Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 11 juin 2015, n° 14/03960

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 11 juin 2015, n° 14/03960
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/03960
Décision précédente : Tribunal de commerce de Versailles, 19 mai 2014, N° 2012L01729
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IA

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JUIN 2015

R.G. N° 14/03960

AFFAIRE :

K Z

C/

Me O Y (liquidateur de la société THERMI’ZOL)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2014 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2012L01729

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11.06.2015

à :

Me I ROUX

Me Fabienne

FOURNIER-

LATOURAILLE

Me Cécile PROMPSAUD,

TC VERSAILLES,

M. P

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE JUIN DEUX MILLE QUINZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur K Z

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté par Maître I ROUX de l’ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 419

APPELANT

****************

Maître O Y, ès qualités de liquidateur de la Société Thermi’zol,

XXX

XXX

Représenté par Maître Fabienne FOURNIER-LATOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 506 – N° du dossier 12.054

Madame G T X

née le XXX à PARIS

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentée par Maître Cécile PROMPSAUD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 105 – N° du dossier 25122

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/000103 du 04/02/2015 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMES

VISA DU MINISTERE PUBLIC LE : 19 SEPTEMBRE 2014

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Avril 2015, Madame Marie-Laure BELAVAL, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame G VAISSETTE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

La SARL Therm’izol a été constituée en 2011 entre M. K Z, Mme G

X qui en était la gérante et sa fille Mme I J. Elle avait pour activité la fabrication et la commercialisation de portes, fenêtres et de tous produits de menuiserie industrielle.

Le 4 janvier 2012, après 9 mois d’exploitation, Mme X a déposé la déclaration d’état de cessation des paiements.

Le 12 janvier 2012, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert la liquidation judiciaire de la société Therm’izol, fixé la date de cessation des paiements au 4 janvier 2012 et désigné Maître Y en qualité de liquidateur judiciaire.

Maître Y ès qualités a saisi le tribunal d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif en assignant Mme X et M. K Z, ce dernier en tant que gérant de fait de la société Therm’izol.

Par jugement en date du 20 mai 2014, le tribunal a :

— joint les instances et statué par un seul et même jugement,

— constaté que Mme X était dirigeante de droit de la société Therm’izol au moment des faits,

— constaté que M. Z était dirigeant de fait de la société Therm’izol au moment des faits,

— constaté l’existence de fautes de gestion à la charge tant de Mme X que de M. Z,

— constaté que les fautes de gestion énoncées ont contribué à l’existence de l’insuffisance d’actif de la société Therm’izol,

— condamné conjointement et solidairement en application de l’article L. 651-2 du code de commerce Mme X et M. Z à payer 100 000 euros à Maître Y ès qualités aux fins de contribuer en partie à l’insuffisance d’actif, et la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné conjointement et solidairement Mme X et M. Z aux dépens,

— ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a retenu la qualité de gérant de fait de M. Z et a imputé à faute aux deux dirigeants le fait de n’avoir pas tenu de comptabilité pendant les neuf mois d’activité en dépit de la signature d’un contrat de mission confié à un cabinet d’expertise-comptable, le cabinet A, le fait d’avoir accompli des actes contraires à l’intérêt social comme l’absence d’apports de fonds permettant de faire face aux premiers mois d’activité, l’embauche de salariés non déclarés et sans affiliation à la caisse de congés payés, la prise en charge par la société de dépenses personnelles et la disparition des éléments d’actifs, le fait encore d’avoir omis de déclarer l’état de cessation des paiements de la société dans les quarante cinq jours de sa survenance, soit depuis le troisième trimestre 2011, et le fait de n’avoir pas mis en place les moyens de gestion adaptés, ce qui a provoqué l’abandon de 4 chantiers sur les 6 obtenus.

M. Z a fait appel de ce jugement.

Prétentions et moyens de M. Z :

Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 juillet 2014, M. Z demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a constaté que Mme X était gérante de droit de la société Therm’izol au moment des faits reprochés,

— le réformer pour le surplus.

— statuant à nouveau,

— à titre principal,

— dire qu’il n’était pas gérant de fait de la société Therm’izol au moment des faits reprochés,

— juger qu’aucune des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif ne lui est imputable,

— condamner Mme X à payer à Maître Y ès qualités la somme qu’il plaira a la cour afin de combler tout ou partie de l’insuffisance d’actif.

