Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 31 mai 2021, n° 20/03386

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 6e ch. a, 31 mai 2021, n° 20/03386
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 20/03386
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

6e Chambre A

ARRÊT N°

N° RG 20/03386 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QZCV

M. Z X

Mme A Y

C/

Organisme LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Bruno LE TOULLEC

le MINISTERE PUBLIC

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 MAI 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

GREFFIER :

Mme B C, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée, représenté à l’audience par Monsieur Fichot, avocat général.

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Avril 2021

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Mai 2021 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTS :

Monsieur Z X

né le […] à CHATELLERAULT

[…]

Logement n° 39 – 4e étage

[…]

Madame A Y

née le […] à […]

[…]

[…]

[…]

Représentés par Me Bruno LE TOULLEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

LE MINISTERE PUBLIC

en la personne du Procureur de la République de Nantes, représenté par le Procureur Général près la cour d’appel de Rennes

[…]

[…]

[…]

Représenté par Monsieur Fichot, avocat général

Monsieur Z X, né le […] à […], de nationalité française, et Madame A Y, né le […] à […], de nationalité marocaine, ont sollicité la délivrance d’un certificat de capacité à mariage auprès du consulat général de France à CASABLANCA (Maroc), en vue de leur mariage devant être célébré dans cette circonscription consulaire.

Le 17 avril 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de NANTES a formé opposition à leur mariage, leur projet d’union étant suspecté d’être dépourvu d’intention matrimoniale.

Par acte du 7 août 2019, Monsieur Z X et Madame A Y ont fait assigner le Ministère public aux fins d’obtenir la mainlevée de l’opposition.

Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de NANTES a débouté Monsieur Z X et Madame A Y de leur demande de mainlevée de l’opposition à la célébration de leur mariage formée le 17 avril 2019 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de NANTES et les a condamnés aux entiers dépens.

Par déclaration du 24 juillet 2020, Monsieur Z X et Madame A Y ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 18 mars 2021, Madame A Y et Monsieur Z X demandent à la Cour d’infirmer le jugement critiqué, d’ordonner la mainlevée de l’opposition à mariage formée par le procureur de la République de NANTES par acte en date du 18 avril 2019, de condamner le Trésor public à payer à Monsieur Z X 2 400 € et à Madame A Y 2 000 € au titre des frais irrépétibles et de condamner le Trésor public aux entiers dépens.

Aux termes de ses écritures notifiées le 5 janvier 2021, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement critiqué.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la Cour relève que les appelants contestent abondamment dans leurs écritures la légalité de l’enquête de police dont Monsieur X a fait l’objet et le non-respect des principes énoncés par la convention européenne des droits humains mais ils n’en tirent cependant aucune conséquence juridique dans le dispositif de leurs conclusions ; ils ne sollicitent pas notamment que l’enquête critiquée par eux, diligentée par les services de police, soit écartée des débats ou que la procédure soit annulée. Au surplus, il est invoqué le non-respect des dispositions du code de procédure pénale, alors que ces textes ne sont pas applicables au cas d’espèce.

En vertu des dispositions de l’article 146 du code civil, 'Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement'.

S’agissant du mariage d’un français devant être célébré à l’étranger par une autorité étrangère, l’article 171-4 du code civil dispose :

'Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé encourt la nullité au titre de articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, l’autorité diplomatique ou consulaire saisit sans délai le procureur de la République compétent et en informe les intéressés.

Le Procureur de la République peut, dans le délai de deux mois à compter de sa saisine, faire connaître par une décision motivée, à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où la célébration du mariage est envisagée et aux intéressés, qu’il s’oppose à cette célébration.

La main levée de l’opposition peut être demandée, à tout moment, devant le tribunal de grande instance conformément aux dispositions des articles 177 et 178 par les futurs époux, même mineurs.'

Il résulte enfin des dispositions de l’article 176 dernier alinéa du code civil, que 'lorsque l’opposition est faite par le ministère public, elle ne cesse de produire effet que sur décision judiciaire'.

Il appartient en conséquence au Ministère public de rapporter la preuve d’indices sérieux, permettant

de considérer que l’union projetée l’est à des fins étrangères à celles du mariage.

Il résulte des auditions séparées des époux réalisées par les autorités consulaires le 10 octobre 2018 pour Monsieur X et le 24 octobre 2018 pour Madame A Y, que les époux ne se connaissaient pas avant le 6 octobre 2018, qu’ils se sont rencontrés par l’intermédiaire d’une connaissance commune et ont immédiatement décidé de se marier. Monsieur Z X a été de nouveau entendu par les services de police le 5 avril 2019 dans le cadre d’une enquête administrative et dans des conditions qui n’apparaissent pas susceptibles d’une quelconque critique. En particulier, Monsieur Z X était libre de quitter les locaux de la police à tout moment et son audition n’a duré que 50 minutes.

