Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 25 octobre 2017, n° 15/04996

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 25 oct. 2017, n° 15/04996
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 15/04996
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Castres, 9 septembre 2015, N° 14/00395
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

25/10/2017

ARRÊT N° 708/2017

N°RG: 15/04996

MT/VBJ

Décision déférée du 10 Septembre 2015 – Tribunal de Grande Instance de CASTRES – 14/00395

Mme X

SARL MARTOREL BATIMENT

C/

J Z

K A

SA C L IARD

REFORMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3e chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT

***

APPELANT

SARL MARTOREL BATIMENT poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

'[…]

[…]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Henri-Jean MARCOU de la SCP MARCOU ICHARD ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de CASTRES

INTIMES

Monsieur J Z

[…]

[…]

Représenté par Me Hélène ARNAUD LAUR de la SCP MAIGNIAL SALVAIRE ARNAUD LAUR LABADIE BOONSTOPPEL LAURENT, avocat au barreau de CASTRES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555-010344 du 18/04/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

Madame K A

La Pradarié

[…]

Représentée par Me Hélène ARNAUD LAUR de la SCP MAIGNIAL SALVAIRE ARNAUD LAUR LABADIE BOONSTOPPEL LAURENT, avocat au barreau de CASTRES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555-010333 du 18/04/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

SA C L IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Pascal BUGIS de la SCP BUGIS PERES BALLIN RENIER ALRAN, avocat plaidant au barreau de CASTRES

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. N, président

A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller

V. BLANQUE-JEAN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Y

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. N, président, et par M. Y, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

M. Z et Mme A ont confié à la Sarl Martorel Bâtiment, assurée en garantie décennale par la société C L Iard, divers travaux de rénovation d’un immeuble à usage d’habitation situé lieudit 'La Cachoque’ […].

Les travaux, réalisés durant l’année 2010, ont été facturés 32 527, 32 € et réglés par les maîtres d’ouvrage, à l’exception d’une somme de 558, 51€ sur la dernière facture du 1er octobre 2010.

Les consorts Z-A se sont plaints de désordres et non-conformités et ont fait dresser constat d’huissier le 14 novembre 2011.

Par ordonnances des 14 février et 12 juin 2012, le juge des référés a désigné M. B en qualité d’expert.

Saisi par les consorts Z-A en lecture du rapport déposé le 21 mai 2013, le tribunal de grande instance de Castres a, par jugement du 10 septembre 2015 :

— dit que les maîtres de l’ouvrage n’avaient pas réceptionné tacitement l’ouvrage,

— fixé la date de réception judiciaire de l’ouvrage avec réserves (visées en p. 5 à 10 du pré rapport d’expertise judiciaire n° 2 de M. B) au 14 novembre 2012,

— dit que la Sarl Martorel Bâtiment était responsable sur le fondement de la responsabilité contractuelle des non-conformités, désordres et malfaçons constatés par l’expert judiciaire,

— débouté la Sarl Martorel Bâtiment de son appel en cause et de sa demande de condamnation formulée envers C L Iard, en sa qualité d’assureur décennal,

— sur l’indemnisation des préjudices subis par M. Z et Mme A dus par la Sarl Martorel Bâtiment, ordonné avant-dire-droit une nouvelle mesure d’expertise,

— condamné la SARL Martorel Bâtiment à verser à C L Iard la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— réservé ce chef de demande formulé par les autres parties,

— réservé les autres demandes de M. Z et Mme D,

— réservé les dépens, excepté les dépens d’C L Iard et condamné la SARL Martorel Bâtiment à supporter les dépens de cet assureur,

— ordonné l’exécution provisoire.

Le second expert désigné, M. E, a déposé son rapport le 20 mai 2016 ; un jugement statuant sur les travaux de reprise a été rendu le 11 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Castres, frappé d’appel le 1er juin 2017 par l’entrepreneur.

Entre-temps, par acte du 20 octobre 2015, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Sarl Martorel Bâtiment avait interjeté appel du premier jugement.

