Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 14 septembre 2021, n° 19/00735

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 14 sept. 2021, n° 19/00735
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/00735
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°307/2021

N° RG 19/00735 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PQFE

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES ILE DE FRANCE PARIS

MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES PUBLIQUES

C/

Association RESIDENCE LA SUZAIE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Président : Madame Aline DELIERE, présidente de chambre,

Assesseur : Madame Y Z, Conseillère

Assesseur : Madame A B, Conseillère,

GREFFIER :

Madame F-G H, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Mai 2021, tenue en double rapporteur avec l’accord des parties, par Mme Y Z et Mme A B, conseillères,

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

La DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES d’Ile de France et de Paris, représentant l’Etat dans les instances juridictionnelles fiscales d’assiette engagées devant le Tribunal judiciaire de Nantes agissant poursuites et diligences de Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et du département de PARIS, Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques, Pôle juridictionnel judiciaire, ayant ses bureaux

[…]

[…]

Représenté par Me Anne DENIS de la SELARL ANNE DENIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Jean-Yves BENOIST de la SCP BENOIST – DUPUY – RENOU – CESBRON – DE PONTFARCY, Plaidant, avocat au barreau du MANS

Monsieur le Directeur général des finances publiques, direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris dont le siège social est sis pôle fiscal parisien numéro 1, pôle juridictionnel judiciaire

[…]

[…]

Représenté par Me Anne DENIS de la SELARL ANNE DENIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Jean-Yves BENOIST de la SCP BENOIST – DUPUY – RENOU – CESBRON – DE PONTFARCY, Plaidant, avocat au barreau du MANS

INTIMÉE :

L’Association RÉSIDENCE LA SUZAIE représentée par son Président, domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Isabelle FOUCHARD, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE

L’association Résidence La Suzaie gère un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé […], à […].

C X, résidente, décédée le […], l’avait désignée bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie souscrit auprès de la société CNP assurances.

L’association Résidence La Suzaie a payé les droits de mutation à titre gratuit, à hauteur de 20 730 euros, sur le montant du capital perçu, soit 54 323,32 euros nets. Un certificat d’acquittement lui a été

remis le 7 juillet 2016.

Le 29 septembre 2016, elle a présenté à l’administration fiscale une réclamation aux fins de dégrèvement des droits acquittés, revendiquant l’exonération de ces droits en application de l’article 795-4° du code général des impôts (CGI). Une décision de rejet lui a été notifiée par courrier recommandé du 20 mars 2017.

Le 7 avril 2017, l’association Résidence La Suzaie a assigné la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et de Paris devant le tribunal de grande instance de Nantes en dégrèvement des droits acquittés au titre de la perception du capital de l’assurance vie.

Par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Nantes a :

— infirmé la décision de la Direction générale des finances publiques du 20 mars 2017 qui a confirmé le rejet de la demande d’exonération des droits de mutation à titre gratuit formée le 29 septembre 2016 par l’association Résidence La Suzaie,

— ordonné le dégrèvement des droits de 20 730 euros déjà acquittés par l’association Résidence La Suzaie,

— condamné M. le Directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris aux dépens et à verser à l’association Résidence La Suzaie la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelé que le jugement est exécutoire par provision.

La Direction générale des finances publiques et la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris ont fait appel le 4 février 2019 de l’ensemble des chefs du jugement.

Elles exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 12 novembre 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elles demandent à la cour de ;

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— statuant à nouveau, confirmer la décision de rejet du 20 mars 2017, débouter l’association Résidence La Suzaie de toutes ses demandes et la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

L’association Résidence La Suzaie expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 5 juillet 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de :

— débouter l’appelante de son appel,

— confirmer le jugement,

— mettre les entiers dépens à la charge de l’Etat et condamner la Direction générale des finances publiques à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

L’article 795-4° du code général des impôts dispose, dans sa version applicable au jour du décès de Mme X :

«'Sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit : (…)

4° Les dons et legs faits aux établissements publics charitables autres que ceux visés au I de l’article 794, aux mutuelles et à toutes autres sociétés reconnues d’utilité publique dont les ressources sont affectées à des 'uvres d’assistance, à la défense de l’environnement naturel ou à la protection des animaux.

Il est statué sur le caractère de bienfaisance de la disposition par le décret rendu en conseil d’Etat ou l’arrêté préfectoral qui en autorise, le cas échéant, l’acceptation» .

L’administration fiscale reconnaît que les associations qui ne sont pas reconnues d’utilité publique et qui sont seulement déclarées, comme l’est l’association Résidence La Suzaie, peut profiter de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit si elles poursuivent un but exclusif d’assistance et de bienveillance.

Aucune des parties ne conteste que l’association Résidence La Suzaie poursuit, au regard de son objet social, un but exclusif d’assistance.

Le premier juge a retenu, après avoir rappelé plusieurs définitions d’une association de bienveillance, que l’association Résidence La Suzaie poursuit également un but exclusif de bienveillance, nonobstant le fait qu’elle n’accueille pas seulement des résidents bénéficiaires de l’aide sociale, aux motifs que les «'personnes en situation précaire ou difficile'»'ne sauraient être réduites aux personnes bénéficiant de l’aide sociale et que les personnes confrontées à la vieillesse paraissent tout autant pouvoir être qualifiées de personnes en situation précaire ou difficile.

Chaque partie cite des arrêts du Conseil d’état, des circulaires ou des réponses ministérielles.

