Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 30 avril 2019, n° 17/03831

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 30 avr. 2019, n° 17/03831
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 17/03831
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Le Havre, 4 juillet 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 17/03831 – N° Portalis DBV2-V-B7B-HSSJ

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 30 AVRIL 2019

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DU HAVRE du 05 Juillet 2017

APPELANTE :

URSSAF DE HAUTE NORMANDIE

[…]

2035 x

[…]

représentée par Mme X Y munie d’un pouvoir

INTIMEE :

SARL CNMEP

[…]

[…]

représentée par Me Nicolas PLANTROU, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Carine BORIS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats et du délibéré :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseiller

Monsieur CAUBET, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Z A

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Février 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 03 avril 2019, prorogé au 30 avril 2019

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 30 avril 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ROGER-MINNE, Conseiller, conformément aux dispositions de l’article 456 du code de procédure civile et par M. A, Greffier.

* * *

En 2014, la société compagnie nouvelle de manutentions et d’exploitation portuaire (la société) a présenté auprès de l’URSSAF de Haute Normandie une demande de remboursement pour un montant initial de 3'645 574,24 euros qui sera ultérieurement porté à 8'690'682 euros, incluant l’année 2014, estimant qu’une erreur avait été commise dans le calcul de la réduction Fillon au cours des 10 dernières années.

L’URSSAF a procédé à un contrôle au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013, portant sur la demande de régularisation de la réduction Fillon et a adressé à la société une lettre d’observations le 13 février 2015 rejetant la demande de crédit. La société a saisi la commission de recours amiable le 21 avril 2015 qui, par décision du 8 juillet 2015, a rejeté sa contestation. La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Havre d’un recours à l’encontre de cette décision.

L’URSSAF a procédé à un autre contrôle de la société au titre de la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015 à l’issue duquel elle a adressé une lettre d’observations le 7 septembre 2015, suivie d’une mise en demeure du 16 décembre 2015 pour un montant de 1'071'866 euros, dont 939'378 euros en cotisations et 132'488 euros en majorations de retard. Le redressement concernait les frais professionnels, le plafond annuel des congés payés, la retraite supplémentaire, la prévoyance complémentaire, le forfait social et la réduction Fillon pour la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015.

S’agissant spécifiquement de la réduction Fillon, l’inspecteur a confirmé les mises en demeure adressées à la société qui avait opéré des déductions sur ses déclarations depuis 2014 en alléguant l’erreur de calcul de la réduction sur la période 2011 à 2014. Plusieurs contraintes ont été signifiées à la société.

La société a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF le 22 décembre 2015 qui, le 8 mars 2016, a confirmé la décision de rejet de l’inspecteur résultant de la lettre d’observations du 7 septembre 2015. La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Havre d’une contestation de cette décision.

Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal a :

— dit définitive la décision de la commission de recours amiable du 8 juillet 2015,

— confirmé la décision de la commission de recours amiable du 8 mars 2016,

— condamné la société à payer à l’URSSAF de Haute Normandie la somme de 369'025 euros en

cotisations et 52'074 euros en majorations de retard,

— dit qu’au titre des périodes objet du recours, la société ne pouvait prétendre à la neutralisation des temps de pause, habillage, déshabillage et douche,

— dit qu’au titre des périodes objet des recours recevables, la société pouvait prétendre à la neutralisation des temps de coupure,

— rejeté la demande de validation des contraintes,

— renvoyé l’URSSAF à procéder au calcul des sommes dues au titre des périodes objet du recours, au titre de la neutralisation des seuls temps de coupure, sous réserve de ce que la société verse entre ses mains les éléments comptables et administratifs nécessaires à la justification de ces temps de coupure,

— débouté la société de ses autres demandes.

L’URSSAF de Haute Normandie a relevé appel du jugement.

