Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 14 septembre 2021, n° 21/01654

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 14 sept. 2021, n° 21/01654
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 21/01654
Décision précédente : Tribunal de commerce de Pontoise, 25 juin 2020, N° 2019L01719
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4HA

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 SEPTEMBRE 2021

N° RG 21/01654

N° Portalis

DBV3-V-B7F-UL5S

AFFAIRE :

S.E.L.A.R.L. MMJ

C/

S.A.R.L. F G H

….

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2020 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2019L01719

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Marie-Laure ABELLA

Me Martine DUPUIS

MP

TC PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.E.L.A.R.L. MMJ prise en la personne de Maître X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBB TRANSPORTS

[…]

[…]

Représentant : Me Marie-Laure ABELLA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443

Représentant : Me François LA BURTHE, Plaidant, avocat au barreau de MEAUX

APPELANTE

****************

S.A.R.L. F G H

[…]

95470 SAINT-WITZ

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES,

Représentant : Me Gilles GRINAL de l’AARPI GRINAL KLUGMAN AUMONT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R026

INTIMEE

****************

Monsieur A Z

[…]

[…]

Société SBB TRANSPORTS, prise en la personne de son gérant M. A Z

[…]

[…]

Représentant : Me Marie-Laure ABELLA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443

Représentant : Me François LA BURTHE, Plaidant, avocat au barreau de MEAUX

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Juin 2021, Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 26/04/2021 a été transmis le 27/04/2021 au greffe par la voie électronique.

La SARL SBB transports, dirigée par M. A Z, exploitait une activité de transport routier et de livraison de colis ; le capital de la société était réparti entre d’une part le gérant et sa fille, Mme D Z, à hauteur de 45 % chacun, et d’autre part la société F G H (la société CIE) à hauteur de 10 %.

Par jugement du 20 mai 2019, le tribunal de commerce de Pontoise, sur déclaration de cessation des paiements, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société SBB transports, convertie en liquidation judiciaire le 21 juin 2019, la Selarl MMJ, en la personne de maître E X, étant nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 26 juin 2020, le tribunal de commerce de Pontoise a débouté maître X, ès qualités, de sa demande d’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société SBB transports à la société F G H, et non F international H comme mentionné, par erreur, dans le dispositif.

Le tribunal a notamment écarté la fictivité de la société SBB transports et considéré qu’il n’était pas caractérisé de relations financières anormales entre cette dernière et la société CIE.

Par déclaration du 8 juillet 2020, la Selarl MMJ, ès qualités, a relevé appel de ce jugement à l’encontre de la société CIE.

A la suite de l’incident d’irrecevabilité de l’appel soulevé par l’intimée, la présente cour, par arrêt du 2 février 2021, a :

— infirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 novembre 2020 ;

— déclaré la société CIE irrecevable à opposer à la Selarl MMJ ès qualités la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de son appel ;

— dit que l’instance se poursuivra entre les parties ;

— ordonné à la Selarl MMJ, ès qualités, d’assigner devant la cour la société SBB transports en la personne de son gérant M. A Z.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21mai 2021, la Selarl MMJ, ès qualités, ainsi que la société SBB transports représentée par son gérant et M. A Z intervenant volontairement, demandent à la cour de :

— infirmer le jugement du 26 juin 2020 ;

Statuant à nouveau,

— donner acte de l’intervention volontaire de M. Z en son nom propre et en qualité d’ancien dirigeant de la société SBB transports ;

— dire que la décision sera opposable à M. Z, intervenant volontaire ;

— dire le liquidateur judiciaire bien fondé en son appel ;

— étendre la procédure de liquidation judiciaire de la société SBB transports à la société intimée ;

— confirmer le cas échéant la Selarl requérante en qualité de liquidateur unique des procédures ainsi réunies ;

— dire et juger que les dépens seront admis en frais privilégiés de la procédure commune de liquidation.

