Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 22 février 2022, n° 21/02517

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Augustin Gridel · L'ESSENTIEL Droit des entreprises en difficulté · 1er mars 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 3e ch. com., 22 févr. 2022, n° 21/02517
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 21/02517
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°108


N° RG 21/02517 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RSHI

M. Y X

C/

Société BANK OF BEIRUT SAL


Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me BOMMELAER


Me RENAUDIN


Copie délivrée

le :

à :M. X


BANK OF BEIRUT SAL


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 FEVRIER 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,


Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur


Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Z A, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :


Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée. Monsieur Laurent FICHOT Avocat général, a été entendu en ses observations.

DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Janvier 2022

ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Février 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

APPELANT :

Monsieur Y X

[…]

[…]


Représenté par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES


Représenté par Me Ibrahim ABOUZEID de la SELEURL ABOUZEID AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Société BANK OF BEIRUT SAL, Société de droit libanais. Immatriculée au registre du Commerce de Beyrouth sous le n°13187 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[…]


Représentée par Me 
Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES


Représentée par Me Georges SIOUFI de l’AARPI SRDB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS


La BANK OF BEIRUT est un établissement bancaire de droit libanais qui ne dispose d’aucun établissement en France, ni de succursale.


A Beyrouth, le 15 février 2019, Monsieur Y X, de nationalité franco-libanaise, a contracté avec la BANK OF BEIRUT, ayant son siège à Beyrouth – Liban-, afin d’ouvrir un compte bancaire au sein de son établissement.


Le 19 février 2019, Monsieur Y X a procédé à un virement sur ledit compte bancaire pour un montant de 320.000 euros. Cette somme a donné lieu à deux dépôts bloqués durant une année, à compter du 22 février 2019.


Le 20 janvier 2020, Monsieur Y X a informé la BANK OF BEIRUT de son souhait de ne pas renouveler le blocage des sommes versées et la BANK OF BEIRUT en a pris note le 21 janvier 2020 par email.


Par courrier du 14 avril 2020, Monsieur Y X a fait part de sa volonté de prélever la somme de 50.000 euros sur les sommes détenues au Liban et non bloquées.


Le 22 avril 2020, la BANK OF BEIRUT a informé Monsieur Y X de son impossibilité de transférer, sur un compte bancaire en France, des sommes détenues au Liban.


Le 04 mai 2020, Monsieur Y X a demandé sans succès que la somme de 91.999,15 euros (non bloquée) soit transférée sur son compte bancaire en France.


La BANK OF BEIRUT lui a répondu pouvoir effectuer un virement sur un autre compte au Liban mais ne pas pouvoir effectuer un virement sur un compte en France.

Monsieur Y X, concluant à l’impossibilité de lui restituer les fonds, a assigné la BANK OF BEIRUT en redressement judiciaire devant le tribunal de commerce de Nantes, sur le fondement des dispositions de l’article 14 du code civil.


La BANK OF BEIRUT a soulevé l’incompétence de la juridiction, en raison de la présence d’une clause attributive de juridiction dans la convention signée par M. X.

Par jugement du 07 avril 2021, le tribunal de commerce de Nantes:


- s’est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à se pourvoir,


- déclaré M. X irrecevable et mal fondé en ses demandes,


- rejeté la demande de M. X de voir prononcer à l’encontre de la BANK OF BEIRUT une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire,


- condamné M. X à payer à la BANK OF BEIRUT la somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


Autorisé à cette fin, M. X a assigné la société BANK OF BEIRUT à jour fixe devant la Cour d’appel de Rennes.

Par conclusions du 30 décembre 2021, M. X a demandé à la Cour:


- de le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;


- de débouter la société BANK OF BEIRUT SAL de l’ensemble de ses demandes ;


- d’annuler ou infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré le tribunal de Commerce de NANTES incompétent et déclaré Monsieur Y X irrecevable et mal fondée en sa demande d’ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire de la société BANK OF BEIRUT SAL ;


- de constater la cessation des paiements de la société BANK OF BEIRUT SAL;


- de prononcer à son égard l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou à défaut de liquidation judiciaire ;


- de fixer provisoirement la date de cessation des paiements au 22 avril 2020;


- de nommer tel juge commissaire et tel mandataire de justice qu’il plaira au tribunal ;


- d’ordonner l’emploi des dépens de la procédure en frais privilégiés ;


- le cas échéant, d’ordonner, la compensation à due concurrence, de toute somme qui pourrait être mise à la charge de Monsieur Y X au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec le solde créditeur de son compte ouvert en euros auprès de BANK OF BEIRUT SAL.

