Cour d'appel de Rouen, 15 novembre 2016, n° 16/03250

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 15 nov. 2016, n° 16/03250
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 16/03250
Décision précédente : Juge des enfants de Rouen, 7 juin 2016

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 16/03250

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SPÉCIALE DES MINEURS

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2016

RECOURS CONTRE UNE MESURE RELATIVE A L’ASSISTANCE
EDUCATIVE

DÉCISION

DÉFÉRÉE

:

Décision rendue par le JUGE DES ENFANTS DE ROUEN en date du 08 Juin 2016.

APPELANT :

Monsieur X Y

SMNA

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Etienne NOEL de la
SELARL ETIENNE NOEL, avocat au barreau de ROUEN, vestiaire : 31

INTIMÉS :

Madame Z A

XXX

XXX

comparante en personne

Monsieur le président du conseil départemental de la Seine-Maritime

Service de l’Aide Sociale à l’Enfance

XXX

XXX

représenté par Mme B

MINEURES :

Justine Y

née le XXX

Johanna Y

née le XXX

non convoquées, non comparantes

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BERTOUX, Conseiller,

déléguée à la protection de l’enfance, présidant l’audience,

Madame LABAYE, Conseiller,

Madame FEYDEAU-THIEFFRY,
Conseiller,

assesseurs.

MINISTÈRE PUBLIC, LORS DES DÉBATS :

Monsieur l’avocat général Hervé
GARRIGUES

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme C, Faisant-fonction de greffier

DÉBATS :

En chambre du conseil le 18 Octobre 2016, après rapport de Madame le Conseiller BERTOUX

L’affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2016.

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 15 Novembre 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du
Code de procédure civile,

signé par Madame le Conseiller BERTOUX et par Mme C, adjoint administratif principal faisant-fonction de greffier et assermentée à cet effet, présente à cette audience.

M. X Y a formé appel à l’encontre d’un jugement du 08 juin 2016 du juge des enfants du tribunal de grande instance de ROUEN qui a, avec exécution provisoire :

— ordonné le placement de Justine Y, née le XXX (7 ans et demi) et Johanna
Y, née le XXX (21 mois) à M. le président du conseil départemental de
SEINE-MARITIME, service de l’aide sociale à l’enfance, pour une durée d’un an à compter de ce jour ;

— dit que le montant de toutes les allocations familiales auxquelles les mineures ouvrent droit, sera versé, pendant la durée du placement, par l’organisme débiteur, aux parents ;

— accordé à Mme D et M. Y un droit de visite médiatisée à l’égard de leurs enfants, selon des modalités à déterminer en accord avec l’organisme gardien, sauf à en référer au juge des enfants en cas de difficultés ;

— dit qu’un bilan de ces rencontres sera adressé courant décembre 2016 ;

— ordonné l’instauration d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert confiée à M. le directeur de l’Elan à l’égard de Justine et Johanna
Y pour une durée d’un mois à compter de ce jour.

Le pli recommandé contenant la notification du jugement à M. Y X est revenu au greffe avec la mention 'Destinataire inconnu à l’adresse'.
L’appel, fait par démarche de M. Y au greffe de la cour d’appel de
ROUEN, le 17 juin 2016, est recevable.

HISTORIQUE

Justine et Johanna Y sont issues de l’union de M. Y avec Mme Z D.
Cette dernière est également mère de cinq autres enfants issus de son union avec M. E
A, Antoine (14 ans et demi),
Héloîse (13 ans et demi), Marine (12 ans), Simon ( 13 ans et demi) et Camille (8 ans et demi), dont la situation est suivie par le juge des enfants (placement depuis juin 2008 pour carences répétées, troubles du langage et dans la relation aux autres pour Antoine, exposition à la sexualité des adultes pour Marine et Héloïse).

Par requête en date du 18 septembre 2015, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de ROUEN saisissait le juge des enfants de sa juridiction de la situation de
Justine et Johanna Y à la suite d’un signalement de l’aide sociale à l’enfance sollicitant l’instauration d’une mesure judiciaire d’investigation éducative à l’égard de ses deux fillettes.
Il était fait état d’une information préoccupante adressée par le CHU en date du 03 juin 2015, qui évoquait les conduites sexualisées observées chez Justine avec un enfant de 5 ans scolarisé dans la même école ainsi que les problèmes éducatifs rencontrés par ses parents défaillants quant à l’exposition de Justine à leur intimité conjugale ou à des films pornographiques, quant à son hygiène corporelle, et leurs plaintes du comportement de leur fillette. Une enquête pénale était également en cours relativement à des violences de M. Y sur Justine. Les services de l’aide sociale à l’enfance avaient également été destinataires d’une information préoccupante de l’éducation nationale, à la même période, quant à des signes de maltraitance dont serait l’objet
Justine, à son comportement, son hygiène et son manque de respect des règles de vie. Le service social de secteur n’avait pu évaluer plus avant la situation familiale face à l’opposition virulente de Mme D.

