Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 30 juin 2020, n° 17/03412

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 3e ch. com., 30 juin 2020, n° 17/03412
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 17/03412
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°.

N° RG 17/03412 – N° Portalis DBVL-V-B7B-N5KO

SARL LE VOURC’H MATHIAS

C/

[…]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DAOULAS

Me LE GRAND

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 JUIN 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rédacteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme X Y,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Juin 2020 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

Société LE VOURC’H MATHIAS, immatriculée au RCS de BREST sous le numéro 493 920 250, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Hélène DAOULAS de la SELARL DAOULAS-HERVE ET ASS., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

LES ECURIES DU STANGALA, immatriculée au RCS de QUIMPER sous le […], agissant poursuites et diligences de son gérant, domicilié ès qualités de droit au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Mikaëlle LE GRAND de la SELARL CABINET GOURVES, D’ABOVILLE ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

FAITS ET PROCEDURE :

Le 25 septembre 2009, l’EARL Les Ecuries du Stangala a acquis auprès de la société Le Vourc’h Mathias (la société Le Vourc’h) un tracteur agricole d’occasion. La facture de 17.500 euros HT a été émise le 30 septembre 2009.

Estimant que le tracteur était défectueux, l’EARL Les Ecuries du Stangala a demandé une expertise judiciaire qui a été ordonnée par ordonnance de référé du 20 juin 2013. L’expert a déposé son rapport le 19 juin 2014.

Le 19 décembre 2014, l’EARL Les Ecuries du Stangala a assigné la société Le Vourc’h en annulation de la vente pour dol et paiement de dommages-intérêts au titre des grosses réparations réalisées depuis la vente.

Par jugement du 28 février 2017, le tribunal de commerce de Quimper a :

— Rejeté la demande de nullité de la cession du tracteur,

— Condamné la société Le Vourc’h à payer à l’EARL Les Ecuries du Stangala la somme de 7.746,90 euros HT,

— Condamné la société Le Vourc’h à payer à l’EARL Les Ecuries du Stangala la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamné la société Le Vourc’h aux entiers dépens de l’instance y compris les frais d’expertise judiciaire ainsi que les frais de greffe,

— Ordonne1'exécution provisoire,

— Debouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.

La société Le Vourc’h a interjeté appel le 5 mai 2017.

Les dernières conclusions de la société Le Vourc’h sont en date du 17 mars 2020. Les dernières conclusions de l 'Earl Ecuries du Stangala sont en date du 28 février 2020.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2020.

Le 16 avril 2020 , le président de la 3ème chambre civile de la cour d’appel de Rennes a informé les parties qu’il avait décidé de recourir à la procédure sans audience prévue par les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020.

Le 17 avril 2020, la société Le Vourc’h a indiqué qu’elle n’avait pas d’opposition à la procédure sans audience.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société Le Vourc’h demande à la cour de :

— Réformer le jugement,

— Déclarer irrecevable l’action menée par l’EARL Les Ecuries du Stangala, pour cause de prescription ou à défaut, défaut d’intérêt à agir,

— Dire que l’action est mal fondée et en tout état de cause :

— Débouter l’EARL Les Ecuries du Stangala de l’ensemble de ses demandes,

— Condamner l’EARL Les Ecuries du Stangala au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner la même aux entiers dépens, dont les frais d’expertise,

— En tant que de besoin :

— Condamner l’EARL Les Ecuries du Stangala à restituer les fonds versés au titre de l’exécution provisoire.

L’EARL Les Ecuries du Stangala demande à la cour de :

— Déclarer l’action de l’EARL Les Ecuries du Stangala recevable et bien fondée, et en conséquence :

A titre principal :

— Réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande sur le fondement du dol,

— Prononcer la nullité de la vente du tracteur de marque CASE IH, CX704RM, conclue le 30 septembre 2009 entre la société Les Ecuries du Stangala et la société Le Vourc’h, pour dol de cette dernière,

En toutes hypothèses, et en conséquence :

— Condamner la société Le Vourc’h à restituer à l’EARL Les Ecuries du Stangala :

o la somme de 17 500 euros HT, soit 20.930 euros TTC, au titre du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la vente,

o le tracteur transmis en contrepartie, ou sa valeur,

o la somme de 20 596,68 euros HT, au titre des grosses réparations, avec intérêts au taux légal à compter de la date de chacune des factures.

A réception de ces sommes et du tracteur, l’EARL Les Ecuries du Stangala devra restituer le tracteur de marque CASE IH, CX704RM, objet de la vente,

— Débouter la société Le Vourc’h de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— Condamner la société Le Vourc’h à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais irrépétibles prononcés en première instance,

— Condamner la société Le Vourc’h aux entiers dépens, y compris les frais de référés et d’expertise.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la prescription :

La prescription d’une action en justice est suspendue pendant la durée d’une expertise judiciaire ordonnée avant tout procès :

Article 2239 du code civil :

La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Une expertise judiciaire a été ordonnée par jugement du 20 juin 2013. L’expert a déposé son rapport le 19 juin 2014.

L’assignation au fond a été délivrée le 19 décembre 2014, soit dans les six mois suivant le dépôt du rapport d’expertise. En outre, en décomptant la période de suspension de la prescription, moins de cinq années se sont écoulées entre la date de la vente et celle de l’assignation au fond. L’action en nullité de la vente pour dol n’est pas prescrite.