MOYENS DES PARTIES

La Sarl Martorel Bâtiment dans ses dernières conclusions du 25 juillet 2017 au visa de l’article 1792-6 alinéa 2 du Code civil, demande de

— ne pas fixer la réception des travaux avec réserves au 14 novembre 2012

— dire qu’il y a eu réception tacite des travaux par M. Z et Mme A au mois de mars 2011, date de prise en possession des lieux,

— constater que les réserves formulées par M. Z et Mme A ne sont intervenues qu’au mois d’octobre 2011, plusieurs mois après la prise de possession

— constater que M. Z et Mme A reconnaissent qu’il y a eu réception tacite de l’ouvrage avec réserves, les dommages et malfaçons présentant un caractère évolutif,

— dire que la garantie décennale de la société C lui est acquise,

— débouter la société C de sa demande de limitation de sa garantie,

— réformer la décision sur la mise hors de cause la société C, sur sa condamnation à régler à C une indemnité pour frais irrépétibles, l’organisation d’une nouvelle expertise,

— de condamner la société C à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur la réception tacite des travaux, elle invoque le paiement de la majeure partie des factures et le fait que M. Z et Mme A ont pris possession des lieux en mars 2011, n’ont signalé les désordres et malfaçons qu’au mois d’octobre 2011 et ont émis le 6 octobre 2011 des réserves sur des défauts d’exécution visibles.

Elle conclut que la garantie d’C est due après réception et ne peut être limitée aux points soulevés par l’expert B et demande à la cour de dire que cet assureur devra couvrir les dommages dans la limite des dispositions prévues par le contrat entre les parties.

Concluant à la réformation du jugement sur l’organisation d’une nouvelle expertise, elle expose :

— son appel incident est recevable puisqu’elle s’est associée à l’appel incident d’C par conclusions du mois d’avril 2016,

— cette mesure d’instruction n’est pas justifiée, le chiffrage ayant été réalisé par deux experts reconnus,

— M. E ne motive pas son rapport au regard des règles de l’art et du DTU et ne précise pas si les dommages sont purement esthétiques ou de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage,

— il n’appartient pas à la cour dans le cadre de sa saisine de dire si les dommages sont de nature décennale.

M. Z et Mme A dans leurs dernières conclusions du 23 août 2017 au visa de l’article 1792 du code civil, demandent à la cour de :

à titre principal

— débouter la société C et la Sarl Martorel Bâtiment de leurs prétentions,

— dire que la réception tacite peut être fixée à la date du 1er mars 2011,

— dire que les désordres réservés relèvent de la garantie décennale dès lors qu’ils présentent un caractère évolutif et compromettent désormais la solidité de l’ouvrage,

à titre subsidiaire

— constater que M. Z et Mme A ne sont pas opposés à ce que la réception judiciaire puisse être fixée au 14 novembre 2012, le pré-rapport de M. B, établissant les réserves dont ils entendent se prévaloir,

en tout état de cause

— dire et juger que les désordres réservés relèvent de la garantie décennale dès lors qu’ils présentent un caractère évolutif, et qu’ils compromettent désormais la solidité de l’ouvrage,

— confirmer le jugement dont appel pour le surplus,

— condamner la Sarl Martorel Bâtiment au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la seule instance d’appel,

— condamner tout succombant aux entiers dépens.

Ils ne contestent pas avoir pris possession des lieux dès le mois de mars 2011, n’ayant aucune possibilité de relogement, et invoquent le fait que le courrier adressé à la Sarl Martorel Bâtiment ne faisait mention que de désordres concernant les finitions. Sans contester une réception tacite au 1er mars 2011, ils se prévalent de la garantie décennale de la société C, dès lors que les désordres n’ont révélé qu’ultérieurement leur véritable ampleur sous la forme de désordres décennaux soumis à la responsabilité décennale, ainsi que cela ressort du rapport E qui indique dans son rapport (p. 17/41) que la solidité de l’immeuble est remise en cause, l’expert préconisant la destruction puis la reconstruction de l’immeuble. Ils en déduisent que les désordres ont un caractère et relèvent de la garantie décennale.

Ils concluent enfin à l’irrecevabilité de l’appel incident de la Sarl Martorel Bâtiment contestant la désignation de l’expert, non formulé dans les délais impartis pour conclure et ils sollicitent en toute hypothèse la confirmation du jugement sur la nouvelle expertise.