Par conclusions remises le 31 janvier 2019, soutenues à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de ses moyens, elle demande à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il a dit que pour les périodes objet des recours recevables la société pouvait prétendre à la neutralisation des temps de coupure,

— dire que la société ne peut prétendre à cette neutralisation,

— valider les contraintes,

— confirmer le jugement pour le surplus,

— condamner la société au paiement de la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner la publication de la décision à intervenir dans le Paris Normandie édition Le Havre et dans le journal de la marine marchande, aux frais de la société,

— à titre subsidiaire, fixer un délai de communication pour les éléments justificatifs permettant le recalcul des sommes dues et prévoir qu’en cas de non-respect de ce délai le chiffrage initial de l’URSSAF serait retenu et qu’une date de renvoi soit fixée afin que la cour puisse statuer sur un éventuel désaccord quant au montant recalculé.

Elle fait valoir que la société est mal fondée en sa demande de nullité de la procédure au motif qu’elle n’a fourni aucune pièce justificative concernant les différents chefs de redressement, de sorte que l’inspecteur n’a pas pu procéder à une vérification par échantillonnage et extrapolation et que s’agissant particulièrement du chef de redressement réduction Fillon l’inspecteur a relevé une erreur dans la formule de calcul appliquée par l’entreprise, ayant pour conséquence une absence de validation des crédits que la société avait déduits de ses bordereaux de cotisations. Elle soutient que faute pour la société d’avoir saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai de deux mois de la notification de la décision de la commission de recours amiable du 8 juillet 2015, cette décision est définitive et que la société ne peut plus contester le refus de validation du crédit concernant la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013.

S’agissant du point relatif à la neutralisation de la rémunération des temps de pause, habillage,

déshabillage et douche, elle considère que cette neutralisation ne s’applique que dans les cas où la rémunération de ces temps est prévue dans son principe et son montant par la convention collective ; qu’en l’espèce la convention collective invoquée ne prévoit pas la rémunération du temps de pause ; qu’aucune disposition de la convention collective ne concerne les temps d’habillage et de déshabillage ; que le temps de douche prévu par l’accord local du 30 octobre 2006 relatif à l’organisation du travail sur le port de Montoir Saint-Nazaire a été étendu aux dockers mensualisés des autres entreprises du secteur portuaire par arrêté du 29 juillet 2009, soit après le 11 octobre 2007, date maximum prévue par l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale pour permettre leur neutralisation ; que les temps de pause des portiqueurs ne remplissent pas davantage les conditions permettant leur neutralisation.

Elle fait également valoir que les conventions ou accords collectifs sur lesquels se fonde la société pour la neutralisation des temps de coupure et d’amplitude ne contiennent aucune disposition posant le principe de leur rémunération, de sorte que la société ne peut prétendre à leur neutralisation.

Par conclusions remises le 1er février 2019, soutenues à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses moyens, la société demande à la cour de :

— confirmer le jugement s’agissant de la neutralisation des temps de coupure,

— le réformer sur le surplus,

— annuler les mises en demeure et contraintes notifiées pour un montant total de 7'498'275 euros dont 7'057'086 euros en cotisations et 441'189 euros en majorations de retard,

— condamner l’URSSAF à lui payer la somme de 8'690'687 euros correspondant aux cotisations indûment versées par suite d’une erreur de calcul dans la réduction Fillon sur la seule période non prescrite couvrant 2011 à 2014,

— condamner l’URSSAF au paiement d’une somme de 26'072 046 euros au titre du préjudice subi par suite du non-respect de son obligation générale d’information,

— ordonner la compensation judiciaire entre les sommes qu’elle resterait devoir à l’URSSAF au titre des autres points évoqués dans la lettre d’observations du 7 septembre 2015 et les condamnations formulées contre l’URSSAF au titre de la demande de remboursement et dans le cadre de l’action en responsabilité délictuelle,