Par décision du 10 novembre 2015, le juge des enfante ordonnait une mesure judiciaire d’investigation éducative confiée à l’Elan.

Selon le rapport de l’Elan en date du 09 mai 2016, les conditions matérielles d’accueil sont peu satisfaisantes : état d’hygiène général du logement peu satisfaisant, difficultés d’hygiène corporelle tant des adultes que des enfants, présence de deux chiens, accès aux produits ménagers dangereux. Il est évoqué l’histoire des parents, tous deux exposés à la violence parentale, violence qui apparaît aujourd’hui intégrée comme mode relationnel. Les parents s’accordent sur une définition des difficultés éducatives qui ne concerneraient que Justine et dont elle serait responsable : c’est parce qu’elle fait des crises, ne leur obéit pas, ment… qu’ils sont parfois démunis. Mme D est celle qui fixe les règles, donne les sanctions, outre le fait qu’elle gère la prise en charge au quotidien des deux fillettes (alimentation, sommeil, hygiène…). Pour cette dernière, l’école actuelle est responsable des difficultés, tout comme l’école maternelle l’an passé, qui n’a pas su protéger sa fille d’une agression sexuelle et a accusé à tort la famille de maltraitance physique.
Justine est également pointée comme

responsable de la situation actuelle puisqu’elle provoque l’agression des autres. Lors de l’entretien avec le service, Justine a d’emblée évoqué la violence verbale paternelle envers sa mère, sa soeur ainsi qu’elle-même puis physique (tape sur les mains, sur le fesses). Il est relevé un mode d’entrée en relation de Justine qui témoigne de l’absence de limites intégrées.
La mesure confirme également le défaut d’hygiène de la fillette. L’équipe pédagogique fait état de ses inquiétudes quant à l’évolution de cette enfant qualifiée de voleuse, menteuse, manipulatrice avec les autres enfants, sans crainte des adultes qu’elle n’hésite pas à menacer.
Globalement elle semble en capacité d’entrer dans les apprentissages mais l’environnement dans lequel elle évolue y fait obstacle. En ce qui concerne
Johanna, les mêmes problèmes d’hygiène corporelle sont observés ainsi que des troubles dans sa relation à l’autre ainsi que dans son développement : retard dans l’acquisition de la marche, du langage notamment. Il est par ailleurs fait état d’un suivi médical aléatoire ainsi qu’il résulte des contradictions entre le discours des parents et celui du dernier médecin consulté et de l’absence de consultation ophtalmologique des enfants pourtant préconisée. M. Y se montre attaché à sa fille aînée mais le lien avec Johanna apparaît peu établi. La violence physique et verbale est intégrée chez lui comme mode relationnel et éducatif dont il nie les impacts sur ses enfants, victimes directes ou indirectes. Mme D ne perçoit pas les besoins des enfants sur le plan alimentaire, de l’hygiène, de la stimulation. Selon l’analyse psychologique, la famille connaît actuellement des relations pathologiques où se confondent la maltraitance et les troubles importants de Justine. Ces troubles sont en lien à cette maltraitance et risquent de s’aggraver.
Les parents ne reconnaissent pas leurs difficultés et projettent les conflits sur l’extérieur ( école, parents d’autres enfants, voisin). L’agressivité actée contre Justine est vécue comme un acte défensif ordinaire. L’enfant a de son côté intégré qu’elle est agresseur, coupable. Johanna évolue dans ce contexte perturbé et à risque pour son développement. Le service exprime ses inquiétudes quant à ce dysfonctionnement familial :
violences physiques et psychiques contre
Justine, verbalisées mais non reconnues comme telles, l’absence de toute culpabilité chez les parents qui se sentent légitimes dans les actes agressifs qu’ils posent auprès de leur fille, fillette qui conçoit ces violences comme méritées parce qu’elle se vit coupable et responsable du traitement qu’elle reçoit. Les symptômes présentés par Justine proviennent d’une pathologie familiale à laquelle elle réagit. La seule alternative pertinente actuellement est l’éloignement sans délais des deux enfants dans le cadre d’un placement judiciaire avec droit de visite médiatisée.

Selon des notes actualisées en date des 11 et 14 octobre 2016, Justine à la suite d’un appel téléphonique de ses parents le 23 septembre, s’est mise à pleurer sans raison apparente, et à crier, disant : 'ma petite soeur paie à cause de mes bêtises, je suis une salope, une pute.' elle se donne des claques sur le visage et se mord la main. Il est relevé que la fillette fait état de mauvais traitements qu’elle subirait de la part de sa mère (fessées…), de la violence de son père à l’égard des animaux. Lors des visites médiatisées, il est noté l’extrême agitation de
Justine. Mme D reste très distante vis à vis d’elle, la culpabilisant face à la décision de placement, l’invitant à changer de comportement pour pouvoir revenir à la maison et lui signalant le comportement exemplaire de sa petite soeur. Vis à vis du travail éducatif, elle peut se montrer tantôt coopérative, tantôt menaçante envers les professionnels. Il est néanmoins repéré un bon lien entre les deux fillettes et leurs parents qui se sont montrés adaptés dans la prise en charge sur ces temps Leur demande de récupérer les filles a été abordée avec les parents qui entendent le besoin de travailler cela, jusqu’à l’échéance initiale.
Le maintien du placement est sollicité avec une évolution des droits envisageable de façon progressive.