Après avoir exposé dans quelles conditions la société SBB transports a été constituée et a fonctionné, ils invoquent, au visa de l’article L. 621-2 du code de commerce, en premier lieu le caractère fictif de la société SBB transports, établi par plusieurs indices depuis sa création mais aussi par des faits postérieurs à sa constitution et notamment :

— l’intention, lors de sa création, d’organiser délibérément une fraude avérée au régime de la sous-traitance ; après avoir rappelé les documents et attestation que le donneur d’ordre doit demander au sous-traitant et les vérifications qu’il doit opérer, ils exposent qu’aucun contrat formel de sous-traitance n’a été conclu et qu’aucun document ou information obligatoire n’a été sollicité en violation de la loi sauf, in extremis, une attestation du 13 février 2019 ; ils observent que le contrat déjà communiqué en première instance , s’il 'caractérise assez l’objet d’un contrat de sous-traitance, n’en porte pas la qualification et les clauses habituelles', et qu’il est assez suspect en la forme, le gérant affirmant qu’il s’agit d’un faux, soulignant surtout que ce contrat fait l’économie de toutes les obligations de vigilance prévues par la loi ;

— la subordination de deux des associés et de la société SBB transports à la troisième associée, la société CIE, expliquant que le défaut d’affectio societatis s’induit de ce que la relation entre les associés était nulle si ce n’est une subordination totale des associés majoritaires à l’associé minoritaire qui disposait de tous les moyens et constituait l’exclusive clientèle, la société SBB

transports étant dépourvue de toute autonomie décisionnelle et exerçant exclusivement l’activité de la société CIE qui disposait de la maîtrise des tarifs, de la clientèle et des moyens ; ils ajoutent que les actes de direction de M. A étaient 'réduits à pas grand chose', celui-ci étant en outre présenté officiellement comme 'directeur’ de la société CIE lorsqu’il est intervenu pour négocier les contrats entre cette dernière et la société Fedex ; qu’en outre la société SBB transports n’a tenu aucune assemblée générale ni aucune comptabilité ;

— le fonctionnement de la société SBB transports, coquille vide derrière laquelle se cachait la société CIE, l’indépendance structurelle alléguée par cette dernière étant de pure façade dans la mesure où la société SBB transports, créée uniquement pour dissimuler les charges de la société CIE, n’a jamais eu aucune vie sociale et a été entièrement placée dès son origine sous la subordination hiérarchique de la société CIE, qui est non seulement son client quasi unique mais aussi son bailleur et son fournisseur exclusif de moyens de fonctionnement, en particulier les camions dont la location lui est facturée et la fourniture de gasoil ; ils expliquent que la gestion de la société SBB transports est entièrement dépendante des choix de gestion de la société CIE ; qu’en outre le personnel de la société SBB transports était mis à disposition de la société CIE qui, elle-même, déléguait une partie de son propre personnel chez son associée contre rémunération alors qu’une telle opération de marchandage est interdite et pénalement sanctionnée, observant notamment que les badges des salariés de la société SBB transports pour accéder aux zones de différents aéroports étaient exclusivement rédigés sous le nom de 'l’employeur CIE'.

Ils invoquent en second lieu la confusion des patrimoines des deux sociétés en observant que la société SBB transports dont le patrimoine propre se limitait à son seul personnel fonctionnait avec les seuls moyens d’activité de la société CIE et qu’il est caractérisé une relation financière anormale par le fait que la société SBB transports ait continué de travailler ' à vide’ pour la société CIE, son client exclusif, en exécutant encore les marchés Fedex de cette dernière en juin 2019 alors qu’elle n’était plus rémunérée depuis février 2019 et ce, sans que le dirigeant social ait engagé d’action en paiement des prestations non payées.

Ils relèvent que l’absence d’une relation contractuelle entre les sociétés dans des conditions légales au regard du droit du travail est aussi incompatible avec des obligations contractuelles réciproques et normales.

La société CIE, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 30 mai 2021, demande à la cour de :

— confirmer le jugement du 26 juin 2020 en ce qu’il a déclaré maître X, ès qualités, mal fondé en sa demande et l’en a débouté ;

— débouter le liquidateur judiciaire de la société SBB transports de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner le liquidateur judiciaire de la société SBB transports à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner le liquidateur judiciaire de la société SBB transports aux dépens.

Après s’être présentée, avoir décrit les sociétés dirigées par les différents membres de la famille Z ainsi que les conditions dans lesquelles les relations contractuelles se sont exécutées puis sont survenues les difficultés, la société intimée qui souligne qu’elle n’avait aucun pouvoir de décision au sein de la société SBB transports, conteste tant la fictivité de cette dernière que la confusion de

patrimoine entre les deux sociétés.

