Cour administrative d'appel de Bordeaux, 10 janvier 2012, n° 11BX00925

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 10 janv. 2012, n° 11BX00925
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 11BX00925
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 21 février 2011, N° 0803408

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE BORDEAUX

XXX

________

M. Y X

________

Mme Marraco

Président

________

M. Cristille

Rapporteur

________

M. Bentolila

Rapporteur public

________

Audience du 13 décembre 2011

Lecture du 10 janvier 2012

________

36-08-02

36-09-01

C

République Française

AU NOM DU PEUPLE Français

La Cour administrative d’appel de Bordeaux

(2e Chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 avril 2011 sous le n° 11BX00925, présentée pour M. Y X demeurant au Centre de détention à Mauzac-et-Grand-Castang (24150), par Me Pohu-Panier ;

M. X demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°0803408 du 22 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’hôpital local de Saint-Astier à lui verser une somme de 74 934 euros, augmentée des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés,en réparation du préjudice financier qu’il estime avoir subi du fait de l’irrégularité de sa mise en disponibilité d’office ;

2°) de condamner l’hôpital local de Saint-Astier à lui verser une somme de 74 934 euros, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) d’enjoindre à l’hôpital local de Saint-Astier de reconstituer sa carrière depuis le 24 avril 2003 au 30 juin 2008, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’hôpital local de Saint-Astier la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient :

— que la responsabilité de l’hôpital local de Saint-Astier est engagée à son égard du fait de l’illégalité fautive entachant la décision du 24 avril 2003 par laquelle le directeur de l’hôpital local l’a placé d’office en disponibilité, dès lors qu’elle est intervenue hors les cas prévus par l’article 62 de la loi du 9 janvier 1986 ; qu’elle est en outre constitutive d’un détournement de pouvoir dès lors que l’hôpital local n’avait d’autre but que de se soustraire au versement du traitement qui lui était dû s’il l’avait suspendu pour faute grave ;

— que l’hôpital local de Saint-Astier a commis une faute en ne réglant pas sa situation statutaire à l’expiration de la mise en disponibilité d’office ;

— qu’en application de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, l’hôpital local de Saint-Astier devait le suspendre de ses fonctions et engager une procédure disciplinaire à son encontre dès lors qu’il faisait l’objet de poursuites pénales et qu’il avait été placé en détention provisoire ;

— que la faculté laissée par la loi à l’administration de suspendre ou non un fonctionnaire placé en détention provisoire est discriminatoire, et méconnaît les stipulations de l’article 1er du protocole 12 annexé à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— qu’il a droit à une indemnité en réparation du préjudice causé par l’illégalité fautive entachant la position statutaire irrégulière dans laquelle il a été placé dès le 24 avril 2003 et où il a été maintenu jusqu’au 30 juin 2008 ;

— que son préjudice financier, qui résulte de l’absence de versement du traitement qu’il aurait dû recevoir s’il avait été placé dans une situation régulière, est important ; qu’en effet, entre le 24 avril 2003 et le 23 août 2003, il évalue son préjudice à la somme de 6 516 euros, correspondant à quatre mois de traitement à taux plein ; qu’entre le 25 août 2003 et le 24 avril 2006, son préjudice doit être évalué à hauteur de 26 064 euros, dès lors qu’il était censé passer à demi-traitement ; que la perte de chance d’avoir pu percevoir un traitement à taux plein entre le 25 avril 2006 et le 30 juin 2008 doit être chiffrée à 42 354 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l’ordonnance en date du 22 juillet 2011 fixant la clôture de l’instruction au 6 septembre 2011, en application des articles R.613-1 et R.613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2011 présenté pour l’hôpital local de Saint-Astier par le cabinet Coudray qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L’hôpital local de Saint-Astier fait valoir :

— que la créance dont se prévaut le requérant au titre de l’année 2003 est prescrite ;

