Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 5 novembre 2021, n° 19/02158

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 5 nov. 2021, n° 19/02158
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/02158
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 3 avril 2019, N° F18/00518
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

05/11/2021

ARRÊT N°2021/527

N° RG 19/02158 – N° Portalis DBVI-V-B7D-M6T3

SB/PG

Décision déférée du 04 Avril 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/00518)

Z X

C/

Société AIR FRANCE

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANT

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Société AIR FRANCE

[…]

[…]

Représentée par Me Stéphanie OGEZ de la SELARL SO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUMÉ et M. DARIES chargées du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUMÉ, présidente

C. KHAZNADAR, conseillère

M. DARIES, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par S. BLUMÉ, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS DES PARTIES

M. Z X a été embauché le 1er mars 1982 par la société Air Inter, devenue Air France, en qualité de chef d’avion, suivant contrat de travail à durée indéterminée. A compter du 1er juillet 1995, il a été promu superviseur pôle clients, agent de maitrise d’encadrement opérationnel d’exploitation (ci-après AMDE).

Le 7 janvier 2006, M. X a été victime d’un accident de trajet ayant entrainé un arrêt de travail du 8 avril 2006 au 7 janvier 2007. M. X s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 24 septembre 2007.

Le 30 mai 2012 la médecine du travail l’a déclaré apte avec aménagement des horaires pendant 3 mois excluant les vacations le matin. Cet avis a été reconduit pour trois mois après examen du salarié le 5 septembre 2012, puis pour deux ans à compter du 10 décembre 2012.

Suivant fiche médicale du 15 octobre 2014, M. X a été déclaré apte avec poursuite de l’aménagement d’horaire en ces termes: 'pas de prise de poste avant 9h'.

Le 27 novembre 2014, la société Air France informait M. X de l’exercice de ses fonctions d’AMDE à l’accompagnement des équipes vente et bagages du lundi au vendredi en horaires administratifs à compter du 5 janvier 2015.

Le salarié contestait cette décision par courrier du 1er décembre 2014.

Suivant fiche médicale du 19 janvier 2015 rectifiée le 11 février 2015 la médecine du travail

déclarait M. X apte à la reprise avec aménagement d’horaire sans prise de poste avant 9h. Le recours formé le 16 mars 2015 par le salarié contre l’avis médical du 19 janvier 2015 donnait lieu à une décision du ministère du travail et de l’emploi le 26 mai 2015 qui déclarait M. X apte à la reprise, avec poursuite d’aménagement d’horaires: 'pas de prise de service avant 9h comme précisé sur la fiche d’aptitude de la visite systématique du 15 octobre 2015 sur laquelle cet aménagement était noté sans limite dans le temps.'

M. X saisissait également le CHSCT le 20 février 2015 et le Défenseur des droits le 27 juillet 2015.

***

Le 2 septembre 2015 , M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse. Après radiation de l’affaire le 9 mars 2017 l’affaire a été réinscrite au rôle le 5 avril 2018.

Par jugement du 4 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce, a :

— dit que le changement d’affectation de M. X à compter du 5 janvier 2015 ne présente pas de caractère discriminatoire lié à son état de santé et que le contrat de travail n’avait pas été modifié,

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la société Air France de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X aux entiers dépens.

Par déclaration du 7 mai 2019, M. X a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 10 avril 2019 dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 22 juillet 2019, M. Z X demande à la cour de :

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes et statuant à nouveau,

— dire que la mesure prise par la société consistant à changer d’affectation M. X à compter du 5 janvier 2015 présentait un caractère discriminatoire car liée à son état de santé,

— condamner la société Air France à lui verser 35 000 euros à titre de dommages et intérêts net de CSG et CRDS,

— la condamner également à lui verser 900 euros par mois à titre de rappel de salaire sur la période 2015-2017 en raison de la perte de salaire subie du fait de sa nouvelle affectation ; la moyenne de ses trois derniers mois de salaire s’établissant à la somme de 3 200 euros,

— condamner la société Air France à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. X estime que la société Air France, en procédant à son changement d’affectation en janvier 2015 en raison de son état de santé, non préconisé par le médecin du travail, a pris une mesure discriminatoire à son égard, sans qu’aucun élément objectif ne puisse la justifier.