Après avoir exposé que la fictivité d’une société s’apprécie à la date de sa constitution et suppose le défaut d’un élément constitutif à cette date, elle critique les arguments développés par le liquidateur judiciaire et le ministère public qu’elle qualifie de 'fallacieux’ en observant notamment que :

— l’affectio societatis de la société SBB transports était bien présente lorsqu’elle a été constituée par ses associés pour l’exercice d’une activité de transport routier qui a été exercée sans difficulté entre son immatriculation et la fin de l’année 2018 ;

— dans le contrat de sous-traitance signé avec la société SBB transports, aucune interdiction n’était faite à cette dernière de travailler comme transporteur pour d’autres sociétés, celle-ci disposant des moyens matériels et humains (34 salariés) pour développer sa propre clientèle, diversifier ses fournisseurs et accroître son chiffre d’affaires, le fait qu’elle ait eu un seul client relevant de sa volonté de ne pas développer son activité ; elle conteste être responsable des déclarations fantaisistes de M. Z sur sa prétendue qualité de directeur dans ses relations avec la société Fedex ;

— aucun élément de preuve ne démontre que comme l’allègue le ministère public, M. Z ne disposait d’aucune autonomie et devait exécuter toutes ses instructions, la cour ne pouvant se fonder sur les seules déclarations de ce dernier qui n’a cessé de mentir aux organes de la procédure;

— elle a voulu que la société SBB transports reste parfaitement indépendante et sans aucun lien de subordination comme en témoigne l’article 3-1 du contrat de sous-traitance, observant que le gérant de la société SBB transports a décidé seul de recourir à de la sous-traitance avec la société LC transport, en méconnaissance des dispositions du contrat et a engagé seul dix-huit nouveaux chauffeurs alors que la société était déjà dans une situation économique dangereuse; elle ne détenait pas le pouvoir de convoquer l’assemblée générale dont l’absence de convocation ne révèle aucunement la fictivité de la société SBB transports, d’autant que la première assemblée approuvant les comptes devait se tenir avant le 30 juin 2019, le premier exercice social ne s’étant achevé que le 31 décembre 2018 ;

— l’argument selon lequel le contrat de sous-traitance serait un faux ne peut être sérieusement soutenu alors qu’il n’est accompagné d’aucune démarche pour en contester la réalité, relevant que l’attestation dans laquelle M. Z écrit n’avoir jamais signé ce contrat s’inscrit ' dans les mensonges et manoeuvres’ de ce dernier ; la société SBB transports qui a employé plus de trente-quatre personnes et qui a décidé de lui louer cinq camions à compter de décembre 2018 pour réduire ses coûts de location, ne peut être qualifiée de 'coquille vide’ ;

— le liquidateur judiciaire ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une quelconque relation de travail entre elle et les salariés de la société SBB transports dont l’absence d’indépendance économique n’est due qu’à une mauvaise gestion de son gérant qui n’a pas cherché à développer son activité ; elle souligne qu’à supposer qu’un manquement à une quelconque obligation soit établi dans le cadre du contrat de sous-traitance qui a été conclu, ce qu’elle conteste, celui-ci n’entraîne pas à lui seul 'confusion de personnel’ et n’établit pas la fictivité de la société SBB transports, expliquant que par mail du 27 février 2019 elle a sollicité l’ensemble des pièces visées à l’article D.8222-5 du code du travail ainsi que l’attestation relative à l’emploi de salariés étrangers que la société SBB transports lui a transmis par email du 28 février 2019 ; elle conteste avoir donné des instructions aux salariés de la société SBB transports qui recrutait, rémunérait et exerçait seule son autorité sur ses propres salariés, faisant valoir qu’aucune relation de subordination ne peut se déduire des mentions figurant sur les 'badges Fedex’ remis aux salariés de la société SBB transports dès lors qu’ils ont été créés pour des

raisons de pure logistique par la société Fedex et que le liquidateur judiciaire ne démontre pas ce lien de subordination ni davantage qu’il y aurait eu du marchandage et un prêt de main d’oeuvre entre elle et la société liquidée.

La société CIE conteste également l’existence de relations financières anormales, observant que si elle n’a effectivement pas payé certaines factures de lasociété SBB transports entre mars et mai 2019 c’est qu’elle contestait être tenue à leur paiement, expliquant avoir reçu le 15 mars 2019 une demande de règlement d’une somme de 219 000 euros de la part d’un sous-traitant de la société SBB transports qu’elle n’avait pas autorisé et détenir aussi une créance à l’égard de cette dernière au titre des frais qu’elle lui avait avancés (carburant et frais de location), les créances réciproques entre les sociétés, proches de l’équilibre, ne pouvant constituer une preuve d’une confusion des patrimoines ou de relations financières anormales. Elle ajoute que contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire, aucun contrat commercial n’a été signé par le gérant de la société SBB transports avec la société Fedex, pour son propre compte, le liquidateur judiciaire ne justifiant pas encore que le gérant de la société SBB transports négociait et signait pour son compte ses contrats commerciaux.

