZ – Z – SIMON – LE
GUEN – A

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Régine CAPRA

Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS

Conseiller : Madame Véronique PUJES

GREFFIER :

Madame B C, lors des débats, et Mme D E, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Septembre 2016

devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, a prononcé publiquement le 16 Novembre 2016 par mise à disposition au greffe l’arrêt dont la teneur suit :

****

APPELANTE :

Madame X Y

Lanruc

XXX

Représentée par Me Benjamin F, avocat au barreau de
PARIS

INTIMEE :

SCP CALVEZ – Z – SIMON – LE
GUEN – A

Cabinet d’infirmier de la Butte

XXX

XXX

Représentée par Mesdames Z et A, assistée de Me Jean-Luc LE GOFF, avocat au barreau de BREST

EXPOSE DU LITIGE

Mme X Y, infirmière diplômée d’Etat depuis 2000, qui exerçait depuis 15 ans en qualité d’infirmière salariée et qui s’est immatriculée en qualité d’infirmière libérale à compter du 1er avril 2014, a été embauchée par la SCP Cabinet Infirmier
Simon-Le A-Le Guen-Le
Calvez-ZZZ, exerçant sous la dénomination « Cabinet de la Butte », dans le cadre de 4 contrats de remplacements successifs.

Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Brest pour obtenir la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail salarié et demander :des indemnités de requalification pour travail dissimulé, pour licenciement abusif, pour licenciement vexatoire, pour non remise des bulletins de paie, pour non remise des documents de fin de contrat, le paiment de rappel de majorations pour heures supplémentaires et congés payés afférents, d’indemnités kilométriques et pour frais de carburant, de préavis et congés payés afférents, de licenciement. Elle demande en outre la condamnation du cabinet à lui remettre les documents de fin de contrat sous astreinte de 100 par jour de retard, des bulletins de salaire sous astreinte de 100 par jour de retard, à régulariser les cotisations sociales sous astreinte de 100 par jour de retard, 5000 au titre de l’article 700 du CPC, outre les dépens.

Par jugement du 13 mai 2016, le conseil s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de Mme Y en l’absence de contrat de travail et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, laissant à chacune la charge de ses dépens.

Mme Y a formé un contredit.

Elle demande à la Cour :

— de la recevoir en son contredit et ses demandes,

— de dire que la juridiction compétente matériellement pour connaître de l’entier litige est le conseil de prud’hommes de Brest,

— de dire n’y avoir lieu à évocation de l’affaire et de la renvoyer devant la formation du jugement du

conseil de prud’hommes de Brest autrement composée,

— de condamner la SCP Cabinet Infirmier Simon – A Le Guen – Calvez – Z à lui payer la somme de 2 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître F, outre les dépens.

Le cabinet de la Butte demande à la Cour de :

— confirmer le jugement du conseil en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer, en l’absence de contrat de travail,

— écarter des débats la pièce 6 de la demanderesse,

— renvoyer le dossier pour être jugé au tribunal de grande instance de Brest ou la demanderesse à mieux se pourvoir,

A titre infiniment subsidiaire, inviter les parties à conclure au fond,

— condamner Mme Y au paiement de la somme de 3000 au titre de l’article 700 du CPC, outre les dépens.

Pour plus ample exposé, il sera renvoyé aux conclusions sus visées des parties, soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Mme Y soutient qu’elle a été embauchée par le cabinet à l’essai, avec comme condition d’adopter le statut d’infirmière libérale, dans le cadre d’un contrat de remplacement d’infirmiers, et avec la promesse de régularisation d’un contrat de collaboration libérale à durée indéterminée une fois la période d’essai passée, mais qu’à l’issue dune période d’embauche de 10 mois elle n’a pas été embauchée comme promis, n’a même pas bénéficié d’un nouveau contrat de travail auprès du cabinet de la Butte, n’a pu retrouver ensuite que des contrats de travail à durée déterminée et se retrouve dans une situation précaire.

Elle reproche au conseil de s’être déclaré incompétent de manière laconique, en retenant qu’elle était immatriculée comme infirmière libérale et qu’il n’existait aucun contrat de travail, sans autre motivation, et en éludant son argumentation.

