Cour d'appel de Rennes, 1re chambre, 16 février 2021, n° 16/02281

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 16 févr. 2021, n° 16/02281
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/02281
Importance : Inédit
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

1ère Chambre

ARRÊT N°58/2021

N° RG 16/02281 – N° Portalis DBVL-V-B7A-M2WI

M. [T] [S]

Mme [E] [M] épouse [S]

Mme [L] [S] épouse [B]

C/

M. [W] [N]

Mme [P] [K] épouse [N]

Mme [V] [A] épouse

M. [G] [A]

Commune [Localité 39]

Mme [I] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Décembre 2020, tenue en double rapporteur sans opposition des parties, par Mme Aline DELIÈRE, présidente, et Mme Brigitte ANDRÉ, conseillère entendue en son rapport

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Février 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [T] [S]

né le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 31] (35)

[Adresse 17]

[Localité 14]

Représenté par Me Emmanuel PELTIER de la SELARL ABC, avocat au barreau de RENNES

Madame [E] [M] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 41] (35)

[Adresse 17]

[Localité 14]

Représentée par Me Emmanuel PELTIER de la SELARL ABC, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [W] [N]

né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 33] (49)

[Adresse 16]

[Localité 14]

Représenté par Me François MOULIERE, avocat au barreau de RENNES

Madame [P] [K] épouse [N]

née le [Date naissance 11] 1975 à [Localité 35]

[Adresse 16]

[Localité 14]

Représentée par Me François MOULIERE, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Madame [L] [S] épouse [B], en sa qualité de nu-propriétaire de l’immeuble situé [Adresse 18]

née le [Date naissance 9] 1965 à [Localité 40]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Représentée par Me Emmanuel PELTIER de la SELARL ABC, avocat au barreau de RENNES

ASSIGNÉS EN INTERVENTION FORCÉE :

Madame [I] [Z]

née le [Date naissance 12] 1952 à [Localité 34]

[Adresse 5]

[Localité 14]

Représentée par Me François MOULIERE, avocat au barreau de RENNES

Madame [V] [A], ès-nom et ès-qualités d’héritière de Monsieur [F] [A]

née le [Date naissance 10] 1934 à [Localité 37]

[Adresse 4]

[Localité 15]

Représentée par Me François MOULIERE, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [G] [A] ès-qualités d’héritier de Monsieur [F] [A]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 40]

[Adresse 36]

[Localité 15]

Représenté par Me François MOULIERE, avocat au barreau de RENNES

La commune PLEURTUIT représentée par son Maire domicilié en cette qualité à la Mairie

Mairie

[Adresse 7]

[Localité 14]

Représentée par Me Jean-François ROUHAUD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 13 avril 1972, les époux [S] ont acquis un immeuble bâti sis à [Localité 39] (35), cadastré section AH n° [Cadastre 20]. Le 26 novembre 1998, ils ont acquis des consorts [R] l’immeuble contigu à l’est cadastré section AH n° [Cadastre 19] d’une contenance selon l’acte de 57 m² ainsi qu’un parking cadastré section AH n° [Cadastre 26].

Par acte du 3 septembre 2010, M. et Mme [N] ont acquis des époux [J] l’immeuble cadastré section AH n° [Cadastre 21], séparé au nord de la parcelle AH n° [Cadastre 20] des époux [S] par une venelle et contigu au sud à la parcelle AH n° [Cadastre 26] des époux [S].

M. [A], venant aux droits des époux [A], est quant à lui propriétaire des parcelles cadastrées section AH n° 84 et [Cadastre 24] et Mme [Z] d’un jardin cadastré section AH n° [Cadastre 22], ces parcelles étant desservies par une venelle débouchant sur une cour non cadastrée délimitée par les parcelles [Cadastre 19] au nord, [Cadastre 20]et [Cadastre 21] à l’ouest, [Cadastre 21] et [Adresse 27].