Dans son avis notifié par RPVA le 27 avril 2021, le ministère public demande à la cour d’infirmer le jugement. Après avoir rappelé que la société SBB transports intervenait en sous-traitance de la société CIE, ces prestations résultant de contrats conclus entre les sociétés Fedex et F G H, il fait valoir que l’extension rejetée par le jugement se justifie par la fictivité de la société SBB transports en exposant que même si c’est la société Fedex qui a présenté M. Z à la société CIE en vue de la constitution d’une société sous-traitante de cette dernière pour les contrats Fedex, avec l’obligation pour la société CIE d’entrer au capital, plusieurs éléments démontrent que cette dernière n’a jamais eu l’intention de s’associer réellement avec M. Z, en particulier de partager les pertes et profits, mais qu’elle entendait uniquement externaliser une partie de son chiffre d’affaires avec la société Fedex en restant maître de l’affaire et en diminuant ses charges.

Il observe ainsi que :

— le modèle économique de 'client unique’ conduisant à ce que le sous-traitant soit soumis aux instructions de ce dernier comme un salarié, sous peine de cessation des paiements, est très fragile, la société CIE qui comptait 145 salariés distribuant des missions en fonction de ses besoins à la société SBB transports qui employait 35 salariés, comme si elle était un de ses services ;

— la société SBB était une société de façade dans la mesure où M. Z ne disposait d’aucune autonomie et devait exécuter toutes les instructions de la société CIE qui le considérait comme un chef de service ;

— les salariés de la société SBB portaient un badge de la société CIE pour pouvoir pénétrer dans les sites des aéroports de Roissy, Rouen et Caen ;

— le contrat entre les sociétés CIE et Fedex a été signé par M. Z, 'en qualité de directeur de CIE';

— la société SBB ne possédait que deux véhicules, huit autres étant loués à la société CIE ;

— la société CIE fournissait l’essence des véhicules à la société SBB transports et en grande partie son propre personnel pour les missions de transport et de livraison .

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2021.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aux termes de l’article L.621-2 alinéa 2 du code de commerce applicable à la liquidation judiciaire en vertu de l’article L.641-1 du même code, la procédure collective ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

Sur la fictivité de la société SBB transports :

Une société ne peut être considérée comme fictive que si au moment de sa constitution, il manque un ou plusieurs de ses éléments constitutifs et spécialement la volonté de s’associer dans le cas où les associés n’ont cherché qu’à créer une société écran derrière laquelle se dissimule le maître de l’affaire.

Il est constant que pendant plus d’une année, la société SBB transports a eu pour seule cliente la société CIE qui était son associée à hauteur de 10 % du capital social et également sa bailleresse, aux termes d’un contrat de bail en date du 10 avril 2017 portant sur des locaux situés à la même adresse que le siège social de la société CIE, laquelle lui louait également plusieurs véhicules utilitaires et assurait sa fourniture en carburant.

Il ressort cependant des éléments du dossiers que :

— les statuts de la société SBB transports, datés du 22 février 2017 et signés par ses associés, M. Z, sa fille, Mme D Z, et la société CIE, prévoient que le capital social, d’un montant total de 15 000 euros auquel M. Z et sa fille ont contribué chacun à hauteur de 6 750 euros et la troisième associée à hauteur de 10 %, a été déposé sur un compte ouvert à cet effet, faisant ainsi la preuve de la libération de la totalité du capital social de la société alors en formation ; ces statuts indiquent que la gérance de la société est assurée par M. Z, toujours désigné en cette qualité lors de l’ouverture de la procédure collective de la société qui s’est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Pontoise le 11 juillet 2017, le début de son activité étant fixé au 22 février 2017 ;