Elle soutient à l’appui de son contredit :

— que la présomption résultant de l’immatriculation comme infirmière libérale est une présomption simple, qu’en l’epèce elle a demandé son immatriculation avant de commencer travailler pour le cabinet et que ce n’est pas un élément permettant d’apprécier la réalité de la relation de travail qui s’est engagée ensuite entre les parties,

— que lorsque la demande a pour objet premier de faire constater l’existence d’un contrat de travail, le conseil est compétent pour en connaître et que d’ailleurs en toute incohérence le cabinet avait développé, à l’appui de son exception d’incompétence qui doit être envisagée avant tout examen du fond, une argumentation détaillée concernant l’existence du contrat de travail qui touchait manifestement au fond du litige,ce qui rendait sans objet sa demande de renvoi pour conclusions au fond,

— qu’aux termes de l’article R 4312-43 du CSP, le remplacement d’un infirmier(e)est possible pour une durée correspondant à l’indisponibilité de l’infirmier(e) remplacé(e), ce qui suppose que soit

expressément précisée dans le contrat la période d’absence de l’infirmier remplacé, qu’en l’espèce il a été conclu pour le remplacement pour congés annuels de l’ensemble des infirmiers, alors qu’il ne saurait être sérieusement soutenu que des congés annuels puissent s’entendre de façon régulière sur une période de 10 mois,

— qu’aux termes de l’article R 4312-43 du CSP, l’infirmier remplaçant ne peut remplacer plus de 2 personnes à la fois, or elle en remplaçait l’ensemble c’est à dire 5,

— que les plannings de roulement permettent de constater qu’elle a non seulement assuré des tournées pendant les congés annuels des infirmiers mais également pendant des périodes au cours desquelles aucun des infirmiers n’était en congés et que lorsqu’une infirmière a été absente pour maladie, une remplaçante a été embauchée spécifiquement pour assurer ses tournées, que dès lors le motif de remplacement indiqué sur les contrats était frauduleux,

— qu’il ne s’agissait pas de faire face à une situation d’indisponibilité passagère d’un associé mais d’un stratagème pour pourvoir à un poste d’infirmière permanente sans avoir recours à un contrat à durée indéterminée, comme c’est le cas pour une autre infirmière Mme G qui est employée en qualité de remplaçante depuis plusieurs années,

— que le modèle de contrat utilisé est irrégulier, tant il est éloigné du modèle proposé par l’ordre national des infirmiers, que les contrats signés entre les parties ne remplissent ni par leur objet ni par les modalités de leur exécution, les conditions de validité des contrats de remplacement d’infirmiers,

— qu’aux termes de l’article R 4312-13 du CSP le mode d’exercice de l’infirmier(e) est salarié ou libéral, mais qu’il peut également être mixte,

— qu 'elle ne disposait pas de locaux personnels et n’avait pas le croit de développer sa propre patientèle, que cette restriction à sa liberté d’exercice était illégale et la plaçait de fait dans une relation de salariat avec son employeur,

— que son indépendance technique dans l’exercice de ses fonctions n’est pas incompatible avec un état d’insubordination, le lien de subordination à l’égard d’un professionnel libéral devant être recherché sur d’autres critères, comme les contraintes et sujétions administratives, l’utilisation du matériel et du personnel de l’entreprise, la clientèle imposée et l’absence de clientèle propre, la rémunération fixe ou rétrocession d’honoraires excessive,

— qu’en l’espèce le cabinet établissait un planning mensuel qui listait les jours de travail, qu’il lui imposait les horaires de travail, la gardait totalement à sa disposition en lui confiant des missions s’étendant sur une amplitude horaire supérieure à la durée légale du travail,

— qu’elle était tenue d’utiliser le matériel et les feuilles de soin du cabinet, que le cabinet fixait son lieu de travail en l’affectant alternativement dans ses locaux et en tournée à l’extérieur, dans un secteur géographique qui lui était imposé, selon un itinéraire préétabli qu’elle était tenue de suivre,

— qu’elle était tenue de travailler exclusivement avec la patientèle du cabinet, sans possibilité de développer une patientèle personnelle, dès lors que son contrat prévoyait expressément une interdiction de s’installer sur le territoire des communes couvertes au cours des tournées, laissée à la discrétion des associés, sans qu’aucune limite temporelle à cette interdiction ne soit prévue,