Par conclusions du 3 août 2017, la société C L Iard demande :

à titre principal de

— confirmer la décision en ce qu’il n’y avait pas réception tacite de la part des maîtres de l’ouvrage

— dire que les désordres invoqués ne présentent pas de caractère décennal,

— débouter la Sarl Martorel Bâtiment de ses prétentions à son encontre,

— dire que les consorts Z et A se sont contredits au détriment d’un tiers, et faisant application du principe d’estoppel, les déclarer irrecevables dans leurs demandes à son encontre,

à titre subsidiaire de

— limiter sa garantie aux seuls désordres de nature à porter atteinte à la destination de l’immeuble ou à le menacer dans sa solidité,

— condamner la Sarl Martorel Bâtiment aux entiers dépens d’appel

Elle conteste l’existence d’une réception tacite qui ne peut se déduire de la simple prise possession des lieux, dès lors que :

— le constructeur n’a pas cherché à savoir si la volonté de réceptionner l’ouvrage était non équivoque,

— les maîtres de l’ouvrage, dans leur courrier du 28 octobre 2011, remettent en cause la structure de l’immeuble et reconnaissent qu’il n’y a pas eu de réception.

Sur le principe d’estoppel, elle invoque le fait que :

— M. Z et Mme A se contredisent dans leurs écritures d’appel en soutenant pour la première fois depuis le début de la procédure, qu’ils n’étaient pas en mesure de déceler l’importance des désordres sur le bâtiment,

— cette nouvelle position contrevient au principe selon lequel une partie ne peut se prévaloir d’une position contraire à celle qu’elle a prise antérieurement, lorsque ce changement se produit au détriment d’un tiers ; en effet, les consorts Z-A avaient déjà conclu à la nécessité de détruire et reconstruire l’immeuble en se fondant sur le rapport de M. B.

Enfin, elle se prévaut de ce rapport sur l’absence de désordres de nature décennale et soutient que le rapport de M. E ne lui est pas contraire.

Elle sollicite, si la cour venait à considérer qu’il y a bien eu réception de l’ouvrage, que sa responsabilité soit limitée aux travaux suivants :

— au renfort d’angle par plots béton sur pilier existant,

— à la réparation :

* de la disposition des briques en oblique sur le mur pignon et des trous sur les briques,

* des abouts d’égouts sur toitures

* de la structure porteuse du plancher bois,

— à la réalisation de l’arase d’un chaînage de couronnement.

MOTIFS

Sur l’existence d’une réception

Les consorts Z-A et la Sarl Martorel Bâtiment sont liés par un contrat de louage d’ouvrage dont l’achèvement doit, en principe, être constaté par une réception contradictoire ainsi que le prévoit l’article 1792-6 du code civil.

À défaut de réception expresse ou prononcée judiciairement, la réception peut être tacite dès lors qu’est établie la volonté du maître d’ouvrage d’accepter l’ouvrage. Cette volonté peut se déduire de divers éléments, comme la prise de possession non contrainte et le paiement des travaux.

La chronologie du chantier et de l’origine du litige s’établit de la manière suivante :

— la Sarl Martorel Bâtiment a présenté trois devis en date des 29 octobre 2009 et 14 décembre 2009,

— elle a émis quatre factures le 19 janvier, 24 juin, 13 septembre et 1er octobre 2010,

— l’expert B a considéré que les travaux avaient été terminés en mars 2011 sur la base d’un planning de travaux établi par Mme A, ce que les maîtres d’ouvrage ne contestent pas, sollicitant que la réception soit fixée au 1er mars 2011,

— l’entrepreneur a réclamé le solde de sa facture du 1er octobre 2010, soit 558,51 €, par un courrier du 22 septembre 2011 et une mise en demeure du 4 octobre suivant ;

— les maîtres d’ouvrages lui ont répondu les 6 et 28 octobre 2011, se plaignant de vols de matériels ou de matériaux sur le chantier, de son absence de nettoyage et de diverses malfaçons ou non-conformités,

— ils ont, le 14 novembre 2011, fait établir un constat par Me Clavel, énumérant divers désordres,

— le 14 février 2012, M. B était désigné en qualité d’expert par le juge des référés.

Il ressort de cette chronologie que les maîtres d’ouvrage ont pris possession de l’immeuble au mois de mars 2011. Ils n’ont formulé aucune réclamation auprès de la Sarl Martorel Bâtiment avant le mois d’octobre 2011 et ce, uniquement après avoir reçu une mise en demeure.

