Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 18 novembre 2020, n° 19/02077

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 2e ch., 18 nov. 2020, n° 19/02077
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/02077
Décision précédente : Tribunal de commerce de Montauban, 26 mars 2019, N° 2018/236
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

.

18/11/2020

ARRÊT N°394

N° RG 19/02077 – N° Portalis DBVI-V-B7D-M6K7

ST/CO

Décision déférée du 27 Mars 2019 – Tribunal de Commerce de MONTAUBAN – 2018/236

M. SEGUY

SAS Y

C/

SAS A

confirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e chambre

***

ARRÊT DU DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANTE

SAS Y nouvelle dénomination de la SAS Y MIDI PYRENEES,

4 Place Jean-Baptiste Molière

[…]

Représentée par Me Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Jean-georges BETTO de la SCP BETTO SERAGLINI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS A

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-david BASCUGNANA de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Antoine DEROT de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 06 Octobre 2020 en audience publique, devant la Cour composée de :

S. TRUCHE, président

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

A. ARRIUDARRE, vice président placé,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par S. TRUCHE, président, et par J.BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE

La société Entreprise A (ci-après société A) est une société appartenant au groupe VINCI, qui mène des projets de construction , rénovation ou restructuration de bâtiments publics ou privés, en entreprise générale tous corps d’état.

La société Y Midi-Pyrenées (ci-après société Y) est spécialisée dans les travaux de génie climatique et de plomberie.

La société SWEETT est une société britannique dont l’activité peut être assimilée à celle d’un assistant à maîtrise d’ouvrage.

Au printemps 2014, la société X France (ci-après société X), spécialisée dans la distribution de vêtements et accessoires, a souhaité réaménager un espace commercial situé rue Rémusat à Toulouse et originellement occupé par la société LAFAYETTE MAISON.

En mai 2015 sur la base du dossier de pré-qualification qu’elle avait préalablement rempli, la société A a été référencée par la société X pour participer à l’appel d’offre restreint portant sur les travaux de réhabilitation tous corps d’état de l’immeuble classé destiné à accueillir le premier magasin de la société X en France.

Une réunion a été organisée le 12 juin 2015 entre la société SWEETT et la société A, à laquelle assistait la société Y.

Le 3 juillet 2015 la société Y a remis à la société A une offre d’un montant de 2 963 635€ HT pour le lot climatisation ventilation chauffage (CVC) et le 6 juillet 2015, la société A a soumissionné à l’appel d’offres pour un prix global et forfaitaire de 29 909 901€ HT.

Le projet a été suspendu par la société X puis repris en juillet 2016, ce qui a donné lieu à un nouvel appel d’offres.

Le 28 juillet 2016 s’est tenue une réunion de visite de chantier sous l’égide de la société SWEETT, à laquelle assistaient la société A et la société Y.

La société Y, sollicitée par la société A, a transmis des devis de 3 309 927€ HT pour le lot CVC tenant compte des modifications du projet, et de 268 270€ HT pour le lot plomberie. Le 5 août 2016, la société A a déposé une offre globale en entreprise générale pour un prix global et forfaitaire de 29 380 000€ HT, incluant les lots CVC et plomberie pour les montants indiqués par la société Y.

Ce montant n’étant pas accepté par la société X, la société A a déposé le 14 septembre 2016 une nouvelle offre pour un prix global et forfaitaire de:

—  27 234 642,86€ HT en cas de cotraitance avec les entreprises désignées par X,

—  27 566 642,86€ HT en entreprise générale.

En définitive, la société A et la société X ont signé le 21 décembre 2016 une lettre d’intention pour un montant de 27 198 294,98€, et le marché d’entreprise générale a été conclu le 28 avril 2017.

La société A a confié les lots CVC et plomberie à la société AGTHERM.

Invoquant l’existence d’un groupement d’entreprises entre elle même et la société A qui aurait été son mandataire, et son éviction fautive du marché conclu avec la société X, la société Y a par acte d’huissier du 27 avril 2017, assigné la société A afin d’obtenir réparation d’un préjudice évalué à 3 000 000€.