— à titre subsidiaire,

— réduire le montant de la condamnation éventuellement prononcée à son encontre au titre du comblement du passif de la société Therm’izol à une plus juste proportion, considération faite de la situation personnelle des parties,

— juger qu’il n’y a pas lieu à condamnation conjointe entre lui et Mme X,

— dire que l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Maître Y ès qualités,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

M. Z soutient qu’il n’est pas démontré qu’il aurait accompli des actes positifs de gestion ou de direction en toute indépendance de la société Therm’izol, que sa qualité d’associé majoritaire n’est pas un critère décisif, que s’il avait un contact avec le personnel, les clients et fournisseurs il n’était en revanche pas autonome, qu’il n’était pas titulaire de la signature sur le compte bancaire de la société de sorte qu’il ne pouvait l’engager seul auprès des tiers, qu’il ne détenait aucun des documents comptables, sociaux ou bancaires nécessaires à la gestion financière ou administrative de sociétés, qu’il ne se chargeait pas non plus des déclarations fiscales et sociales ou de la tenue des livres comptables et bilans, que les fournisseurs ne pouvaient pas ignorer qu’il n’était pas le dirigeant de la société Therm’izol au vu des chèques émis au nom de Mme X, que son intervention se limitait à l’aspect technique pour assurer la bonne exécution des travaux, la surveillance des ouvriers ainsi que les qualités et quantités des matériaux acquis auprès des fournisseurs.

De surcroît, il fait valoir que les attestations des salariés ne sont pas crédibles en raison de leur absence d’objectivité, que c’est en qualité de responsable commercial et recrutement qu’il a fait des promesses d’embauche, qu’il disposait d’une délégation de signature, que les ouvriers ne pouvaient pas ignorer qu’il n’était pas leur employeur, qu’il n’était pas chargé de l’établissement des fiches de paie ni des licenciements et que par conséquent il ne saurait voir sa responsabilité engagée pour les fautes de gestion commises par Mme X.

M. Z ajoute qu’aucune des fautes reprochées par le liquidateur ne lui sont imputables, que seule Mme X a été en contact avec le cabinet A, expert-comptable, aux fins d’établir les comptes annuels, les déclarations fiscales et sociales obligatoires ainsi que pour tenir la comptabilité et procéder à l’établissement des bulletins de paie, que le contrat de mission a été signé par Mme X et qu’il en ressort qu’il ne saurait être responsable de l’absence de tenue de comptabilité.

De même, la constitution de la structure de la SARL ne nécessitant aucun capital minimum, il considère que le capital social de 500 euros n’était pas trop faible, que pendant l’activité de la société Therm’izol 6 chantiers auraient pu être menés à leur terme si l’incurie de la gestion de Mme X n’avait pas été aussi patente, que s’agissant de l’emploi de salariés il incombait à cette dernière de procéder ou faire procéder à la rédaction des contrats de travail et aux formalités administratives de déclaration et que par conséquent aucune carence fautive ne peut être retenue à son encontre. En outre, il allègue qu’aucune pièce ne démontre qu’il aurait participé à un quelconque détournement et qu’il n’a pas financé les frais de scolarité de son fils avec les fonds de la société.

A la suite de la déclaration de cessation des paiements effectuée par la gérante sans l’en aviser, il prétend que cette dernière a changé la serrure du local de la société de sorte qu’il ne peut lui être reproché la dégradation et le pillage des marchandises et équipements dont s’est plainte la bailleresse , qu’il n’était plus en possession du camion ni de la Clio, qu’il n’a pas été valablement informé des courriers du commissaire priseur et qu’il ne détenait aucun des actifs de la société susceptibles d’être réalisés de sorte qu’aucune faute gestion ne peut être retenue à son égard.

S’agissant de la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements, il rappelle que c’est la gérante qui avait accès aux documents bancaires ainsi qu’aux relevés de compte qui lui étaient directement adressés et que ceux-ci présentaient des soldes débiteurs de sorte qu’elle aurait dû être alertée sur les risques d’une poursuite d’activité déficitaire, qu’elle n’a pas accompli ses fonctions de surveillance avec diligence, que lui-même n’ayant pas accès à la comptabilité, au prévisionnel ni encore au compte bancaire de la société ne pourrait être considéré comme responsable, qu’il ne pouvait avoir connaissance de l’état d’insolvabilité de la société avant l’assemblée générale des associés du premier semestre 2012.

