Cour d'appel de Versailles, du 24 septembre 1998

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  • Répudiation·
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  • Agent diplomatique·
  • Privilège·
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  • Immunité diplomatique·
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Résumé de la juridiction

) Etat, Etat étranger, Immunité de juridiction, Renonciation, Caractère spécial, certain et non équivoque, Appréciation, Bail 1) Aux termes de l’article 31 de la Convention de Vienne, relative aux relations diplomatiques, " l’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’Etat accréditaire. Il jouit également de l’immunité de la juridiction civile et administrative (…) ", et l’article 37-1 de ce même texte étend cette immunité aux " membres de la famille de l’agent diplomatique ".Les articles 32-1 et 32-2 de la Convention précitée disposent encore que " l’Etat accréditant peut renoncer à l’immunité de juridiction des agents diplomatiques ", mais que " cette renonciation doit être expresse ". En l’espèce, un bail consenti à des époux, dont le mari exerce les fonctions d’ambassadeur, alors que l’immeuble loué constitue leur unique résidence, sans qu’aucun autre domicile ait été mis à leur disposition par l’Etat accréditant, constitue un acte passé dans l’exercice des fonctions de l’agent diplomatique.2) Dès lors que la renonciation à l’immunité diplomatique doit être certaine, non équivoque et spéciale, elle ne saurait être déduite de l’acceptation d’une clause attributive de compétence inscrite dans le formulaire type d’un bail, pas plus qu’elle ne peut être tirée de l’attitude du locataire devant une autre juridiction. C’est donc à bon droit que le tribunal saisi d’une demande en paiement d’arriéré de loyer à l’encontre d’un tel locataire, reconnaît à celui-ci le bénéfice de l’immunité diplomatique, et ce, sans que la cessation des fonctions de l’agent importe, dès lors que la dette résulte d’un acte antérieur passé dans l’exercice des fonctions.

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 24 sept. 1998
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006934765

Texte intégral

Madame X… a fait assigner Monsieur et Madame Y…, le 24 mars 1997, en paiement d’une somme de 460.000 francs à titre d’arriéré locatif et d’une somme de 218.919 francs représentant les travaux de réfection rendus nécessaires à la suite des dégradations affectant les lieux loués aux époux Y….

Les époux Y… ont soulevé la nullité de l’assignation et l’incompétence du tribunal, fondée sur l’immunité diplomatique dont ils bénéficiaient, à raison de la qualité d’ambassadeur du Za’re en France, de Monsieur Y….

Par jugement en date du 22 janvier 1998, le tribunal d’instance de VANVES a :

 – rejeté la demande de nullité de l’assignation,

 – dit qu’en signant le bail du 18 mai 1990, les époux Y… bénéficiaient de l’immunité diplomatique, entraînant l’incompétence du tribunal,

 – rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles,

 – laissé les dépens à la charge de Madame X….
Madame X… a formé contredit à l’encontre de cette décision en faisant valoir que le bail par elle consenti ne l’a pas été pour les besoins de l’exercice de la mission d’ambassadeur mais à titre personnel, que le cautionnement donné par l’Etat du Za’re démontre bien que seuls les époux Y…, à titre personnel, se sont engagésS et qu’à la date de la libération des lieux, le 30 janvier 1996, les fonctions d’ambassadeur de Monsieur Y… avaient pris fin.

Elle rappelle les dispositions de l’article 39 de la Convention de VIENNE aux termes desquelles le privilège d’immunité de juridiction cesse « lorsque les fonctions d’une personne en bénéficiant … prennent fin », ne subsistant "qu’en ce qui concerne les actes accomplis par cette personne dans l’exercice de ses fonctions comme

membre de la mission".

Elle fait encore valoir que le bénéficiaire du privilège de l’immunité de juridiction peut y renoncer même tacitement et sans autorisation de l’Etat qu’il représente, ce qu’ont fait les époux Y… en signant le bail qui notamment prévoit une clause résolutoire et permet l’expulsion des locataires par simple ordonnance de référé.

Elle demande à la Cour de dire les juridictions françaises compétentes et, évoquant au fond, de condamner Monsieur et Madame Y… à lui payer la somme de 632.919 francs avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 24 mars 1997, outre la somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles.