— qu’alors que les patients habituels réglaient le prix de la visite directement au cabinet, elle était tenue de remettre au cabinet les règlements reçus directement des patients et que ce n’est qu’à la fin du mois, une fois tous les règlements reçus des patients, que le cabinet lui remettait sa rétrocession d’honoraires, cette procédure constituant purement et simplement le versement d’un salaire,

— que les contrats, qui prévoyaient des obligations uniquement à sa charge (notamment une restriction à sa liberté d’installation) et aucune à la charge de l’employeur, plaçaient les 2 parties dans une situation de disproportion caractéristique de la situation de salariat,

— qu’il est dès lors manifeste que ce ne sont pas 4 contrats de remplacement d’infirmier qui ont été conclus, mais un contrat de travail salarié de droit commun.

Le cabinet de la Butte, qui observe à titre liminaire que Mme Y réclame, après une collaboration en qualité d’infirmière libérale remplaçante pendant 9 mois, sa condamnation au paiement de sommes représentant un montant total de près de 132000 , auxquelles s’ajouteraient les cotisations patronales, réplique :

— qu’il soulève l’incompétence du conseil in limine litis, avant tout débat sur le fond du litige, du fait que Mme Y n’était pas liée par un contrat de travail mais par un contrat de remplacement libéral et qu’en aplication de l’article 77 du CPC, lorsque la compétence dépend d’une question de fond, cette problématique de la compétence doit être résolue avant qu’il puisse être statué sur l’ensemble des questions de fond soumises, la nécessaire discussion sur la qualification juridique de la relation contractuelle n’impliquant aucune contradiction avec le principe selon lequel toute incompétence doit être envisagée avant toute défense au fond,

— qu’alors qu’elle était infirmière salariée, activité qu’elle a exercé dans diverses structures, Mme Y a décidé de tenter l’aventure libéral en février 2014 et a à cet effet sollicité de l’ARS l’autorisation administrative d’exercer en qualité de remplaçante de confrères libéraux, et qu’elle a obtenu de le faire à compter du 1er avril 2014 pour une durée de 12 mois, s’immatriculant en qualité d’infirmière libérale auprès de l’INSEE avec effet au 1er avril 2014,

— qu’elle a ensuite contracté avec le cabinet, qui avait publié sur internet une annonce de recherche d’infirmier libéral remplaçant, et a dans ce cadre reçu plusieurs candidatures, don’t celle de Mme Y, qui a expliqué qu’elle souhaitait quitter la clinique de l’Iroise en raison d’une mésentente avec sa hiérarchie et a été interrogée sur sa disponibilité, sachant qu’elle a un conjoint sous marinier et 3 enfants en bas-âge,

— que si sa candidature a finalement été retenue, il ne lui a jamais été promis de lui attribuer au terme des contrats de remplacement le poste de la collaboratrice libérale lorsque celle-ci partirait en retraite,il n’y avait pas de possibilité d’un tel contrat,

— que 3 autres contrats ont suivi le premier, le but étant de pallier les absences des infirmières associées, pour leur permettre de prendre leurs congés, alors même qu’une des 4 infirmières était partiellement indisponible pour raisons de santé, puis totalement indisponible pour ce même motif pendant plusieurs mois,

— que le code de la santé publique précise, aux articles R 4312-43 à R 4312-48 les conditions dans lesquelles le remplacement d’un infirmier est possible durant son indisponibilité, qui imposent notamment que le remplaçant exerce son activité sous sa responsabilité propre et interdisent à l’infirmier libéral exerçant seul ou en cabinet d’employer comme salarié un autre infirmier,

— que, contrairement à ce que soutient Mme Y, les règles du code de la santé publiqsue ont été respectées, qu’il ressort des plannings qu’il y avait toujours au moins une infirmière en absence pour repos ou congés, alors même qu’à l’époque le cabinet était confronté à l’indisponibilité récurrente d’une de ses infirmières pour raisons de santé, que la nécessité de remplacer était donc réelle et le contrat de remplacement justifié,