Elle a ensuite porté ses demandes à la somme de 3 624 686€ au titre des dommages subis du fait de son éviction et de l’utilisation parasitaire de son dossier technique pour les besoins du projet, et sollicité à titre subsidiaire la désignation d’un expert pour chiffrer son préjudice.

Par jugement du 27 mars 2019, le tribunal de commerce de MONTAUBAN a débouté la société Y de toutes ses demandes, dit n’y avoir lieu à nommer un expert judiciaire, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société Y aux dépens.

Le tribunal a retenu que:

— la société Y ne démontre pas avoir apporté l’affaire à la société A,

— la société Y n’apporte pas la preuve de l’existence d’un groupement d’entreprise avec la société A et aucun contrat ne lie les 2 sociétés dans le cadre de l’appel d’offre,

— il ne peut être reproché à la société A de ne pas retenir l’offre de la société Y qui était trop élevée.

La société Y a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 2 mai 2019.

MOYENS ET PRETENTION DES PARTIES

Aux termes de ses écritures du 31 juillet 2019 auxquelles il est expressément pour le détail de l’argumentation, la société Y demande à la cour au visa des articles 1147 et 1984 et suivants du code civil, 542 et suivants du code civil, d’infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de:

— condamner la société A à lui payer la somme de 3 618 139€ au titre des dommages subis du fait de son éviction et de l’utilisation parasitaire de son dossier technique pour les besoins du projet,

— condamner la société A au paiement des intérêts moratoires à compter de la signification de l’assignation,

— condamner la société A au paiement de la somme de 10 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Elle fait valoir pour l’essentiel:

— qu’elle était liée à la société A par un contrat de coopération en vue de la constitution d’un groupement d’entreprises, qu’un écrit n’est pas nécessaire pour conclure un tel contrat qui résulte en l’espèce du comportement sans équivoque des deux sociétés,

— qu’elle était liée à la société A par un contrat de mandat, qui là encore ne requiert pas nécessairement la rédaction d’un écrit et peut résulter de présomptions et d’actes d’exécution, qu’en l’espèce la société A s’est elle même présentée comme mandataire du groupement formé avec la société Y dans l’offre du 26 août 2016,

— qu’alors qu’elle était tenue d’exécuter de manière loyale les contrats conclus avec elle la société A l’a brutalement évincée du projet X, négociant en parallèle avec l’un de ses concurrents, alors qu’elle avait pour mission première de répondre au nom du groupement et pour son compte à l’appel d’offre de la société X,

— que les premiers juges n’ont pas examiné le grief tiré de l’utilisation parasitaire de sa documentation technique par la société A, s’appropriant son travail et son savoir faire à son profit pour préparer des devis, dans le but d’obtenir le marché, ces documents étant spécifiques au magasin de la rue Rémusat, en raison de son classement comme monument historique et de la mise en 'uvre de la nouvelle directive ERP,

— qu’elle a subi une perte de marge brute de 1 878 083€ sur ce projet, le pourcentage de marge de 52% étant certifié par son expert comptable et corroborée par ses comptes 2016, que la société A n’a jamais contesté cette marge qui peut être comparée avec celle de la société SESAR qui réalise des travaux de même nature dans d’autres magasins X en France,

— qu’elle a exposé des coûts pour les besoins de la préparation de l’appel d’offres pour un montant de 108 056€,

— que sa perte de chance de conclure des contrats du fait de la mobilisation des ressources et de son personnel sur le projet X peut être évaluée à 840 000€, que le chiffre d’affaire réalisé avec la société BOUDARIOS a considérablement baissé,

— qu’elle a subi une atteinte à son image et à sa réputation dont la réparation peut être évaluée à 300 000€, ses concurrents et clients interprétant son éviction comme un manque de confiance de la part d’un des acteurs majeurs du bâtiment en France,

— qu’elle a enfin subi un préjudice moral du fait du manquement de la société BOUDARIOS à son obligation de loyauté qui peut être évalué à 492 000€.