Ne prouvant pas l’obligation de quitter leur logement antérieur, ils ne justifient pas d’une prise de possession contrainte.

Par ailleurs, seule une somme de 558,51 € demeurait due sur une facture globale de 32'527,32 € et les consorts Z-A ont ainsi réglé 98,3 % du coût des travaux.

Enfin, s’ils ont manifesté leur refus de recevoir l’ouvrage dans un courrier du 28 octobre 2011, rappelant que la garantie de parfait achèvement n’avait pas commencé en l’absence de signature d’un procès-verbal d’achèvement des travaux, ils avaient pourtant sollicité dans une réclamation préalable du 6 octobre 2011 les coordonnées de l’assureur décennal.

Compte tenu de ces éléments et du délai écoulé sans manifestation expresse de refus de recevoir l’ouvrage, il sera jugé qu’il y a eu réception tacite à la date du 1er mars 2011 et le jugement sera infirmé en ce qu’il a fixé une réception judiciaire à la date du 14 novembre 2012.

Les consorts Z-A, qui sollicitent à la fois le prononcé d’une réception tacite et qu’il soit dit que les désordres réservés relèvent de la garantie décennale, réclament ainsi qu’il soit jugé, qu’il y a réception tacite avec réserves.

Néanmoins, comme indiqué ci-dessus, ils n’ont pas dénoncé de désordres et malfaçons avant le mois d’octobre 2011. Ils ne peuvent utilement soutenir que la réception tacite s’est effectuée avec réserves.

La réception tacite sans réserves a ainsi produit ses effets au 1er mars 2011.

SUR LA DÉSIGNATION D’UN EXPERT

Les maîtres de l’ouvrage concluent à l’irrecevabilité de l’appel incident de la Sarl Martorel Bâtiment relatif à la désignation de l’expert, non formulé dans les délais impartis pour conclure.

Le premier juge a relevé que les parties étaient contraires en fait sur le coût des travaux de reprise. Elles invoquaient en effet des devis variant dans une proportion de 1 à 7 : 79 835 € TTC au titre des travaux de reprise, selon un devis Sicard du 14 novembre 2012, non produit aux débats, et 10 646, 50 € TTC selon les préconisations techniques du sapíteur M. I, mais ce devis omettait les problèmes de toiture et de plancher.

Ainsi, c’est à juste titre qu’une expertise a été ordonnée, le juge du fond n’ayant pas les compétences techniques pour trancher le montant des travaux nécessaires à la reprise des désordres.

Sur la nature des désordres

1. Sur la recevabilité de la demande des consorts Z-A envers C

Les consorts Z-A concluent au caractère décennal des désordres et la société C leur oppose le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui au motif que, dans les conclusions soutenues devant le tribunal de grande instance de Castres le 23 février 2015, ceux-ci ne s’étaient pas opposés à ce que la réception judiciaire puisse être fixée au jour du dépôt du rapport d’expertise.

Il incombe à la société C de rapporter la preuve d’une contradiction relative à des prétentions et des conséquences de cette contradiction sur les attentes légitimes de l’adversaire. Par ailleurs, le juge du fond ne peut prendre en compte les allégations développées au cours d’une procédure antérieure, dès lors que les parties n’ont pas changé leurs prétentions.

En l’espèce, les prétentions élevées par les consorts Z-A, qui visent à obtenir la réparation des désordres et malfaçons, sont identiques en première instance et en appel. Le fait pour un plaideur de développer deux argumentations juridiques distinctes, devant deux juges différents, ne constitue pas une violation du principe visé. En outre, la société C ne justifie pas d’un préjudice du fait de ce changement de fondement juridique dès lors qu’en première instance, la Sarl Martorel Bâtiment avait elle-même sollicité sa garantie en tant qu’assureur décennal.

Le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande sera rejeté.

2. Sur le caractère décennal

Selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Cette présomption de responsabilité n’est pas applicable aux vices apparents à la réception.

Un dommage n’est apparent que si sa manifestation, ses conséquences et ses causes étaient apparentes pour un maître de l’ouvrage profane mais normalement diligent.