Les époux [S] ayant, par acte du 23 mai 2011, fait assigner les époux [N] en bornage de leurs propriétés respectives, le tribunal d’instance de Saint-Malo a, le 6 décembre 2011, ordonné une expertise confiée à M. [O]. Par jugement du 18 mars 2014, cette juridiction s’est déclarée incompétente au profit du tribunal de grande instance de Saint-Malo au motif que le litige portait sur la revendication de la propriété d’une partie de la cour.

Par jugement du 24 février 2016, le tribunal de grande instance de Saint-Malo a :

— débouté les époux [S] de leur demande d’annulation du rapport d’expertise de M. [O],

— débouté les époux [S] de l’ensemble de leurs demandes,

— condamné les époux [S] à payer aux époux [N] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Les époux [S] ont relevé appel de ce jugement. Ils demandaient initialement à la cour, à défaut d’annulation du rapport d’expertise, de dire que la cour sise au midi et à l’emport de la parcelle cadastrée AH [Cadastre 19] leur est privative à concurrence d’une superficie de 28 m².

Relevant que des tiers à la procédure revendiquaient des droits sur la cour qu’ils qualifiaient de commune, la cour d’appel a, par arrêt avant-dire droit du 5 septembre 2017 :

— enjoint à M. et Mme [S] d’appeler à la cause les époux [A], d’une part, et Mme [I] [Z], d’autre part ;

— ordonné un complément d’expertise confié à M. [X] [O], avec pour mission de

se rendre sur les lieux après y avoir convoqué toutes les parties et se faire remettre leurs titres de propriété actuels et anciens, en procédant si nécessaire lui-même à la recherche de ceux qui lui manqueraient,

procéder si nécessaire à un arpentage,

rechercher, en vertu des titres et des délimitations et contenances y figurant, des éventuelles possessions et des limitations et contenances cadastrales, à qui appartient l’espace formant cour situé entre les parcelles AH [Cadastre 19], [Cadastre 21] et [Cadastre 26] ainsi que la venelle qui part de cet espace vers l’ouest jusqu’à la parcelle AH [Cadastre 24],

rechercher, en vertu des titres et des délimitations et contenances y figurant, des éventuelles possessions et des limitations et contenances cadastrales si M. et Mme [S] ont des droits privatifs sur une partie de cet espace et dans cette hypothèse, en proposer une délimitation,

proposer une délimitation des parcelles AH [Cadastre 19] et [Cadastre 20], AH [Cadastre 21], ainsi que des parties communes,

fournir tous éléments jugés utiles à la solution du litige.

Par acte du 22 juin 2018, les époux [S] ont assigné en intervention forcée la commune de Pleurtuit sur le fondement de l’article 331 du code de procédure civile, afin de lui voir déclarer l’arrêt rendu le 5 septembre 2017 commun et opposable. La commune de Pleurtuit ayant contesté son appel à la cause, la cour a par arrêt avant-dire droit du 30 avril 2019, déclaré irrecevable l’appel en intervention forcée de la commune de Pleurtuit et condamné les époux [S] aux dépens de l’incident et à payer à la Commune de Pleurtuit la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [O] a déposé son rapport d’expertise complémentaire le 19 février 2020. Il conclut que :

— la cour située entre les parcelles cadastrées section AH n° [Cadastre 19], [Cadastre 21] et [Cadastre 26] est une cour commune ;

— la venelle dans sa partie sst entre les parcelles cadastrées section AH n° [Cadastre 20] et [Cadastre 21] est également commune.

Dans leurs conclusions du 2 septembre 2020, les époux [S] demandent à la cour de réformer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Malo du 24 février 2016 et, statuant à nouveau :

— de déclarer privative la cour sise au midi et à l’emport de la parcelle cadastrée section AH n° [Cadastre 19] à concurrence d’une superficie de 30 m²,

— de désigner M. [O] pour délimitation exacte, bornage au contradictoire des époux [N] et exécution des formalités cadastrales qui permettront d’attribuer un numéro à cette parcelle ;

— de condamner in solidum les consorts [N]-[A]-[Z] à leur verser une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire initiale et complémentaire.

