Cour d'appel de Toulouse, 6 décembre 2013, n° 12/00135

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 6 déc. 2013, n° 12/00135
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 12/00135
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 11 décembre 2011, N° F10/00455

Sur les parties

Texte intégral

06/12/2013

ARRÊT N°

N° RG : 12/00135

N.B./G.G.

Décision déférée du 12 Décembre 2011 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE – F10/00455

XXX

MUTUALITE FRANCAISE DE LA HAUTE-GARONNE

C/

X

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE

***

APPELANTE

MUTUALITE FRANCAISE DE LA HAUTE-GARONNE, représentée par Mme Elvire de ALMEIDA LOUBIERE, présidente

XXX

XXX

représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur X

XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Véronique L’HOTE de la SCP SABATTE-L’HOTE – ROBERT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de:

C. LATRABE, président

N. BERGOUNIOU, conseiller

C. KHAZNADAR, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. NEULAT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. LATRABE, président, et par C. NEULAT, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

M. C X a été engagé à compter du 1er juin 1993 par la Mutualité de la Haute Garonne en qualité de monteur vendeur lunetier.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’optique lunetterie du 2 juin 1986.

A compter du 1er décembre 2003, il s’est vu confier la responsabilité du centre optique de Basso Cambo; le 1er avril 2004, il a été reclassé en qualité de responsable de magasin optique, cadre classe C. Par avenant du 29 janvier 2008, il a accédé à la qualité de cadre autonome, avec un salaire forfaitaire hebdomadaire de 35 heures réparties sur 5 jours par semaine.

Le 9 décembre 2008, le salarié s’est vu notifier sa mutation au centre optique de J, avec effet au 1er janvier 2009.

Le même jour, le salarié a été placé en arrêt maladie.

Estimant avoir fait l’objet d’une modification de son contrat de travail consistant en une rétrogradation, M. X a saisi, le 23 février 2010, le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins d’entendre prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Aux termes d’une deuxième visite de reprise du 24 novembre 2010, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte définitif à tout emploi au sein de la Mutualité française de la Haute-Garonne, en précisant que M. X ne pouvait reprendre un travail à la MFHG sans danger immédiat pour sa santé.

Par lettre du 13 décembre 2010, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement fixé au 24 décembre 2010.

Son licenciement lui a été notifié le 3 janvier 2011 pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.

Par un jugement du 12 décembre 2011, le conseil de prud’hommes de Toulouse a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; il a , en revanche, estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur n’ayant effectué aucune recherche loyale de reclassement. Il a en conséquence condamné ce dernier à payer au salarié les sommes suivantes:

50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement;

7 893 euros au titre de l’indemnité de préavis;

789,30 euros au titre des congés payés sur préavis;

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur a relevé, le 9 janvier 2012, appel de ce jugement qui lui a été notifié le 19 décembre 2012.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses explications orales à l’audience reprenant et développant ses conclusions écrites reçues au greffe le 29 mars 2013, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la Mutualité française de la Haute-Garonne conteste, en premier lieu, l’existence d’une modification du contrat de travail, le fait qu’une codirection du magasin de J soit organisée n’impliquant pas une rétrogradation; qu’au demeurant, la codirection était obligatoire dans le cas de M. X qui n’était pas titulaire du diplôme d’opticien, et qui ne pouvait donc prendre en charge que la direction administrative du magasin; en deuxième lieu, elle soutient que du fait de la nécessité d’organiser une deuxième visite de reprise, la reprise du versement de son salaire ne devait intervenir qu’à compter du 27 décembre 2010; en troisième lieu, qu’elle a satisfait loyalement à son obligation de reclassement, en sa qualité d’organisme privé à but non lucratif, qui ne fait partie d’aucun groupe.

Elle demande en conséquence à la cour de réformer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement et de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes, ainsi que de le condamner à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses explications orales à l’audience reprenant et développant ses conclusions écrites reçues au greffe le 12 juillet 2013, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. X, qui forme appel incident, demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il soutient que l’employeur a tenté de lui imposer une modification unilatérale de son contrat, qu’il pouvait légitimement refuser. Il demande en conséquence à la cour de porter le montant des dommages et intérêts à la somme de 79 000 euros, et de condamner l’employeur à lui payer, outre l’indemnité de préavis et les congés payés sur préavis tels que fixés par les premiers juges, une somme de 3 960 euros à titre de rappel de salaire pour la période allant du 19 novembre 2010 au 3 janvier 2011, ainsi qu’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il demande à la cour de condamner l’employeur à lui payer les mêmes sommes, eu égard à l’absence de recherche de reclassement opérée par l’employeur, qui a pour effet de rendre son licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

En l’espèce, il est établi par les pièces versées aux débats que M. X qui a été promu à la fonction de responsable du magasin optique de Basso Cambo à compter du 1er avril 2004, a bénéficié d’augmentations régulières de sa rémunération, la dernière augmentation lui ayant été notifiée le 29 janvier 2008. En sa qualité de responsable de centre optique, M. X exerçait à la fois une activité de vente et une activité de responsabilité administrative; il avait notamment la responsabilité de gérer le planning de ses collaborateurs afin d’assurer la continuité du service.

N’étant pas titulaire du brevet professionnel d’opticien lunetier, M. X était assisté, au sein du magasin de Basso Cambo, par une opticienne, Melle A B qui assurait, sous la direction de M. X, la responsabilité technique des prestations.