Les époux Y…, pour conclure à la confirmation et à l’allocation de la somme de 20 000 francs, hors taxes, au titre des frais irrépétibles, font valoir que l’article 37.1 de la Convention de VIENNE assimile à l’agent diplomatique, les membres de sa famille, que Monsieur Y… a remis ses lettres de créance à Monsieur le Président de la République le 17 janvier 1990, que la Convention sus-visée en son article 32.1 prévoit que la renonciation au privilège d’immunité doit être expresse alors que la jurisprudence constante exige l’autorisation de l’Etat représenté pour renoncer à l’immunité diplomatique et une renonciation certaine et non équivoque et retient qu’une clause attributive de compétence n’implique nullement renonciation du privilège d’immunité. Enfin, ils font valoir que Madame X… ne peut se prévaloir de l’attitude de Monsieur Y… devant le tribunal correctionnel de NICE pour en déduire qu’il a renoncé à son immunité dans toutes instances à venir. DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que le bail sous seing privé a été souscrit par "Monsieur

et Madame Baya Y… – Ambassade du Za’re – 32 Cours Albert Ier – 75008 PARIS" ;

Considérant que la Convention de VIENNE sur « les relations diplomatiques » prévoit en son article 31 que « l’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’Etat accréditaire. Il jouit également de l’immunité de la juridiction civile et administrative … » ; que les dispositions de l’article 37.1 de ladite Convention étendent cette immunité aux « membres de la famille de l’agent diplomatique » ;

Considérant que la Convention dispose encore, en son article 32.1, que « l’Etat accréditant peut renoncer à l’immunité de juridiction des agents diplomatiques » alors que l’article 32.2 prévoit que « cette renonciation doit être expresse » ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que l’immeuble loué constituait la résidence de Monsieur et Madame Y… et de leur famille alors que Monsieur Y… exerçait ses fonctions d’ambassadeur et n’avait aucun autre domicile mis à sa disposition par son Etat accréditant ; que certains termes du loyer ont été payés par le Ministère des affaires étrangères du Za’re ;

Considérant que Madame X… invoque à tort la renonciation tacite au privilège d’immunité, par les locataires, alors qu’outre les termes de l’article 32.1 de la Convention de VIENNE sus-rappelée, il est de droit constant que la renonciation doit être certaine et non équivoque et ne saurait se déduire de l’acceptation d’une clause attributive de juridiction, de plus fort inscrite dans un formulaire type, ou d’une élection de domicile en France ;

Considérant encore que la renonciation doit être spéciale et ne saurait, en l’espèce, être déduite de l’attitude adoptée par Monsieur Y… devant le tribunal correctionnel de NICE ;

Considérant enfin que si Monsieur Y… a cessé ses fonctions en

France le 3 décembre 1996, la dette invoquée résulte d’un acte antérieur passé par Monsieur Y… dans l’exercice de ses fonctions ;

Considérant que le jugement qui a fait droit au privilège d’immunité invoqué par les époux Y… doit être confirmé ;

Considérant qu’il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

RECOIT Madame X… en son contredit ;

LE DIT non fondé ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

DEBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ;

DIT que Madame X… conservera la charge des dépens.

ARRET REDIGE PAR :
Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :
Madame Colette GABET-SABATIER, Président,
Madame Catherine Z…, Greffier, qui a assisté au prononcé. Conflit de juridictions, Effets internationaux des jugements, Exequatur, Conventions Internationales, Convention franco-marocaine du 10 août 1981, Mariage, Dissolution, Répudiation, Répudiation constatée par le juge marocain, Conformité à la conception française de l’ordre public : conditions. L’exequatur en France d’un acte juridique étranger, même non juridictionnel, est subordonné au respect des conditions régissant la matière, à savoir la compétence étrangère, la régularité de la procédure, la compétence de la loi applicable au fond, la non

contrariété à l’ordre public et l’absence de fraude. En outre, l’article 13 alinéa 1er de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 prévoit que « les actes constatant la dissolution du lien conjugal, homologués par un juge au Maroc, entre conjoints de nationalité marocaine, dans les formes prévues par leur loi nationale, produisent effet en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce prononcés à l’étranger ». En l’espèce, dès lors qu’entre deux conjoints de nationalité marocaine, la rupture du mariage par volonté unilatérale du mari est conforme à la loi marocaine, que la procédure prévue par cette loi a été régulièrement suivie et que les droits pécuniaires de l’épouse ont été pris en considération, il doit être fait droit à la demande d’exequatur d’un acte de répudiation régulièrement transcrit et définitif . * * * FAITS ET PROCEURE
Monsieur M A… est appelant d’un jugement réputé contradictoire en date du 27 juin 1995, rendu par le tribunal de grande instance de PONTOISE, à sa requête, qui a rejeté sa demande d’exequatur de l’acte de répudiation prononcé à l’encontre de son épouse Madame N B…, le 30 janvier 1993 par le tribunal de première instance d’AIN SEBAA à CASABLANCA (Maroc).