En réponse, par conclusions signifiées le 2 novembre 2020, les époux [N], Mme [Z] et M. [G] [A], venant aux droits des époux [A] décédés, demandent à la cour de confirmer le jugement du 24 février 2016 et de :

— débouter les époux [S] de leurs demandes ;

— valider le rapport d’expertise de M. [O] du 19 février 2020 en ce qu’il a considéré que la cour litigieuse était une cour commune ;

— juger que la cour litigieuse est commune à l’ensemble des propriétaires des parcelles qui la bordent et notamment aux époux [N] (parcelle AH [Cadastre 21]), aux époux [S] (parcelles AH [Cadastre 20], [Cadastre 19] et [Cadastre 26]), à Mme [Z] (parcelle AH [Cadastre 22]) et à M. [A] (parcelles AH [Cadastre 23] et [Cadastre 24]) ;

— juger que les limites de cette cour commune sont établies conformément au tracé établi par l’expert judiciaire dans sa note d’information du 30 décembre 2019 (tracé A – B – C – D – E – F) reprise dans son rapport final ;

— juger qu’il existe un droit de passage sur la venelle se prolongeant au-delà de la cour commune bénéficiant aux époux [N], à Mme [Z] et à M. [A] ;

— condamner les époux [S] à leur verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ainsi que les frais liés aux expertises judiciaires.

La commune de Pleurtuit a conclu le 26 mai 2020 en ces termes :

— déclarer la commune de Pleurtuit hors de cause,

— condamner M. et Mme [S] à verser à la commune de Pleurtuit la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les époux [S] le 2 septembre 2020, par les époux [N], Mme [Z] et M. [A] le 2 novembre 2020 et par la commune de [Localité 39] le 26 mai 2020.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il sera à titre préliminaire souligné les fluctuations des demandes des époux [S] qui après avoir, de 2011 à 2017, revendiqué à titre privatif une surface de cour non délimitée de 28 m² correspondant à la différence entre la contenance de la parcelle mentionnée dans le titre de leurs auteurs (85 m²) et la contenance figurant dans leur titre (57 m²), portent actuellement leurs prétentions à une surface de 30 m² au seul motif que le remembrement aurait attribué à leurs auteurs une parcelle non bâtie de 60 m² à laquelle devait s’ajouter l’emprise de la propriété déjà bâtie prétendument non incluse dans le remembrement, s’élevant selon l’interprétation alternative qu’ils proposent soit à 33 m², soit à 55 m².

Les conclusions du rapport d’expertise quant à l’existence d’une cour commune aux fonds des parties au présent litige ne sont pas contestables, ni sérieusement contestées. L’expert a en effet établi qu’un acte de partage [D] en date du 8 novembre 1837 comportant quatre lots, qui incluaient l’ensemble des parcelles objet du présent litige, a créé une cour commune à ces quatre lots, cour donnant à l’est sur la route de Dinard alors dénommée [Adresse 32] et à l’ouest sur l’actuelle propriété [N]. La mention de l’existence d’une cour commune est reprise ensuite dans plusieurs titres analysés par l’expert. Ainsi le titre du 24 avril 1972 par lequel les époux [S] ont acquis de M. [U] la propriété bâtie alors cadastrée section AB n° [Cadastre 29] et actuellement section AH n° [Cadastre 20] est décrite comme donnant sur une cour commune au midi. De même, le titre des époux [N] du 3 septembre 2010 décrit le bien cédé comme constitué d’une maison d’habitation avec jardin, cour, garage et dépendance comportant une cour commune à l’est ainsi qu’un passage commun au nord. Ainsi encore, la parcelle AH n° [Cadastre 26] des époux [S], alors cadastrée AB n° [Cadastre 28], acquise par les consorts [R] en 1961 est, selon leur titre, bordée au nord par une cour commune.