Il estime que Mme X est seule responsable de l’absence de mise en place des moyens de gestion, que bien que le passif s’élève à 193 900,27 euros, il avait réussi à gagner la confiance de 6 clients pour des chantiers lucratifs, que c’est en raison des manquements aux obligations légales de la gérante que l’exploitation de la société a abouti à une liquidation judiciaire alors qu’elle avait déjà occupé de telles fonctions auparavant.

A titre subsidiaire, M. Z soutient que la condamnation solidaire et conjointe à supporter les conséquences de l’insuffisance d’actif à hauteur de 100 000 euros est disproportionnée au regard de leur situation financière, qu’en cas de pluralité de dirigeants ayant commis des fautes de gestion contributives de l’insuffisance d’actifs ceux-ci ne peuvent être déclarés solidairement responsables que par décision spécialement motivée ce qui selon lui n’est pas le cas en l’espèce, qu’il convient de prendre en compte la gravité des fautes et le montant de l’insuffisance d’actif ainsi que la situation personnelle des dirigeants, que Mme X est à la retraite et qu’elle a déclaré pour l’année 2011 un revenu mensuel de 1 119,25 euros alors qu’elle a à sa charge un loyer ainsi que sa fille et son petit-fils résidant avec elle, qu’elle est interdite bancaire tout comme sa fille, qu’elle ne pourra pas assumer le paiement de sa condamnation de sorte qu’il devra supporter seul la responsabilité de ses fautes de gestion.

Prétentions et moyens de Mme X :

Par conclusions signifiées le 2 mars 2015, Mme X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu la qualité de gérant de fait de M. Z,

— le confirmer en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’encontre de M. Z,

— l’infirmer en ce qu’il l’a condamnée à verser la somme de 100 000 euros aux fins de contribution en partie à l’insuffisance d’actif.

Statuant à nouveau,

— la juger inexpérimentée et incompétente pour assurer la gérance de la société Therm’izol,

— la juger victime du comportement de M. Z qui a profité de sa situation financière précaire pour qu’elle accepte d’être la gérante de droit de la société Therm’izol,

— constater son impécuniosité.

En conséquence,

— débouter Maître Y ès qualités en sa demande de condamnation pécuniaire à son encontre,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

Mme X soutient que M. Z était le dirigeant de fait de la société Therm’izol, que les fournisseurs, les clients et les salariés attestent n’avoir eu que lui comme interlocuteur, qu’il contrôlait le courrier de la société et la tenait à l’écart des décisions, qu’elle ne se rendait jamais au siège social.

Elle précise qu’elle a conclu un contrat de mission avec le cabinet A lequel se voyait confier l’établissement des comptes annuels et des déclarations fiscales et sociales afférentes, la tenue de la comptabilité et l’établissement des bulletins de paye, que c’est l’absence de paiement des frais liés à leur intervention qui a empêché l’établissement de la comptabilité, que seul M. Z embauchait le personnel avec qui elle n’avait jamais eu de contact, que l’absence de déclaration des salariés incombe à M. Z, qu’elle reconnaît avoir retiré des sommes en espèces mais à la demande de ce dernier, qu’elle a effectué des virements du compte de la société vers son compte bancaire personnel afin de rembourser des avances qu’elle avait pu faire en payant des fournisseurs avec ses fonds propres à concurrence de 11 000 euros, qu’elle a effectivement commis une faute en procédant au paiement de son loyer personnel via les fonds de la société Therm’izol mais que le détournement de fonds est en réalité imputable à son ancien associé et que celui-ci n’a d’ailleurs pas restitué son véhicule de location.