Aux termes de l’article L. 4362-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n°2005-102 du 11 février 2005, les établissements commerciaux dont l’objet principal est l’optique-lunetterie, leurs succursales et les rayons d’optique-lunetterie des magasins ne peuvent être dirigés ou gérés que par une personne remplissant les conditions requises pour l’exercice de la profession d’opticien-lunetier. La qualité d’opticien lunetier n’est toutefois pas obligatoire pour chacun des associés, dirigeants ou gérants de magasins d’optique et de lunettes. En conséquence, rien ne s’oppose à ce qu’un magasin d’optique ait à sa tête deux responsables, un responsable technique ayant la qualification d’opticien lunetier et un responsable administratif.

La direction d’affecter M. X au magasin de Basso Cambo a été prise lors d’une réunion des directeurs optique qui s’est tenue le 25 septembre 2008. M. X s’est vu notifier son affectation par courrier du 9 décembre 2008 ainsi rédigé: « A compter du 1er janvier 2009, vous exercerez votre activité au sein de notre centre optique sis H I à J. Vous appliquerez les horaires tels que définis par les plannings en vigueur dans le magasin. »

Il résulte des pièces du dossier que M. X, qui dirigeait l’un des centres optiques les plus importants de l’agglomération toulousaine, a été évincé de ses fonctions à l’âge de 53 ans, au profit d’une jeune collaboratrice, qui travaillait sous sa direction depuis le 1er octobre 2004, et qui bien que titulaire d’un brevet de technicien supérieur d’opticien lunetier délivré le 3 juillet 2003, n’avait pas été jusqu’alors pressentie pour codiriger avec M. X le magasin de Basso Cambo, pour être affecté dans un centre optique moins important. Dans sa nouvelle affectation, il devenait le second d’une directrice de centre optique à temps partiel, Mme E Z. A ce titre, il perdait un certain nombre des prérogatives qui étaient les siennes jusqu’alors dans l’exécution de ses tâches administratives, notamment la gestion des plannings.

La Mutualité française de la Haute-Garonne, qui expose qu’un tiers de ses magasins fonctionnaient avec une direction bicéphale, ne s’explique pas sur les raisons pour lesquelles le magasin de J, beaucoup moins important que celui de Basso Cambo, exigeait la présence de deux directeurs alors que celui de Basso Cambo continuait de fonctionner avec un seul.

Il résulte en outre des plannings établis par Mme Z et transmis à M. X le 13 janvier 2009, que le salarié, qui en vertu de l’avenant à son contrat de travail du 29 janvier 2008, avait le statut de cadre autonome, avec un quota hebdomadaire forfaitaire de 35 heures, devait désormais effectuer 39 heures.

Il s’évince des observations qui précèdent que l’employeur a tenté d’imposer à M. X une modification de son contrat de travail caractérisé par une diminution de ses responsabilités constitutive d’une rétrogradation, laquelle constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur. Le jugement du conseil de prud’hommes sera réformé sur ce point.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du prononcé du licenciement, soit le 3 janvier 2011.

Compte tenu de l’ancienneté de M. X au sein de la Mutualité française de la Haute-Garonne (plus de quinze ans) et des circonstances de la rupture, le salarié est en droit de prétendre à des dommages et intérêts que le conseil de prud’hommes a justement estimé à la somme de 50 000 euros.

Sur le licenciement :

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur étant accueillie, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le licenciement.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a alloué au salarié une somme de 7 893 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre celle de 789,30 euros au titre des congés payés y afférents.

— Sur la demande de rappel de salaire pour la période comprise entre le 19 novembre 2010 et le 3 janvier 2011 :

Le médecin du travail a émis, le 18 octobre 2010, un premier avis d’inaptitude ainsi rédigé: « inapte définitif à tout travail à la Mutualité de la Haute-Garonne; aucun aménagement n’est préconisé. Une deuxième visite médicale n’est pas nécessaire ».

L’inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l’avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l’article R. 241-51-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, qu’une seul visite est effectuée. En l’espèce, le médecin du travail n’a pas caractérisé l’existence d’un danger immédiat, ni mentionné l’application de l’article R. 241-51-1 du code du travail, de sorte que l’avis d’inaptitude, contrairement à la motivation du conseil de prud’hommes sur ce point, doit s’entendre de celui qui a été émis le 24 novembre 2010. La reprise du versement du salaire devant intervenir le 26 décembre 2010, l’employeur reste devoir au salarié le salaire du 26 décembre 2010 au 3 janvier 2011, soit la somme brute de 789,40 euros, outre celle de 78,94 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais exposés non compris dans les dépens ; il y a lieu de mettre à la charge de l’employeur le versement à M. X, en cause d’appel, d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la Cour

Réforme le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X.

Et, statuant de nouveau:

Dit que la modification de son contrat de travail invoquée par M. X est établie et constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Condamne la Mutualité française de la Haute-Garonne à payer à M. X :

789,40 euros brut au titre du salaire du 26 décembre 2010 au 3 janvier 2011;

78,94 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Condamne l’employeur à payer au salarié, en cause d’appel, une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Mutualité française de la Haute-Garonne aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme C. LATRABE, président et par Mme C. NEULAT, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. NEULAT C. LATRABE

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