Aucun des titres analysés par l’expert n’opère en revanche de distinction entre la partie nord de la cour, au droit de la maison occupant la parcelle AH n° [Cadastre 19], et la partie sud de cette cour dont il résulterait que seule celle-ci serait commune.

Le 26 novembre 1998, les époux [S] ont acquis des consorts [R] les parcelles AH [Cadastre 19] d’une contenance de 57 m² et AH [Cadastre 26] d’une contenance de 23 m² séparées par la cour dont ils revendiquent la partie nord comme privative pour une superficie qu’ils évaluent dorénavant à 'environ 30 m²'. Si leur titre ne précise pas que la cour existant au droit de la parcelle AH n° [Cadastre 19] est commune, il en ressort en revanche qu’elle l’est au sud en limite de la parcelle AH n° [Cadastre 26]. Or il n’existe aucun élément matériel révélant que la dite cour serait divisée en deux parties soumises à un statut juridique différent, le fait que la venelle servant de passage commun à différents fonds issus du partage de 1837 débouche à son extrémité nord- ouest militant au contraire en faveur du statut de cour commune pour le tout puisqu’elle sert ainsi, sur sa partie nord, d’issue à la voie publique. La construction à une date inconnue et dans des conditions non déterminées d’un muret séparant partiellement cette cour de la voie publique constitue un élément matériel insuffisant pour en déduire une appropriation privative par l’un des propriétaires.

Néanmoins, en se prévalant des indications contenues dans le titre de leurs auteurs consistant en un procès-verbal d’adjudication du 5 mars 1951 ainsi que dans l’inscription d’hypothèque prise à la suite de la dite acquisition et dans le procès-verbal de 1950 faisant suite aux opérations de remembrement qui ne concernaient que l’actuelle parcelle AH n° [Cadastre 19], les époux [S] soutiennent que le remembrement a attribué à leurs auteurs, à titre privatif, une partie de la cour pour une superficie qu’ils fixaient initialement à 28 m² et dorénavant à 30 m² 'au midi et à l’emport’ de la propriété bâtie cadastrée section AH n° [Cadastre 19]. Ils en déduisent que la propriété à eux transmise par les consorts [R] avait une superficie supérieure à celle indiquée dans leur propre titre de propriété (57 m²) et comportait outre la partie bâtie qu’ils évaluent à 55 m² (l’expert retenant une surface de 59 m²), la partie nord de la cour.

Mais les investigations de l’expert, les différents titres de propriété qu’il a analysés, les plans cadastraux et le plan de remembrement annexé à l’arrêté préfectoral du 19 juin 1950 ainsi que la situation matérielle et l’usage constant des lieux démontrent les incohérences contenues dans le jugement d’adjudication de 1951. Les époux [S] reconnaissent d’ailleurs dans leurs écritures que l’indication de superficie contenue dans le titre de leurs auteurs et dans l’inscription d’hypothèque est nécessairement erronée (85 m² + 60 m²) et proposent de retenir une surface de 93 m² (33 + 60) ou de 85 m² (55 + 30) mais il s’agit de prétentions fondées sur de simples supputations reposant sur le postulat contestable que le remembrement avait attribué aux consorts [Y], auteurs des consorts [R], une parcelle de 60 m² libre de toute construction s’ajoutant à leur propriété partiellement reconstruite. Or il ressort de l’ensemble des éléments concordants analysés par l’expert que la parcelle Z n° [Cadastre 25] de 60 m² attribuée par l’arrêté préfectoral du 19 juin 1950 aux consorts [Y], auteurs des époux [S], correspond pour le tout à la parcelle intégralement bâtie initialement cadastrée AB [Cadastre 30] qui, entièrement ruinée par les bombardements de 1945, avait été incluse en 1947 dans le périmètre des opérations de remembrement pour une contenance alors évaluée à 57 m². Cette parcelle Z n° [Cadastre 25], actuellement cadastrée section AH n° [Cadastre 19] pour une contenance de 57 m², est définie par le plan annexé à l’arrêté préfectoral de 1950 par ses joignants (au nord [Adresse 38], au sud la cour commune). Il en résulte que contrairement à ce qui est soutenu, elle incluait, lors de son attribution en 1950, un bâtiment d’environ 38 m² et un terrain en pignon est de 21 m² sur lequel a ensuite été édifié un cellier ultérieurement surélevé par les époux [S]. Il s’en déduit que, nonobstant les principes énoncés par le remembrement, la parcelle apportée en 1947 par les consorts [Y] à l’association syndicale de remembrement de Pleurtuit comportait une partie portant un bâtiment (vraisemblablement toujours en l’état de ruine révélé par la photographie incluse dans les conclusions), ce qui n’était d’ailleurs pas anormal puisque tout le bâtiment occupant la parcelle initialement cadastrée AB n° [Cadastre 30] avait été bombardé. Il était dès lors logique de l’assimiler à un terrain nu pour le tout, même si seule une partie devait ou avait déjà été rasée pour être remplacée, après réattribution, par un cellier d’une superficie de 21 m² .