— qu’il n’avait aucune obligation de suspendre M. X à la suite de son incarcération ou d’engager des poursuites disciplinaires sur le fondement de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

— qu’une mesure de suspension n’étant pas une position statutaire, elle n’a aucune incidence sur la situation administrative de M. X ;

— que la suspension du versement du traitement de M. X n’est pas une sanction disciplinaire ;

— que l’absence de paiement du traitement, conséquence de l’absence de service fait ne méconnaît pas l’article 1er du protocole 12 annexé à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— que le préjudice financier allégué par M. X n’est pas imputable à l’illégalité de sa mise en disponibilité d’office, dès lors qu’il ne pouvait prétendre à une rémunération en l’absence de service fait ; que la perte de rémunération alléguée est imputable à son incarcération ; que la gravité des faits dont il a été reconnu coupable a justifié sa radiation des cadres le 17 septembre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2011 :

— le rapport de M. Cristille, premier conseiller,

— et les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

Considérant que M. X, aide-soignant à l’hôpital local de Saint-Astier, a été mis en détention provisoire le 24 avril 2003 ; que, par une décision du 30 avril 2003, le directeur de l’hôpital local de Saint-Astier a placé M. X en position de disponibilité d’office à compter du 24 avril 2003 ; que la Cour d’assises de la Dordogne, par un arrêt du 30 mars 2006, a condamné l’intéressé à une peine de réclusion criminelle ; que M. X relève appel du jugement en date du 22 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’hôpital local de Saint-Astier à lui verser une somme de 74 934 euros en réparation du préjudice financier qu’il estime avoir subi du fait de l’illégalité de sa mise en disponibilité d’office et de son maintien dans cette position ;

Sur les conclusions aux fins d’indemnisation :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline./ Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’est prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, l’intéressé, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n’est pas rétabli dans ses fonctions, peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l’alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille » ;

Considérant que les dispositions précitées, qui ne font pas obligation à l’administration de prononcer la suspension qu’elles prévoient à la suite d’une faute grave commise par un fonctionnaire, ne sauraient créer de droits au profit du fonctionnaire incarcéré qui se trouve, au surplus, déjà éloigné du service ; que ces mêmes dispositions n’empêchent pas non plus l’administration d’interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d’un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l’incarcération de l’intéressé ; qu’il résulte de l’instruction que M. X a cessé son service comme aide-soignant à l’hôpital local de Saint-Astier le 24 avril 2003, date à laquelle il a été placé en détention provisoire ; que, dès lors, l’hôpital local de Saint-Astier a pu, sans commettre d’illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité, décider de ne pas suspendre M. X de ses fonctions tout en interrompant le versement de son traitement en l’absence de service fait ;

Considérant, d’autre part, que si l’hôpital local de Saint-Astier ne conteste pas avoir placé, à tort, M. X en position de disponibilité d’office au regard de la définition donnée par la loi statutaire de cette position, cette illégalité n’est pas à l’origine du préjudice financier résultant de la perte de chance de percevoir un plein traitement ou la moitié d’un traitement entre le 24 avril 2003 et le 30 juin 2008 que M. X invoque, dès lors que se trouvant en raison de son incarcération dans l’impossibilité d’accomplir son service, celui-ci avait perdu tout droit à traitement ; que le préjudice ainsi allégué est sans lien avec la faute de l’hôpital ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception de prescription quadriennale opposée en défense, que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. X, n’implique pas que la Cour enjoigne à l’hôpital local de Saint-Astier de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’hôpital local de Saint-Astier qui n’est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu’il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. X à verser à l’hôpital local de Saint-Astier la somme qu’il réclame sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l’hôpital local de Saint-Astier tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et à l’hôpital local de Saint-Astier.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2011, à laquelle siégeaient :

Mme Marraco, président,

M. Valeins, président-assesseur,

M. Cristille, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 janvier 2012.

Le rapporteur, Le président,

P. CRISTILLE M. MARRACO

Le greffier,

H. de LASTELLE du PRE

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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