— débouter l’URSSAF de ses demandes reconventionnelles,

— condamner l’URSSAF au paiement d’une indemnité de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l’URSSAF lui a notifié des mises en demeure postérieurement au 7 septembre 2015 qui concernent une période qu’elle n’a jamais contrôlée, de sorte qu’elles ne reposent sur aucun fondement juridique valable et elle conteste avoir opéré des déductions sur ses déclarations ou des compensations au titre des réductions Fillon qu’elle estimerait avoir injustement versées sur une période antérieure. Elle sollicite en conséquence l’annulation des contraintes émises entre le 16 novembre 2015 et le 6 juin 2016 pour un montant total de cotisations de 2'732'671 euros. S’agissant des mises en demeure notifiées au titre de la période contrôlée, elle soutient que l’URSSAF n’a pas explicitement mentionné dans sa lettre d’observations du 7 septembre 2015 qu’elle arrêtait un principe de redressement, ni le montant exact de celui-ci, ni le mode de calcul retenu. Elle considère que l’URSSAF a eu recours à une méthode d’évaluation par échantillonnage et extrapolation sans solliciter son accord préalable. Elle soutient par ailleurs être à jour de ses cotisations sur la période 2014-2015.

S’agissant de la décision de la commission de recours amiable du 21 avril 2015, elle conteste avoir reçu sa notification, précisant que la mention figurant sur l’accusé de réception ne correspond pas au paraphe ou aux initiales du seul représentant légal de la société qui n’a régularisé aucune procuration, de sorte que le délai de recours n’a pas couru et qu’elle peut la contester.

Elle estime qu’il n’est pas prévu que la rémunération du temps de pause, d’habillage et de déshabillage soit formellement prévue dans son montant par la convention collective pour permettre sa neutralisation. Elle en déduit que sa demande de remboursement était légitime.

Elle fait valoir en outre que l’URSSAF a manqué de transparence et de loyauté à son égard dans sa demande de renseignements et d’informations concernant le calcul de la réduction Fillon auquel elle pouvait prétendre, ce qui lui a causé un grave préjudice puisqu’elle ne peut plus aujourd’hui formuler de demande de remboursement pour la période prescrite.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de la contestation de la décision de la commission de recours amiable du 8 juillet 2015 :

En application de l’article 690 du code de procédure civile la notification destinée à une personne morale est faite au lieu de son établissement. Ainsi une notification faite au siège social de l’entreprise est régulière. Ce n’est qu’à défaut d’un tel lieu que la notification doit être faite en la personne de l’un des membres de la société habilité à la recevoir.

La décision de la commission de recours amiable a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, qui comporte la dénomination de la société et l’adresse de son siège social. L’avis de réception a été signé le 22 juillet 2015. Il en résulte que la décision a été valablement notifiée et a fait courir le délai de recours. Il est constant que la société n’a pas saisi le tribunal d’une contestation de cette décision.

Le jugement, qui a constaté que la décision de la commission de recours amiable rejetant la demande de crédit au titre de la réduction Fillon pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013 était définitive, doit dès lors être confirmé.

Sur la demande d’annulation des mises en demeure et des contraintes :

Le tribunal des affaires de sécurité sociale a été saisi par la société de 13 recours contre les 13 contraintes émises entre le 9 mars 2015 et le 6 juin 2016, au titre des périodes d’août 2014 à mars 2016, pour un montant total de 7'352'006 euros en cotisations.

Sur les mises en demeure et contraintes postérieures à la lettre d’observations du 7 septembre 2015 :

Il s’agit des sept contraintes émises à compter du 16 novembre 2015 pour la période d’août 2015 à mars 2016.

Ces contraintes ont été émises à la suite de mises en demeure notifiées pour :

— des insuffisances de versement des cotisations (mises en demeure des 17 septembre, 15 octobre, 18 novembre et 28 décembre 2015, 15 avril 2016),

— des bases déclarées supérieures à la taxation provisionnelle et une régularisation d’une taxation provisionnelle (mise en demeure du 27 janvier 2016),

— un retard et une insuffisance de versement (mise en demeure du 16 mars 2016).