Ceci est corroboré par les différents actes et plans analysés par l’expert, par les indices matériels révélés par le cadastre quant au positionnement de la parcelle par rapport aux édifices voisins, mais aussi par le fait que la propriété bâtie cadastrée AH n° [Cadastre 19] des époux [S] est édifiée dans l’alignement de leur propriété bâtie implantée sur la parcelle AH n° [Cadastre 20] (acquise en 1972) décrite comme donnant au sud sur la cour commune. Les photographies versées aux débats révèlent qu’il s’agit d’un ensemble de bâtiments d’un seul tenant de type longère, de construction ancienne, dont la façade sud, qui donne sur la cour commune, et la venelle la prolongeant vers l’ouest, se situe au même emplacement depuis le partage de 1837 (cf. reconstitution de l’expert en page 21 de sa note d’observation du 30 décembre 2019). Or il n’existe aucun élément permettant d’affirmer que la cour commune créée en 1837 au droit de cet ensemble immobilier ait ensuite été en partie acquise par titre ou prescription.

Vainement les époux [S] soutiennent-ils que le procès-verbal de remembrement, primant les actes antérieurs, aurait attribué à leurs auteurs une partie de cette cour commune dès lors que celle-ci n’étant pas incluse dans le périmètre du remembrement, une telle attribution n’aurait pas été possible. Ceci n’est d’ailleurs pas corroboré par le plan joint à l’arrêté préfectoral du 31 juillet 1950 qui établit que la surface attribuée pour une contenance évaluée à 60 m² correspond pour partie à l’emprise d’un immeuble bâti qui avait été inclus dans le périmètre du remembrement.

L’erreur de contenance contenue dans le titre des consorts [R], auteurs des époux [S], a été reconnue par les vendeurs puisque non seulement ceux-ci n’ont jamais revendiqué, ni possédé une parcelle plus importante que l’actuelle parcelle AH [Cadastre 19] correspondant pour sa totalité à la parcelle Z [Cadastre 25] attribuée par le remembrement et antérieurement à la parcelle cadastrée AB n° [Cadastre 30], mais ont au contraire fait rectifier l’erreur contenue dans leur titre. En effet, ils n’ont cédé aux époux [S] qu’une parcelle cadastrée section AH n° [Cadastre 19] d’une contenance de 57 m² et non une parcelle d’une contenance de 85 m² et encore moins de 93 m² ou de 145 m² selon les interprétations données au jugement d’adjudication ou à l’inscription d’hypothèque judiciaire prise à sa suite. Les époux [S] ne pouvant revendiquer une propriété d’une superficie supérieure à celle qui leur a été cédée, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté leur revendication portant sur une partie de la cour dont le caractère commun est établi pour le tout.

