Cour administrative d'appel, 4ème chambre-formation à 3, 13 juin 2023, n° 22MA02856

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA, 4e ch.-formation à 3, 13 juin 2023, n° 22MA02856
Juridiction : Cour administrative d'appel
Numéro : 22MA02856
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nice, 19 octobre 2022, N° 1901944
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 20 juin 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A B a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler la délibération du 27 février 2019 par laquelle la commission nationale d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé à son encontre une interdiction temporaire d’exercer pendant une durée de deux ans toute activité privée de sécurité.

Par un jugement n° 1901944 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. B.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, M. B, représenté par

Me Jacquemin, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1901944 du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d’annuler la délibération du 27 février 2019 par laquelle la commission nationale d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé à son encontre une interdiction temporaire d’exercer pendant une durée de deux ans toute activité privée de sécurité ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la délibération attaquée est entachée d’incompétence dès lors que la commission nationale d’agrément et de contrôle ne peut légalement se prononcer dans le cadre d’une procédure disciplinaire initiée à l’encontre de personnes ne relevant pas du champ d’application du code de la sécurité intérieure ;

— le jugement est entaché d’erreur de droit quant à l’irrégularité de la procédure suivie devant la commission locale d’agrément et de contrôle Sud du Conseil national des activités privées de sécurité dès lors que le vice de procédure entachant la décision initiale peut être soulevé contre la décision prise sur recours administratif dès lors que ce vice l’a privé d’une garantie ; il n’a pas été possible de vérifier la conformité et la légalité de la procédure initiée à son encontre et ainsi sa conformité avec les dispositions des articles R 40-28 et suivants du code de procédure pénale ou encore avec les dispositions R. 633-2 et suivants du code de la sécurité intérieure ;

— le jugement et la délibération attaqués sont entachés d’une erreur de fait dès lors qu’il est associé unique et gérant d’une société exclusivement, la SARL ICESA, qui n’effectue aucune activité de sécurité mais limite son intervention à la diffusion de conseils et d’audits, ce qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure ;

— le motif tiré du défaut de collaboration loyale au contrôle n’est pas fondé dès lors qu’il a collaboré au-delà de ce qui lui était légalement imposé et qu’il est victime d’une véritable vendetta menée par le Conseil national des activités privées de sécurité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Claisse, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 500 euros en application de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 mars 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 11 avril 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de la sécurité intérieure ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Martin,

— les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public ;

— et les observations de Me Bayle, substituant Me Claisse, pour le conseil national activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d’un contrôle diligenté par les agents de la direction territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité à l’encontre de la société International Consulting Engeneering Security Agency (ICESA), dirigée par M. B, entre octobre 2017 et janvier 2018, la commission locale d’agrément et de contrôle Sud (CLAC) a décidé, par une délibération du 3 juillet 2018, de prononcer à l’encontre de celui-ci une interdiction temporaire d’exercer pendant une durée de trois ans toute activité privée de sécurité. L’intéressé a alors saisi la commission nationale d’agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité d’un recours administratif préalable obligatoire. Par délibération du

27 février 2019, la commission nationale a confirmé la décision d’interdiction temporaire d’exercice, dont elle a toutefois réduit la durée à deux ans. M. B relève appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette délibération.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure : « Le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, est chargé : / () 2° D’une mission disciplinaire. Il assure la discipline de la profession () ». Selon l’article R. 634-1 de ce code : " Peuvent exercer l’action disciplinaire devant la commission locale d’agrément et de contrôle dans le ressort de laquelle exerce la personne mise en cause : / 1° Le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, agissant de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte ; () « . Enfin, aux termes de l’article R. 632-11 de ce même code : » La Commission nationale d’agrément et de contrôle : / () 2° Statue sur les recours administratifs préalables formés à l’encontre des décisions des commissions régionales et interrégionales, sur le fondement de l’article L. 633-3. () ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent, dans leur version applicable au litige, que la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité est compétente pour statuer sur tous les recours administratifs préalables formés à l’encontre de l’ensemble des décisions rendues par les commissions locales, en ce compris les décisions intervenues dans le cadre de l’exercice de la mission disciplinaire dévolue au Conseil par l’article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure. Dans ces conditions, et en toute hypothèse, la commission nationale était matériellement compétente pour statuer sur le recours dont l’avait saisi M. B