— que l’interdiction de remplacer plusieurs infirmiers, qui s’entend comme la nécessité d’éviter le remplacement simultané de professionnels, pour éviter une concentration excessive des tâches

nuisant au remplaçant et à la qualité des soins, a été respectée, le service de Mme Y n’ayant jamis, à aucun moment, corrzpondu à un service de plusieurs infirmières à la fois et rien n’interdisant, dans la réglementation, que l’infirmière remplaçante soit affectée au remplacement des infirmiers absents à tour de rôle, que quand bien même la réglementation fixée par le code de la santé publique n’aurait pas été respectée, cela n’impliquerait nullement la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail salarié, Mme Y ne s’expliquant pas sur les raisons pour lesquelles le non respect des règles de la santé publique, s’il était établi, impliquerait une requalification en contrat de travail salarié,

— que le modèle de contrat de l’ordre des infirmiers n’est qu’une proposition, sans caractère obligatoire, que Mme Y, qui est bien obligée de reconnaître que le contrat contient une obligation essentielle pour le cabinet, qui est de mettre à disposition gratuitement la clientèle du cabinet, affirme que le contrat serait déséquilibré, ce qui n’est pas exact, alors que les règles du code de la santé publique ont été respectées,

— que l’immatriculation comme infirmière libérale crée une présomption de non salariat, quasi irréfragable dès lors que la loi interdit aux infirmiers libéraux de contracter un contrat de travail avec des infirmiers salariés et que le contrat de remplacement d’infirmier libéral ne se confond pas avec le contrat de collaboration libérale, qui est d’une autre nature,

— que Mme Y a perçu les honoraires correspondant aux actes qu’elle a accomplis, déduction faite de sa participation aux frais de fonctionement du cabinet, sans jamais remettre en cause la situation, qu’elle a travaillé chaque mois suivant un rythme compris entre 11 et 16 journées de travail, le plus souvent par demi journées, ce qui laissait le loisir de se consacrer à une clientèle personnelle si elle le souhaitait, en dehors de l’interdiction réglementaire résultant de l’article R 4312-47 du CSP, qu’elle ne peut invoquer le fait de ne pas avoir disposé d’un local personnel où recevoir sa propre patientèle puisque le rôle de l’infirmière libérale consiste essentiellement à dispenser des soins à domicile, la réception des patients au cabinet étant marginale, que le cabinet n’avait pas le pouvoir de donner des ordres à Mme Y, ni de contrôler son travail, ni de la sanctionner au cas où elle estimerait le travail mal fait, qu’elle n’avait pas, contrairmeent à ce qu’elle affirme sans preuves, de contraintes d’horaires ni de sujétions administratives, définissant elle-même ses horaires et interveant au moment qu’elle jugeait utile sans que la SCP ait à lui formuler de remontrance sur les horaires pratiqués, que le fait qu’elle ait eu des contraintes liées aux soins à prodiguer aux patients, et ait dû respecter ces contraintes thérapeutiques, n’implique pas qu’elle ait dû suivre des contraintes horaires dictées par la SCP, que les plannings qu’elle produit ne constituent pas des contraintes horaires mais un programme de coordination des activités de plusieurs professionnels entre eux, interveant sur un secteur géographique donné et au profit d’une patientèle commune aux membres de la SCP, dans la mesure où chaque professionnel intégré au cbinet est conduit à prodiguer des soins dans ce secteur et vis à vis de la clientèle couverte par le cabinet, qu’il ne s’agit pas d’une organisation imposée par une instance hiérarchique mais d’une coordination des travaux de praticines, à égalité entre eux, assurant chacun à tour de rôle ce travail de coordination, chauque praticine présent au cabinet l’après midi ayant notamment pour tâche de définir les tournées du lendemain, qui ne résultaient donc pas de directives hiérarchiques,

— que Mme Y s’est appropriée indûment le contrat de Mme G, document qui ne la concerne pas, sans l’autorisation de celle-ci, et que la pièce doit être écartée, ce à quoi Mme Y réplique que c’est le cabinet qui le lui a adressé par erreur.

A titre infiniment subsidaire, elle demande à être mise en mesure de conclure au fond, n’ayant pas conclu sur les conséquences et demandes subséquentes à la requalification de contrat demandée par Mme Y.

Sur ce :

Le contrat de Mme G est sans intérêt pour statuer sur la compétence, il y a lieu de débouter le cabinet de sa demande tendant à l’écarter des débats.

