Cour d'appel de Versailles, 10 mai 2016, n° 15/02248

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 10 mai 2016, n° 15/02248
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/02248
Décision précédente : Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nanterre, BAT, 2 juin 2015

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 97Z

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2016

R.G. N° 15/02248

(jonction 15/03579)

AFFAIRE :

Y X

C/

SELARL ERNST & YOUNG

Décision déférée à la cour : Décision rendue le 03 Juin 2015 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de NANTERRE

Copies exécutoires délivrées à :

Me Charlotte GUIRLET

Me Blandine LUNDY-WEERDMEESTER

Copies certifiées conformes délivrées à :

Y X

SELARL ERNST & YOUNG

Au Bâtonnier de l’ordre des avocats de NANTERRE

Au Ministère Public

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Y X

XXX

XXX

Représenté par Me Charlotte GUIRLET, avocat au barreau de NANTERRE

APPELANT

****************

SELARL ERNST & YOUNG

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Blandine LUNDY-WEERDMEESTER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Février 2016, les parties ne s’y étant préalablement pas opposées, en présence de Monsieur Jacques CHOLET, avocat général, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

M. X, avocat, s’est vu proposer une embauche au sein du cabinet ERNST AND YOUNG le 6 juillet 2011 en qualité d’avocat débutant au sein du département fiscalité des entreprises.

Le 11 juillet 2011, ce dernier a signé un contrat de travail en qualité d’avocat salarié avec entrée en fonction le 25 juillet lequel prévoyait notamment une période d’essai de 3 mois renouvelable une fois.

La rémunération de M. X était de 3334 euros brute mensuelle.

Le 5 octobre 2011, la société ERNST AND YOUNG décidait de renouveler la période d’essai de M. X.

Le 5 décembre 2011, la société ERNST AND YOUNG décidait de mettre un terme à leur relation de travail tout en indiquant que la rupture serait acquise après un délai de prévenance expirant le 5 janvier 2012.

Enfin, le 29 décembre 2011, M. X signait un contrat de travail n° 2 lequel prévoyait une période d’essai de 3 mois renouvelable, M. X étant engagé en qualité d’avocat au sein du département 'droit des affaires', la rémunération étant fixée à 3334 euros brute mensuelle sur 12 mois.

Le 22 mars 2012, l’employeur renouvelait la période d’essai et indiquait que cette dernière s’étendait jusqu’au 8 juillet 2012.

Mais le 29 mai 2012, la société ERNST AND YOUNG décidait de mettre un terme à leur relation de travail à l’issue d’un délai de prévenance de 1 mois commencant à courir le 29 mai 2012.

M. X réclamait la somme de 28 152,80 euros à son employeur au titre d’indemnité pour la rupture infondée, somme rejetée par ERNST AND YOUNG.

Le 19 décembre 2012, M. X saisissait alors le Bâtonnier des Hauts de Seine, contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail.

Le Bâtonnier n’ayant pas statué dans les 4 mois de sa saisine, M. X en a conclu que sa requête était rejetée et a formé un permier recours devant la présente juridiction.

Le 3 juin 2015, le Bâtonnier rendait finalement une décision déboutant M. X de toutes ses demandes et l’intéressé a formé un second recours.

Il demande à la cour de :

À titre principal :

— dire et juger que le batonnier des Hauts de Seine n’a pas régulièrement prorogé le délai de 4 mois initial prévu à l’article 142 du décret du 27 novembre 1991,

— dire que le batonnier des Hauts de Seine n’a pas jugé dans le délai de 4 mois conformément à l’article 149 du décret du 27 novembre 1991,

— dire que le bâtonnier était désaisi au bénéficie de la cour d’appel de Versailles à l’instant de prendre sa décision le 3 juin 2015,

À tire subsidiaire

— réformer la décision attaquée,

— dire que la période d’essai de 3 mois renouvelable dans le contrat de travail n°2 était manifestement abusive tant dans son principe que dans sa durée,

— déclarer cette clause nulle,

— dire et juger que la rupture du contrat de travail n°2 doit s’analyser en un licenciement abusif, en l’absence de lettre précisant les motifs,

— dire et juger que le préavis de 3 mois qui aurait du s’appliquer à compter du 29 mai 2012 n’a été exécuté que jusqu’au 22 juin 2012,

— condamner la société ERNST AND YOUNG à lui verser les sommes de :

* 7 408 euros au titre du solde du préavis non exécuté

* 741 euros au titre des congés payés afférents

* 13 336 euros à titre d’indemnité de licenciement abusif

* 6 668 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct du licenciement après avoir jugé que le licenciement était intervenu dans des conditions brutales et vexatoires.

La société ERNBST AND YOUNG rétorque que toutes les demandes de M. X doivent être rejetées et la décision attaquée confirmée en toutes ses disposions.

Vu l’avis de M Le procureur de la République ;

SUR CE

Sur la jonction des dossiers enrôles sous les N°15/02248 et N°15/03579

Il apparait de l’intérêt d’une bonne administration de la justice de prononcer la jonction de deux dossiers enrôlés sous des numéros différents et correspondant aux deux recours de M. X formés comme dit ci-dessus.

*

Sur l’application du décret du 27 novembre 1991

M. X souligne que M. le Bâtonnier du barreau des Hauts de Seine a rendu une décision irrégulière en ce que sa décision a été rendue le 3 juin 2015 alors qu’à cette date, il s’était dessaisi au profit de la cour d’appel de Versailles le 30 avril 2015, sans respecter les délais prévus par le décret sus visé, le délai de 4 mois n’ayant pas été valablement prorogé.