Aux termes de ses écritures du 22 octobre 2019 auxquelles il est expressément pour le détail de l’argumentation, la société BOUDARIOS demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et y ajoutant:

— de condamner la société Y à lui payer la somme de 30 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de la condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir pour l’essentiel:

— qu’elle n’a commis aucune faute engageant sa responsabilité contractuelle ou délictuelle,

— que s’il est exact que le contrat de coopération n’est soumis à aucun formalisme, encore faut il qu’il existe un ou plusieurs documents permettant de caractériser un accord de volonté des parties et de définir leurs obligations réciproques ce qui n’est pas le cas en l’espèce, que c’est elle qui a initié la relation,

— que ses discussions avec la société Y ont toujours porté sur une éventuelle sous traitance et non une cotraitance ou un groupement d’entreprise,

— qu’elle a mentionné la société Y dans sa réponse à l’appel d’offre de X en 2016 en tant que sous traitant potentiel, que la société Y a d’ailleurs rempli une déclaration de sous traitance, que la société X avait expressément exigé que le marché soit exécuté par un entrepreneur général pouvant s’adjoindre des sous-traitants, et non par un groupement d’entreprises, que la société Y n’était pas concernée par la proposition de cotraitance partielle avec 2 sous-traitants choisis par X, présentée le 26 août 2016, que la référence à la société Y dans ses réponses aux appels d’offres répondait aux exigences de présentation des sous-traitants figurant dans le règlement de consultation de l’appel d’offres,

— qu’à aucun moment la société Y ne l’a mandatée pour répondre en son nom et pour son compte à l’appel d’offres de X, et qu’elle ne s’est jamais présentée comme telle, étant seule invitée à présenter une offre,

— qu’aucun contrat ne la liait à la société Y, et qu’elle n’a pas fait preuve de déloyauté envers elle, que sa décision de recourir à un autre prestataire s’explique par l’augmentation injustifiée de son prix par la société Y entre 2015 et 2016, alors que les modifications apportées à l’appel d’offre auraient dû générer une économie sur le lot CVC,

— que la marge annoncée par la société Y est exhorbitante pour le secteur, sa propre marge prévisionnelle étant de 5%,

— qu’elle n’a pas commis d’usurpation fautive de la documentation de Y, que la société AGTHERM travaille sur sa propre documentation technique et son propre savoir faire,que les éléments qu’elle a reproduits décrivent de manière sommaire et banale l’organisation et l’exécution d’un chantier par tout professionnel du secteur, alors que le dossier de consultation établi par X présentait un très haut niveau de précision et comprenait le cahier des clauses particulières des lots concernés, que X n’attendait aucune valeur ajoutée technique dans les offres des candidats,

— que la perte de bénéfices résultant d’un contrat qui n’a pas été conclu n’est pas un préjudice indemnisable, que le préjudice subi par Y ne pourrait être qu’une perte de chance qui ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, que le taux de marge brute n’est en outre pas pertinent pour apprécier un préjudice, et que doivent être pris en compte les coûts variables,

— que l’évaluation du temps passé fondant la demande au titre des frais est invraisemblable au regard du travail fourni,

— que la demande relative à la perte de chance de conclure des contrats avec des tiers fait double emploi avec la demande d’indemnisation de la marge qui aurait été réalisée dans le cadre du projet X,

— qu’elle s’est contentée de ne pas conclure de contrat avec la société Y et ne l’a jamais dénigrée, que le préjudice moral n’est pas explicité,

— que les préjudices ne sont pas établis en leur principe, et que le simple fait que l’existence et le quantum des préjudices soient contestés ne sauraient suffire à justifier la désignation d’un expert.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les liens contractuels entre les parties

Le cocontrat est un contrat passé entre un cocontractant commun et plusieurs partenaires contractuels formant à eux tous une partie plurale, par lequel le premier confie aux seconds, la réalisation de l’opération contractuelle.