Il réclame un rappel de salaire.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 17 octobre 2019, la société Air France demande à la cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,

— dire que le salarié ne présente pas d’élément permettant de présumer l’existence d’une discrimination à raison de l’état de santé ou du handicap,

— dire que la décision d’affecter le salarié sur l’activité bagages n’était pas discriminatoire mais au contraire imposée par les prescriptions du médecin du travail,

— dire que le contrat de travail n’a pas été modifié et que ce changement d’activité s’imposait à lui en tant que simple changement des conditions de travail,

— rejeter la demande indemnitaire formulée par le salarié,

— rejeter la demande de rappel de salaire fomulée par le salarié,

— condamner le salarié à lui verser 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Air France soutient qu’aucune discrimination ne peut être constatée.

Elle affirme que M. X ne présente pas d’éléments de fait laissant supposer une discrimination.

Elle estime que le changement d’affectation en cause était lié à l’obligation de sécurité de l’employeur et fondé sur une situation objective, exclusive de toute discrimination.

La société Air France énonce que rien ne justifie le versement de dommages et intérêts à hauteur de 35 000 euros, M. X n’apportant aucune explication quant à la teneur ou la quantification de son préjudice.

La société Air France explique également que la demande de rappel de salaires de M. X doit être rejetée du fait de l’absence de perte de salaire établie par le salarié.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 3 septembre 2021.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la discrimination à raison de l’état de santé

Par application de l’article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, (…) ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

En application des dispositions des articles L.1131-1 et suivants du code du travail :

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (..) son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap (…), une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés ci-dessus, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

Les dispositions relatives à l’interdiction de discriminations, ne font pas obstacle aux différences de traitement lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

Les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap du salarié ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées (article L.1133-4 du code du travail).

Il appartient à la personne faisant l’objet d’une discrimination de présenter au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, l’employeur doit présenter des éléments attestant que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Le juge prend une décision après avoir ordonné toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles, en cas de besoin.

Au soutien de sa demande M. X expose qu’il s’est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé le 24 septembre 2007 , que l’employeur a procédé à son changement d’affectation par courrier du 27 novembre 2014 après l’établissement d’une fiche médicale d’aptitude avec restriction le 15 octobre 2014, dans les termes suivants:"La médecine du travail nous a informés d’une nouvelle prolongation d’aménagement d’horaires vous concernant . Comme vous le savez, les aménagements de votre horaire de travail qui avaient pu être mis en place n’étaient par nature que temporaires. Vous relevez de la grille collective des AMDE exploitation du Pôle client. En l’état, il n’est pas envisageable d’aménager plus longtemps vos horaires de travail au sein de cette grille compte tenu des impacts de régulation que cela entraine au détriment des conditions de travail de vos collègues. Nous prenons acte que vous exercerez vos fonctions d’AMDE en étant dédié à l’accompagnement des équipes vente et bagages du lundi au vendredi en horaires administratifs selon la règle de l’horaire individualisé (…)Nous vous précisons qu’une compensation de la perte des majorations d’horaires décalés vous sera allouée en application des dispositions du relevé de discussion du 29 septembre 1992. Le service du personnel vous fera parvenir les éléments chiffrés de cette compensation dégressive (prime biseau)".

Il expose qu’il bénéficiait d’un aménagement d’horaires préconisé par le médecin du travail depuis juillet 2012, soit depuis 2 ans dans son poste d’AMDE au service 'Passage', que l’avis d’aptitude du 15 octobre 2014 n’a fait que maintenir cet aménagement horaire ; qu’en l’affectant dans de nouvelles fonctions au service 'vente et bagages’en raison de son état de santé, alors que le médecin du travail n’avait pas préconisé un tel changement, que l’employeur a modifié ses conditions de travail et a pris une mesure discriminatoire qu’aucun élément objectif ne vient justifier. Il précise que ce changement d’affectation s’est accompagné d’une diminution de sa rémunération après suppression de la prime d’horaires décalés qu’il percevait dans le service 'passage'.