lui-même contre la décision de la CLAC Sud ayant prononcé à son encontre une interdiction temporaire d’exercer pendant une durée de trois ans toute activité privée de sécurité, et ce quelle que soit la pertinence des motifs sur lesquels repose la délibération du 27 février 2019 par laquelle elle a partiellement fait droit à ce recours en réduisant la sanction d’interdiction temporaire à une durée de deux ans. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité pour prendre la décision en litige ne peut qu’être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : « Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l’encontre d’actes pris par une commission d’agrément et de contrôle est précédé d’un recours administratif préalable devant la Commission nationale d’agrément et de contrôle, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux. ». Si l’exercice du recours administratif préalable obligatoire instauré par ces dispositions a pour objet de permettre à la CNAC, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale de la CLAC, sans attendre l’intervention du juge, la décision prise sur le recours n’en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité. Si le requérant ne peut invoquer utilement des moyens tirés des vices propres à la décision initiale, lesquels ont nécessairement disparu avec elle, il peut en revanche exciper de l’irrégularité de la procédure suivie devant la CLAC.

5. D’une part, le moyen tiré de ce que la composition de la CLAC Sud n’aurait pas satisfait aux exigences fixées par l’article R. 633-2 du code de la sécurité intérieure est relatif à un vice propre de la décision prise par cette commission le 3 juillet 2018, qui ne peut être utilement invoqué à l’encontre de la délibération du 27 février 2019 de la CNAC.

6. D’autre part, si l’appelant soutient que malgré sa demande, formalisée par courrier du 23 août 2018, le nom et les habilitations des agents de la délégation territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité, qui ont procédé aux investigations et auditions, ne lui ont pas été communiqués, de sorte qu’il n’est pas établi que la décision de la CLAC serait intervenue conformément aux articles R. 40-28 et suivants du code de procédure pénale relatives au fichier « traitement des antécédents judiciaires », il résulte de l’instruction que la sanction prononcée par cette instance ne repose pas sur les informations figurant dans ce fichier.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du vice de procédure entachant la décision de la CLAC Sud, pris dans ses deux branches, est inopérant et doit être écarté.

8. En troisième lieu, pour prendre la sanction d’interdiction temporaire d’exercice de toute activité privée de sécurité pendant une durée de trois ans, la CNAC a estimé, d’une part, que la société ICESA dirigée par M. B avait, en violation de l’article L. 612-6 du code de la sécurité intérieure, exercé une activité privée de sécurité alors que son gérant n’était pas titulaire des agréments requis, d’autre part, que celui-ci n’a pas collaboré loyalement et spontanément au contrôle opéré par les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, en méconnaissance de l’article R. 613-14 du code de la sécurité intérieure, et, enfin, que M. B avait nuit à l’image de la profession et méconnu, de ce fait, les dispositions de l’article R. 631-5 du code de la sécurité intérieure.

9. S’agissant, d’une part, des faits d’exercice d’une activité privée de sécurité sans les agréments requis, l’article L. 612-6 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Nul ne peut exercer à titre individuel une activité mentionnée à

l’article L. 611-1, ni diriger, gérer ou être l’associé d’une personne morale exerçant cette activité, s’il n’est titulaire d’un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat. ".