Les codébiteurs de l’obligation principale concluent entre eux un contrat de coopération, par lequel elles entendent effectuer directement les opérations effectuées par leur client commun, se répartissent les tâches, et déterminent le rôle que devra jouer le chef de file ainsi que l’ampleur de son mandat.

La société Y prétend qu’elle était liée à la société BOUDARIOS par un contrat de coopération en vue de la constitution d’un groupement d’entreprises, ainsi que par un contrat de mandat.

Il est constant qu’il n’existe aucun écrit formalisant de tels contrats, mais s’agissant de professionnels, leur preuve peut être rapportée librement. C’est toutefois à juste titre que la société A observe qu’il doit exister un ou plusieurs documents permettant de caractériser un accord de volonté des parties et de définir leurs obligations réciproques.

Par un mail du 16 décembre 2013, la société SWEETT a demandé à monsieur Z, responsable des études chez A, de lui «confirmer s’il était intéressé par la réalisation de travaux pour X», auquel cas il lui enverrait le dossier de préqualification, à quoi monsieur Z

a répondu le lendemain être vivement intéressé, la spécialité de l’entreprise étant les réhabilitations en tous corps d’état et le désamiantage.

Même si le projet de Toulouse n’est pas explicitement évoqué, il convient d’observer que la société A est basée à Toulouse, qu’il est bien question de réhabilitation et que ce mail qui fait état d’une confirmation, fait suite à des échanges antérieurs, la société A expliquant avoir procédé en 2010 aux travaux de réhabilitation du bâtiment principal des Galeries Lafayette et avoir eu connaissance du projet X par ses interlocuteurs. .

Un échange de courriels des 17 décembre 2013 et 10 janvier 2014 confirme l’envoi du dossier de préqualification par X, et l’intérêt porté au projet par A.

Par une attestation du 13 novembre 2017, monsieur B, président de la SAS AMC2, indique que fin mai 2014, son client X a lancé un appel d’offre concernant leur future implantation à Toulouse, qu’il s’est tourné vers monsieur E D de la société Y pour les lots plomberie/climatisation, ce dernier lui communiquant les coordonnées de monsieur C de VINCI Construction (A) pour le lot gros 'uvre.

Par un mail du 9 juin 2014, monsieur C écrit à monsieur B, avec copie à monsieur D: «je vous confirme mon souhait de répondre avec vous et E pour la restructuration du Lafayette maison de Toulouse».

Il est à noter que selon la société Y, la société AMC2 était en relation avec la société Lafayette maison, ses informations étaient donc les mêmes que celles de la société A.

Ces échanges démontrent que la société A s’était positionnée sur le projet X dès l’origine, sans intervention préalable de la société Y, peu important que les échanges de fin 2013 début 2014 ne mentionnent pas expressément le projet de Toulouse. Par ailleurs le mail de monsieur C, qui dirigeait alors l’agence de Négrepelisse alors que Monsieur F dirigeait alors celle des bâtiments de spécialité, n’est pas explicite sur les modalités de la réponse à X, et il est de surcroît antérieur au règlement de consultation à l’appel d’offre qui a permis de connaître les modalités souhaitées par le maître d’ouvrage. Ce mail ne peut donc constituer une preuve d’un engagement ferme de A de traiter le marché en coopération avec la société Y.

Le questionnaire de préqualification, rempli et signé par monsieur G de la société A le 18 mai 2015, ne fait aucune allusion à la société Y, qui de son côté, ne justifie pas avoir rempli un tel questionnaire à destination de la société X, avec laquelle elle prétend pourtant avoir contracté, via la société A.

Le premier règlement de consultation, en date du 2 juin 2015, dont seule la société A a été destinataire, précise que la consultation est faite sur appel d’offres restreint, que l’ensemble des travaux sera traité en entreprise générale, et que les entreprises consultées devront obligatoirement présenter leurs offres accompagnées de leurs demandes de sous traitants au maître d’oeuvre.

Il précise d’ailleurs que les travaux d’aménagement du magasin feront l’objet d’un appel d’offre séparé, mais que l’entreprise gagnant, avec l’accord de l’entrepreneur, sera désigné en sous-traitant de l’entrepreneur.