La société ERNST AND YOUNG rétorque que le barreau n’a jamais donné mandat au tribunal de grande instance de réceptionner son courrier recommandé, la signature par une personne autre que le destinataire ne valant pas réception. M. Le Bâtonnier ayant reçu le courrier le 23 décembre 2014, le délai de 4 mois prévu par le décret du 27 novembre 1991 a bien été respecté.

Vu les articles 641 et 670 du code de procédure civile ;

Les articles 142 et 149 du décret du 27 novembre 1991 organisant le profession d’avocat prévoient que :

« pour tout litige né à l’occasion d’un contrat de collaboration ou d’un contrat de travail, à défait de conciliation, le batonnier du barreau auprès duquel l’avocat collaborateur est inscrit est saisi par l’un ou l’autre des parties soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l’ordre des avocats, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de reception. Sauf cas de récusation et sous réserve d’interruption d’instance, le Bâtonnier est tenu de rendre sa décision dans le quatre mois de sa saisine, à peine de dessaisissement au profit de la cour d’appel. Ce délai peut être prorogé de quatre mois par décision motivée du bâtonnier. Cette décision est notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de reception ».

Il ressort des pièces du dossier que le Bâtonnier a été saisi le 23 décembre 2014 selon le cachet de l’ordre des avocats apposé sur la requête de M. X, après que celle-ci eut 'transité’ par le greffe du tribunal de grande instance de Nanterre le 22 décembre 2014. aucun mandat n’étant donné à ce service, par l’ordre, pour réceptionner en son nom, le courrier qui lui est destiné au sein du palais de justice de Nanterre ; cependant l’ordre dispose d’un cachet de réception, spécifique et propre, qui permet de dater la réception, par lui, de son courrier et, en conséquence, le point de départ du délai de 4 mois prévu par le décret du 27 novembre 1991.

Il y a donc lieu de tenir compte de la réception effective du courrier contenant la requête du plaignant soit le 23 décembre 2014. Contrairement à ce que soutient M. X, la décision du bâtonnier a bien été rendue dans les délais prévus par les textes précités, puisqu’elle est intervenue le 3 juin 2015, après prorogation du délai initial de quatre mois, notifiée à M. X, dans ce délai, le 23 avril 2015.

Le moyen d’irrecevabilité de M. X est donc écarté.

*

Sur la requalification de la période d’essai N°2

M. X soutient que la période d’essai est particulièrement longue et n’est pas raisonnable selon la convention de l’organisationiInternationale de travail.

La société ERNST AND YOUNG soutient au contraire que les deux contrats conclus sont bien distincts et que chacun a une autonomie propre, la période d’essai n’étant pas excessive au sens de ce texte international.

Le contrat de travail N°1 de M. X conclu le 25 juillet 2011 prévoit une embauche en qualité d’avocat intervenant dans le département fiscalité : une période d’essai avait été indiquée dans ce contrat lequel n’a pas abouti . M. X a alors proposé de rejoindre un autre département, celui du droit des affaires. Le département fiscalité a été quitté par le salarié le 22 décembre 2011.

Le contrat de travail N°2 conclu le 29 décembre 2011 pour un début d’activité le 9 janvier 2012 indique que M. X doit effectuer une période d’essai de 3 mois en qualité d’avocat rattaché au département droit des affaires du même employeur. La période d’essai a été reconduite de 3 mois pour ce second contrat.

Il ressort des pièces versées que M. X a indiqué lui même par courriel du 3 décembre 2011 que l’expérience au sein du département Transaction Tax 'n’avait pas été concluante et qu’il souhaitait donner une nouvelle orientation à sa carrière en intégrant le département droit des affaires de ERNST AND YOUNG'.

La période comprise entre ces deux contrats de travail correspond à un deuil qui a touché M. X.

Les deux contrats soumis sont bien distincts et visent, certes, tous deux, des embauches, en qualité d’avocat mais dans des départements disctintcts et autonomes, le département fiscalité et le département droit des affaires. Les deux périodes d’essai, ayant ainsi un objet différent, ne font pas 'double emploi’ et ne se confondent donc pas ; il ne peut dès lors être soutenu que la période d’essai imposée au requérant soit excessive, compte tenu de la technicité particulière respective de chacune des spécialités juridiques en cause.

En outre, la durée des périodes d’essai, prévues dans les deux contrats de travail de M. X, n’apparaît nullement abusive ; elle s’avère, seulement, proportionnée à la complexité de la matière et aux exigences d’un cabinet, lui-même, spécialisé dans les domaines juridiques concernés, soucieux de s’assurer du concours d’un collaborateur conforme à ses attentes.

Ainsi, les clauses contenues dans les deux contrats de travail consécutifs n’étant pas abusives, la demande de requalification formulée par M. X doit être rejetée.

La demande pour licenciement abusif n’a pas à être abordée, puisque la rupture des relations de travail a été prononcée avant l’expiration de la période d’essai, jugée non concluante par l’employeur lequel, conformément aux dispositions de l’article L 1221-20 du code du travail et de l’article 2-3 de la convention collective nationale des avocats.

Enfin, il ne ressort pas des pièces produites que la rupture des relations contractuelles entre les parties ait été brutale ou vexatoire ni que le salarié ait été contraint, selon ses termes, à effectuer pendant la période de son préavis des 'missions fastidieuses’ – les commentaires écrits des 'managers’ successifs de M. X, aussi bien en droit fiscal qu’en droit des affaires, expliquant précisément la rupture des deux périodes d’essai consécutives.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

ORDONNE la jonction des dossiers enrôlés sous les n°15/03579 et 15/02248, sous le seul n°15/02248 ;

CONFIRME en toutes ses dispositions la décision entreprise ;

LAISSE à la charge de M. X les éventuels dépens.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 10 mai 2016, n° 15/02248