Sont, en revanche, non apparents les défauts non décelables par un examen normal de la construction lors de la réception ou les désordres qu’il était impossible de prévoir lors de celle-ci.

Il incombe au maître de l’ouvrage de démontrer que les désordres visibles lors de la réception, apparemment anodins à l’origine, ont revêtu par la suite une gravité inattendue.

Est invoqué le caractère évolutif des désordres, au regard des constatations des deux experts qui se sont succédés.

En octobre 2011, les désordres dénoncés étaient les suivants :

' à l’extérieur de l’immeuble

1. différence de couleurs des tuiles non conformes au coloris commandé,

2. angle gauche du bas de toiture soutenue par un renfort de blocs béton reposant simplement sur le pilier d’angle d’origine en briques, fissuration verticale et horizontale du crépi,

3. maçonneries récentes en briques, du pignon sud de l’immeuble, non crépies, et briques posées de façon oblique dans le sens de la pente, alors que la pose est horizontale sur le pignon droit opposé, briques liées entre elles sommairement,

4. degré de pente de la toiture différent sur le côté droit par rapport au côté gauche,

5. la surélévation en façade arrière au niveau du premier étage présente des trous en façade, les joints n’ayant pas été rebouchés,

6. présence de gravats sur le chantier,

' à l’intérieur de l’immeuble

7. absence d’écran sous toiture,

8. équerres métalliques sommairement fixées,

9. défaut de planéité du plancher du premier étage,

10. mur de refend du dressing qui n’est pas à la hauteur de la toiture, avec vide comblé sommairement avec des chutes de briques et du ciment,

11. rebouchage au plâtre des espaces entre les briques correspondant à l’extension,

12. une isolation insuffisante de la toiture,

13. un problème de fixation des pannes

14. des défauts de pose des vélux,

15. un cadre de fenêtre plié,

16. un problème d’ancrage des solives.

L’expert B a apporté les précisions suivantes :

1. les tuiles ne sont pas crochetées,

2. aucune liaison acier ne vient consolider le bloc béton,

3. la pose des maçonneries en briques est affectée malfaçons : trous et briques cassées, briques posées verticalement, joints mortiers irréguliers, […],

4. la pente de la toiture est de 32 % et correspond au modèle de tuiles mis en oeuvre,

5. le hourdage des briques de la surélévation a été réalisé sans soin, des briques sont cassées, les joints sont irréguliers, les briques ne sont pas posées de façon parfaitement horizontale, d’importantes parties béton d’exécution sommaire créent des différences de matériaux susceptibles d’engendrer des phénomènes de fissuration,

6. un tas important de gravats demeure sur le chantier,

7. l’écran sous toiture n’est pas nécessaire compte tenu de la pente de la toiture,

8. les équerres métalliques sont sommairement fixées,

9. le solivage du plancher bois du premier étage est affecté de plusieurs malfaçons : les solives ne sont pas posées à une même cote altimétrique, leur écart varie de 48 à 72 mm, leur tête a été découpée, ce qui est formellement interdit et remet en cause la résistance de l’appui de la poutre et la solidité de l’ensemble, les tasseaux fixés pour reprendre la charge sont insuffisants,

10. la qualité d’exécution du mur de refend du dressing est inacceptable pour un professionnel : il y a des morceaux de tuiles dans le chaînage, une absence de linteaux au-dessus de la porte d’entrée et celui-ci est constitué de briques en guise de remplissage, le bâtissage du mur est sans soin,

11. l’examen de la zone des rebouchages au plâtre, effectués par le maître d’ouvrage a permis la découverte à chaque angle de la bâtisse, d’une brique servant d’ordinaire de coffrage pour ceinture béton armé, posée en porte-à-faux en égout de toiture et présente un risque d’effondrement si elle n’est pas parfaitement arrimée à l’ensemble du chaînage par un ferraillage correct,

12. la qualité de la pose d’isolation sous toiture est inacceptable : laine de verre posée sans pare vapeur, bourrée, compressée et constituée de morceaux de tailles inadaptées,

13. les pannes ont été fixées sans soin au moyen d’équerres métalliques

14. les vélux incorporés dans la charpente de versant sont fragiles puisque des pièces de bois de type solives ne parviennent pas jusqu’au cadre de la fenêtre de toit,

15. le cadre d’entourage de la fenêtre de toit Nord Est a été détérioré au moment de la pose,

16. il n’y a pas de liaison entre la solive en rampant et la panne faîtière.