La juridiction prudhomale est compétente pour statuer sur l’incompétence soulevée in limine litis, en statuant sur la qualification du contrat, qui détermine la compétence, avant tout examen au fond.

Mme Y était immatriculée en qualité d’infirmière libérale auprès de l’INSEE, après avoir obtenu, sur sa demande, en février 2014, l’autorisation d’exercer en qualité de remplaçante d’infirmier(e)s en exercice libéral, à compter du 1er avril 2014, date coincidant avec la date à laquelle elle a quitté son emploi salarié à la clinique de l’Iroise, elle est donc présumée ne pas être salariée et il lui appartient de renverser cette présomption en établissant qu’elle exerçait une prestation de travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de lui donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses manquements.

En l’espèce, il ne résulte pas des plannings produits par Mme Y que ceux-ci correspondaient à une organisation imposée par un supérieur, plutôt qu’à une coordination du travail entre les praticiens du cabinet, et à des horaires imposés, alors que les plannings de soins obéissent à des contraintes thérapeutiques des clients, elle ne peut soutenir qu’elle n’avait pas de local pour recevoir sa propre clientèle, ni de temps pour la développer, alors qu’en effet, comme le soutient le cabinet de la Butte, l’activité de l’infirmière libérale se déroule principalement au domicile des clients et qu’elle pouvait développer sa clientèle personnelle les jours où elle ne travaillait pas pour le cabinet, à la disposition duquel elle n’était donc pas en permanence, les plannings ne font pas apparaître de remplacement simultané de plusieurs infirmières. Il résulte des pièces produites aux débats qu’elle a été rémunérée non pas d’une manière forfaitaire fixe mais qu’elle a perçu exclusivement les honoraires correspondant aux soins qu’elle a effectués, moins sa participation aux frais de fonctionnement du cabinet, contractuellement fixée à 15%.

Mme Y n’établit pas que l’utilisation du modèle de contrat proposé par le conseil de l’ordre des infirmiers serait obligatoire et le contrat utilisé par le cabinet est adapté en ce qu’il rappelle les principaux éléments du contrat de remplacement libéral, à savoir le motif du remplacement, pour congés annuels des infirmiers, l’acceptation de se déplacer sur le secteur de clientèle du cabinet pour répondre aux besoins de la clientèle, sans contrainte, le caractère libéral de l’exercice, l’obligation de se couvrir par le paiement des cotisations dues aux caisses,
URSSAF, CARPINKO, par l’adhésion à des contrats d’assurance responsabilité civile et professionnelle, l’engagement de rembourser, si besoin, à la SCP les indus réclamés par les caisses d’assurance maladie, d’accepter la rétrocession d’honoraires dont 15% sont destinés à la gestion du cabinet, les dispositions de l’article R 4312-47 du
CSP destinées à éviter un établissement concurrentiel sur le secteur de remplacement pendant un délai de 2 ans après la fin de la mission de remplacement, sauf autorisation des associés.

Il résulte des pièces produites aux débats que Mme Y a bien exercé ses fonctions de remplaçante au cabinet de la Butte dans les conditions convenues, qui correspondent à un contrat de remplacement libéral, ce qui était d’ailleurs le seul cadre juridique possible, l’article R 4312-48 du
CSP interdisant au cabinet le recours à un remplaçant salarié.

Le conseil doit donc être confirmé en ce qu’il a s’est déclaré incompétent pour statuer au fond sur les demandes de Mme Y, en l’absence de contrat de travail, et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, puisqu’en effet l’ensemble des demandes reposent sur la demande de reconnaissance d’une relation de salariat.

Le conseil a à juste titre, au regard de l’article 700 du CPC, laissé à chacune des parties ses frais irrépétibles, l’équité et la situation des parties n’en impose pas non plus l’application en cause d’appel.

Il doit être également confirmé en ce qu’il a laissé à chacune des parties ses dépens, Mme Y, qui succombe, doit être condamnée aux dépens du contredit.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris,

Y AJOUTANT,

DEBOUTE les parties de toute autre demande,

CONDAMNE Mmme X
Y aux dépens du contredit.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

L. E R.
CAPRA

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