Enfin, la société Y a signé le 2 juillet 2015, un document intitulé «marchés publics et accords cadres- déclaration de sous traitance », aux termes duquel elle désignait la société A comme candidat du marché public, et se désignait elle même comme sous-traitante.

L’acte d’engagement de la société A en sa qualité d’entreprise générale, en date du 6

juillet 2015, pour un montant de 29 909 901€ HT, ne fait aucune allusion à la société Y, ni à un quelconque groupement d’entreprise au demeurant non souhaité aux termes du règlement de consultation.

Le second appel d’offre restreint du 18 juillet 2016 mentionne également que l’ensemble des travaux sera traité en entreprise générale, avec la même précision relative à l’acceptation des sous-traitants et aux aménagements du magasin réalisés en sous traitance, outre l’indication selon laquelle l’entreprise KONE, signataire d’un accord cadre pour l’installation des ascenseurs et escalators, sera également désignée comme sous-traitante de l’entrepreneur.

Le second acte d’engagement du 5 août 2016 pour un montant de 29 380 000€ HT ne fait pas davantage allusion à la société Y, et le fait qu’il n’ait pas donné lieu immédiatement à une nouvelle déclaration de sous- traitance de celle-ci ne constitue pas la preuve d’un contrat de coopération conclu avec la société A.

Dans sa présentation du 29 août 2016, la société A indique présenter son offre en groupement d’entreprise avec les entreprises désignées par X, étant mandataire du groupement et assurant la responsabilité globale de l’opération pour X dont il serait le seul interlocuteur.

Il est précisé que si X ne souhaitait pas retenir cette solution économique, le passage des entreprises souhaitées par X en sous-traitance et non en groupement entraînerait une plus value.

En accompagnement de cette offre sont annoncés une présentation et le mémoire technique de l’entreprise Y, ainsi que le mémoire technique CEGELEC.

La société Y n’est pas une entreprise souhaitée par la société X. Celle-ci a choisi l’entreprise KONE pour les ascenseurs et désigne l’entreprise chargée des aménagements, et selon le compte rendu d’entretien A du 28 juillet 2016, la société X a des sous traitants préférés pour les lots couverture et facade. L’organigramme de l’organisation des travaux mentionne, sous le logo A, les sociétés CEGELEC et Y pour la partie MEP Works (méchanical, électrical, plumbing, soit mécanique électricité plomberie) coordonnée par Monsieur H, qui selon Y est son conducteur de travaux. Alors que des lignes verticales désignent A pour la structure, STEL pour les finitions, A pour le lot FTM/QTY, ainsi que les «Named Sub» pour les ascenseurs et escalators, aucune ligne verticale ne désigne la partie MEP Works, la mention «subcontractors sprinklage» figurant sous les noms de CEGELEC et Y.

En outre selon les appels d’offres la société X souhaitait traiter avec une entreprise générale. Cette offre du 29 août 2016 est la seule évoquant un groupement d’entreprises et elle n’a pas été acceptée, bien que le 14 septembre 2016 la société A ait proposé un rabais de 370 000€ HT, ramenant ses prix à:

—  27 234 642,86€ HT en cas de cotraitance avec les entreprises désignées par X,

—  27 566 642,86€ HT en entreprise générale.

Ainsi, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la preuve de l’existence d’un contrat de coopération assorti d’un contrat de mandat entre les sociétés A et Y n’était pas rapportée.

Dans une attestation du 24 août 2017, madame I, ingénieur études CVC chez A, indique avoir demandé à la société Y de baisser ses prix, notamment sur

les éléments suivants:

— prise de la gaine rectangulaire et du calorifuge aeroliques,

— prix des CTA,

— prix des tubes d’eau glacée,

— montant des VRV.