— d’après ses statuts, la société SBB transports avait pour objet social 'le transport public routier de marchandises, l’activité de commissionnaire de transports, à savoir l’exécution sous sa responsabilité et en son nom propre, du transport de marchandises pour le compte de commettants dans les conditions fixées par le code de commerce, la location de tous véhicules avec ou sans chauffeurs et plus généralement toutes opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social ci-dessus spécifié ou à tout autre objet similaire ou connexe' ; il n’est pas discuté qu’à compter de sa création jusqu’à la déclaration de cessation des paiements, elle a exercé cette activité qui a généré, selon le bilan économique et social de la société SBB transports dressé le 18 juin 2019 par maître B, administrateur judiciaire, un chiffre d’affaires de 1 608 850 euros sur 22 mois, étant précisé dans ce rapport que le prix des courses réalisées par la société SBB transports était fixé par le client final, la société Fedex, avec une rétrocession de 5% versée par la société liquidée à la société CIE sur chaque transport effectué, le niveau de cette tarification n’étant pas mis en cause par le liquidateur judiciaire, comme déjà relevé par les premiers juges ; il a aussi été précisé au bilan économique et social que la société CIE a confié des missions à la société liquidée jusqu’à la mi avril 2019 ;

— pour exercer cet objet social, la société qui employait 34 salariés lors de l’ouverture de la procédure collective, a embauché, entre le 11 juillet 2017 et le 17 avril 2019, des salariés dont le liquidateur judiciaire communique les bulletins de salaire établis au nom de la société SBB transports, en qualité d’employeur ; elle louait en outre des véhicules à diverses sociétés et pas seulement à la société CIE qui précise, sans observation contraire, lui avoir loué cinq véhicules à compter du 5 décembre 2018 puis trois autres à compter de février 2019 ; dans le bilan précité de maître B, il a été précisé que la société avait communiqué la copie de la facture de location de cinq véhicules utilitaires loués auprès de deux autres sociétés ;

— M. Z qui disposait d’une expérience certaine dans le domaine d’activité de la société SBB transports dès lors que la société CIE justifie qu’il a dirigé entre 2004 et 2013 une autre société de transport routier de fret urbain outre, à compter de février 2018, une société de commerce de gros, a embauché le personnel de la société SBB transports, ce qui n’est pas discuté ; entre le mois d’octobre 2018 et le mois de mars 2019 il a décidé de sous-traiter son activité à une autre société, dénommée LC transports, qui a signalé à la société CIE qu’il lui était dû la somme de 177 194,35 euros au 7 mai 2019 et il a pris la décision de déclarer la cessation des paiements de la société SBB transports, ce qui fait la preuve de l’autonomie du gérant de la société SBB transports dans la gestion de la société ; celle-ci n’est pas remise en question par le fait qu’il soit indiqué dans des documents établis par la société Fedex qu’il intervenait en qualité de directeur de la société CIE, dans le cadre de l’accord de condifentialité conclu le 18 avril 2018 entre ces deux sociétés, ou en qualité de responsable d’exploitation de la société CIE sur la liste des 'contacts sous-traitants’ établis par la société Fedex ; sa fille et associée à parts égales, Mme D Z, qui était titulaire de l’attestation de capacité professionnelle en transport de marchandises par route, était également la gérante d’une autre société de transports routiers de fret interurbains de mars 2012 à mars 2017 ainsi qu’en justifie le rapport d’enquête transmis par l’intimée, cette compétence certaine des deux associés majoritaires renforçant leur position à l’égard de la société CIE, associée minoritaire.

Si le gérant la société SBB transports conteste avoir signé le contrat de partenariat versé aux débats par la société CIE sans avoir cependant entrepris aucune procédure pour contester la validité de la signature qui y figure, il est cependant admis par les appelants qu’une relation de sous-traitance s’est poursuivie entre les sociétés.

Le fait que la société CIE établit avoir sollicité de la société SBB transports, uniquement en février 2019 et suite à un contrôle opéré dans la société, les documents énumérés à l’article D.8222-5 du code du travail que le donneur d’ordre doit réclamer à son sous-traitant lors de la conclusion d’un contrat de sous-traitance et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution outre une attestation certifiant que le sous-traitant n’emploie pas de salariés étrangers ou, le cas échéant, qu’il est en règle avec l’emploi de tels salariés, conforte les affirmations du liquidateur judiciaire selon lequel les règles établies dans le cadre de la sous-traitance n’ont pas été respectées ; il ne peut pour autant s’en déduire que la société SBB transports serait fictive ou que son personnel devrait être considéré comme celui de la société CIE.