Par conclusions du 27 décembre 2021, la SAL BANK OF BEIRUT a demandé que la Cour :


In limine litis et à titre principal


- juge que par application de la clause attributive de juridiction, seul le Tribunal de première instance de Beyrouth est compétent pour connaître de la demande formée par Monsieur Y X, et ce, à l’exclusion de la Cour d’Appel de céans et de tout autre juridiction française ;


- confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Nantes du 7 avril 2021 en ce qu’il s’est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pouvoir,


- juge qu’elle se déclare incompétente pour en connaître,


- rejette toutes fins, moyens et conclusions contraires,


- subsidiairement, rejette les demandes de Monsieur X en ce qu’elles ne sont pas claires et contradictoires,


- très subsidiairement juge Monsieur Y X irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l’en déboute ;


- rejette la demande de Monsieur Y X de voir prononcer à l’encontre de la BANK OF BEIRUT une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire,


- confirme le jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 7 avril 2021 en toutes ses dispositions,


- y ajoutant condamne Monsieur Y X à payer à la BANK OF BEIRUT la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

Selon avis du 17 novembre 2021, le Ministère Public a invité la Cour à :


- déclarer l’appel irrecevable comme tardif,


- subsidiairement, confirmer l’incompétence matérielle et territoriale du tribunal de commerce de Nantes pour statuer sur le litige,


- très subsidiairement, dise que la preuve d’une cessation des paiements n’est pas rapportée et confirme le jugement déféré.


Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la recevabilité de l’appel :


Le Ministère Public a conclu que devaient s’appliquer les dispositions spéciales de l’article R661-3 du code de commerce fixant le délai d’appel à dix jours à compter de la notification du jugement rendu en matière de procédure collective.
Toutefois, la notification faite à M. X, après son examen, a visé les dispositions du code de procédure civile relatives aux jugements d’incompétence et indiqué que le délai d’appel était de quinze jours.


La notification a été reçue le 10 avril par M. X, dont la déclaration d’appel a été faite le 23 avril, soit dans le délai de quinze jours figurant sur la notification.


Dès lors, son appel est recevable.

Sur la compétence des juridictions françaises :


La société BANK OF BEIRUT est de droit libanais et ne possède aucun établissement en France.


Elle ne fait aucun démarchage sur le sol français et les pièces versées aux débats démontrent que M. X a été amené à contracter avec elle, non pas en raison d’une action commerciale visant des clients français mais sur les conseils personnels d’un préposé de la banque entretenant des liens d’amitiés avec son père.

M. X s’est déplacé au Liban pour signer le 15 février 2019 la convention d’ouverture de compte.


Postérieurement à la signature de la convention, des virements ont été effectués des comptes français de M. X vers le compte ouvert dans les livres de la BANK OF BEIRUT.

M. X justifie de sa nationalité française par la production de sa carte d’identité. Il se prévaut du privilège de juridiction attaché à cette nationalité pour traduire la banque libanaise devant un tribunal français :

Article 14 du code civil :

L’étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de

France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.


L’ouverture d’une procédure collective ne tend pas à l’exécution d’une obligation contractée par une partie envers le débiteur mais à permettre notamment la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.


Dans le cadre d’une procédure collective, le créancier peut certes obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par le débiteur. Mais un tel paiement n’est qu’un des accessoires de la procédure collective et doit être précédé, au cours de cette procédure, d’une déclaration de créance. C’est cette déclaration qui seule vaut demande, en justice, d’exécution d’une obligation. L’ouverture de la procédure collective n’a pas, en soi, pour objectif d’assurer l’exécution des obligations du débiteur vis à vis de son créancier.

M. X a choisi de ne pas faire assigner la société Bank of Beirut en paiement, procédure pourtant de nature à assurer l’exécution de l’obligation de cette dernière à son égard.


Le privilège de juridiction ne peut donc être utilement invoqué par M. X au titre d’une demande d’ouverture de procédure collective.


Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à se pourvoir.
En revanche, il est infirmé pour le solde, l’incompétence de la juridiction impliquant qu’elle ne pouvait pas débouter M. X de ses demandes.

M. X, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel.


Chacune des parties supportera en revanche ses propres frais irrépétibles, de première instance comme d’appel.

PAR CES MOTIFS :


La Cour,


Déclare recevable l’appel de M. X.


Confirme le jugement déféré en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à se pourvoir.


Infirme le jugement pour le solde.


Statuant à nouveau:


Dit n’y avoir lieu à statuer sur les prétentions de M. X, renvoyé à se pourvoir.


Condamne M. X aux dépens de première instance et d’appel.


Dit que chaque partie gardera à sa charge ses frais irrépétibles, de première instance comme d’appel.


Le Greffier, Le Président,
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