Le rebouchage au plâtre et la pose du pare-vapeur ont été réalisés par M. Z après réception ainsi que cela ressort du rapport (p. 9).

Si la nature décennale des désordres n’a pas été retenue par l’expert B, il résulte cependant des constatations de M. E que les désordres ont connu de légères évolutions notamment au niveau des fissures, il s’agit ainsi de désordres évolutifs.

Cet expert a, par ailleurs, complété les constatations de l’expert B et il énumère les malfaçons ou désordres suivants :

' s’agissant de la charpente couverture et de l’isolation en toiture :

' les tuiles ne sont pas fixées (point 1 du rapport B)

' la fixation des pannes de toiture au droit de la panne faîtière n’est pas correctement réalisée,

' la pose de la laine de verre est incorrecte (point 12 du rapport B)

' les chevêtres au droit des châssis de toiture ne sont pas parfaitement réalisés (point 14 du rapport B)

' s’agissant du gros 'uvre :

' en façade avant ou Est : il existe une fissuration verticale de l’angle gauche avec décollement de l’enduit, un renfort d’angle a été réalisé à gauche, sur toute la hauteur de l’étage sans aucune liaison permettant une cohésion d’ensemble,

' en pignon Sud : le montage des maçonneries est effectué en pente sur l’ancienne maçonnerie arasée, sans dispositions particulières spécifiques ; il y a une fissuration verticale au niveau de l’angle côté droit ; la poutre de faîtage ne repose pas sur un réel sommier en béton armé; il existe une amorce de fissures sur la maçonnerie à droite de la poutre côté intérieure ; la maçonnerie expose divers trous de construction non rebouchés (point 3 du rapport B)

' en façade arrière ou Ouest : il existe une fissuration verticale à droite de la fenêtre de droite du rez-de-chaussée, le linteau de la baie droite du rez-de-chaussée présent une finition irrégulière et un défaut d’horizontalité en sous face, le hourdage des briques n’est pas de qualité, la maçonnerie expose encore des trous de construction ou des trous non rebouchés (point 5 du rapport B)

' sur le pignon Nord : la poutre de faîtage ne repose pas sur un réel sommier en béton armé, le hourdage des briques n’est pas de qualité et la maçonnerie expose divers trous (points 2 et 5 du rapport B)

' sur l’ensemble des façades : absence de ceinture ou chaînage horizontal continu sur la périphérie de l’immeuble, absence de poteau sur la hauteur du bâtiment ou de raidisseur vertical ;

' aux abords de la construction, l’enlèvement des gravois du chantier n’a pas été totalement effectué (point 6 du rapport B)

' sur le plancher bois intérieur : défaut de calage altimétrique des pannes avec problème de planéité, entraxes différents, fixation sur le mur de façade Ouest non satisfaisante avec des têtes de surcroît découpées (point 9 du rapport B qui en déduit un défaut de solidité), absence de matériau à faible résistance à la compression (p. 20/40) de part et d’autre de chaque panne au niveau des ancrages sur le mur de refend

' pièce à usage de dressing : la partie de maçonnerie effectuée en surélévation n’est pas correctement réalisée (point 10 du rapport B).

M. E ne s’est certes pas prononcé sur la nature des désordres mais il n’avait pas pour mission de les qualifier. Toutefois, il mentionne que les ouvrages réalisés ne s’appuient sur aucune règle de calcul ni aucune base technique normative ; il souligne la nécessité de se rapprocher d’un bureau d’études de structures et conclut sans équivoque que les ouvrages seront une source de désordres dans le futur car ils ne permettent pas d’assurer une cohésion de l’immeuble. Enfin, il ajoute que des ouvrages complémentaires au niveau de la structure sont nécessaires pour assurer sa pérennité d’ensemble et notamment celle de la surélévation.

Quant à M. B, il n’a pas tiré toutes les conséquences de certaines de ses constatations, notamment sur l’absence de solidité du plancher bois du premier étage et le risque d’effondrement de la brique posée en porte-à-faux en égout de toiture.

Il résulte, en conséquence, des constatations de M. E que les fissures sont évolutives et que certaines des malfaçons apparentes ne se sont révélées dans leur ampleur et leur gravité que postérieurement à la réception.