Dans un courriel du 10 octobre 2016, la société Y évoque une offre «recalée» suite à la diffusion d’un dossier de modification, dont la rédaction ne permet pas de conclure à une révision à la baisse, dès lors qu’elle évoque une plus-value de 33,5k€ pour une modification des rideaux d’air chaud, mais aussi une correction du prix unitaire des rideaux de désenfumage, car une finition tôle avait été ajoutée, et une plus-value pour des prestations supplémentaires de calorifugage, qui semblent s’équilibrer puisqu’elles n’entraînent pas de modification du montant total du devis CVC, qui se monte à 3 343 429€ HT, outre 268 270€ HT pour le lot plomberie. Il ne peut être déduit de ce mail une manifestation de volonté de la société Y de baisser ses prix, étant observé qu’au contraire, elle indique pouvoir maintenir les prix figurant aux devis uniquement pendant 48 heures.

La pièce n°35 du dossier de la société Y, éditée le 11 octobre 2016 et intitulée «explications des variations de prix X 2015-2016», montre qu’entre 2015 et 2016, le total passe de 3 050k€ à 3 611k€. Les postes augmentés sont certes explicités par de nouvelles prestations ou contraintes, telles que de nouveaux rideaux d’air pour 561k€ compte tenu des postes secondaires, mais il ne fait apparaître aucun effort financier de la part de Y. Ainsi les 2 révisions à la baisse s’expliquent:

— par la sortie du lot sanitaire pour 148k€,

— par la variation des zones de compartimentage du lot désenfumage pour 53k€.

Le courriel d’accompagnement adressé par Y à A est rédigé comme suit:

«comme convenu voici le tableau expliquant les variations de prix en plus-value et en moins value (parce qu’il y en a aussi). Tout a une explication logique».

L’attestation de madame I, et ce courriel, démontrent que contrairement à ce que prétend la société Y, la question des prix trop élevés pratiquée par celle-ci avait été abordée, et ce indépendamment des modifications concernant les rideaux d’air chaud demandées par X le 6 octobre 2016, et transmises à la société Y le 10 octobre 2016.

La comparaison avec un devis de la société SESAR ENERGY pour le magasin X de Cagnes sur Mer n’est pas probante quant aux prix pratiqués, la société Y ne sélectionnant que certains éléments, ignorant les CTA (centrales de traitement d’air) qui sont les références les plus élevées, allant jusqu’à 64 584€, et les VRV, dans leur globalité.

La société A justifie des devis produits par la société AGTHERM le 13 octobre 2016 pour un montant total de 2 799 742,66€ HT, lot plomberie inclus. Il est également versé aux débats une offre de groupement avec les entreprises KALITEC dont AGTHERM serait le mandataire, pour un montant total de 3 330 000€ HT, datant du 19 juin 2015, ce qui démontre d’une part, que comme le prétend la société A, la société AGTHERM était initialement le sous-traitant pressenti par un autre candidat à l’appel d’offre et avait donc connaissance des exigences de la société X, d’autre part qu’elle a, contrairement à la société Y, accepté de baisser son prix.

La pièce n°16 de la société Y, soit le détail des frais généraux pour le lot CVC soumis par A à la société X, qui selon l’appelante reprendrait exactement la même organisation du devis CVC que celle qu’elle avait proposée dans son devis du 10 octobre 2016, ne démontre rien puisqu’elle porte la date du 16 août.

De même si le bordereau de prix A figurant en pièce 15 du dossier de la société Y est bien daté du 14 octobre 2016, et fait état d’un prix global et forfaitaire de 27 640 000€HT incluant le lot CVCR pour 3 515 322,55€, et 293 084€ pour le lot plomberie, alors que la proposition de la société Y était respectivement de 3 343 429€ pour le lot CVCR et 268 270€ HT pour le lot plomberie, suivant lettre d’intention de la SAS X du 21 décembre 2016, la société A a finalement emporté le marché en entreprise générale pour un montant de 27 198 214€ HT, soit 2 711 687€ de moins que sa proposition initiale, et 441 786€, de moins que celle du 14 octobre 2016, diminution largement supérieure à la marge de 196 707€ appliquée sur les travaux sous-traités.