S’il n’a effectivement pas été organisé d’assemblée générale de la société SBB transports, en particulier pour statuer sur les comptes de cette dernière, il doit être relevé que le premier exercice a pris fin au 31 décembre 2018, ce qui explique, compte tenu du délai de clôture des comptes, qu’aucune assemblée n’ait été organisée avant la déclaration de cessation des paiements, étant observé au demeurant que la société CIE ne disposait pas du nombre de parts sociales lui permettant de provoquer la convocation d’une assemblée ; les statuts précisaient que les assemblées générales étaient normalement convoquées par la gérance et que leur réunion pouvait être demandée par un ou plusieurs associés représentant au moins soit la moitié des parts sociales, soit à la fois le quart en

nombre des associés et le quart des parts sociales. Le fait que les comptes n’aient finalement pas pu être arrêtés par l’expert-comptable mandatés par la société la société SBB transports s’explique par le fait qu’il n’a pas été payé de ses honoraires et qu’il restait en attente d’éléments comptables qu’il avait en vain réclamés comme l’a précisé maître B, dans son rapport du 18 juin 2019.

S’agissant enfin du personnel de la société SBB transports, rémunéré par cette dernière, le fait que les badges versés aux débats, concernant sept salariés de la société SBB transports, ne mentionnent que les noms des sociétés Fedex et CIE ne suffit pas, comme l’a jugé le tribunal, à démontrer que ces salariés puissent être considérés comme ayant été réellement employés par l’intimée dès lors que ces badges, établis par la société Fedex, devaient simplement leur permettre d’accéder aux sites de cette dernière dont le fournisseur direct était la société CIE, dans le cadre du contrat de sous-traitance locale dit LFP conclu entre ces deux sociétés et mentionné sur ces badges.

L’attestation établie par l’Urssaf et communiquée par la société intimée établit qu’au 31 décembre 2018, la société SBB transports était à jour de ses obligations en matière de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, de contribution d’assurance chômage et de cotisations AGS.

Il ne peut se déduire de l’ensemble de ces éléments que la société SBB transports qui disposait de tous les éléments constitutifs d’une société lors de sa constitution, ait été fictive.

Sur la confusion des patrimoines :

La confusion des patrimoines suppose que soit démontrée l’imbrication des comptes ou l’existence de relations financières anormales correspondant à des transferts patrimoniaux effectués par action ou par abstention, l’anormalité résidant dans l’absence de contrepartie et ces relations financières devant en outre procéder d’une volonté systématique.

Il n’est pas discuté que la société CIE n’a pas réglé à la société SBB transports les missions qu’elle a effectuées sur ordres de cette dernière pour la période du 2 février 2019 au 20 avril 2019 pour un montant de 459 918,94 euros, selon quatre factures établies entre le 28 février 2019 et le 30 avril 2019 détaillées au rapport de maître B et versées aux débats par la Selarl MMJ, ès qualités.

Il est cependant établi, au vu de la déclaration de créances effectuée par la société CIE auprès du liquidateur judiciaire de la société SBB transports, que cette dernière a cessé de payer à la société intimée les frais de location de véhicule et de fourniture de gas-oil sur la période de janvier à mai 2019 selon factures établies entre le 24 janvier et le 18 juin 2019 à hauteur d’une somme totale de 241 372,60 euros, la société CIE ayant déclaré une créance totale de 242 910 euros. Il n’est pas allégué par le liquidateur judiciaire que les frais de location de véhicule ou de fournitures du gas-oil aient été facturés à la société SBB transports par la société CIE à des montants anormaux.

La société CIE affirme en outre que la société LC transport à laquelle la société SBB transports a confié des missions en sous-traitance lui a demandé de lui régler la somme de 213 911,35 euros correspondant aux transports sous-traités par la société gérée par M. Z.

Dans ce contexte, compte tenu de ces créances réciproques entre les deux sociétés, le refus de la société CIE de payer à la société SBB transports les sommes qu’elle lui devait, à le supposer non fondé, ne suffit pas à caractériser des relations financières anormales entre les deux sociétés et la réalisation 'bénévole’ de ses missions par la société SBB transports.

Il n’est par conséquent pas davantage démontré par le liquidateur judiciaire l’existence de relations financières anormales ou d’imbrication des comptes entre les sociétés SBB transports et CIE.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 26 juin 2020 ;

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Selarl MMJ, ès qualités, aux dépens de la présente procédure d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,

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Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 14 septembre 2021, n° 21/01654