Un arrêt du Conseil d’état du 19 juin 1937 retient que sont considérées comme des associations de bienfaisance les associations qui poursuivent un but philanthropique et social à destination de bénéficiaires extérieurs à leurs membres.

Un autre arrêt du Conseil d’état du 29 décembre 1995 a précisé que les bénéficiaires d’une association de bienfaisance doivent se trouver dans une situation appelant à leur profit des actions de bienfaisance et que les activités de l’association doivent avoir pour but de pourvoir à l’amélioration des conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile.

Une circulaire du 23 juin 2010, prise en application du décret 2010-395 du 20 avril 2010 relatif au régime de libéralités consenties aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte rappelle, après citation de l’arrêt du Conseil d’état du 29 décembre 1995, qu’une association gérant un EHPAD ou un établissement de soins qui n’accueille pas de personnes relevant de l’aide sociale n’est pas une association de bienfaisance.

Le Conseil d’état précise, dans un arrêt du 17 juin 2015 relatif à l’opposition du préfet à l’acceptation de legs par une association que « les actions d’assistance et de bienfaisance s’entendent non seulement des actions tendant à améliorer les conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile mais également des actions d’information et de sensibilisation inhérentes à cet objectif ou y contribuant, notamment en permettant de recueillir les fonds nécessaires à cet effet ; que, toutefois, la part des ressources consacrée à l’amélioration des conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile doit demeurer prépondérante par rapport à celle des ressources consacrée aux

autres actions, notamment d’information et de sensibilisation, de l’association. ».

Dans une réponse ministérielle publiée le 21 mai 2019, le ministre de l’économie et des finances, interrogé à la fois sur le principe de l’acceptation des legs par le préfet et sur l’exonération des droits de succession, a rappelé que, par mesure de tempérament, les associations simplement déclarées et non reconnues d’utilité publique peuvent également bénéficier de l’exonération sous réserve qu’elles poursuivent un but exclusif d’assistance et de bienfaisance et que tel n’est pas le cas, en général, des organismes privés à but non lucratif qui ont pour mission de gérer un EHPAD, qui n’interviennent pas exclusivement au profit de personnes en situation de détresse et de misère.

L’association Résidence La Suzaie se réfère à un jugement rendu le 9 février 2016 par le tribunal administratif de Nantes, relatif à sa demande de décharge de la taxe locale d’équipement et de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, qui a jugé que l’objet et la gestion de l’association Résidence La Suzaie présentent un caractère désintéressé au sens de l’article 1er du décret n°76-731 du 30 août 1967 et que l’association a pour but exclusif l’assistance. Mais cette décision vise le but d’assistance et non celui de bienfaisance, qui est contesté par l’administration fiscale.

L’appelante fait valoir enfin qu’une réponse ministérielle du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 21 janvier 2002 retenait que le caractère d’association de bienfaisance est réservé aux seules associations qui ont pour objet d’apporter un adoucissement matériel ou moral aux misères humaines.

L’évocation de la misère humaine renvoie d’abord à une situation de pauvreté et d’incapacité à subvenir à ses besoins essentiels. Si l’âge et la dépendance conduisent à une aggravation des conditions de bien être, il ne peut être affirmé que les personnes âgées et en situation de dépendance sont dans la misère ou en situation de précarité, quand, matériellement, elles ont les moyens de pourvoir à leurs besoins, y compris ceux générés par la vieillesse.

La mission des associations de bienfaisance est de porter secours aux personnes qui se trouvent dans le besoin.

Dans ces conditions la qualification d’association exerçant, outre un but exclusif d’assistance, un but exclusif de bienfaisance ne s’applique qu’aux associations qui ne prennent en charge que des personnes non seulement vulnérables mais également démunies matériellement.

Le seul fait d’héberger et d’assister des personnes âgées et dépendantes ne permet pas de qualifier, comme le tribunal l’a fait, les EHPAD d’institutions poursuivant un but exclusif d’assistance et de bienveillance.

L’association Résidence La Suzaie soutient également que le préfet lui-même, dans un dossier identique concernant un legs fait par D E, en donnant l’autorisation d’accepter le legs, a nécessairement reconnu que l’association remplit un but exclusif d’assistance et de bienveillance. Mais dans son courrier du 30 janvier 2013 le préfet a expressément indiqué que cette reconnaissance ne préjuge pas d’une exonération des droits de mutation à titre gratuit, exonération demeurant de la compétence de l’administration fiscale.

L’EHPAD géré par l’association Résidence La Suzaie accueille à la fois des résidents qui payent eux-mêmes intégralement leurs frais de séjour et des résidents dont les frais sont payés en tout ou partie au titre de l’aide sociale. Ainsi en 2010, 26 pensionnaires sur 80 relevaient de l’aide sociale, selon l’administration fiscale.

L’association Résidence La Suzaie ne poursuit donc pas un but exclusif d’assistance et de bienveillance et ne peut bénéficier de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit prévue par l’article 795-4° du code général des impôts.

Le jugement sera infirmé et la demande de dégrèvement formée par l’association Résidence La Suzaie sera rejetée.

Partie perdante, l’association Résidence La Suzaie sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’y pas lieu, compte-tenu de la nature de l’affaire, d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute l’association Résidence La Suzaie de toutes ses demandes,

La condamne aux dépens de première instance et d’appel et rejette la demande de la Direction générale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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