Ainsi :

1/ la solidité de l’ouvrage n’est pas assurée s’agissant :

— du plancher bois du 1er étage dont la solidité n’est pas avérée,

— du risque d’effondrement de la brique posée en porte-à-faux en égout de toiture,

— de l’ensemble des façades, du fait de l’absence de ceinture ou chaînage horizontal continu sur la périphérie de l’immeuble, de l’absence de poteau sur la hauteur du bâtiment ou de raidisseur vertical, nécessitant un renfort d’angle par plots béton sur pilier existant et la réalisation de l’arase d’un chaînage de couronnement ;

2/ caractérisent une impropriété à destination :

— les désordres affectant la charpente couverture et l’isolation en toiture en raison notamment du risque de détachement des tuiles, de l’inefficacité de l’isolation posée, de la mauvaise fixation des pannes de toiture, de la fragilité des chevêtres et de la nécessaire réparation des abouts d’égouts sur toitures,

— la disposition des briques de la surélévation avec d’importantes parties béton créant des différences de matériaux susceptibles d’engendrer des phénomènes de fissuration.

Ces désordres constituent des désordres de nature décennale qui engagent à ce titre la responsabilité décennale de la Sarl Martorel Bâtiment et la société C sera condamnée en qualité d’assureur décennal à garantir cet entrepreneur pour leur réparation.

Le surplus des désordres, apparents ou ne portant pas atteinte à la destination de l’ouvrage, en sont, en revanche, exclus.

Sur les demandes annexes

Les entiers dépens et frais irrépétibles de première instance doivent être réservés jusqu’à l’issue de l’instance en lecture du rapport d’expertise de M. E.

Les dépens de la présente instance d’appel seront supportés par la Sarl Martorel Bâtiment et par la société C, ci-dessus déclarés tenus à indemnisation ou à garantie ; cet assureur sera, en outre, condamné à payer à son assurée une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Sarl Martorel Bâtiment sera condamnée à verser à l’avocat des consorts Z-A la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la seule instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

1. Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a ordonné une nouvelle mesure d’expertise pour chiffrer le coût de reprise des désordres,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

2. Déclare la Sarl Martorel Bâtiment responsable de l’ensemble des désordres et malfaçons affectant les travaux réalisés sur l’immeuble des consorts Z-A et réceptionnés sans réserves le 1er mars 2011 ;

3. Dit que la responsabilité décennale de la Sarl Martorel Bâtiment est engagée envers les consorts Z-A concernant les désordres suivants :

— absence de solidité du plancher bois du 1er étage,

— risque d’effondrement de la brique posée en porte-à-faux en égout de toiture,

— façades sans ceinture ou chaînage horizontal continu sur la périphérie de l’immeuble, absence de poteau sur la hauteur du bâtiment ou de raidisseur vertical, nécessitant un renfort d’angle par plots béton sur pilier existant et la réalisation de l’arase d’un chaînage de couronnement ;

— désordres affectant la charpente couverture et l’isolation en toiture : risque de détachement des tuiles, inefficacité de l’isolation posée, mauvaise fixation des pannes de toiture, fragilité des chevêtres et à nécessaire réparation des abouts d’égouts sur toitures,

— la disposition des briques de la surélévation avec d’importantes parties béton créant des différences de matériaux susceptibles d’engendrer des phénomènes de fissuration.

4. Dit que le surplus des désordres échappent à cette responsabilité décennale.

5. Déclare recevable l’action des consorts Z-A à l’encontre de la société C L Iard assureur décennal,

6. Dit que la société C L Iard est tenue de relever et garantir son assurée, la Sarl Martorel Bâtiment, pour la réparation des désordres visés au paragraphe 3,

7- Réserve les entiers dépens et les frais irrépétibles de première instance,

8. Condamne la Sarl Martorel Bâtiment à verser à Me Arnaud-Laur, avocat des consorts Z-A, la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la seule instance d’appel,

9. Condamne la société C L Iard à verser à la Sarl Martorel Bâtiment la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

10. Condamne la Sarl Martorel Bâtiment et la Sa C L Iard aux entiers dépens de la présente instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. Y C. N

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Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 25 octobre 2017, n° 15/04996