À l’appui de son argumentation il produit les éléments suivants:

— les quatre fiches médicales d’aptitude avec aménagement de poste des 30 mai, 5 septembre et 10 décembre 2012, et du 15 octobre 2014. Elles préconisent un aménagement d’horaires excluant une prise de poste le matin.

— deux courriers de la société Air France des 27 novembre et 9 décembre 2014 confirmant au salarié son affectation dans le service vente et bagages.

— un courrier de contestation de cette affectation de Monsieur X du 1er décembre 2014.

— le procès-verbal de réunion du CHSCT du 1er avril 2015 exposant un désaccord de ses membres sur le changement d’affectation du salarié.

L’ensemble de ces éléments permet de présumer l’existence d’une situation de discrimination tenant à la modification des conditions de travail imposée au salarié quelques semaines après l’avis médical d’aptitude avec réserve émis par la médecine du travail concernant l’aménagement de ses horaires de travail.

L’employeur qui conteste toute discrimination, oppose qu’il ne pouvait faire travailler le salarié avant 9h à raison de l’aménagement préconisé par la médecine du travail, et que le service 'passage’ auquel il était initialement affecté impliquait un travail par équipe de 4h30 à minuit, en roulement par alternance le matin et l’après-midi ; que le maintien du salarié dans cette activité avec aménagement d’horaire avait pour effet de soustraire le salarié à la grille collective dont l’objet est de répartir de façon équilibrée les contraintes horaires et de réduire la fatigue des salariés. Il précise que de ce fait d’autres salariés se trouvaient dans l’obligation d’effectuer une prise de poste parfois cinq matins de suite au lieu de trois. Le planning de l’équipe 'Passage’ ainsi que la grille collective que la société Air France verse aux débats attestent de l’organisation spécifique de ce service et de la répartition collective des contraintes liées au travail par équipe en alternance.

L’employeur expose que s’il a pu déroger temporairement à l’organisation collective du temps de travail, il ne peut faire supporter durablement au personnel de ce service les sujétions horaires supplémentaires liées à l’aménagement d’horaire dont bénéficie le salarié, dans un souci d’égalité de traitement des salariés.

Il établit que la rémunération de base du salarié est restée inchangée et que la perte de majoration des heures de nuit représentant la somme mensuelle de 367euros bruts a été compensée par une prime 'biseau’ par un calcul dégressif sur dix-huit mois, conformément à l’accord collectif du 29 septembre 1992.

De fait, la suppression de la majoration liée à la perte de sujétion aux horaires décalés ne saurait caractériser une modification du contrat ou des conditions de travail en lien avec l’état de santé du salarié.

La société Air France établit par ailleurs par la production d’un organigramme, que le salarié a été maintenu dans sa fonction d’AMDE (agent de maîtrise d’encadrement d’exploitation) au sein du pôle 'client', et qu’il n’a pas changé de lieu de travail (escale de l’aéroport de Blagnac) et a conservé la même fiche de poste (pièce 5).

Il ressort de ces éléments que le changement d’activité notifié au salarié le 27 novembre 2014 par son rattachement à l’activité ventes-bagages trouve sa justification dans l’adaptation par l’employeur du temps de travail du salarié dans le respect de l’aménagement imposé par la médecine du travail et des contraintes liées à l’organisation collective du temps de travail dans le service 'passage’ auquel le salarié était initialement rattaché.

Les explications et pièces fournies par l’employeur démontrent que la décision d’affectation du salarié dans l’activité vente-bagages est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Le jugement entrepris mérite donc confirmation en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire fondée sur la discrimination.

Pas plus en appel qu’en première instance le salarié, qui s’abstient de produire ses bulletins de paye, ne justifie d’une perte de salaire. Il a donc été justement débouté de sa demande en rappel de salaire par les premiers juges.

Sur les demandes annexes

Le salarié, partie perdante, supportera la charge des entiers dépens d’appel.

Aucune circonstance d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions relatives aux frais et dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Rejette toute demande plus ample ou contraire

Condamne M. Z X aux entiers dépens

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUMÉ, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER S. BLUMÉ.

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