La société A, qui fait état d’une marge brute de 5% sur ce chantier, était libre de revoir ses prix à la baisse dès lors qu’elle candidatait en qualité d’entreprise générale, et n’avait pas de comptes à rendre à la société Y, dont elle n’était pas mandataire, sur les baisses de prix consenties. Elle était également libre de choisir les sous-traitants lui permettant de présenter une offre acceptable pour le maître d’ouvrage, ce qui n’a pas été le cas de la société Y, bien que celle-ci se targue d’une marge brute de 50%.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté la société Y de ses demandes au titre des dommages subis du fait de son éviction du dossier X.

Sur le parasitisme

Le parasitisme, acte de concurrence déloyale, se définit comme «l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir faire».

La société Y fait valoir qu’elle a développé une documentation technique et établi des devis pour les lots CVC et plomberie, et que la société A l’a évincée sur la base de la documentation technique qu’elle a développée et des devis présentés, qui représentent le développement d’un savoir faire.

Le cahier des clauses techniques particulières présente 46 pages pour le lot plomberie et 190 pages pour le lot CVCD, il est extrêmement détaillé et précis quant aux installations à réaliser et aux matériaux à utiliser, précisant même que toute variante devra être clairement indiquée comme option. Il est complété par des plans matérialisant les emplacements des diverses installations de CVCD et de plomberie.

Il est indiqué dans le règlement de consultation du 18 juillet 2016 que les candidats doivent présenter une offre entièrement conforme au dossier de consultation, et que si des variantes sont proposées il doit être justifié par écrit de leur supériorité qualitative à prix égal ou à qualité égale pour un prix intéressant.

Il est également précisé que l’entrepreneur doit fournir un prix pour tous les éléments indiqués dans la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF).

Le mémoire technique établi par la société Y se décompose en plusieurs chapitres:

— moyens humains mis à disposition pour l’exécution du chantier et engagement du respect du planning,

— qualité des matériaux et matériels proposés,

— matériel mis à disposition pour l’exécution du chantier.

Ce mémoire, compte tenu des exigences du maître d’ouvrage, donne des informations sur l’entreprise et sur la manière dont elle s’organisera pour traiter le chantier, et le devis répond aux préconisations de la société X, mais ces documents ne correspondent pas au développement d’un savoir faire particulier auquel la société A n’aurait pas eu accès en demandant un devis à toute autre entreprise sous traitante.

En transmettant les devis du 10 octobre 2016, la société Y indique d’ailleurs devoir se mettre sur les études, qu’elle n’avait donc pas encore réalisées.

La société AGTHERM a également établi un mémoire technique, et des devis, qui ne se présentent pas de la même manière que celui de la société Y. Ayant déjà fait une proposition de prix en 2015, la société AGTHERM était à même de présenter par ses propres moyens, sans s’inspirer du travail de la société Y , un devis le 13 octobre 2016.

Etant tenue de faire agréer ses sous traitants et de fournir un prix détaillé, la société A a nécessairement obtenu en définitive le marché sur la base des documents fournis par la société AGTHERM, et non par la société Y .

Il n’est enfin pas démontré qu’en participant aux côtés de la société A à quelques réunions organisées par le maître d’oeuvre, la société Y ait développé des efforts et un savoir faire dont a bénéficié la société A.

Le parasitisme dont se plaint la société Y n’est pas établi, en outre, comme toute entreprise qui établit un devis, celle-ci n’avait aucune garantie que le temps qu’elle a passé sur le dossier X serait rentabilisé à terme.

Pour ces motifs, complétant ceux des premiers juges qui ont omis de répondre à l’argumentation de la société Y fondée sur le parasitisme, la cour confirmera également la décision déférée en ce qu’elle a débouté la société Y de ses demandes.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Y supportera les dépens exposés en cause d’appel et il y a lieu de la condamner, à raison de l’équité, à verser à la société A une somme de 4000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée,

Y ajoutant,

Condamne la société Y à verser à la société A une somme de 4000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

Le greffier Le président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 18 novembre 2020, n° 19/02077