Sur le retard de déclaration de cessation des paiements, elle fait valoir que ses problèmes de santé l’ont conduite à devoir faire confiance à M. Z, que le montant du passif s’élève à la somme de 193 900,27 euros, qu’elle ne nie pas avoir manqué de diligence du fait de son inexpérience et de son incompétence mais qu’elle est de bonne foi, qu’elle ne dispose que d’un revenu de 1 255,16 euros par mois et qu’elle vit avec sa fille ainsi que son petit-fils, que M. Z a profité de sa situation précaire pour prendre la gérance d’une société alors qu’il était interdit bancaire, qu’il est actuellement gérant de droit de la société Dimention rénov’et qu’elle ne sera pas en mesure de s’acquitter du montant de condamnation mis à sa charge par le jugement de première instance.

Prétentions et moyens de Maître Y ès qualités :

Maître Y ès qualités a conclu le 24 juillet 2014 à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. K Z à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur soutient que M. Z doit être condamné en qualité de dirigeant de fait, qu’il était l’associé majoritaire de la société Therm’izol, qu’il gérait seul le personnel, les clients et les fournisseurs, que la gérante de droit n’établissait des chèques sur son chéquier personnel qu’à sa demande, que la société Couleurs de Tollens en qualité de fournisseur de la société Therm’izol atteste que son seul interlocuteur et décisionnaire était M. Z, qu’il en est de même pour la société Point P ainsi que divers clients dont les courriers s’adressaient directement à son attention, que c’est encore lui qui a embauché les deux salariés de la société Therm’izol, qui les payait et leur donnait les ordres sur les chantiers, qu’il est sans importance que l’ensemble des cocontractants aient su que Mme X était la gérante de droit puisqu’en tout état de cause il était celui qui se comportait comme tel auprès d’eux.

S’agissant de l’absence de tenue de comptabilité, il rappelle qu’aucun chiffre d’affaires de la société n’est connu et que cela doit être imputé à faute à Mme X qui a manqué de rigueur ainsi qu’à celle de M. Z en ce qu’il a manqué de vigilance.

S’agissant de la commission d’actes contraires à l’intérêt de la société, il reproche aux anciens associés d’avoir démarré une activité avec des fonds propres insuffisants et de l’avoir poursuivie sans remédier à cette situation, de n’avoir mentionné que deux salariés dans la déclaration de cessation des paiements alors qu’il en a trouvé quatre qui étaient embauchés en contrat à durée indéterminée pour un salaire brut moyen de 1 900 euros, que deux procédures prud’homales ont été engagées à l’initiative de MM. Nivelle et C lesquels ont été embauchés par M. Z sans être rémunérés de leur travail, qu’ils n’ont pas été déclarés par leur employeur, qu’au surplus la Caisse des congés BTP a indiqué que la société Therm’izol n’avait jamais demandé son affiliation auprès d’elle de sorte qu’aucun congé rémunéré ne pouvait être pris en charge.

De surcroît, il fait valoir qu’il ressort des relevés bancaires de nombreux prélèvements sur le compte de la société sans que ces dépenses ne soient justifiées, que cela a persisté chaque mois pour des sommes importantes et inexpliquées, que Mme X a expliqué que les virements à hauteur de 1 591 euros du 3 décembre 2011 correspondaient au paiement de son loyer et que d’autres chèques ont été émis dans l’intérêt de M. Z pour la scolarité de ses enfants, que par conséquent ces agissements sont contraires à l’intérêt de la société et ont porté préjudice à l’ensemble des créanciers de la société, que le commissaire priseur n’a pas pu procéder à l’inventaire en raison de l’absence de réponse de M. Z, que par conséquent le camion et le véhicule mis à la disposition de ce dernier n’ont pas pu être récupérés, qu’à ce titre aucun actif n’a pu être recouvré, qu’enfin le gérant de fait a transformé puis dépouillé les locaux de la société et qu’il est parti en conservant les clés.

Il considère encore que l’absence de mise en place de moyens de gestion adaptés constitue une faute de gestion, que 4 chantiers sur 6 ont dû être abandonnés, que les divers clients attestent du fait que les travaux n’ont pas été terminés, que M. B estime à ce titre avoir été victime de malfaçons et d’escroqueries par M. Z et que le chantier a été abandonné dans un état de danger important comportant près de 200 kg de gravats sur le toit, qu’il en ressort que M. Z s’est engagé pour des chantiers auxquels il était incapable de faire face avec les investissements qu’il avait entrepris ou les connaissances qu’il détenait réellement. Il soutient que Mme X, en ne surveillant pas la gestion du gérant de fait, a également commis une faute de gestion, que sa passivité est avérée et doit être sanctionnée.