DEMANDES ET PRÉTENTIONS DES
PARTIES

A l’audience, M. X Y expose que les dénonciations de l’école sont fausses ; qu’ils ont déposé plainte contre l’école ; qu’ils ne sont pas les auteurs de violence sur leur fille ; que les fessées sont très rare s; qu’il demande la mainlevée du placement, à défaut un droit d’hébergement tous les 15

jours et pour Halloween.

Mme Z A indique qu’elle reconnaît ses torts qui sont peut- être d’être un peu trop sévère envers ses filles ; qu’elles ont été placées parce que ses autres enfants ont également été placés ; que ce n’est pas une question d’hygiène ou de nourriture ; que ses parents étaient stricts mais qu’ils ne l’ont jamais frappée ; qu’elle a pu donner des fessées lorsqu’elle était oppressée ; qu’elle voudrait récupérer les enfants, même avec une mesure éducatives, ou au moins bénéficier d’un droit d’hébergement un week-end par mois ou en visites libres régulièrement. Elle souligne que les fillettes sont en famille d’accueil sur la région rouennaise alors qu’ils sont sur Dieppe et qu’ils n’ont qu’un scooter pour se déplacer.

Le représentant de l’aide sociale à l’enfance explique que les enfants ne sont pas responsables du placement; que les troubles du comportement et les menaces sur
Justine lors des visites ou au téléphone inquiètent ; que les parents sont très attachés à leurs filles mais il doivent entendre qu’il doivent adhérer à la mesure ; que le travail n’est pas encore engagé ; qu’il n’existe pas encore de sécurité lors de l’exercice de leurs droits ; qu’en ce qui concerne l’éloignement géographique, les parents, alors qu’ils n’ont pas la charge quotidienne des enfants continuent de disposer des allocations familiales ; qu’il est nécessaire d’apaiser Justice qui ne doit pas être tenue pour responsable du placement ; que la confirmation du jugement est sollicitée.

L’avocat des appelants sollicite, à titre principal, la mainlevée du placement, ou dans l’attente un droit d’hébergement. Il fait valoir que même si des comportements sont à rectifier, ce sont des parents affectueux.

Le Ministère Public observe que les parents admettent certaines carences; qu’il faut cependant poursuivre la réflexion avec les services compétents;
qu’il requiert la confirmation de la décision.

SUR CE,

En vertu de l’article 375 du code civil, « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et père conjointement, ou de l’un des deux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, ou du mineur lui-même ou du ministère public. (').

La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu’il s’agit d’une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée.
»

L’article 375-2 ajoute que « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel ».

Enfin, l’article 375-3 précise que « si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier (') à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ».

La mesure judiciaire d’investigation éducative a confirmé les défaillances des parents dans la prise en chargé éducative de leurs filles observées tant par les professionnels du milieu médical que par ceux du milieu scolaire: violence parentale, conjugale, absence de règles éducatives, difficultés des enfants dans les apprentissages, problèmes d’hygiène corporelle et du logement. La violence physique et verbale est repérée comme le mode relationnel et éducatif au domicile familial. Les parents, du fait notamment d’une histoire personnelle empreinte de violence, peinent à prendre la mesure des retentissements de ces conditions de vie, qu’ils proposent à leurs filles, qui compromettent gravement leur

développement physique,

affectif, intellectuel et social.

Un travail autour de la relation parents-enfants et sur le

dysfonctionnement familial doit être entrepris avec les parents.

C’est par conséquent, à bon droit, que le placement de Justine et

Johanna a été ordonné par le juge

des enfants. La décision doit donc être confirmée de ce chef.

Les parents ne parviennent pas encore à remettre en cause leurs attitudes éducatives, considérant que le comportement de Justine est seul responsable du placement des deux fillettes, comme en attestent leurs propos relevés lors de l’exercice de leurs droits de visite à l’adresse de Justine. Il est donc encore nécessaire de protéger les enfants du comportement parental par le maintien de droits de visite médiatisée.

Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

Les autres dispositions du jugement qui ne sont pas critiquées seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement rendu le 08 juin 2016 par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Rouen,

Ordonne le renvoi du dossier au juge des enfants compétent pour qu’il en assure le suivi,

Dit que les dépens d’appel resteront à la charge du trésor public.

Le Greffier, Le Conseiller,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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Cour d'appel de Rouen, 15 novembre 2016, n° 16/03250