Ces motifs sont donc étrangers au contrôle ayant donné lieu à la lettre d’observations du 7 septembre 2015 et concernent des cotisations en cours. Or l’URSSAF, qui est chargée du recouvrement des cotisations de sécurité sociale, peut mettre en demeure l’employeur qui n’est pas à jour de ses cotisations de régulariser sa situation et à défaut lui délivrer une contrainte, sans avoir à procéder à des opérations de contrôle.

C’est dès lors à juste titre que le tribunal a rejeté le moyen de la société.

La société qui conteste avoir opéré des déductions sur ses déclarations ou des compensations au titre des réductions Fillon qu’elle estimerait avoir injustement versées sur une période antérieure ne démontre pas avoir réglé les cotisations réclamées par l’URSSAF. En effet, les paiements qu’elle a effectués qui sont mentionnés dans les mises en demeure sont inférieurs au montant total des cotisations réclamées. En outre dans son courrier du 27 octobre 2014, par lequel elle sollicitait le remboursement des sommes qu’elle estimait avoir trop versées à l’URSSAF au titre de cette réduction pour 2011 à 2013, la société indiquait que compte tenu de la perte de plus de 9 millions d’euros à ce titre, irrécupérable sur les années antérieures à 2011, elle avait été contrainte de compenser avec les cotisations dues à partir de septembre 2014 pour la totalité de la somme qu’elle estimait due par l’URSSAF pour l’année 2011. Enfin, il est constant que la société effectuant un calcul de la réduction Fillon qui lui est plus favorable que celui retenu par l’URSSAF, il en résulte qu’elle ne s’acquitte pas de la totalité des cotisations telles que réclamées par l’organisme social.

Sur la procédure de contrôle :

Il est demandé l’annulation de la mise en demeure du 16 décembre 2015 qui a fait suite à la lettre d’observations du 7 septembre 2015 ainsi que des mises en demeure sur la base desquelles les contraintes des 9 mars, 22 juin, 27 juillet, 17 août, 21 septembre et 19 octobre 2015 ont été émises.

Ainsi que le fait remarquer l’URSSAF, il est mentionné dans sa lettre d’observations qu’aucun document n’a été fourni par la société, de sorte que l’inspecteur n’a pas été en mesure de valider ses calculs. Il n’est donc pas établi que l’URSSAF a eu recours aux méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation sans respecter la procédure fixée par l’article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale.

En application de l’article R. 243-59 du même code, dans sa rédaction applicable en l’espèce, à l’issue du contrôle les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur un document qui mentionne la nature, le mode de calcul et le montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités envisagées.

Or, la lettre d’observations indique le détail mois par mois et le montant total des cotisations au titre des réductions Fillon pour la période d’août 2014 à juin 2015 qui ont fait l’objet de déductions appliquées par l’entreprise et que l’inspecteur n’a pas validées. Il en résulte que la somme réclamée à ce titre ne résulte pas d’un calcul effectué par l’URSSAF mais d’une absence de validation d’un calcul opéré par la société. Les dispositions précitées ont donc été respectées.

Sur le bénéfice de la réduction Fillon :

Sur les temps de pause, habillage, déshabillage et douche :

En application de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable de janvier 2013 à décembre 2014, la réduction est appliquée aux gains et rémunérations versés aux salariés ; son montant, calculé chaque année civile pour chaque salarié selon des modalités fixées par décret, est égal au produit de la rémunération annuelle par un coefficient qui est fonction du rapport entre la rémunération annuelle du salarié, hors rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 11

octobre 2007 et le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d’heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu.

Il en résulte que la rémunération des temps en question n’est neutralisée que lorsqu’elle est imposée par la convention ou l’accord.

Une lettre ministérielle du 24 décembre 2010 a permis d’étendre la neutralisation de la rémunération des temps de douche, dans les mêmes conditions que celles posées par l’article susvisé.

À compter du 1er janvier 2015, la neutralisation de la rémunération des temps de pause, d’habillage, de déshabillage et de douche a été supprimée.