Enfin, il affirme qu’il est patent qu’il existe une insuffisance d’actif importante, que le passif déclaré s’élève à 193 900,27 euros, que l’actif réalisé est inexistant, que les fautes de gestion évoquées ont nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif, que si Mme X avait veillé aux agissements et interventions du gérant de fait le passif de la société aurait été moindre et que M. Z a engagé la société Therm’izol dans des chantiers qu’il a abandonnés, a embauché des salariés sans les déclarer et a démoli les locaux, qu’il est acquis que l’ensemble des fautes qui leur sont reprochées ont contribué à l’insuffisance d’actif entraînant un préjudice considérable pour la société et ses créanciers.

Le ministère public a eu communication du dossier qu’il a visé le 19 septembre 2014.

SUR CE,

Considérant que l’article L 651-2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté en tout ou en partie par les dirigeants ou par certains d’entre eux ayant contribué à cette faute de gestion ;

Sur la qualité de gérant de fait de M. Z :

Considérant que la direction de fait d’une personne morale suppose démontré l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de direction ;

Considérant que M. Z était associé majoritaire de la société Therm’izol ; qu’il prétend qu’ il occupait la fonction de responsable commercial et recrutement et agissait en vertu d’une délégation de signature sans prétendre avoir été salarié de l’entreprise et sans apporter la moindre preuve de la délégation invoquée ; qu’il résulte de l’attestation de M. C que celui-ci a été embauché et payé partiellement par M. Z sous les ordres duquel il travaillait sur les chantiers, et qu’il n’a jamais eu aucun contact avec Mme X; qu’il est établi par une série de lettres de fournisseurs et de clients de la société Therm’izol, comme la société Couleurs de Tollens, la société Point P, la société Dimension travaux,Mme D, M. et Mme H, M. E, M. B, que toutes les démarches commerciales (achats de matériaux, démarchages de clients, établissement de devis, calendriers de travaux, signatures de contrats ou de marchés, demandes d’acomptes) étaient menées par M. Z se présentant comme le gérant de la société Therm’izol ; que la Sci de la gare, bailleresse des locaux dans lesquels la société entreposait ses marchandises, a écrit le 8 janvier 2012 que M. Z était en possession des clés du local ; que même si M. Z ne possédait pas de procuration sur le compte bancaire de la société Therm’izol, ces actes accomplis de manière systématique excédaient par leur nature la réalisation technique des travaux proprement dite à laquelle M. Z prétend avoir limité son rôle sans s’expliquer pour autant sur le cadre dans lequel il effectuait ces taches puisqu’aucun salaire ne lui était versé par l’entreprise ; que les documents qui relatent l’action de M. Z et évoquent l’existence de Mme X sont concordants pour décrire une absence totale d’implication de cette dernière, laquelle au mieux se bornait à régler les factures des fournisseurs puisqu’elle avait conservé la gestion du compte (pièce 7 du liquidateur) ou à se renseigner sur de simples questions administratives (pièce 9 du liquidateur) ;

Considérant que la commission par M. Z pendant les neuf mois d’activité en toute indépendance d’actes positifs de direction de la société Therm’izol est en conséquence démontrée, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a constaté que M. Z était dirigeant de fait de la société Therm’izol au moment des faits ;

Sur les fautes de gestion :

Considérant que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal de quarante cinq jours, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report ; que dès lors que le jugement d’ouverture a fixé la date de la cessation des paiements au 4 janvier 2012, date à laquelle Mme X a déposé la déclaration de cet état, sans que cette date ait fait l’objet à l’époque d’une contestation ou que le tribunal ait été saisi d’une demande de report, il n’y a pas lieu de rechercher si la société Therm’izol s’est trouvée en cessation des paiements avant cette date ni d’imputer à faute aux dirigeants le moindre retard ;