Le tribunal a retenu que l’acte de répudiation, manifestation unilatérale de volonté émanant du seul mari et de surcroît révocable, est manifestement contraire à l’ordre public français.
Monsieur A… prie la Cour d’infirmer ce jugement et de déclarer exécutoire, en France, l’acte adoulaire du 30 janvier 1993 constatant la dissolution du mariage et de dire que le dispositif de la présente décision sera transcrit sur les registres de l’état civil du Ministère des Affaires Etrangères à NANTES.

Il demande en outre la somme de 7.000 francs au titre des frais irrépétibles.

A l’appui de son appel, il fait valoir que la décision dont l’exequatur est demandée est conforme à la loi personnelle des époux, que la procédure a été régulièrement suivie et a été rendue conformément à la convention franco-marocaine du 15 octobre 1957, sans aucune disposition contraire à l’ordre public français.

Il précise que l’exequatur est indispensable pour éviter toute contestation ultérieure et notamment en ce qui concerne le paiement de la pension alimentaire de 1.500 DH accordée à l’épouse, le don de consolation et le délai de viduité.

Pour conclure à la confirmation et à l’allocation de la somme de 10.000 francs au titre des frais irrépétibles, Madame B… conclut à l’irrecevabilité de la demande en faisant valoir qu’un acte de répudiation n’est pas une décision de l’ordre judiciaire marocain et que l’autorité, qui l’a reçu, s’est bornée à enregistrer un acte de droit privé qui ne saurait bénéficier de l’efficacité internationale. Elle fait encore valoir que cet acte révocable par le mari seul est contraire à l’ordre public français, qu’il n’est reproché aucune faute à l’épouse et que la demande est exempte d’un intérêt à agir.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que Monsieur A… et Madame B…, de nationalité marocaine, se sont mariés le 4 octobre 1991 au Maroc, ainsi qu’il en est justifié ; Considérant que l’acte de répudiation du 30 janvier 1993 a été transcrit le 1er février 1993 au tribunal de première instance d’AIN SEBAA HAY MOHAMMADI à CASABLANCA (Maroc) et qu’il est régulièrement produit ; qu’il est définitif ;

Considérant, contrairement à ce que soutient principalement Madame B…, que le droit, à l’étranger, peut résulter d’un acte non juridictionnel et que son exequatur en France peut être requise sous

réserve du respect des conditions régissant la matière, savoir la compétence étrangère, la régularité de la procédure, la compétence de la loi appliquée au fond, la non atteinte à l’ordre public et l’absence de fraude ;

Considérant que Madame B… ne démontre nullement le non respect de l’une de ces conditions, la rupture du mariage par la volonté unilatérale du mari, entre deux conjoints de nationalité marocaine, selon la loi marocaine, n’étant pas contraire à l’ordre public français dès lors que la procédure a été régulièrement suivie, ce qui n’est pas contesté et que les droits pécuniaires de l’épouse ont été pris en considération ;

Considérant encore que l’article 13 alinéa 1er de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 prévoit que les « actes constatant la dissolution du lien conjugal, homologués par un juge au Maroc, entre conjoints de nationalité marocaine, dans les formes prévues par leur loi nationale, produisent effet en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce prononcés à l’étranger » ;

Considérant que le jugement déféré doit être infirmé et qu’il doit être fait droit à la demande d’exequatur formée par Monsieur A… ;

Considérant qu’il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE Monsieur A… recevable en son appel ;

LE DIT BIEN FONDE,

INFIRME le jugement déféré ;

STATUANT A NOUVEAU,

DECLARE EXECUTOIRE en France l’acte adoulaire du 30 janvier 1993 constatant la dissolution du mariage des époux A…/B…, transcrit le 1er

février 1993 au tribunal de première instance d’AIN SEBAA HAY MOHAMMADI à CASABLANCA (Maroc) ;

DIT que le dispositif de cet acte et du présent arrêt seront transcrits sur les registres de l’état-civil du Ministère des Affaires Etrangères à NANTES ;

DEBOUTE Monsieur A… de sa demande formée au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame B… aux dépens de première instance et d’appel et dit que la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN pourra recouvrer directement contre elle les frais exposés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :
Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :
Madame Colette GABET-SABATIER, Président,
Madame Catherine Z…, Greffier.

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Versailles, du 24 septembre 1998