La convention collective nationale de la manutention portuaire du 31 décembre 1993 a été étendue par arrêté du 29 septembre 1994, l’accord du 24 novembre 1999 l’a été le 1er juillet 2000 et l’accord du 30 octobre 2006, relatif à l’organisation du travail sur le port de Montoir-Saint-Nazaire, a été étendu par arrêté du 29 juillet 2009 avec effet rétroactif au 1er janvier 2006 s’agissant notamment du temps de douche. Ces textes sont donc en vigueur au 11 octobre 2007 s’agissant des dispositions qui intéressent le litige.

Or, la convention collective ne prévoit qu’une possibilité de rémunérer les temps de pause, sans autre précision. L’accord du 24 novembre 1999 n’impose pas davantage la rémunération du temps de pause. Enfin, l’accord du 30 octobre 2006 prévoit en son article 4 un temps de pause casse-croûte de 30 minutes pour un temps commandé supérieur à six heures sans stipuler une rémunération obligatoire. Il prévoit en outre un temps de douche de 20 minutes par journée de travail, dont les modalités de comptabilisation et de compensation relèvent de décisions internes à chaque entreprise.

Il ne peut dès lors en être déduit que la société rémunère les temps de pause, d’habillage, de déshabillage et de douche en application d’une convention ou d’un accord collectif en vigueur au 11 octobre 2007 et que par suite les conditions permettant la neutralisation des temps en cause sont réunies, ainsi que l’a jugé le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Sur les temps de coupure et d’amplitude :

La circulaire n° DSS/5B/2008/34 du 5 février 2008 a étendu le principe de la neutralisation de la rémunération versée en application d’une convention d’un accord collectif étendu au 11 octobre 2007 aux temps de coupure ou d’amplitude.

Le tribunal a retenu à juste titre que ces dispositions étaient d’application générale et n’étaient pas réservées au seul domaine des transports routiers.

Si le jugement dont appel indique qu’il n’est pas discuté par l’URSSAF que les temps de coupure sont prévus par les accords applicables à l’entreprise, l’URSSAF indique qu’elle avait conclu devant le tribunal que les accords invoqués ne contenaient aucune disposition posant le principe de la rémunération d’un temps de coupure et d’amplitude. La société soutient que les ouvriers dockers bénéficient de régimes spécifiques (par exemple les conducteurs tracteurs routiers bénéficieraient d’un temps de repos rémunéré égal à 30 % du shift). Toutefois, ni la convention collective ni les accords susvisés ne prévoient la rémunération des temps de coupure ou d’amplitude, de sorte qu’il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société pouvait prétendre à la neutralisation des temps de coupure au titre des périodes objet des recours recevables, en ce qu’il a rejeté la demande de validation des contraintes et en ce qu’il a renvoyé l’URSSAF à procéder au calcul des sommes dues au titre de ladite neutralisation.

Il y a lieu dès lors de valider l’ensemble des contraintes litigieuses.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

La société invoque une carence de l’organisme de sécurité sociale dans sa mission d’information. Toutefois, il n’appartient pas à cet organisme de solliciter préventivement chaque cotisant en vue de lui délivrer une information personnalisée, mais de répondre aux demandes qui lui sont soumises. Or, l’URSSAF a répondu à la demande de la société formulée en octobre 2014.

Aucune faute ne peut être reprochée à l’URSSAF, de sorte que la société sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Il y a lieu de débouter également l’URSSAF de sa demande de dommages intérêts à défaut pour elle de caractériser un abus dans l’exercice par la société des voies de recours prévues par la loi.

Sur la demande de publication de la décision :

Aucune circonstance ne justifie de faire droit à cette demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La société qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’URSSAF l’intégralité de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en ce qu’il a dit que la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF de Haute Normandie du 8 juillet 2015 était définitive, en ce qu’il a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 8 mars 2016 et en ce qu’il a dit que la société ne pouvait prétendre à la neutralisation des temps de pause, d’habillage, de déshabillage et de douche au titre des périodes objet du recours ;

L’infirme pour le surplus et y ajoutant :

Valide les contraintes litigieuses ;

Condamne la société à payer à l’URSSAF la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

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