Considérant que quelles qu’aient été les vicissitudes rencontrées par la société Therm’izol avec le cabinet d’expertise comptable chargé de la comptabilité, il est incontestable que la tenue d’une comptabilité figure parmi les obligations légales du chef d’entreprise et qu’en l’espèce aucune comptabilité n’a été tenue pendant les neuf mois d’activité ; qu’aucun justificatif n’a été conservé, aucun mouvement de fonds n’a été consigné, aucun journal n’a été tenu ; que les prélèvements sur le compte de l’entreprise pour satisfaire des besoins personnels de Mme X qui les reconnaît constituent aussi des fautes de gestion en ce qu’ils ont été contraires à l’intérêt social ;

Considérant que la gestion des ressources humaines de la société Therm’izol s’est révélée particulièrement fautive puisqu’il est démontré par le liquidateur (pièce n° 16) que la société Therm’izol n’a jamais demandé son affiliation auprès de la Caisse congés intempéries BTP de la région de Paris de sorte que cette caisse n’a pas pu prendre en charge le paiement des congés des salariés, que des employés comme M. C, qui l’atteste, ont été embauchés et ont travaillé sans avoir été déclarés ni même payés, celui-ci ayant reçu un chèque de 487,50 euros remis par M. Z en rémunération d’un travail accompli entre le 17 août 2011 et le 3 janvier 2012, qu’il en est de même de M. F selon le témoignage de M. C ;

Considérant qu’alors que la société Therm’izol était propriétaire d’un véhicule Renault Clio et avait à sa disposition un camion benne loué à la société Kiloutou, qui l’a revendiqué et a porté plainte en vain, ces véhicules n’ont pas été représentés au liquidateur; qu’il résulte des échanges de lettres entre le commissaire priseur et le liquidateur que l’inventaire n’a pu être réalisé faute de coopération de M. Z ; que le local commercial loué, dont M. Z avait les clés, a été laissé à un état total d’abandon et de saleté ainsi que le révèlent les photographies versées aux débats, sans qu’aucun actif réalisable ne puisse y être découvert ;

Considérant que les circonstances de la création de la société Therm’izol, avec un capital de 500 euros, dont la gérance statutaire a été confiée à une personne peu qualifiée , et dont l’activité qui s’est essentiellement tournée vers la recherche de clients en ligne se situait dans un secteur très concurrentiel, ne pouvaient conduire qu’à une cessation brutale d’activité, caractérisée par l’abandon de chantiers de particuliers après règlements d’acomptes conséquents, représentant jusqu’à 40 % du marché, sans rapport avec l’avancement des travaux (pièces 8 et 12 du liquidateur) ; que l’absence totale d’anticipation des difficultés constitue aussi une faute de gestion ;

Considérant que ces fautes de gestion ont, en neuf mois d’activité sans mise en place des outils de gestion les plus élémentaires, contribué à l’insuffisance d’actif qui s’élève, sans discussion de la part de Mme X ni de M. Z, à la somme de 193 900,27 euros;

Sur la responsabilité des dirigeants et leur condamnation solidaire :

Considérant que l’ensemble des fautes de gestion relevées ci-dessus sont imputables à M. Z d’une part, qui en tant que gérant de fait de la société Therm’izol doit assumer les conséquences de ses décisions de gestion ; qu’il ne peut se retrancher derrière l’existence d’un gérant de droit pour s’exonérer de sa propre responsabilité dès lors qu’il a privé Mme X de tout pouvoir de décision et de direction de la société, quand bien même, pour sauver les apparences, il lui a laissé la signature sur les comptes bancaires ; qu’elles sont aussi imputables à Mme X qui n’a pas investi sa fonction de gérante et dont la passivité a permis leur commission ; que même en rappelant que le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements ne peut être retenu contre les dirigeants, la nature, la gravité et le retentissement des fautes commises sur l’insuffisance d’actif justifient le montant de la condamnation prononcée par le tribunal, en dépit des situations financières actuelles respectives des parties concernées ;

Considérant que c’est par leur action conjuguée que M. Z et Mme X ont contribué à l’insuffisance d’actif ; que sans les fautes de Mme X, M. Z n’aurait pas pu agir contrairement aux intérêts de l’entreprise et réciproquement ; que la solidarité de la condamnation sera donc confirmée ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Versailles en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. K Z à payer à Maître Y ès qualités la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. K Z aux dépens d’appel, et rappelle que Mme G X est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle au taux de 40 % de sorte que les dépens seront recouvrés dans cette limite selon la législation en vigueur sur l’aide juridictionnelle.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,

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