Sur le fin de non recevoir tirée de la clause de non garantie :

Si l’acte de vente comporte une clause de non garantie, cette clause ne s’oppose pas utilement à ce que l’EARL Les Ecuries du Stangala agisse en justice pour demander l’annulation de la vente pour dol.

Le fin de non recevoir tirée de la clause de non garantie sera rejetée.

Sur le dol :

Le dol est une cause de nullité de la convention. Il se caractérise par des man’uvres d’une partie sans lesquelles l’autre partie n’aurait pas contracté. Le dol a ainsi une composante matérielle et un composante intentionnelle.

Article 1116 du code civil (rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016) :

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

L’EARL Les Ecuries du Stangala indique qu’elle avait pensé acquérir un tracteur avec 900 heures d’utilisation.

La facture du 30 septembre 2009 précise que l’engin vendu est un tracteur agricole d’occasion, qu’il est sans papier, sans carte grise, que le moteur renifle et qu’il est équipé d’un chargeur frontal d’occasion ainsi que d’un godet griffe d’occasion. Elle indique enfin qu’il est vendu en l’état, sans garantie, tel que vu et essayé sur parc. Elle reprend ainsi les indications du bon de commande qui précisait en outre un numéro de moteur.

Aucun de ces documents ne précise un nombre d’heures d’utilisation. L’expert a relevé qu’il était de fait que l’acheteur n’avait eu aucune information sur l’origine et le nombre d’heures réel du tracteur. Il apparaît ainsi qu’il n’est pas établi que la société Le Vourc’h ait présenté le tracteur comme ayant 900 heures d’utilisation.

L’expert judiciaire a décrit le tracteur comme étant manifestement assez usagé, ce qui est le cas au vu des photographies jointes à son rapport. L’expert n’a pas été en mesure d’indiquer quel était le nombre d’heures d’utilisation affiché lors de la vente litigieuse. Selon lui, il s’agit d’un tracteur usagé, en état moyen présentant toutes les caractéristiques d’un modèle de près de 14 ans comptant un nombre d’heures important. Le tracteur a fonctionné environ 700 heures entre la date de la vente et la date de l’expertise et le nombre d’heures inscrit au compteur ne correspond pas à la réalité.

L’expert indique qu’un tracteur n’ayant que 900 heures d’utilisation est un tracteur proche du neuf et qu’en tout état de cause l’aspect du tracteur au moment de la vente était assez éloigné de celui d’un tracteur présentant moins de 1.000 heures.

La société Le Vourc’h fait justement remarquer que le compteur d’utilisation ne comporte que 4 chiffres et qu’il était évident que ce compteur avait fait un tour complet pour pouvoir afficher un nombre d’heures de fonctionnement aussi faible.

Même si l’EARL Les Ecuries du Stangala n’est pas un professionnel de la vente de matériel agricole, elle utilisait déjà quotidiennement avant cette vente de tels engins à titre professionnel et ne pouvait ignorer que le tracteur vendu n’était pas proche du neuf. Il n’est établi ni que la société Le Vourc’h a dissimulé l’ancienneté du tracteur, ni que l’EARL Les Ecuries du Stangala a pu se méprendre sur l’ancienneté de cet engin.

Il n’est par ailleurs pas justifié que le fait que l’expert n’ait pas pu trouver de numéro de série sur le tracteur ni sur le moteur ait une incidence sur sa valeur de revente ou sa fonctionnalité. Cet élément n’était pas déterminant de la volonté de l’EARL Les Ecuries du Stangala.

La société Le Vourc’h justifie avoir acheté le tracteur aux enchères, sans documents administratifs et sans qu’un historique lui soit communiqué. Il ne peut donc lui être reproché d’avoir eu connaissance de cet historique et de l’avoir dissimulé à l’EARL Les Ecuries du Stangala.

En outre, l’expert note que le tracteur était, lors de l’expertise, en état de fonctionner et il apparaît que depuis la vente il a été utilisé plus de 2.000 heures.

Les autres constatations résultant des pièces produites aux débats ne sont pas en contradiction avec l’expertise judiciaire et n’y ajoutent pas d’élément d’appréciation pertinent.

Il y a donc lieu de rejeter la demande d’annulation de la vente pour dol et de confirmer le jugement sur ce point.

La restitution d’un éventuel trop perçu au titre du jugement infirmé est de droit. Il n’y a donc pas lieu de l’ordonner.

Sur le paiement des factures de réparation :

L’EARL Les Ecuries du Stangala demande le paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant des man’uvres dolosives qu’elle allègue.

Comme vu supra, les man’uvres dolosives ne sont pas établies, par plus qu’une quelconque faute de la société Le Vourc’h. Il y a lieu de rejeter les demandes de dommages-intérêts et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner l’EARL Les Ecuries du Stangala aux dépens de première instance et d’appel, qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire, ainsi qu’à payer à la société Le Vourc’h la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

— Rejette les demandes tendant à l’irrecevabilité de l’action et des demandes de l’EARL Les Ecuries du Stangala,

— Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la vente,

— Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

— Rejette les demandes de l’EARL Les Ecuries du Stangala,

— Condamne l’EARL Les Ecuries du Stangala à payer à la société Le Vourc’h Mathias la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne l’EARL Les Ecuries du Stangala aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais d’expertise judiciaire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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