A l’occasion de son audition, Monsieur X a pu indiquer n’avoir jamais eu de vraie discussion avec Madame A Y, principalement en raison de l’absence de langue de communication, Monsieur X ne parlant pas l’arabe et Madame A Y ne connaissant que quelques mots de français. Outre la barrière de la langue, les auditions révèlent une méconnaissance mutuelle des époux et l’absence de projet matrimonial construit.

Ainsi, Monsieur X, dans son audition par l’autorité consulaire, a pu indiquer que les deux parents de Madame A Y sont décédés et qu’elle a deux frères et deux soeurs, tandis que la future épouse a indiqué que sa mère était encore en vie et qu’elle a quatre frères et deux soeurs. Ces divergences traduisent une méconnaissance de la structure familiale de Madame A Y mais également et surtout des préoccupations de cette dernière. En effet, elle a pu déclarer qu’étant à la charge de sa mère depuis le décès de son père, il lui paraissait préférable de se marier, cette circonstance étant ainsi déterminante dans sa démarche. Il est curieux de constater que lors de son audition par les services de police, Monsieur Z X a modifié ses déclarations sur la composition familiale de sa future épouse en affirmant que seul son père est décédé et qu’elle a également trois frères et pas de soeur, ce qui n’est pas conforme aux déclarations de Madame A Y.

Quant à la future épouse, elle ne connaît pas le nom de famille de Monsieur X, elle ignore sa profession ou ses revenus, s’il est propriétaire ou le type de logement qu’il occupe et ce nonobstant le fait qu’elle déclare ne pas vouloir travailler et compter sur Monsieur X pour subvenir à ses besoins, et qu’ainsi sa future situation sera déterminée par ces éléments.

Relativement au projet conjugal, les deux parties reconnaissent ne pas l’avoir construit, imputant ce fait à la barrière de la langue, la nécessité du recours à un interprète et l’impossibilité, dans la culture marocaine, pour un homme et une femme non mariés de passer du temps ensemble en tête à tête. Le sujet des enfants évoqué au cours des auditions révèle des approches divergentes, ainsi Madame A Y indique souhaiter vouloir deux enfants, tandis que Monsieur X précise que la prise d’un contraceptif étant inenvisageable, les enfants viendront ou pas 'à la grâce de Dieu'.

Les déclarations des appelants selon lesquelles les connaissances mutuelles qui les ont présentées ont leur absolue confiance et que c’est ainsi qu’ils ont pu savoir qu’ils avaient des projets de vie similaires, sont directement contredites par le contenu de leurs auditions qui dénote l’absence de connaissance de leur conception respective de la vie commune à venir.

Si, ainsi que Monsieur X et Madame Y le soutiennent, la circonstance que le mariage soit un mariage arrangé, organisé dans la précipitation, n’est pas exclusive d’une réelle intention matrimoniale, en revanche les incohérences des déclarations des futurs époux, les circonstances de leur rencontre, l’absence d’échange sur leur future vie commune même par le biais d’un intermédiaire et l’inexistence d’un projet conjugal construit constituent des indices sérieux d’absence d’intention matrimoniale.

Depuis leurs fiançailles en octobre 2018, Monsieur X a séjourné deux fois au Maroc, entre le

21 décembre 2019 et le 20 janvier 2020 puis du 7 au 21 mars 2020 et les appelants produisent des captures d’écran, des relevés de conversation sur le réseau social WhatsApp et des communications téléphoniques, ainsi que des échanges de mini-messages, dont la véracité est difficile à vérifier. Ils produisent en outre des attestations de proches qui ont pour vocation de démontrer la sincérité de la démarche de Monsieur X. Cependant, ils ne permettent pas à eux seuls de s’assurer de la sincérité de l’intention matrimoniale des époux, les éléments produits ayant de toute évidence étaient établis pour les besoins de la cause. Il est à cet égard curieux de constater que dans les messages échangés à partir de début 2019, Madame A Y maîtrise parfaitement le français alors qu’elle ne parlait pas cette langue en octobre 2018. Il est donc peu vraisemblable qu’elle soit la rédactrice de ces messages. Les relevés d’appel téléphoniques sont insuffisants à rapporter la preuve du contenu des conversations intervenues entre les futurs époux. Si le passeport de Monsieur Z X fait mention de deux voyages au Maroc en janvier 2020 et mars 2020, il ne démontre pas qu’il a séjourné aux côtés de Madame A Y.

Ainsi, les différentes pièces produites sont insuffisantes pour contredire les éléments de preuve fournis par le parquet et notamment, le développement de relations plus profondes et une meilleure connaissance réciproque, un projet de vie commune plus abouti ou une aisance plus grande dans la communication.

Il s’ensuit que Monsieur X et Madame Y échouent à renverser les indices relevés par le Ministère public d’une absence d’intention matrimoniale et ils seront déboutés de leur demande de mainlevée de l’opposition à mariage.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Monsieur X et Madame Y succombant en leur demande, ils seront condamnés aux dépens et ils seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X et Madame Y in solidum aux dépens,

Déboute Monsieur X et Madame Y de leur demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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