10. Il ressort des termes de la délibération attaquée que, pour prendre la sanction en litige, la CNAC s’est fondée sur la circonstance qu’au cours du contrôle de la société Correia Sécurité, opérateur intervenant dans le secteur de la sécurité privée, la société ICESA a été identifiée comme donneuse d’ordres pour la réalisation de prestation de sécurité privée portant sur la mise à disposition d’agents de sécurité pour le compte de deux établissements cannois, alors qu’elle ne disposait d’aucun titre pour exercer des prestations de sécurité privée et que son dirigeant, M. B, n’était pas titulaire de l’agrément requis. L’appelant, qui ne conteste pas le défaut d’autorisation et d’agrément, ni que ces prestations ont été matérialisées par l’édition de plusieurs factures adressées à la société ICESA, soutient néanmoins que cette dernière limite son intervention à la simple diffusion de conseils et d’audits, non soumise à autorisation, et que les factures ainsi émises reposent sur une simple erreur de la société Correia Sécurité qui aurait dû les adresser à la société XV Prestige Sécurité, au sein de laquelle il exerce, par ailleurs, des fonctions de responsable commercial. Toutefois, il résulte de l’instruction, et notamment des échanges de courriels entre la société Correia Sécurité et M. B, que ce dernier, de manière constante, a agi pour le compte de la société ICESA et que ce n’est qu’après l’ouverture des opérations de contrôle réalisées par les agents du CNAPS qu’il a sollicité une modification de la facturation à la société Correia Sécurité. En outre, il ressort des stipulations du contrat conclu en 2012 par la société ICESA avec l’un des établissements bénéficiaires des prestations de sécurité, dont les termes sont reproduits dans le compte rendu final de contrôle, que la présence de M. B sur le site de la prestation de sécurité est envisagée, avec la possibilité pour lui d’être en contact avec la propre clientèle de son cocontractant dans le cadre de la réalisation de cette prestation. Dans ces conditions, en ayant mis des agents de sécurité à disposition de la société ICESA et en les affectant à des prestations de sécurité conduites en présence et sous l’autorité de M. B, la société Correia Sécurité doit être regardée comme ayant effectué des missions en sous-traitance pour le compte de la seule société ICESA. Par suite, c’est à bon droit que le Conseil national des activités privées de sécurité a considéré que M. B a dirigé une personne morale exerçant une activité mentionnée à l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure en violation des dispositions de l’article L. 612-6 de ce même code.

11. S’agissant, d’autre part, des faits de défaut de collaboration loyale et spontanée aux opérations de contrôle, l’article R. 631-14 du code de la sécurité intérieure dispose que : « Les acteurs de la sécurité privée collaborent loyalement et spontanément à leur contrôle par les administrations, autorités et organismes habilités ».

12. En l’espèce, il ressort tant du compte rendu final de contrôle rédigé par l’agent du Conseil national des activités privées de sécurité que des échanges de courriers et courriels produits dans l’instance que les contrôleurs de la délégation territoriale Sud du Conseil ont été confrontés à des refus successifs de M. B de leur communiquer les contrats conclus avec les établissements bénéficiant des prestations de sécurité mentionnées au point 10, seul le contrat conclu avec l’un d’entre eux au cours de l’année 2012 ayant finalement été communiqué

le 7 décembre 2017 par son conseil après plusieurs relances. L’intéressé ne conteste par ailleurs pas ne pas avoir répondu à la demande des contrôleurs tendant à la communication des documents relatifs à la situation comptable de la société ICESA, opposition qui ne saurait se justifier au regard de la seule circonstance qu’il avait déjà fait l’objet de plusieurs contrôles par le passé. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir que la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité ne pouvait se fonder, pour prendre la décision en litige, sur une méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 631-4 du code de la sécurité intérieure.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B, qui ne conteste pas, en cause d’appel, le dernier motif de la délibération attaquée, tiré de ce qu’il a méconnu les dispositions de l’article R. 631-5 du code de la sécurité intérieure, n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d’annulation de la délibération du 27 février 2019 par laquelle la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé à son encontre une interdiction temporaire d’exercer pendant une durée de deux ans toute activité privée de sécurité. Par suite, ses conclusions aux fins d’annulation de cette délibération doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. B la somme de 500 euros à verser au Conseil national des activités privées de sécurité au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : M. B versera la somme de 500 euros au Conseil national des activités privées de sécurité en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A B et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l’audience du 30 mai 2023, où siégeaient :

— M. Marcovici, président,

— M. Revert, président assesseur,

— M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023.

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