Le rapport d’expertise démontre que la cour litigieuse est commune à l’ensemble des propriétaires des parcelles qui la bordent et des parcelles desservies par la venelle qui y débouche et donc aux époux [N] (parcelle AH [Cadastre 21]), aux époux [S] (parcelles AH [Cadastre 20], [Cadastre 19] et [Cadastre 26]), à Mme [Z] (parcelle AH [Cadastre 22]) et à M. [A] (parcelles AH [Cadastre 23] et [Cadastre 24]). La demande formée par les intimés de ce chef sera en conséquence accueillie.

L’expert a proposé deux délimitations possibles de la limite ouest de la cour commune selon qu’y est incluse la portion de venelle longeant l’immeuble bâti sur la parcelle section AH n° [Cadastre 20] des époux [S] (et ce conformément à la description de leur titre) ou retenu les énonciations du cadastre confirmées par le titre des époux [N] qui qualifie cette partie de la venelle de passage commun. Les époux [S] ne se prononcent pas sur ce point mais dans le corps de leurs écritures, ils estiment que l’assiette du passage situé au droit de leur propriété bâtie sur la parcelle AH n° [Cadastre 20] leur appartient. Il s’en déduit que les parties conviennent de retenir la première proposition de l’expert, à savoir une délimitation selon le tracé A – B – C – D – E – F.

L’acte de partage constituait également une servitude de passage sur les premier et troisième lots pour la desserte des lots 2 et 4. L’assiette de cette servitude correspond à la venelle débouchant au nord-ouest de la cour, ce qui n’est pas discuté. La demande de reconnaissance d’un droit de passage sur la venelle se prolongeant au-delà de la cour commune bénéficiant aux fonds des époux [N], de Mme [Z] et de M. [A] (et non un droit personnel au profit de personnes physiques) sera en conséquence accueillie.

Les époux [S] qui succombent supporteront les dépens y compris les frais d’expertise judiciaire initiale et complémentaire, étant relevé que le bornage initialement sollicité ne recouvrait que la demande de revendication de propriété rejetée, puisqu’un bornage existait déjà pour partie et était inutile pour le surplus.

Les frais exposés par la commune de Pleurtuit ayant déjà été indemnisés par l’arrêt du 30 avril 2019, l’équité ne commande pas une nouvelle application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la collectivité publique.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des intimés l’intégralité des frais exposés par eux à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 24 février 2016 par le tribunal de grande instance de Saint-Malo en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que la cour est commune aux fonds cadastrés section AH n° [Cadastre 21] appartenant aux époux [N], section AH n° [Cadastre 19], [Cadastre 20] et [Cadastre 26] appartenant aux époux [S], section AH n° [Cadastre 22] appartenant à Mme [Z] et section AH n° [Cadastre 23] et [Cadastre 24] appartenant à M. [A] ;

Fixe les limites de la cour commune conformément au tracé A – B – C – D – E-F établi par M. [O], expert judiciaire, dans sa note d’observation du 30 décembre 2019 et dans son rapport final ;

Dit qu’il existe un droit de passage sur la venelle se prolongeant à l’ouest de la cour commune au profit des fonds cadastrés section AH n° [Cadastre 21] appartenant aux époux [N], section AH n° [Cadastre 22] appartenant à Mme [Z] et section AH n° 84 et [Cadastre 24] appartenant à M. [A] ;

Condamne in solidum M. [T] [S] et Mme [E] [M] épouse [S] à payer aux époux [W] et [P] [N], à Mme [I] [Z] et à M. [G] [A], pris ensemble, une somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne in solidum M. [T] [S] et Mme [E] [M] épouse [S] aux entiers dépens de la procédure d’appel qui comprendront l’intégralité du coût de l’expertise judiciaire initiale et complémentaire confiée à M. [O].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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